Le Détective Hervé Mathoux a convoqué l’ancien arbitre international Tony Chapron dans le cadre de cette troisième enquête. L’homme en noir passe aux aveux sur les tentatives de corruption rencontrées lors de sa carrière, les menaces de mort qu’il a subies et évidemment son fight mémorable en plein match avec le défenseur brésilien Diego Carlos.
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00:00Ah ! Le fameux M. Chaperon !
00:05Sanctionner les gens ? Ça vous plaît ça, hein ?
00:08Les dirigeants corse nous menacent, nous insultent et nous menacent de mort.
00:13Ce jour-là, j'ai eu peur.
00:14En seconde période, on va vous enculer, vous êtes nuls, vous allez descendre.
00:17Vous pensez sincèrement qu'un arbitre peut dire ça ?
00:20Tu te sens mal à l'aise, là, M. Chaperon ?
00:21Non, non, non, parce que c'est bien.
00:22Tu connais pas le foot ?
00:24On vous voit en train d'essayer d'agresser le dénommé Diego Carlos.
00:28Vous avez l'air d'y regretter.
00:29C'est la fin de ma carrière.
00:45Ah ! Chaperon !
00:48Tony Chaperon !
00:51Le fameux M. Chaperon !
00:55Ça va ?
00:56Ça va, ça fait 24 heures que je suis là, on m'a toujours rien donné à manger et à boire.
01:00Rassurez-vous.
01:01Je sais même pas pourquoi je suis là.
01:03On va en parler, justement.
01:04Je vais vous donner quelques règles.
01:06Vous n'avez pas le droit de garder le silence.
01:07Toutes les questions que je vais vous poser sont maintenant analysées par mon assistant.
01:12Est-ce que c'est clair pour vous ? Vous ne savez pas pourquoi vous êtes là ?
01:14Pas pour l'instant, en tout cas.
01:16Pourtant, vous êtes un familier, M. Chaperon.
01:19Si j'en juge par votre casier, j'ai besoin de préciser.
01:23Allez-y, je vous écoute.
01:24Diffamation, délit d'initié, tentative d'homicide sur la personne de Diego Carlos.
01:29On est sur du lourd, du très lourd, là, non ?
01:31Vous en avez d'autres ?
01:32On verra.
01:34C'est vous qui allez nous le dire.
01:35On va procéder à un test pour étalonner la machine.
01:38Je vais vous demander de répondre brièvement et rapidement à mes questions.
01:43Vous vous appelez Tony Chaperon, vous êtes né le 23 avril 72 à Flair.
01:48Est-ce que c'est exact ?
01:49Jusqu'ici, tout va bien.
01:51Vous avez donc 52 ans, correct ?
01:54Correct.
01:56Ça fait 40 ans que vous avez 52 ans, M. Chaperon.
02:02C'est vraiment votre âge ?
02:04Ben ouais, mais...
02:06Oui, mais c'est bien fait.
02:09Où est-ce que vous avez trouvé des cheveux ?
02:11Où vous les avez mis ? C'est plutôt ça, la question.
02:14Votre prénom, c'est Tony ?
02:15Oui.
02:16C'est pas un prénom, ça ?
02:17Tony, c'est un surnom dans le milieu un petit peu olé-olé, non ?
02:21Ça fait vraiment de ma mère.
02:22Je crois qu'elle était fan de séries américaines.
02:25Dans votre cas, ça grave.
02:26J'imagine qu'au cours de votre carrière, vous avez donné des interviews.
02:30Est-ce que vous êtes arrivé de mentir au cours de ces interviews ?
02:34Non.
02:39Jamais ?
02:40Jamais.
02:41Ben c'est ce qu'on va voir.
02:52J'aimerais savoir où vous étiez le 19 février 1988.
02:57Pas à Hussie, visiblement, parce qu'ils vous attendent toujours là-bas.
03:01Ah oui, exact.
03:07Ça, c'est mon premier match.
03:09Premier match que je dois arbitrer.
03:11Et comme le terrain est gelé, le match ne va pas avoir lieu.
03:14Donc la première fois où je dois donner un coup de sifflet, je ne le donne pas.
03:17Voilà.
03:18C'est une façon de refuser l'obstacle.
03:20C'est un bon début, ça, dans la carrière.
03:22Ça commençait tellement bien que j'étais observé ce jour-là.
03:26Et la personne qui vient m'observer, qui est mandatée par la fédération,
03:29rentre dans mon vestiaire à une demi-heure du coup d'envoi.
03:32Mais comme plus personne n'est dans le stade,
03:34elle s'étonne que le stade soit vide.
03:36Elle me dit, mais pourquoi il n'y a plus personne ?
03:39Je suis arrivé en retard.
03:40Le match a déjà eu lieu.
03:41Elle a dit, c'est pas possible.
03:42C'est pas possible.
03:43Elle me dit, mais pourquoi il n'y a plus personne ?
03:45Je suis arrivé en retard.
03:46Le match a déjà eu lieu.
03:47Je lui explique que j'ai annulé le match parce que le terrain est gelé.
03:49Et il me fait comprendre que c'était plutôt une sage décision.
03:52Il me dit, mais est-ce que tu as fait signer la feuille de match par les capitaines
03:55pour attester que les gens étaient là ?
03:57Je dis, non, ça ne sert à rien dans la mesure où il n'y a pas de match.
04:00Sauf que le règlement prévoit que même si on annule un match,
04:02il faut attester que les équipes étaient là.
04:04Donc je n'avais pas donné un coup de sifflet que j'avais déjà fait une connerie.
04:07J'avais bien commencé ma carrière.
04:08Vous aviez peur ?
04:09Oui.
04:10J'avais froid déjà.
04:11Et ensuite, j'avais peur.
04:12Mais prendre un sifflet, ce n'est pas facile.
04:15OK.
04:17Vous aviez joué au foot avant ?
04:19Oui.
04:20Pendant dix ans.
04:21Oui.
04:23Et pour passer le temps entre deux matchs, vous décidez d'arbitrer ?
04:27Pas tout à fait, non.
04:28J'ai un dirigeant qui m'a demandé d'arbitrer les matchs.
04:30Parce que comme je passais pas mal de temps à engueuler les arbitres,
04:33il m'a dit, prends leur place.
04:34Comme ça, montre-nous ce que tu sais faire.
04:36Donc ça m'a un peu challengé.
04:37C'était aussi pour vous sortir du banc ?
04:39Vous serriez le banc comme joueur ?
04:40Non.
04:41Non, vous étiez bon ?
04:43J'étais un joueur correct.
04:44Mais pas de quoi faire une carrière professionnelle.
04:49D'accord.
04:50Arbitrage, ça vous a plu tout de suite ?
04:53Sanctionner les gens ?
04:55Ça vous plaît, ça ?
04:56Non, pas spécialement.
04:57Non ?
04:58Oui, ça m'a plu assez vite.
05:00Je vous montre ça.
05:02Ça vous fait quoi ?
05:03Ça vous excite un peu, non ?
05:05Non, puis en plus, celui-ci est tout pourri.
05:07Il a peut-être été trop utilisé, M. Chaperon.
05:10Je vois que vous véhiculez les clichés.
05:13Mais alors, allez-y.
05:15Juste à 17 ans, vous dites,
05:18quitte à être seul, je vous cite,
05:20autant continuer dans l'arbitrage.
05:22Vous déclarez ça à Ouest-France.
05:24Vous étiez en pleine déprime, là ?
05:26En général, on regarde plutôt les joueurs que les arbitres.
05:29Ça dépend.
05:30Vous, vous regardez beaucoup ?
05:32J'en sais rien.
05:33Vous faisiez tout pour qu'on vous regarde, hein ?
05:35J'ai pas l'impression.
05:36Non ?
05:37Si vous le dites, c'est parce que vous regardez les matchs de foot, aussi.
05:39Ça m'arrive.
05:40Ça m'arrive.
05:41On se renseigne, on travaille.
05:42Encadrer, surveiller,
05:43c'est quelque chose qui vous plaît, globalement, dans la vie ?
05:46J'ai un nom qui s'y prête bien, d'ailleurs.
05:48Chaperon ?
05:49C'est vrai.
05:50Être chaperon, c'est...
05:51C'est chaperonner.
05:52Chaperonner quelqu'un.
05:53C'est l'aider et l'accompagner.
05:54Et si je vous dis pion, ça vous parle ?
05:56Ouais.
05:58Ça rime avec sanction, pion ?
06:00Ben, non.
06:01Non ?
06:03J'ai pas l'impression.
06:04Non, non, pas du tout.
06:05Je vais vous rafraîchir la mémoire, M. Chaperon.
06:12Surveillants.
06:13Ils sont près de 1600 à répondre à cette jolie dénomination, rien que dans l'académie de Caen.
06:18Nous sommes au lycée Louis-Lillard, à Falaise,
06:20et c'est l'heure de la mise à jour des bulletins de col.
06:23Pion, ça rime avec sanction ?
06:26Ben, pas toujours.
06:27Malheureusement, c'est une partie aussi importante du travail,
06:32mais je pense pas qu'on soit détentionnés.
06:35L'envie du travail, c'est rationnel avec les élèves.
06:38Je crois qu'on en a assez vu.
06:40Ça vous fait quoi de voir ces images ?
06:42Ben, c'est assez marrant parce que je me souviens de certains élèves.
06:44Vous aviez 25 ans à l'époque, c'est ça ?
06:46Oui.
06:47Je vais me faire croire ça.
06:48A 25 ans, vous avez la tronche que vous avez ?
06:49Ouais.
06:50J'ai beaucoup changé.
06:51Ben, écoutez, quand j'étais étudiant, j'étais pion en même temps.
06:56Je payais mes études en étant surveillant.
06:58Vous vous souvenez des élèves ?
06:59Ouais.
07:00Ben, il y en a qui se souviennent de vous aussi, tiens.
07:02Je vais vous faire écouter un petit témoignage.
07:08Oui, j'étais au lycée à Falaise.
07:11Je me rappelle de M. Chaperon.
07:13À la fin de la récré, pour qu'on arrête de jouer au foot,
07:15il nous faisait des plaques par derrière.
07:17C'était un peu bizarre.
07:20Vous étiez un pion dur ?
07:22Je crois pas, non.
07:23Juste ? Sévère mais juste ?
07:26Comme sur le terrain.
07:27Bon souvenir, en tout cas, cette expérience ?
07:29Ouais, très bon.
07:30Ça vous a donné envie de diriger les gens un peu ?
07:32De sanctionner les gens ou pas ?
07:33Non, pas du tout.
07:34Non, non.
07:35En plus, j'avais un chef d'établissement qui était fan de foot,
07:37qui était très sympa,
07:38qui me libérait pas mal de temps pour mes matchs.
07:40C'était cool.
07:41Mais vous aviez ça en vous, l'envie d'incarner la loi, non ?
07:45Peut-être que j'aime bien l'ordre.
07:47Ça fait partie aussi des traits de caractère.
07:49C'est possible.
07:50Un peu comme votre collègue.
07:51Vous êtes M. Propre, c'est ça ?
07:53C'est un surnom qu'on m'a donné.
07:54Ah ouais ?
07:55Mais il me manquait un peu les muscles.
07:56Un peu ?
07:58Beaucoup même.
08:00Comme ça vient de vous, ça me gêne pas trop.
08:05On va pas se mentir,
08:06vous êtes considéré par vos pères comme une tronche.
08:10Un cerveau.
08:11Votre truc, c'est plus le cerveau que les muscles.
08:13Maîtrise de STAPS,
08:14DEA de sociologie,
08:16diplôme universitaire,
08:17doctorat à Paris-Nanterre.
08:19On a un petit problème là quand même, M. Chaperon.
08:22Vous reconnaissez cette thèse ?
08:28L'arbitre, ses fonctions éthiques.
08:30C'est pas mal, c'est intéressant.
08:32Ça en claque, mais je regarde à l'intérieur.
08:34C'est pas de moi, ça.
08:35Page blanche, page blanche, page blanche, page blanche.
08:38Vous auriez pu aller jusqu'à la 30ème page.
08:40C'est quoi ce travail pas fini ?
08:41J'avais fait que 100 pages.
08:42100 pages.
08:43Ils sont où les 100 pages ?
08:44Ça, en effet, j'ai pas soutenu ma thèse de Sciences Po.
08:47C'est une thèse de Sciences Po ?
08:48Alors, c'était pas exactement ça le titre.
08:50C'est quoi ?
08:51C'est un article que j'ai écrit dans une revue scientifique.
08:53On en parle de votre thèse ?
08:55Écoutez, je vais peut-être la reprendre.
08:57Finalement, il n'est jamais trop tard.
08:58C'était quoi le titre, alors ?
08:59Vous vous accusez d'avoir pas pris le bon titre.
09:01C'était la justice sportive.
09:04Comment rendre la justice sur un terrain de football.
09:08Et donc, vous avez pas trouvé les solutions ?
09:10Bah non, je les cherche encore.
09:11Ouais.
09:13Vous êtes un chercheur, mais un chercheur qui cherche, pas qui trouve.
09:16Mais qui trouve jamais.
09:17Comme beaucoup de chercheurs.
09:18On a un autre petit problème, M. Chaperon.
09:25Pion ?
09:27CPE ?
09:28Enseignant ?
09:29Chercheur ?
09:30Mais il y en a aussi ?
09:31Flic ?
09:32C'est quoi cette histoire ?
09:33Vous êtes policier ?
09:34Vous êtes un indique ?
09:35Bah non.
09:36Ça, c'est Wikipédia.
09:38On a quand même trouvé ça dans votre sac.
09:42Bon, expliquez ça.
09:43C'est pour vos soirées ?
09:44Ouais, certainement.
09:46Non, policier ?
09:47Non, mais j'ai jamais été policier.
09:48Alors, sur les temps, ça me pose un problème.
09:50Parce que dans certains quartiers de ma ville,
09:53il y a des gens qui pensent que je suis policier.
09:55Donc, je préfère qu'on dise tout de suite que je n'ai jamais été policier de ma vie.
09:58Vous n'avez jamais travaillé pour la police ?
10:00Non.
10:01Mais en même temps, vu que vous êtes des représentants de la police,
10:04je vois qu'on est bien fournis.
10:11Est-ce que vous connaissez ce consultant ?
10:16Mika Madard.
10:18Bah ouais.
10:19Et alors ?
10:20Mika, j'ai arbitré son dernier match.
10:23Vous l'en racontez ?
10:26À Créteil.
10:27Donc, il joue là-bas.
10:29Il fait une pige parce qu'il arrête sa carrière.
10:31Et je crois qu'il a été pris en grippe par le public.
10:34Et au moment où il est remplacé, il enlève son maillot.
10:37Et je crois qu'il fait un geste un peu obscène à l'encontre du public local.
10:42C'est-à-dire ? C'est quoi ce geste ?
10:44Je crois qu'il leur a fait un bras d'honneur.
10:46Moi, j'ai mis un carton rouge.
10:48Donc, Mika, il a fini sa carrière avec un carton rouge.
10:51Ça vous plaît d'avoir mis la fin à la carrière brillante de Mika Madard ?
10:54Non, non, pas du tout.
10:55Alors ça, ça nous fait beaucoup rire.
10:56Malheureusement, il a fini comme ça, alors qu'il avait fait une carrière brillante.
10:59C'est dommage de l'avoir terminé comme ça.
11:01Ça vous fait rire ?
11:02Ça vous fait rire de mettre des cartons rouges ?
11:04Non, mais je ne savais pas que...
11:05C'est son comportement qui m'avait fait beaucoup rire.
11:07Mais je ne savais pas que c'était son dernier match.
11:09En tout cas, je ne savais pas que ça le serait comme ça.
11:10Et vous n'avez pas eu de compassion pour lui ?
11:12Il se fait insulter par la foule, etc.
11:17On est arbitre, comme on se fait insulter à tous les matchs.
11:20Nous, on est habitué, donc on supporte.
11:21On ne fait pas toujours des bras d'honneur à chaque fois qu'on est insulté.
11:24Parce que sinon, on passerait notre temps à le faire.
11:29Combien de cartons rouges ?
11:31Vous ne savez pas, vous ne les comptez plus ?
11:33Non, mais je ne les ai jamais comptés.
11:35Vous ne les comptez pas ?
11:36Vous n'avez pas chez vous un petit carnet où vous mettez
11:38« Ah, bonne journée aujourd'hui, deux cartons rouges ! »
11:40Non, non, pas du tout.
11:42On va vous montrer quelque chose, M. Chaperon.
11:44Quelques photos.
11:48Dites si vous connaissez ces personnes.
11:52Merci, assistant.
11:53Il n'est pas très bavard, votre pote.
11:55Il n'est pas là pour parler.
11:56D'accord.
11:57Cédric Lécleuse.
11:59Nancy.
12:00Tu vas fermer ta gueule, toi ?
12:03Raphaël Schmitz.
12:04Valenciennes.
12:05En seconde période, on va vous enculer, vous êtes nuls, vous allez descendre.
12:10Didier Deschamps.
12:11Vous avez oublié deux penalties, vous êtes nuls.
12:14Bah oui, comme vous.
12:15Ah, bravo.
12:16Bravo la réplique, M. Chaperon.
12:20Zlatan.
12:21Tu veux faire le boss, c'est ça ?
12:23Le point commun de toutes ces déclarations.
12:26Hanom.
12:30Tony Chaperon.
12:31Vous parliez aux joueurs comme ça ?
12:32Vous parliez mal aux joueurs ?
12:33Pas tous, en tout cas, mais certains.
12:38C'est possible que j'ai dit ça, ou je lui ai dit « Ferme-là ».
12:41C'est possible que j'ai dit ça, ou je lui ai dit « Ferme-là ».
12:44On était dans le vestiaire et il m'avait invectivé à la sortie dans le tunnel.
12:47Donc je l'avais envoyé à Bel-Aladé, j'avais été suspendu par la Fédération pour ça.
12:51Donc ça, je l'assume.
12:54Deuxième.
12:55C'est qui, lui ?
12:56Raphaël Schmitz.
12:57D'accord. Condamné par le tribunal de Caen pour diffamation.
13:00Parce qu'il a dit que vous avez dit ça, c'était faux ?
13:02C'était faux.
13:03Condamné par la justice ?
13:04Ouais.
13:06Lui et son président.
13:08OK.
13:09Vous pensez sincèrement qu'un arbitre peut dire ça sur un terrain de foot ?
13:12Tout est possible.
13:13Non, ça, c'est pas possible.
13:15Vous êtes plus élégant que ça, c'est ça que vous voulez nous dire ?
13:17Non mais il faudrait être taré pour dire « Vous allez descendre, vous êtes nuls ».
13:21Mais en revanche, je peux vous expliquer ce qui s'est passé.
13:24Bah, dites.
13:25Donc on est à la 43ème minute, je dirais.
13:28Et il y a un coup franc pour Valenciennes.
13:30Il y a des joueurs de Valenciennes, ils sont deux, qui me disent « Eux, tu leur mets jamais de carton ».
13:33C'était contre Bordeaux, je crois.
13:35Je dis « On va pas faire un match en mettant des cartons ».
13:37Je dis « Mais si vous voulez vraiment des cartons, je peux vous mettre un carton à chaque faute ».
13:40Mais le problème, c'est que vous allez en prendre vous aussi.
13:42Donc ça s'est transformé en « Je vais vous enculer ».
13:45C'était pas tout à fait pareil.
13:46Certains sont allés déclarer à la presse que j'étais venu dans le vestiaire en amie-temps
13:51pour leur dire que j'allais les enculer.
13:53Mais il faut être cintré pour raconter ce genre de trucs.
13:56Bon bref.
13:57Donc, en tout cas, M. Schmitz a été condamné par la justice.
14:00Vous essayez pas de nous embrouiller là.
14:02Non, c'est vérifiable.
14:03OK.
14:04Méchant.
14:05Oui, c'est un truc qui nous a fait rire.
14:07D'ailleurs, quand je l'ai rencontré récemment…
14:09Ah oui, vous rigolez avec toutes vos victimes.
14:11Pas toutes, non.
14:13Mais lui en particulier.
14:14Si, parce qu'en fait, là, on est à Bordeaux encore.
14:16Donc là, il me prend à partie en disant que je vais pas avec les banques, etc.
14:20Moi, sous forme de boutage, j'ai dit « J'aurais pu vous dire la même chose ».
14:24Vous avez bien discuté.
14:25Ben oui, ça fait partie des échanges.
14:29OK.
14:30Zlatan ?
14:31Alors ça, c'est génial.
14:33Il s'en prend violemment à ça.
14:35Qui est-ce qui a pu écrire ce truc ?
14:37C'est l'histoire du ballon, ça ?
14:38Ouais.
14:39L'histoire du ballon.
14:40On a d'ailleurs une pièce à conviction, assistant.
14:42Vous avez ramené le ballon ?
14:43On n'a pas le ballon, non.
14:44Expliquez-nous.
14:45Expliquez-nous cette histoire.
14:46Zlatan fait un triplé, c'est ça ?
14:47Bon, c'est vrai que c'est plutôt un truc que font les anglo-saxons en France.
14:51C'est venu, mais c'est pas trop une tradition.
14:54Mais en tout cas, on offre le ballon au joueur qui a marqué un triplé.
14:58Et il fait « The Ball ».
15:01Il vous parle mal ?
15:02Bah, c'est pas une façon très respectueuse de s'adresser aux gens.
15:05Donc moi, quand il me fait ce geste-là, je lui dis pardon.
15:10Il me dit « The Ball ».
15:12Moi, je dis non, il manque des mots, là.
15:16Je sais pas si vous avez des enfants, mais moi, je les éduque comme ça.
15:18C'est-à-dire que s'il vous plaît, merci, c'est important.
15:20Vous vouliez éduquer Zlatan ?
15:22Bah, jamais trop tard.
15:23En tout cas, je voulais lui rappeler qu'on se devait un minimum de respect l'un des autres.
15:28Et en l'occurrence, je lui dis non, je vous donnerais pas le ballon dans ces conditions-là.
15:31Mais alors lui, il m'a attendu dans le tunnel, parce que c'est un garçon malin.
15:35Et là, il me prend un parti et il me dit « Tu veux faire le boss devant les caméras ? »
15:38C'était pas l'idée.
15:40L'idée, c'était de lui montrer que c'est pas parce que je suis arbitre qu'on devait me manquer de respect.
15:44Parce que vous voulez vous faire plus respecter que les autres ?
15:47Non, c'est-à-dire que je suis pas plus respecté que les autres,
15:49mais qu'on me respecte au même titre que les autres.
15:52Et quand on trouve ça, dans votre shop d'hôtel, vous avez des explications ?
15:57Ça, ça m'étonnerait, parce qu'en plus, c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup.
16:00Parce que vous rentrez dans les chambres d'hôtel aussi.
16:02C'est pour ça que vous avez trouvé les manettes et les portes-lèvres de Mickey Roudard.
16:05On travaille, M. Chaperon, on travaille.
16:07Et donc, non, Zlatan, en plus, c'est un gars que j'aimerais bien revoir.
16:12Pas sur ce soir aussi, mais en tout cas, j'aimais bien le joueur.
16:17Il vous a mis son côté tête de mule, vous vous reconnaissiez un peu là-dedans, non ?
16:21J'aimais bien...
16:23Aller au fight.
16:24L'affrontement, parce que c'est un joueur qui cherche l'affrontement.
16:26Et je pense que vous gagnez le respect si vous lui tenez un minimum.
16:30Finalement, j'aimais bien ce jeu de rôle qu'on avait l'un et l'autre.
16:37Je vais vous montrer quelques visages.
16:39Et vous allez nous dire si vous avez eu des mêlées avec ces personnes.
16:44Nous en dire un peu plus.
16:46Samir Nasri.
16:47Problème, pas problème ?
16:48Aucun.
16:49Normal, vous l'avez rarement arbitré.
16:51Je sais pas, peut-être quand il a joué à l'OM, non ?
16:53Peut-être.
16:54Il a joué de quand à quand à l'OM ?
16:56Au début de sa carrière.
16:57D'accord.
16:58Vous connaissez rien au foot ?
16:59Il est déjà vieux.
17:00C'est pas votre truc de foot ?
17:01Il est déjà vieux.
17:02Vous êtes enquêteur, mais pas...
17:04Je vous rappelle que c'est moi qui pose les questions.
17:05D'accord, d'accord, ok.
17:06Très bien.
17:07Balotelli.
17:08Ah oui, Marco !
17:09Mario, pardon.
17:10Je l'ai expulsé plusieurs fois, lui.
17:12C'était votre kiff ?
17:13Non, alors lui, il était pénible.
17:15Et vous l'avez expulsé pour quoi ?
17:16Une fois, il a mis un coup de pied, je crois, à un adversaire.
17:19Mais il m'avait dit d'aller me faire voir.
17:21Là, je suis poli.
17:22Il m'avait pas dit comme ça.
17:24Et lui, quand il est arrivé, vous l'aviez déjà expulsé.
17:26Vous le lui a envoyé.
17:27Vous lui dites, toi, mon coco, t'as intérêt à te tenir à carreau ?
17:31J'avais déjà dû l'arbitrer un paquet de fois, sans lui mettre de carton.
17:35Mario Yepes ?
17:37Mario...
17:38Ah, ça fait parler, ça, hein ?
17:39Un spécialiste du tirage de maillot, Mario Yepes.
17:42Et il se trouve qu'on marquait quasiment plus de buts sur les corners.
17:46Et c'était lié, essentiellement, au tirage de maillot.
17:49Et on avait vu plusieurs fois Mario Yepes faire des tirages de maillot.
17:54Et moi, quand j'ai arbitré Sochaux au PSG, on est au début de la saison,
17:58et je vois Mario Yepes tirer deux fois...
18:00Enfin, tirer une première fois le maillot.
18:02Donc, moi, je siffle pénalty.
18:03Et comme il pensait que, comme j'avais déjà sifflé un pénalty,
18:05j'allais pas siffler un deuxième,
18:06nous, on nous demande de sanctionner les tirages de maillot.
18:10Donc, je continue.
18:11Donc, deux fois, deux pénalty.
18:13Ce qui m'a valu...
18:14Ça, je crois que c'est le début de ma réputation aussi, un peu.
18:17Je continue.
18:20Kylian.
18:21Moi, j'aime bien ce garçon.
18:23Moi, je l'ai vu à ses débuts, surtout.
18:25Il a un peu changé son comportement, aussi.
18:27Vous trouvez qu'il a le melon ?
18:29Après, c'est difficile, quand on a 20 ans et que vous êtes une star mondiale,
18:32de garder les pieds sur terre.
18:33Moi, je me mets à la place d'un gamin à qui on donne une fortune
18:37et qui doit se comporter de façon exemplaire en permanence.
18:40C'est compliqué.
18:41Vous avez des embrouilles ou pas ?
18:42Non.
18:43Ça vous manque à votre palmarès ?
18:45Non, pas du tout.
18:47Pour moi, c'était un joueur presque transparent,
18:49mais comme la plupart d'entre eux.
18:51Sur un terrain de foot, vous avez 80 % de joueurs transparents
18:54qui jouent sans vous emmerder, en fait.
18:57Après, c'est comme dans une classe.
18:59Vous avez 10 % de chieurs,
19:01et puis 10 %, on va dire, d'agités.
19:05Et lui, c'est un agité ?
19:08J'ai eu du mal à le reconnaître.
19:10Je ne sais pas pourquoi vous montrez cette photo,
19:11mais j'ai déjà eu assez de problèmes avec cette histoire.
19:13Donc, c'est l'entraîneur d'Algérie.
19:15El Mahdi.
19:16Il se trouve qu'il fait une déclaration qui est lunaire.
19:19Il perd contre le Cameroun.
19:20Visiblement, ils n'étaient pas très contents du masque
19:23que l'arbitre avait fait.
19:26Il dit qu'il était au salon,
19:28qu'il était en train de boire un café
19:30et de manger un millefeuille.
19:32Et moi, je me suis dit qu'en Algérie, on est trop gentil.
19:34Je ne dis pas qu'il faut le tuer.
19:37Je ne sais pas ce qu'il voulait dire par là,
19:39mais cette phrase d'un...
19:41Je ne dis pas qu'il faut le tuer,
19:42mais c'est complètement irresponsable.
19:44Je me suis fâché quand j'ai entendu ça.
19:46Je trouve que c'est inadmissible.
19:47Et quand on est un entraîneur de haut niveau,
19:49et notamment quand on est un sélectionneur,
19:51c'est le genre de déclaration dont on devrait se passer.
19:53Vous êtes le chevalier blanc un peu, Tony Chabron.
19:55Moi, j'aime bien m'élever contre l'injustice, oui.
20:00Et ça, c'est juste ?
20:03La coupe de cheveux.
20:04Vous n'y êtes pour rien, sur la coupe de cheveux ?
20:06Sur la coupe de cheveux, non.
20:07Je ne suis pas conseiller capillaire.
20:08Pas votre spécialité, là.
20:09Alors, c'est vrai qu'on n'a pas été toujours amis.
20:12Je trouve qu'il avait insulté des membres de ma famille,
20:15sur le terrain.
20:16Ce qui lui avait valu un carton rouge.
20:19Des membres de votre famille ?
20:20Vous arbitrez avec vos enfants, avec votre femme ?
20:23Non, avec ma mère.
20:24Ah, mais pas directement à votre mère.
20:26Il a fait une insulte classique sur la mère, quoi.
20:29Voilà, classique, voilà.
20:30Mais moi, je n'aime pas trop ce genre d'insulte classique,
20:33comme vous le dites.
20:34Non, mais il y a un truc que vous ne comprenez pas.
20:36C'est qu'un arbitre, quand il met un carton rouge,
20:37il n'a aucun plaisir.
20:38Ah, c'est jouissif, quand même.
20:40Non.
20:41De dire, le gars, tu m'emmerdes.
20:42Tiens, tu sors.
20:43C'est moi qui le décide.
20:44Peut-être pour vous, dans la police, c'est dans vos pratiques,
20:47mais quand on est arbitre, non.
20:49Ouais.
20:55On a beaucoup de dossiers, M. Chaperon.
20:57On a piqué, là.
20:58On a beaucoup travaillé.
20:59Même si vous permettez des remarques sur notre travail.
21:02Ce petit coin, là.
21:04Ah.
21:05Moi, j'aimais beaucoup passer mes vacances là-bas, à l'époque.
21:08C'est vrai ?
21:09On parlait au passé ?
21:10C'est vous, là ?
21:11Non, c'est pas moi.
21:12J'ai eu un doute, à un moment donné.
21:14Ouais, c'est normal, avec le corps, je comprends.
21:16Non, c'était pas le corps, c'était le slip de bain.
21:18Oui, la Corse, c'est un endroit que j'aime beaucoup.
21:21Malheureusement, je n'y vais plus très souvent.
21:23Vous y alliez avant, en vacances ?
21:25Ouais, j'y allais tous les ans.
21:26Ah ouais, tous les ans ?
21:27Qu'est-ce que vous cherchiez, là-bas ?
21:29C'est un pays magnifique.
21:30Vous avez tout.
21:31Vous avez la plage, vous avez la montagne.
21:33Et pourquoi vous ne pouvez plus y aller ?
21:35J'évite.
21:36Ça m'évitera des problèmes, je pense.
21:38Je ne suis pas toujours très bien accueilli quand j'ai l'air vite là-bas.
21:41On a retrouvé ça sur un départemental Corse.
21:43Ça vous appartient ?
21:45Non, pourquoi ?
21:47Vous n'avez jamais eu des véhicules dégradés, là-bas ?
21:49Ah oui !
21:50Ça, c'est la fin de l'histoire.
21:51J'aimerais avoir le début de l'histoire.
21:53Racontez-moi.
21:54Racontez-moi l'histoire.
21:55Vous connaissez ce dicton qui dit que quand on montre la Lune à un idiot, il regarde le doigt ?
21:59C'est ce qui s'est passé en Corse.
22:01Vous étiez en train de montrer la Lune, c'est ça ?
22:03Non, pas du tout.
22:04C'est qu'il y a eu des idiots qui ont regardé le doigt.
22:06Expliquez-nous, parce qu'on ne comprend rien.
22:08N'essayez pas de nous embrouiller, là, M. Chaperon.
22:10Ce jour-là, c'est Ajaccio Monaco.
22:14Monaco gagne 1-0, je crois, à Ajaccio.
22:18J'ai exclu un joueur Corse avant la mi-temps.
22:20C'est vrai que c'était un crime de lèse-majesté.
22:23On n'exclut pas un joueur Corse.
22:24Je me suis fait un pénalty pour Ajaccio, qu'ils ont raté.
22:26Et surtout, quelques minutes avant la fin du match,
22:30il y a un joueur de Monaco qui va faire une touche.
22:32Et au moment où il fait la touche, il y a un spectateur.
22:35Je ne sais pas ce qu'il fait là.
22:36D'ailleurs, il est sur l'air de jeu.
22:38Et il s'en prend au joueur.
22:39Et il l'invective en tenant des propos racistes.
22:41Et donc, je dis à cette personne.
22:43Je la refouge.
22:44Donc, je demande à ce qu'on l'exclue du terrain.
22:47Et lorsque je demande ça, il y a un dirigeant Corse en particulier
22:51qui vient et qui s'en prend à moi.
22:53Pour qui tu te prends ?
22:54À la mesure où il a tenu des propos insultants, il dégage.
22:57Et bien, tant que vous y êtes là, vous passez de l'autre côté de la main courante.
23:00Je ne vais plus vous voir.
23:01Vous expulsez le directeur de la Sécurité ?
23:03Oui.
23:04Qui est en train de m'insulter.
23:05Donc, ça me semblait un peu légitime.
23:07Et donc, le match se termine.
23:09Ça, c'était juste avant le coup de sifflet final.
23:11Et lorsque le match a été terminé, il y a eu un attroupement.
23:14Il y a des gens qui sont rentrés sur la pelouse,
23:16dont le président du club, dont le directeur de la Sécurité,
23:18et qui nous ont entourés.
23:19Il y avait une vingtaine de personnes qui étaient là.
23:21On est sur le terrain, là.
23:22On est à la fin du match.
23:23Les dirigeants Corse nous menacent,
23:27nous insultent
23:29et nous menacent de mort.
23:32On va demander à être escortés par la police pour quitter le stade.
23:36C'est là où ils ont cassé la voiture.
23:38On est allés à l'hôtel.
23:39Attendez-nous dans l'hôtel.
23:40Dans un quart d'heure, on viendra avec une voiture banalisée.
23:42On se garde devant.
23:43Vous montez dans la voiture, on vous emmène au commissariat.
23:45À l'aéroport, non ?
23:46Non, au commissariat.
23:47Mais là, il est minuit d'une heure.
23:50Et il est trois heures du matin quand on a fini nos dépositions.
23:52Et là, tu poses la question,
23:54est-ce qu'on va à l'aéroport d'Ajaccio ?
23:56Ils nous ont menacés de nous retrouver à l'aéroport.
23:58Et donc, on décide de prendre un taxi
24:00et de ne pas prendre l'avion à Ajaccio,
24:02mais d'aller le prendre à Bastia.
24:03Et donc, on a pris l'avion à Bastia pour rentrer sur le continent.
24:07Donc ça, c'est l'histoire telle qu'elle s'est produite.
24:12Ensuite, il y a eu, comme toujours, une diversion.
24:15C'est-à-dire que vous êtes accusé de menace de mort, d'insulte,
24:19et j'en passe.
24:20C'est quoi votre ligne de défense ?
24:23C'est pas vrai.
24:24Il y a quatre témoins.
24:25Ils créent une diversion.
24:27Et ça marche.
24:28On ne retient pas le fait qu'on a été menacé de mort,
24:30que la voiture a été cassée, etc.
24:32On ne retient pas ça.
24:33On a retenu.
24:34Chaperon a fait un doigt.
24:35Donc moi, j'étais convoqué par la commission de discipline de la Ligue,
24:38qui a reconnu qu'il n'y avait pas eu de doigt fait au public d'Ajaccio.
24:42Parce que, je vais vous expliquer pourquoi,
24:44moi, à un moment donné, je lève le doigt.
24:46Ah, vous levez le doigt, là, comme ça, subitement.
24:48On fait l'échauffement avec mes assistants.
24:50Et parfois, quand on regagne le vestiaire,
24:53on a un petit jeu.
24:54C'est le premier arrivé dans le tunnel ou dans le vestiaire,
24:57parce qu'il n'y a pas de tunnel à Ajaccio.
24:59C'est le premier arrivé à la porte du vestiaire.
25:01Et donc, on fait une course.
25:02C'est la fin de notre échauffement.
25:04On accélère.
25:05Et moi, quand j'arrive devant la porte,
25:06je fais comme Usain Bolt.
25:07Je lève le doigt.
25:08C'est moi qui ai gagné.
25:09Voilà.
25:10Ça s'est transformé.
25:11Ah, il a fait un doigt d'honneur.
25:13Alors, si...
25:14Et c'est là où c'est dommage.
25:16C'est là où c'est dommage que vous n'ayez pas l'image.
25:18Parce que si on avait eu l'image,
25:19vous auriez montré qui était là au moment où je lève la main.
25:22Il y a le vice-président d'Ajaccio.
25:24Il y a plusieurs dirigeants d'Ajaccio
25:27qui me verraient faire un doigt au public
25:30et qui seraient sans réaction.
25:31Donc, cette histoire a été inventée 48 heures plus tard
25:34pour me discréditer et pour faire oublier
25:36que ce jour-là nous avait menacés de mort.
25:39OK.
25:40On a l'image, en fait.
25:41Ah, très bien.
25:42On l'analysera.
25:44Vous n'avez jamais peur, M. Chaperon ?
25:47Ce jour-là, j'ai eu peur.
25:49Parce que quand vous êtes menacé de mort,
25:51ça ne vous fait pas trop rigoler.
25:52C'est juste un match de foot, quand même.
25:53Il faut relativiser.
25:55C'est la dernière fois de votre vie que vous êtes allé en Corse ?
25:57Je crois que j'y suis retourné ensuite, à Bastien.
26:00Ça s'est mieux passé ?
26:02Pas sûr.
26:03Ben, ça n'a pas été menacé de mort, c'est déjà ça.
26:05Vous vous êtes dit, je ne peux plus aller en Corse du Sud,
26:07tiens, je vais bétonner la haute Corse.
26:10Après, il me reste la Sardaigne.
26:12Je verrai ce que je peux faire.
26:14Vous êtes une tête brûlée, hein ?
26:17Non.
26:20J'ai un truc à vous montrer.
26:23Ce genre d'instrument, là.
26:25Vous reconnaissez ça ?
26:29Ça sert à quoi, ça ?
26:31C'est moins sophistiqué que le mien, mais celui-ci est pas mal.
26:33Ça sert à enregistrer les conversations que j'ai avec mes assistants.
26:36D'accord.
26:37Je m'en suis servi pendant des années.
26:39On est d'accord que ce n'est pas le système
26:41qui permet de parler entre assistants et arbitres ?
26:43Non, on avait ça.
26:44Comme j'en avais assez de me faire prêter des propos que je ne tenais pas,
26:48un jour, je me suis dit, je vais acheter ce genre de dispositif.
26:51Je vais le brancher sur le système,
26:53parce que nous, on a un système, on est équipé pour communiquer entre nous.
26:56Je le branche là-dessus.
26:57Toutes nos conversations seront enregistrées.
26:59Et si un joueur vient un jour dire que je lui ai mal parlé, etc.,
27:03on aura la bande.
27:04C'est légal, ça ?
27:05Dans la mesure où les personnes sont prévenues.
27:08Vous préveniez les joueurs que vous avez un enregistreur ?
27:10Non.
27:11Je préviens mes assistants, parce que c'est eux qui sont enregistrés.
27:13Je n'enregistrais pas les joueurs.
27:14J'enregistrais nos conversations.
27:16Vous n'avez pas un enregistreur sur vous, là ?
27:18Non.
27:19Je suis venu sans.
27:21Mais c'est vous qui avez mis plein de trucs, là.
27:23Vos trucs de chaîne, c'est bizarre.
27:25Et vous l'avez utilisé ?
27:27Vous avez utilisé ces enregistrements ?
27:28Ouais.
27:29À quelle occasion ?
27:31C'était pour un de mes assistants,
27:32qui avait été accusé d'avoir tenu des propos racistes.
27:35Et donc, ce jour-là, on avait l'enregistrement.
27:37Vous avez fourni l'enregistrement.
27:39Et vous avez arrêté ça quand ?
27:41Je ne l'ai jamais arrêté, je l'ai gardé.
27:42Jusqu'à la fin de votre carrière ?
27:44Hum ?
27:45Vous trouvez que les arbitres
27:46devraient avoir ça sur eux ?
27:48Comme ils ont les conversations au Var,
27:49elles sont toutes enregistrées.
27:50Mais je trouve que c'est un bon dispositif.
27:52Et alors, quelque part, j'ai été presque un pionnier.
27:55C'est-à-dire qu'en utilisant ça,
27:57je pense que c'est un bon outil.
27:59En plus, c'est un bon outil pédagogique.
28:02Je pense qu'on pourrait l'utiliser
28:03pour expliquer comment sont prises les décisions.
28:06Et vous ne pouviez pas chambrer, du coup,
28:08quand vous aviez ça ?
28:09Vous ne pouviez pas faire une petite phrase, là ?
28:11T'es nul ?
28:12Mais je sais, jamais je ne faisais ça.
28:14Je ne disais pas à un joueur, t'es nul.
28:16Ce n'est pas possible.
28:17Je pouvais répondre.
28:19Comme avec Deschamps, par exemple.
28:21Quand lui, il me provoque,
28:23ça s'appelle de la répartie.
28:25Et un arbitre, il a le droit d'avoir de la répartie ?
28:28Je ne vois pas pourquoi.
28:29Il pourrait se faire insulter en permanence
28:30et ne jamais s'exprimer.
28:40Combien de pochettes comme ça ?
28:41Il y en a beaucoup.
28:43Écoutez, ce qu'on a recueilli,
28:44c'est vous qui parlez.
28:45Et quand vous voyez un superbe but
28:47et que vous vous dites
28:48que c'est une petite faute,
28:50le geste est tellement beau que tu le valides.
28:53Ça changera quoi, en fait, à l'histoire ?
28:55D'accord.
28:56Moi, je marque un but de la main,
28:57je fais une roulade.
28:58Et il y a but.
28:59Non.
29:00Voilà.
29:02Ça vous accordait ?
29:03Il est magnifique, ce but, non ?
29:05C'est vrai que vous ne connaissez pas le foot,
29:07mais pour ceux qui connaissent,
29:09vous connaissez l'histoire d'Osser Dortmund.
29:12Oui.
29:13Un but espagnol.
29:14Vous ne connaissez pas le foot ?
29:15Visiblement un peu plus
29:16que ce que vous voulez me laisser croire.
29:18But de l'Islande.
29:19À peu près la même chose.
29:21Pourquoi l'avoir refusé ?
29:22C'est un but valable, surtout.
29:23C'est ça, la question, non ?
29:24Là, c'est un but valable aussi.
29:26Il est beau.
29:27Après, ça se discute.
29:28Est-ce qu'il met en danger son adversaire ?
29:30Est-ce que ce n'est pas l'adversaire
29:32qui met sa tête là où il ne faudrait pas ?
29:34C'est du 50-50.
29:35Il y a une part d'esthétisme aussi.
29:37On n'a pas le droit de refuser un beau but ?
29:40Bien sûr que si.
29:41Vous savez, ça m'est déjà arrivé
29:42de refuser des buts extraordinaires.
29:44Mais il était hors-jeu,
29:45il avait fait une faute auparavant.
29:47Quand on est sur une situation à 50-50,
29:49le 51-49, il passe sur l'esthétisme.
29:52On a aussi le droit d'être esthète
29:55quand on est arbitre.
29:56Il aimait le foot.
29:57Vous connaissez le but de Platini,
29:58le plus beau but de sa carrière,
29:59qui a été refusé.
30:00Oui, il m'en a parlé, déjà.
30:01C'est la finale de la Coupe intercontinentale.
30:03Exactement.
30:04Vous connaissez un petit peu le foot ?
30:05Vous connaissez un peu le foot aussi.
30:06Vous aussi, un petit peu, hein ?
30:07Oui.
30:09Puisqu'on est dans l'esthétisme...
30:13On va ouvrir les gros dossiers, là.
30:18Vous pouvez nous expliquer
30:19votre tentative de meurtre
30:21sur le dénommé Diego Carlos ?
30:24Vous êtes devenu une star, ce jour-là.
30:26En prime, en plus.
30:27Oui, je me serais bien passé de cette histoire.
30:29J'ai connu des choses
30:30beaucoup plus graves, quand même,
30:31sur un terrain de foot.
30:32On vous voit en train d'essayer d'agresser
30:34le dénommé Diego Carlos.
30:36Alors, pour être précis,
30:37je tente un croche-pied.
30:38Mais je l'ai raté.
30:40J'ai tout raté, ce soir-là.
30:42Tentative ?
30:43D'où le tentative ?
30:44Absolument.
30:45Comme il venait de me bousculer
30:46et que j'étais persuadé
30:47qu'il l'avait fait exprès,
30:48je suis voulu me venger.
30:51Ce que je ne conseille pas.
30:52Et voilà, c'est la fin de ma carrière.
30:55Vous avez des regrets ?
30:57Oui, on ne peut pas terminer sa vie
30:59de sportif dans ces conditions-là.
31:02Votre regret, c'est quoi ?
31:03C'est de l'avoir raté ?
31:05C'est perfide, monsieur Matou.
31:07Non, mon regret,
31:08c'est d'avoir pensé qu'il me l'avait agressé
31:11et puis d'avoir oublié
31:12que j'étais arbitre aussi.
31:13Et que ce genre de comportement
31:15n'est pas acceptable.
31:16Vous y repensez, des fois, ou pas ?
31:18Si je n'y pense pas,
31:19on me le rappelle tous les jours.
31:22Il y a toujours quelqu'un
31:23au cours d'une journée
31:24qui m'en parle.
31:26Ça vous énerve ?
31:27Ça m'attrise, plutôt.
31:30Quand vous avez arbitré
31:33pendant 15 ans au plus haut niveau,
31:35on retient ça de vous,
31:36c'est une fraction de seconde de votre vie.
31:38C'est un peu douloureux, parfois.
31:40C'est le moment où ça a basculé du côté obscur ?
31:43C'est le point de bascule, oui.
31:45Votre vie se transforme tout d'un coup.
31:47Et la télé, c'est pour vous réhabiliter ?
31:49Pour vous montrer qui vous êtes ?
31:52La télé, c'est parce que
31:54j'apporte un éclairage.
31:56Mais ce n'est pas pour me réhabiliter, non.
31:58Mais ça fait de vous une star, quand même,
32:00ce moment-là, mondial.
32:02Vous avez des stars positives
32:04et d'autres qui le sont moins.
32:06Là, on ne peut pas dire que ce soit
32:08une communication positive.
32:10À l'étranger, on vous en parle aussi ?
32:12On vous reconnaît ?
32:13Parfois, oui. J'ai eu des surprises.
32:15Des bonnes ?
32:16Non, parce qu'à chaque fois,
32:18on me revoit ça.
32:21Ça vous fait souffrir ?
32:24Avec le temps,
32:26les cicatrices se referment,
32:28mais elles ne disparaissent pas complètement.
32:30Ils ont été vaches de vous suspendre
32:32et de faire en sorte que vous ne puissiez
32:34même pas faire un dernier match de gala ?
32:36C'est possible.
32:38J'avais un passif
32:40que vous avez
32:42collectionné aujourd'hui.
32:44Mais oui, je pense que c'était
32:46une occasion rêvée de se débarrasser de moi.
32:48Je leur ai donné
32:50l'occasion de le faire.
32:52C'est d'abord ma faute.
32:54Je vais vous faire écouter
32:56quelques déclarations
32:58sur votre quotidien
33:00et le quotidien de vos collègues
33:02les jours de match.
33:04Arbitre ! Arbitre !
33:06Arbitre ! Arbitre !
33:08Arbitre ! Arbitre !
33:10Arbitre ! Arbitre !
33:12Il faut être maso pour être arbitre ?
33:14Il faut surtout être sourd.
33:16Si vous prêtez attention à tout ce qu'on dit de vous,
33:18c'est compliqué de garder
33:20son self-control en permanence.
33:22C'est quoi ce que vous recherchez ?
33:24Faire une activité
33:26où tout le monde vous insulte constamment ?
33:28Ce qui anime les arbitres,
33:30c'est leur passion pour le foot.
33:32Ils sont passionnés de ce jeu.
33:34On peut jouer au foot. On ne se fait pas insulter
33:36quand on joue au foot. Moi, en tout cas.
33:38Après, c'est une autre façon de rendre service
33:40à ce sport. Parfois, quand vous jouez,
33:42vous ne rendez pas service au jeu.
33:44Vous êtes nul.
33:46Oui, c'est ça.
33:48De se mettre au service des autres
33:50pour qu'ils puissent jouer dans des bonnes conditions,
33:52je pense que c'est une mission
33:54honorable.
33:56Ce n'est pas un sacrifice. Vous faites ça
33:58parce que ça vous plaît. Personne ne vous oblige.
34:00Il y a le plaisir d'être sur un terrain.
34:02D'être un acteur du jeu.
34:04Un facilitateur, parfois.
34:06Ça vous est arrivé d'être triste,
34:08de pleurer, de vous sentir seul ?
34:12L'isolement, ça fait partie
34:14de la mission de l'arbitre.
34:16Il est toujours seul.
34:18Seul contre tous ?
34:20Pas toujours. On est à 50%.
34:22Il y a 50% du stade qui
34:24vous trouve bon et 50% mauvais,
34:26en fonction du résultat de son équipe.
34:28Pourquoi ils n'arrivent pas à se faire aimer, les arbitres ?
34:30Je pourrais vous renvoyer la question.
34:32Pourquoi on n'aime pas
34:36les policiers,
34:38les gendarmes ?
34:40Tous ceux qui ont un minimum d'autorité et de pouvoir.
34:42Est-ce que ça empêche de faire ce qu'on veut ?
34:44Oui, mais je pense que
34:46le problème, c'est qu'on ne pourrait pas jouer sans arbitre.
34:48Avec un match sans arbitre, c'est absolument impossible.
34:50D'ailleurs, on ne peut pas jouer du tout
34:52les matchs de compétition officielle.
34:56En division 4 de district,
34:58vous êtes obligé d'avoir un arbitre. Pas forcément officiel,
35:00mais il y a toujours un arbitre.
35:02Et les joueurs, on partage quoi,
35:04à part les tensions, avec les joueurs ?
35:06Quasiment rien.
35:08Quand je parle d'isolement,
35:10c'est un isolement qu'on s'impose à nous-mêmes.
35:12On se tient à l'écart.
35:14Je compare avec d'autres sports.
35:16Au rugby, ils sont plutôt intégrés.
35:18Sans parler de troisième mutant,
35:20mais au moins, il y a des repas communs,
35:22il y a une vraie communication entre eux.
35:24Ce qui n'existe pas au foot.
35:26Donc il y a un isolement institutionnel
35:28qui est gênant.
35:30Les joueurs, vous ne les voyez que 90 minutes.
35:32Vous n'avez aucune relation avec eux.
35:34Vous n'avez pas le droit de parler avec eux ?
35:36Prendre un maillot ?
35:38Moi, ça m'est arrivé une fois.
35:40J'ai demandé un maillot à un joueur.
35:42Quel joueur ?
35:44C'était Vikash Dorasan.
35:46À l'échauffement,
35:48ça faisait un petit moment
35:50que j'arbitrais.
35:52Si à la fin du match, tu ne fais rien de ton maillot,
35:54je veux bien le récupérer pour quelqu'un.
35:56Et lui,
35:58il sort pendant le match
36:00et il me tourne son maillot devant tout le monde.
36:02Ça, c'était Vikash.
36:04Il est toujours un peu décalé.
36:06Mais en dehors de lui,
36:08je n'ai jamais demandé un seul maillot.
36:10En haut ou derrière, ça n'a pas de problème.
36:12C'est ça.
36:14Vous voyez qu'on pourrait avoir
36:16des connivences avec certains.
36:18Dès lors que vous avez un minimum
36:20de sympathie ou
36:22un contact
36:24hors foot, c'est difficile
36:26d'être juste et intègre
36:28dans votre façon d'arbitrer.
36:30C'est pour ça, me semble-t-il,
36:32qu'on se tient
36:34à l'écart des joueurs.
36:36Avec quelle personnalité du foot
36:38avez-vous réussi à être connivant
36:40pendant votre carrière ?
36:42Pendant ma carrière ?
36:44Connecté
36:46avec Mickael Landreau.
36:48C'est avec les gardiens de but
36:50qu'on a des relations un peu plus
36:52personnelles.
36:54D'une part, parce que je pense qu'on a un isolement commun.
36:56Un comté. Bordeaux-Lille.
36:58Il fait une sortie kamikaze
37:00et il prend un joueur de Bordeaux.
37:02Je juge mal la situation,
37:04donc je lui mets un carton jaune.
37:06Non, ce n'est pas carton jaune, c'est carton rouge.
37:08Sauf qu'on a le droit,
37:10à ce moment-là, quand on est arbitre,
37:12de visionner l'image et de faire
37:14un rapport complémentaire.
37:16C'était après, à la fin du match.
37:18Je n'ai jamais eu la barre.
37:20Ce jour-là, je dois lui mettre
37:22un carton rouge, mais je me trompe.
37:24Il faut que je fasse un rapport complémentaire
37:26avec deux footballs professionnels
37:28et que je dise que je me suis trompé sur le terrain.
37:30Le lundi, j'ai un coup de fil
37:32avec un collègue arbitre.
37:34Je lui parle de cette situation.
37:36Je fais un rapport à un gars.
37:38Je vais lui mettre un carton rouge.
37:40Il va être suspendu, mais j'aimerais
37:42le lui dire de vive voix.
37:44Le gars me dit que j'ai son numéro de téléphone.
37:46Donc, il m'a filé son numéro.
37:48J'ai appelé Mickael Landreau.
37:50« Salut, c'est Tony Chaperon, je vais te mettre un carton rouge.
37:52Ça va pas, l'appel ? »
37:54Il croyait que c'était un canular.
37:56J'ai dit « Bonjour, je suis Tony Chaperon. »
37:58Evidemment, il n'a pas mon numéro.
38:00C'est une blague.
38:02Je lui explique.
38:04« Je dois vous mettre un carton rouge, mais je préfère vous le dire
38:06de vive voix plutôt que de faire un rapport dans mon coin. »
38:08« Tu dors, même la nuit,
38:10Tony Chaperon t'appelle pour te mettre un carton rouge. »
38:12L'histoire avec Mickael Landreau, c'est ça.
38:14Une autre fois...
38:16« Il l'a pris bien, finalement ? »
38:18Il a trouvé ça plutôt
38:20une classe que je l'appelle en lui disant
38:22« Je suis obligé de le faire. »
38:24« Il vous a envoyé un maillot ? »
38:26Non, il m'a jamais filé de maillot.
38:28C'est la petite histoire avec Mickael Landreau.
38:30Mais ça ne m'avait pas empêché de siffler deux pénaltis contre lui.
38:34J'ai encore un truc à vous faire.
38:40On parlait de relations avec les joueurs.
38:42Tony Chaperon m'a arbitré une fois.
38:44C'était un match international
38:46contre la Suisse.
38:48Le gars, je ne le connais pas et avant le match,
38:50il vient me parler sans raison.
38:52« Comment tu vas ? T'as fait un bon voyage ? Il fait beau ici. »
38:54Il me tient la jambe pendant 5 minutes
38:56avec que des banalités.
38:58« Soit le gars était complètement tapé,
39:00soit il cherchait un pote. »
39:02Ça me parle ? C'est un jour de Saint-Marin ?
39:04Ça, c'est drôle.
39:06Oui, parce qu'en fait,
39:08il se trouve qu'avant le match,
39:10on fait une reconnaissance du terrain avec mon équipe
39:12et il y a les joueurs suisses qui débarquent.
39:14Jenson Fernandez vient me voir.
39:16Il joue avec l'équipe suisse.
39:18Il m'a dit « Monsieur Chaperon ? »
39:20Je discute avec lui pendant un petit moment.
39:22Notre coach a vachement insisté
39:24sur l'arbitrage.
39:26Il m'a dit « Je vais pas trop rigoler avec vous.
39:28Dans l'équipe suisse, il y avait beaucoup
39:30de joueurs de l'axe yougoslavie.
39:32Donc on a revu le match
39:34que vous avez arbitré. »
39:36Il me parle de ça et je discute
39:38avec lui pendant 3-4 minutes.
39:40Il y a un membre de l'UFA qui me dit
39:42« Comme t'as discuté avec des mecs de la Suisse,
39:44il faudrait peut-être que t'ailles voir un mec de Saint-Marin
39:46parce que sinon on va penser que t'as des accointances
39:48avec les Suisses plutôt qu'avec les Italiens.
39:50Donc je suis allé voir un gars de Saint-Marin.
39:52Je sais pas qui c'est d'ailleurs.
39:54Et donc j'ai discuté avec lui
39:56pour essayer de rééquilibrer les trucs.
39:58J'ai dû lui dire qu'il faisait beau.
40:00On est dans un univers de paranoïa.
40:02C'est-à-dire que les gens pensent que
40:04parce que vous avez discuté avec un joueur,
40:06vous êtes plus enclin à lui siffler
40:08un pénalty.
40:10Quand on parle pas aux joueurs, on est hautain.
40:12Mais quand on parle avec eux, c'est une pission.
40:14On n'est jamais au bon endroit.
40:16Ah, tu vois.
40:18Ouais.
40:20OK.
40:22Là, j'arrive.
40:24Je vous laisse quelques secondes
40:26avec mon assistant. Excusez-moi.
40:28On va pas s'amuser beaucoup parce qu'il est pas très content,
40:30votre assistant.
40:34Bon, monsieur Chaperon.
40:36Monsieur Chaperon, écoutez-moi.
40:38Pour l'instant, là,
40:40toutes vos réponses, vous frisez le carton rouge.
40:42Si vous me permettez un petit peu
40:44cette analogie, ce que je vous propose,
40:46moi je peux tout passer au verre,
40:48en passant au gazon.
40:50Ça vous parle, ça ? Pour 1 000 euros.
40:52Pour combien ?
40:541 000 euros. Je passe tout au verre.
40:56Pour l'instant, je dis rien.
40:58Mais je vais pas pouvoir continuer comme ça longtemps.
41:00Alors, on est d'accord ?
41:02Je vous propose une porte de sortie honorable.
41:04Prenez-la. Soyez pas stupides.
41:06Non, je suis sûr de mes réponses.
41:08Vous pouvez les garder comme ça.
41:10La machine ne se trompe jamais.
41:12Ah bon ? Vous connaissez toutes les machines infaillibles.
41:14Réfléchissez vite.
41:16Je pense que vous faites une morose bêtise.
41:18Je vois.
41:20OK.
41:24Vous devriez quand même
41:26être vigilant avec les gens avec qui vous travaillez.
41:28Bien, M. Chaperon, bien.
41:30Bien.
41:32On vous la fait pas. Vous avez fait connaissance.
41:34Je croyais qu'il était mieux.
41:36Mais quand il l'ouvre, c'est pour dire des conneries.
41:38C'est pour vous tester,
41:40M. Chaperon.
41:42C'était un test. Je croyais qu'il était sérieux.
41:44Ça s'appelle un piège.
41:46Ah, d'accord. C'est vrai piécher, votre histoire.
41:48Vous avez des grosses ficelles, quand même.
41:50Non ?
41:52Vous regardez des séries américaines, mais des séries B ?
41:58Donc on n'est pas corruptibles, M. Chaperon.
42:00Non, ça fait pas partie du logiciel
42:02de l'arbitre.
42:04C'est important. L'argent, ça vous a plu
42:06à un moment donné ?
42:08Non, parce que...
42:10Écrit noir sur blanc, là.
42:12Ça vous parle, ce bouquin ?
42:14En fin libre, on verra, à la fin.
42:16Vous dites,
42:18je suis content de mes 10 francs par semaine,
42:20mes 100 francs par semaine,
42:22ça me permettait d'offrir un verre
42:24à mes potes.
42:26Donc vos premiers salaires d'arbitre,
42:28ça partait au bistrot.
42:30Ouais.
42:32Diabolomente, c'était.
42:34Diabolomente ? J'avais 15 ans. Enfin, 16 ans.
42:36Et les joueurs qui jouent en district,
42:38ils sont pas payés, eux ?
42:40Non. Si vous payez pas les arbitres,
42:42c'est déjà qu'on en trouve pas.
42:44Est-ce que trouver un gamin qui a 15 ans
42:46et qui va venir tous les dimanches se faire insulter,
42:48il faut qu'il y ait un minimum de compensation.
42:50Donc vous, pour 100 balles, on peut vous insulter ?
42:52Même gratuit.
42:54Ça dépend combien vous payez la place
42:56au stade, quoi.
42:58Bien souvent, ça va avec.
43:00L'argent, ça fait tourner les têtes.
43:02Vous avez toujours dit non, au cours de votre carrière ?
43:04Vous avez des propositions ou pas ?
43:06L'argent ? L'argent, jamais.
43:08Jamais l'argent ?
43:10Non.
43:12Ça, par contre...
43:20Ça, on vous en a proposé ?
43:22Bijoux, des montres ?
43:24Jamais, jamais.
43:26Vous n'êtes pas assez bête pour les mettre aujourd'hui ?
43:28Je n'étais pas prévenu que j'allais venir ici.
43:30Vous avez des méthodes particulières, quand même.
43:32Vous arrêtez les gens comme ça,
43:34vous les enfermez.
43:36Vous avez deux histoires.
43:38On a 48 heures de garde à vue possible.
43:40J'aimerais bien sortir, à un moment donné.
43:42D'ailleurs, je pourrais manger un truc.
43:44On verra tout à l'heure.
43:46Je vais faire un match en Ukraine.
43:48Quand vous arrivez à l'hôtel,
43:50quand vous rentrez de votre chambre,
43:52il y a parfois des goodies.
43:54Vous avez un pin's,
43:56une écharpe, un fagnon.
43:58Ça, c'est un goodies, quoi.
44:00Je vous explique ce qui se passe habituellement.
44:02Et donc,
44:04on a plein de trucs comme ça.
44:06Dans ma chambre, il y a effectivement des goodies.
44:08Et dans une boîte,
44:10il y a une montre.
44:12Mais moi, je ne connais pas du tout.
44:14Je ne sais pas quelle est la valeur de cette montre.
44:16Donc, je vois une montre qui ressemble un peu à ça.
44:18Et moi, je n'y prête pas trop attention.
44:20Bref, on fait le match.
44:22Le match se passe.
44:24J'ai mon assistant qui m'appelle.
44:26Il me dit, écoute, je suis allé sur Internet.
44:28J'ai regardé le prix de la montre qu'on a reçue.
44:30Et mon assistant me dit,
44:32elle coûte un certain prix.
44:34Elle coûte 1 000 euros, un truc comme ça.
44:36Je suis très embêté parce que j'ai accepté ce cadeau,
44:38mais sans en connaître sa valeur.
44:40Il donne une posture d'arbitre.
44:42C'est très emmerdant.
44:44Vous l'aviez déjà vendue ?
44:46Non, mais toujours chez moi, dans un placard.
44:48Vous avez fait quoi, alors ?
44:50Je suis très embêté parce que si j'ai conscience
44:52de la valeur de cette montre avant le match,
44:54là, je fais un signalement.
44:56Mais après le match.
44:58Après le match, ça sert à quoi de dire ?
45:00Vous n'avez pas eu le temps de s'y faire des pénaltis pour Kef ?
45:02Non, mais je ne sais même pas.
45:04Ils étaient qualifiés le match.
45:06Ils avaient dû gagner 4-0.
45:08Je ne comprenais pas très bien la posture.
45:10Et franchement,
45:12je n'ai jamais eu
45:14un doute quelconque sur la valeur
45:16de cette montre avant le match.
45:18C'est le cas le plus
45:20flagrant qu'il m'ait été donné
45:22de rencontrer au cours de ma carrière.
45:24Le fantasme sur la corruption,
45:26c'est quand même la preuve que ça n'existe pas.
45:28Ou très peu.
45:30Ou c'est très en marge.
45:32Moi, je ne saurais jamais si c'est la poule ou l'œuf.
45:34Est-ce qu'on se dit, chaperon, c'est pas la peine
45:36parce que c'est un con
45:38qui dira non ?
45:40Ou c'est parce que ça n'existe pas,
45:42tout simplement ?
45:44J'ose espérer que ça n'existe pas.
45:46Ça ne veut pas dire que ça n'a pas existé.
45:50Parfois, ce n'est pas des montres.
45:52On a un témoignage
45:54qu'on n'a pas réussi à identifier.
45:56Vous allez me dire si ça vous dit quelque chose.
45:58J'ai bien connu
46:00le monsieur Chauve qui fait l'arbitrage.
46:02Il était très gentil
46:04mais c'est vrai qu'il était
46:06très stressé.
46:08Il fallait le détendre après le match.
46:10C'est toujours dans les pays de l'Est.
46:12C'est marrant.
46:14Ils ont une culture particulière.
46:16Je vous explique. Je fais un match...
46:18Je me sens mal à l'aise, là, monsieur Chauve.
46:20Il faut faire attention à ce qu'on raconte
46:22parce qu'ils se font des films.
46:24On fait un match...
46:26C'est en Slovaquie, je crois.
46:28La veille.
46:30Après le match, ça ne sert plus à rien.
46:32La corruption, c'est trop tard.
46:34Il faut vous corrompre avant.
46:36Vous êtes un spécialiste.
46:38Je comprends comment ça fonctionne.
46:40On est quatre arbitres français
46:42et on va faire un match là-bas.
46:44Il y a un représentant de la Fédération
46:46qui vient vous chercher à l'aéroport
46:48et vous emmène à l'hôtel.
46:50Il va vous véhiculer tout au long de votre séjour.
46:52Vous passez trois jours là-bas.
46:54On va s'entraîner.
46:56On revient à l'hôtel, on se change.
46:58On va dîner.
47:00Quand on rentre du dîner,
47:02on est dans la rue, on marche.
47:04Et là, il y a le représentant de la Fédération locale
47:06qui échange avec mon quatrième arbitre
47:08et qui lui fait une proposition.
47:10En gros, il lui dit...
47:12J'ai quatre copines qui sont fans de foot
47:14et qui aimeraient venir discuter avec vous à l'hôtel.
47:16On imagine bien qu'elles sont spécialistes de foot
47:18à peu près comme vous.
47:20Et donc, mon assistant me dit
47:22qu'est-ce que je lui réponds.
47:24Je lui dis, tu crois vraiment qu'on est obligé
47:26de répondre à ce genre de conneries ?
47:28Il me dit, je m'en doutais.
47:30Je lui dis, ce n'est même pas la peine d'y penser.
47:32Donc, voilà.
47:34Avant le match, ce genre de proposition
47:36s'est arrivé une fois,
47:38mais le reste, ça ne m'est jamais arrivé.
47:40Et comme...
47:42Ah, accessoirement, elles ne sont pas venues, les filles.
47:44Elles devaient être trop déçues
47:46qu'on ne veuille pas échanger avec elles.
47:48En plus, ils ont perdu 1-0,
47:50c'est en pénalty.
47:52Je pense qu'ils étaient vraiment trop déçus.
47:54Mais là encore,
47:56c'est un truc,
47:58si jamais vous le faites une fois,
48:00mais votre carrière, elle est terminée.
48:02Quel est le sens d'être arbitre
48:04si à un moment donné, vous acceptez quoi que ce soit ?
48:06Vous perdez toute crédibilité,
48:08mais même vis-à-vis de vous-même.
48:10Et la télé ? Pourquoi ce choix ?
48:12C'est ce qu'on est venu me chercher.
48:14Vous avez hésité ?
48:16Ouais.
48:18Mais après, je me suis dit que
48:20je ne pouvais pas reprocher aux médias
48:22de ne jamais parler d'arbitrage de façon positive
48:24ou en tout cas raisonnée.
48:26Je ne pouvais pas leur reprocher.
48:28Si au moment où on me propose de le faire,
48:30je dis non.
48:32Sacrifice encore ?
48:34Non, pas du tout. Ce n'est pas sacrificiel du tout.
48:36Non, c'est un plaisir.
48:38Ça dépend avec qui. J'ai des missions,
48:40c'est un métier un peu étrange.
48:42La télévision...
48:44Vous avez des noms ?
48:46Moi, je ne préfère pas les citer.
48:48Surtout que c'est quelqu'un qui est assez connu.
48:50Il présente une émission le dimanche.
48:52Bien, vous nous avez dit beaucoup de choses, M. Chaperon.
48:54Peut-être un petit peu trop.
48:56C'est un motif d'inculpation.
48:58Non, mais je crois que pour votre sécurité,
49:00on va devoir vous mettre sous protection
49:02en attente de la suite
49:04de notre enquête.
49:06Vous allez être accompagné ?
49:08On va s'amuser.
49:10Il est très sympathique.
49:12Oui.
49:14Vous avez un problème avec les chauves ?
49:16Ce n'est pas mon truc.
49:18Je peux vous raccompagner ? Merci.
49:20Vous me libérez ?
49:22Je vous salue.
49:24On va vous raccompagner.
49:26Bonne fin de journée.
49:28Merci, monsieur.