Le 15 août 2015, à Rennes, Rifki, 4 ans, est enlevé par un jeune homme de 25 ans, une connaissance de son oncle. Le plan "Alerte Enlèvement" est déclenché.
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00:00...
00:14-"L'actualité ce midi est marquée par l'enlèvement d'un petit garçon
00:16de 4 ans, Rifki.
00:18Il a été kidnappé hier vers 14h en plein coeur de Rennes."
00:21Rifki va vouloir venir avec lui.
00:23Il fait une crise, une petite crise de pleurs,
00:24parce qu'il veut absolument aller avec M. Ahmed.
00:26Et M. Ahmed finit par lui dire
00:28qu'il veut venir avec lui.
00:29-"Voilà, l'enfant ne reverra plus sa mère."
00:32-"Surtout si une personne a des informations,
00:34qu'il n'intervienne pas
00:35et qu'il envoie ses éléments le plus rapidement possible."
00:38...
00:39On était sur cette notion quand même de prédateur
00:42qui cherchait à prendre les enfants, à les enlever
00:44pour abuser d'eux sexuellement.
00:45-"On voulait dire grand merci aux autorités
00:48qui se sont engagées d'une manière très vive
00:50pour retrouver l'enfant."
00:51...
00:55-"Si il a chassé comme ça, est-ce qu'il a chassé avant ?"
00:59...
01:01-"Une alerte enlèvement, c'est pas tous les jours qu'on vit ça."
01:04Puis ça marque.
01:05Générique
01:07...
01:34...
01:37Musique pesante
01:40Rifki, un petit garçon de 4 ans,
01:43enlevé en pleine rue par un ami de la famille,
01:46un ravisseur au profil inquiétant et trouble.
01:49Au-delà de l'alerte enlèvement,
01:52l'affaire Rifki, c'est un procès intense
01:54où la justice est confrontée à sa plus grande faille,
01:57la récidive.
01:59...
02:04Cinq ans après, nous avons décidé de retourner sur les lieux
02:08pour rencontrer les protagonistes de cette affaire
02:11et vous raconter l'envers du décor.
02:14...
02:23Tout commence, place de la mairie, à Rennes.
02:26Il est 14h.
02:28Mamadi est une mère célibataire d'origine comorienne.
02:31En ce jour férié du 15 août,
02:33elle se promène en ville avec ses deux enfants.
02:36C'est une journée un peu festive
02:38parce qu'en réalité, ils sont à Rennes
02:41depuis quelques jours, simplement.
02:43Et puis, il y a des animations sur la place de la mairie,
02:46voilà, durant la période estivale, pour les touristes.
02:49Le week-end du 15-16 août 2015,
02:51j'étais de permanence judiciaire, on gère le tout venant.
02:54Le samedi 15 août, tout se passe bien, journée classique.
02:58Il y a des concerts qui sont faits et donc la famille,
03:01la mère, les deux enfants, l'oncle
03:04et un ami qui a été rencontré depuis peu
03:07décident d'aller faire un tour, voir la musique.
03:10Cette amie se fait appeler M. Ahmed.
03:14Il est particulièrement proche du fils de 4 ans de Mamadi,
03:18le petit Rifki.
03:20Et en début d'après-midi, vers 14h,
03:24le petit a soif,
03:27voilà.
03:28M. Ahmed se propose d'aller chercher à boire.
03:31La maman, dans un premier temps, refuse.
03:34Et le petit pleure.
03:37Il fait une crise sur...
03:39Une petite crise de pleurs parce qu'il veut aller avec M. Ahmed.
03:43Et M. Ahmed finit par lui dire, OK, viens avec moi.
03:46Voilà. L'enfant ne refera plus sa mère.
03:49Musique pesante
03:52...
03:54Au départ, elle ne pense pas mal.
03:58Elle pense que la personne qui accompagne son fils s'est perdue.
04:02Elle se dit qu'il faut rester là parce qu'il va revenir.
04:06Elle attend. Elle ne bouge pas de la place de mairie.
04:09Elle a toujours espoir qu'il vienne.
04:12Les heures passent.
04:13Rifki et M. Ahmed ne réapparaissent pas.
04:16La mère devient de plus en plus inquiète.
04:19On imagine tous l'angoisse de cette mère
04:22par rapport à la disparition de son enfant.
04:24Surtout qu'elle sait qu'il est parti avec cet individu.
04:27Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui peut s'être passé ?
04:30Son premier effet, c'est d'essayer de le retrouver.
04:33Elle part du principe qu'il n'est pas loin.
04:35Il se divise. Elle reste sur place.
04:37L'oncle va dans les rues parallèles. Ils attendent, ils cherchent.
04:42Mais ils ne trouvent toujours rien.
04:44Rifki a disparu.
04:50La nuit tombe.
04:52Toujours aucune trace de Rifki.
04:55Pourtant, sa mère n'a toujours pas alerté la police.
05:00Cette maman est arrivée depuis quelques jours en métropole.
05:03Elle ne parle pas mal le français,
05:06qui n'est pas sa langue natale.
05:08Et effectivement, elle est dans un milieu,
05:12dans un contexte qui n'est pas le sien.
05:14Donc elle n'a évidemment pas ses repères.
05:17Cette maman arrive aussi de Mayotte.
05:20Qu'à Mayotte, les mamans mahoraises
05:22ont quand même une culture différente des mamans chez nous.
05:26Ces mamans-là n'aiment pas trop qu'on regarde
05:28ou qu'on soit attiré par leur enfant.
05:30Je pense qu'alerter par rapport à la situation de l'enfant
05:34lui faisait peut-être penser qu'il y aurait ces notions de mauvais esprit.
05:38Il y a une notion de superstition qui est rentrée en ligne de compte
05:41dans le cadre de ce retard.
05:45Finalement, il est 20h40
05:47quand la mère de Rifki se présente au commissariat de Rennes,
05:50soit près de 6 heures après l'enlèvement.
05:53J'ai quand même passé toute la primitive au travail.
05:56Je n'ai jamais eu d'informations par rapport à ça.
05:58Je me dis ce qui s'est passé.
06:00Mais je n'ai pas les éléments, la procédure, le concret.
06:03L'oncle de Rifki l'accompagne. Il sert de traducteur.
06:07Ensemble, ils signalent la disparition du garçon.
06:10Ce petit a disparu.
06:12On ne sait pas du tout où il est.
06:14Sa maman ne parle pas français.
06:16Il ne s'exprimait pas bien.
06:17On se dit qu'il est certainement en danger.
06:20La mère de Rifki explique le déroulé de cette journée.
06:23Elle parle de la dernière fois qu'elle a vu son fils
06:26lorsqu'il est parti avec M. Ahmed.
06:28Il apparaissait qu'il était parti avec quelqu'un
06:31qu'il connaissait depuis quelques jours.
06:33On ne sait pas du tout qui c'est.
06:35On n'a pas ses antécédents non plus.
06:37On en discute entre nous.
06:39On parlait d'un prénom Ahmed.
06:42Ahmed aurait la vingtaine
06:44et serait lui aussi d'origine comorienne.
06:46L'oncle de la famille de Rifki explique
06:49qu'il l'héberge depuis quelques jours par solidarité.
06:52C'est dans ce même appartement que vit Rifki
06:55depuis son arrivée en France.
06:56Ils vivent donc tous ensemble sous le même toit.
07:00On ne peut pas savoir
07:02quelles relations s'étaient établies
07:04dans les 3-4 jours qui se sont passés.
07:08Et c'est vrai qu'à ce moment-là,
07:12nous avons pensé
07:15au fait que ça pouvait être un agresseur sexuel.
07:18Parce qu'un homme jeune
07:22et un enfant de 4 ans,
07:26qu'est-ce qui peut passer par la tête de quelqu'un,
07:30d'un adulte, d'un homme,
07:32s'il n'a pas une tendance
07:35à être attiré par un enfant ?
07:37On n'enlève pas un enfant comme ça.
07:41...
07:45Minuit.
07:46Déjà 10h, que Rifki a disparu.
07:50Il est tard dans la nuit
07:51et l'enquête de voisinage ne donne rien.
07:54Personne ne connaît vraiment ce dénommé Ahmed.
07:58Le procureur de la République de Rennes,
08:00Thierry Poquet du Haut-Jucé, doit prendre une décision.
08:04Doit-il lancer le dispositif alerte-enlèvement ?
08:08Le dispositif alerte-enlèvement peut être très frustrant.
08:12Parce qu'entre le moment
08:14où il y a réellement
08:17une conviction que l'enfant,
08:20il ne s'est pas perdu,
08:22mais qu'il peut avoir été enlevé,
08:24et le moment même où va se déclencher le dispositif,
08:27il y a un temps.
08:28En effet, pour déclencher
08:30le dispositif exceptionnel de l'alerte-enlèvement,
08:33il faut répondre à des critères bien précis.
08:37Les critères de déclenchement sont au nombre de quatre.
08:40Il faut qu'il y ait un enlèvement ou une soustraction,
08:43premier critère, avéré.
08:46De mineur, deuxième critère.
08:48Il faut qu'il y ait une dangerosité immédiate
08:51pour la vie du mineur.
08:52Il faut qu'il y ait des éléments de signalement
08:55à diffuser aux médias afin de susciter des témoignages.
08:59Dans le cas de Rifki,
09:01c'est le critère de l'enlèvement avéré
09:04qui fait d'abord douter le procureur.
09:06On était dans le cas de l'alerte-enlèvement.
09:09C'était un enfant, un petit, qui ne peut pas s'exprimer.
09:12C'était un individu inconnu qui partait,
09:15même si ça faisait 48 heures qu'il vivait avec.
09:18C'était pas quelqu'un de la famille.
09:20Il y avait une mise en danger.
09:22C'est vrai que ça a été sans doute
09:24un des éléments déterminants aussi dans le déclenchement.
09:372h du matin.
09:38Vu l'heure tardive,
09:40l'alerte aura forcément moins d'impact.
09:43Mais tant pis, il faut agir vite.
09:45Le temps dans une procédure d'alerte-enlèvement
09:48compte et est primordial.
09:50On sait qu'en fait, dans les toutes premières heures,
09:53on a beaucoup plus de chances de pouvoir retrouver l'enfant
09:56que s'il s'est passé ne serait-ce que 24 heures.
09:59Le procureur transmet d'urgence la photo de Rifki.
10:03Il écrit le message d'alerte.
10:06Et envoie le tout à la chancellerie.
10:08A 3h du matin,
10:10l'alerte-enlèvement est lancée.
10:13Musique de tension
10:15...
10:41Il s'agit de la 15e alerte-enlèvement.
10:44Une fois encore, l'alerte est diffusée sur les routes,
10:47les panneaux autoroutiers et dans les gares.
10:50...
10:57-"Un enfant a été enlevé."
10:59Ceci est une alerte-enlèvement du ministère de la Justice.
11:02...
11:06N'agissez pas seul.
11:08Si et seulement si vous disposez d'informations
11:10permettant de le retrouver,
11:12composez le numéro de téléphone qui s'affiche sur votre écran.
11:15...
11:17Votre mobilisation est essentielle.
11:19La survie d'un enfant en dépend.
11:21...
11:23Cette espèce de sirène, je pense que ça,
11:26tout de suite, ça attire l'attention de tout un chacun
11:29quand on est dans nos activités, dans notre maison, dans notre cuisine.
11:33Concernant le petit Rifki,
11:34je crois que c'est la photo de l'enfant qui alerte beaucoup les gens.
11:38C'était ce petit bonhomme avec son pull rouge
11:40qui avait attiré mon regard, oui.
11:42...
11:43Mais le procureur le sait bien,
11:45tout va se jouer le lendemain avec les médias.
11:48...
11:52La France se réveille et découvre le visage du petit Rifki.
11:57-"Un enfant a été enlevé."
11:59Ceci est une alerte-enlèvement du ministère de la Justice.
12:02Je me souviens, en tant qu'aîné, en réalité,
12:06de cette alerte-enlèvement, de la photo qui était liftée,
12:09qui n'était pas banale, parce qu'il y avait ce déguisement de Noël.
12:12...
12:17L'image qui m'a marquée de cette alerte-enlèvement,
12:20c'est la photo qui avait été diffusée,
12:22ces petits Rifki déguisés en Père Noël, pour moi,
12:25avec son petit bonnet rouge.
12:26Donc, une image de joie, un petit enfant joyeux.
12:29...
12:35Vous venez de le voir, l'actualité ce midi,
12:38par l'enlèvement d'un petit garçon de 4 ans, Rifki.
12:40Il a été kidnappé hier, vers 14h, en plein coeur de Rennes.
12:44Ce matin, dès 7h, la police a lancé une procédure d'alerte
12:47sur les routes, dans les médias.
12:49Je renouvelle les consignes diffusées
12:51dans le message alerte-enlèvement.
12:53Surtout si une personne a des informations,
12:57observe quoi que ce soit,
12:59peut apporter quelques éléments aussi minimes, soit-il,
13:02qui puissent aider à l'enquête, qui n'hésite pas à appeler,
13:05qui n'hésite pas à faire un message sur les numéros diffusés,
13:08mais surtout qu'il n'intervienne pas,
13:10et qu'il envoie ces éléments le plus rapidement possible.
13:13Côté police, on s'organise.
13:16La cellule d'appel a été mise en place à Nanterre.
13:19Alerte-enlèvement, bonjour.
13:21Nous recevons l'appel, prenons l'information,
13:23la traitons, donc on la priorise, finalement,
13:26et on l'envoie au service régional de police judiciaire
13:30afin qu'il fasse les vérifications d'usage,
13:32afin de retrouver, dans la mesure du possible,
13:34le plus rapidement possible, l'enfant.
13:37...
13:41Les téléphones commencent enfin à sonner.
13:43Et à 9h, une première piste se dessine.
13:46...
13:50On reçoit un appel pour vérifier quelqu'un
13:53qui s'est manifesté suite à l'alerte-enlèvement,
13:55qui a appelé l'APJ.
13:57C'était...
13:58Il y a eu du mouvement cette nuit,
14:00ça ressemble à un squat, il y avait un enfant.
14:02Donc je demande à une patrouille de police secours
14:05d'aller vérifier cette histoire de squat.
14:07Hélas, sur place, les enquêteurs découvrent
14:11que c'est une fausse alerte.
14:13Mais l'enquête continue.
14:14Toutes les images de vidéosurveillance de la ville
14:17sont passées au peigne fin.
14:19On savait que l'enfant était parti de la place de la mairie,
14:22donc le samedi, en début d'après-midi.
14:24On savait qu'il était avec sa mère, sa soeur.
14:27Donc on cherche sur les vidéos un groupe de 4 personnes
14:29avec le signalement des 2
14:31pour essayer de la place de la mairie,
14:33suivre les différents trajets, les rues aux alentours,
14:36pour voir si on arrive à se situer
14:37et voir vers la direction de fuite.
14:42Le problème, c'est qu'en ville,
14:43ce sont des caméras qui balayent le périmètre,
14:46donc il n'y a jamais de film en continu.
14:49Les recherches tombent à l'eau.
14:56En revanche, concernant le suspect,
14:58le fameux Ahmed, les choses s'accélèrent.
15:01Les enquêteurs mettent la main sur 2 numéros de téléphone
15:04grâce à des témoins.
15:06Les policiers consultent leurs fichiers
15:09et ils trouvent enfin une identité.
15:11L'homme pourrait être un certain Ahmed Ansifudine.
15:16Et si c'est le cas, les nouvelles sont pour le moins inquiétantes.
15:22On fait des recherches au niveau des fichiers.
15:24On se rend compte que c'est déjà connu
15:26pour des agressions sexuelles sur mineurs.
15:29Il y a le passé d'Ahmed.
15:31Et ce passé ne plaide pas vraiment pour lui
15:33parce qu'il y a eu une affaire d'enlèvement à La Réunion
15:37quelques temps auparavant, quelques mois auparavant.
15:40Et puis, surtout, il est reproché.
15:43Il a une convocation pour aller devant le tribunal correctionnel de Rennes
15:47pour des faits d'attouchement sur un enfant.
15:50Sur un enfant un peu plus âgé, qui a 9 ans.
15:52Mais voilà, des choses qui, évidemment, alertent les enquêteurs.
15:58Dans les antécédents judiciaires d'Ahmed Ansifudine,
16:00on découvre, en fait, un mode opératoire, je dirais.
16:04Vraiment un mode opératoire.
16:06À La Réunion, même chose.
16:08Alors, il avait quand même rencontré la maman du petit garçon
16:13qu'il avait soustrait, puisqu'il était poursuivi
16:15pour soustraction d'enfant depuis un petit peu plus de temps
16:19que dans le dossier de Rifki.
16:20Et puis, en fait, il a procédé de la même manière.
16:22C'est que je veux un enfant, je prends l'enfant
16:25et je dis que c'est mon enfant.
16:27Et je pars sans me soucier.
16:29L'angoisse monte d'un cran.
16:31Donc, là, on prend conscience que l'alerte enlèvement,
16:35elle est réelle, que le petit Rifki, il est enlevé.
16:38Et on prend aussi conscience qu'il y a peut-être un danger pour lui.
16:41Quelque chose qu'on avait...
16:43On l'avait au fond de nous avant, mais là, ça prend le dessus.
16:49Pour les enquêteurs, le moment est crucial.
16:51Il faut absolument confirmer qu'Ahmed Ansifudine
16:54est bien le même Ahmed qui a enlevé Rifki.
16:57La policière Béatrice Troussière
17:00est chargée d'auditionner un témoin important.
17:02Il s'agit de la soeur de Rifki.
17:05La fillette n'a que 10 ans.
17:08On me demandait de faire vérifier auprès de la petite...
17:11Enfin, de la grande soeur, la petite fille,
17:13si elle reconnaissait le fameux Ahmed ou tonton
17:16sur la planche photographique.
17:18Je l'ai amené comme ça.
17:19Quand j'ai présenté la photo, je lui ai demandé
17:21si je reconnaissais Ahmed sur cette photo.
17:23Elle m'a montré tout de suite que c'est lui.
17:25Je lui ai pas parlé d'un enlèvement, d'une mise en danger.
17:28Elle a 10 ans, je pouvais pas me permettre.
17:32La même planche photographique est présentée à la mère de Rifki
17:36et à son oncle, qui les hébergeait.
17:38Ils confirment tous.
17:40Rifki a bien été vu pour la dernière fois
17:43aux bras d'Ahmed Ansifudine.
17:50Il est 11h.
17:52Déjà, 21 heures se sont écoulées depuis que Rifki a disparu.
17:56C'est alors que l'analyse détaillée des lignes téléphoniques
18:00permet de découvrir une information capitale.
18:03Ahmed Ansifudine a passé un appel.
18:06Un seul appel, le samedi, à 15h39.
18:11Immédiatement après être parti avec l'enfant du centre-ville de Rennes,
18:14il a appelé 115 pour trouver un logement avec l'enfant
18:18en se présentant comme Lepé.
18:20Habiteur, on lui dit qu'il n'y a pas de place.
18:22Le plus probable est donc qu'Ahmed soit toujours dans la nature.
18:26On s'aperçoit qu'il tente, il fait, il fait,
18:30il y va, il y va au culot, finalement.
18:32À aucun moment, il a demandé auprès de différents contacts
18:35qu'il a eus à avoir un téléphone pour rejoindre la famille.
18:38Rien, évidemment, ne milite dans le sens
18:41d'une recherche de la mère et de retrouver celle-ci.
18:47Au centre d'appel,
18:49les enquêteurs continuent de s'activer,
18:51mais pour le moment, ils tentent en rond.
18:53Il y a eu des centaines de signalements
18:55partout en France qui n'étaient pas fructués,
18:58qui ont fait l'objet par les enquêteurs
19:00d'un vrai travail de décortiquage, de vérification.
19:03Ca, c'est aussi du temps qui compte, le temps court, en fait.
19:06On voit bien que les enquêteurs fonctionnent dans une urgence,
19:10mais avec une pression aussi
19:11et avec une concentration qui est énorme.
19:14C'est pas évident à exprimer, c'est assez pesant, en fait.
19:17C'est les minutes qui paraissent des heures,
19:19le temps qui passe, on regarde la montre,
19:22on dit qu'il a disparu à 14h, ça fait déjà 24h,
19:24et puis on sait pas où il est.
19:26Non, il y a une inquiétude, on sent une inquiétude.
19:3113h40.
19:32Les policiers sont sur le qui-vive, quand tout à coup...
19:35C'est la PJ qui m'avise que c'est une dame dans un train,
19:39suite à l'alerte enlèvement, qui a appelé,
19:41puisqu'elle a reconnu, alors soit l'enfant,
19:43soit celui qui l'avait enlevé, dans le train.
19:47...
19:50Musique douce
19:52...
19:56Le témoin est une femme, montée à 10h40
20:00dans un train au départ de la gare Montparnasse à Paris.
20:03Mais là, face à elle,
20:05elle est alertée par le comportement étrange
20:08d'un homme avec un petit garçon.
20:10Elle a bien dit, elle a dit,
20:12j'ai bien vu que l'homme qui était avec l'enfant
20:14remettait la capuche de l'enfant
20:16quand un contrôleur passait,
20:18quand il allait emmener l'enfant aux toilettes dans le couloir,
20:21il lui remettait cette capuche, on était en mois d'août.
20:25Tout ça, ce sont des signes qui montrent
20:27que cette personne, vraiment, a eu un réflexe...
20:30Cette femme a vraiment eu...
20:31Elle s'est dit, il y a peut-être un doute,
20:34mais je vais quand même téléphoner.
20:36...
20:38Cette femme, qui a pris le train,
20:41qui a dû, donc, voir cette information à la gare,
20:46c'est extraordinaire, quand même,
20:48cette attention qu'elle a portée
20:51sur le comportement de l'enfant
20:53et sur le comportement de l'individu
20:55avec qui était cet enfant.
20:57Le signalement est tout de suite pris au sérieux.
21:01Elle était du côté de l'Ibbourne.
21:04Donc, une fois que ça a été...
21:06qu'elle s'est remontée au niveau de la plateforme
21:08et de l'ADIPJ, ils ont fait les vérifications nécessaires.
21:12Ce sont les gendarmes qui ont fait le nécessaire
21:14et qui ont retrouvé le petit Rifki.
21:16En gare de l'Ibbourne, les gendarmes interviennent.
21:20Le suspect est calme, il n'essaie pas de résister.
21:24L'enfant est retrouvé. Il s'agit bien de Rifki.
21:28Musique pesante
21:30...
21:33Donc, là, ça a été un soulagement.
21:35C'est tout qui tombe, quoi.
21:37On se dit, ça y est, c'est fini, et ça se finit bien, quoi.
21:40C'est surtout ça.
21:42Après, on se pose pas ce question de savoir ce qui s'est passé.
21:45Le petit a été retrouvé.
21:47Il est sain et sauf, la fin d'un cauchemar,
21:50cet après-midi, pour le petit Rifki.
21:52Il a été retrouvé à la gare de l'Ibbourne, en Gironde,
21:55juste 24 heures après son enlèvement à Rennes,
21:57et un périple en TGV avec son kidnappeur,
22:00placé en garde à vue à Bordeaux.
22:02On voulait dire grand merci aux autorités,
22:04donc aux actions de la police nationale
22:06ou de la gendarmerie nationale, en tout cas des procureurs
22:09qui ont été engagés d'une manière très vive
22:12pour retrouver l'enfant.
22:14Donc, nous sommes très touchés,
22:15on est très contents d'avoir su que l'enfant était retrouvé,
22:19sain et sauf.
22:20Chaque minute compte, et effectivement,
22:22on aurait basculé dans un tout autre drame
22:26si Ahmed a pu partir, continuer sa route avec l'enfant
22:30et partir dans la nature.
22:32Sans l'alerte d'enlèvement, je pense que de toute façon,
22:35on ne le retrouverait pas.
22:37Le petit Rifki est transporté à l'hôpital de Bordeaux
22:40pour suivre une batterie d'examens.
22:42Il a fallu plus de 24 heures
22:44pour qu'il soit retrouvé et mis en sécurité.
22:47Je ne peux pas vous dire en l'état,
22:49simplement, apparemment, il est en bonne santé.
22:51Il n'a pas de lésions physiques.
22:53Il est avec les médecins ?
22:55Oui, il est à l'unité médico-judiciaire de Bordeaux,
22:58qui a été requis par les enquêteurs
23:00pour pouvoir le prendre en charge
23:02et procéder à toutes les mesures d'examens.
23:07Le suspect, Ahmed Ansu Foudine,
23:10est placé en garde à vue au commissariat.
23:12Il parle de son geste.
23:15Il m'explique, tout simplement,
23:18qu'il a emmené un petit garçon qu'il connaissait depuis peu,
23:23puisque c'était une famille d'origine gomorrienne,
23:26qui lui avait confié le petit garçon
23:29de temps en temps, quand il s'absentait,
23:31et qu'il avait bien sympathisé avec le petit garçon de 4 ans.
23:35Ce qui est déjà étonnant, parce qu'en fait,
23:37vu l'âge d'Ahmed, qui devait avoir 25 ans à l'époque,
23:40ce petit garçon était quand même tout jeune, il avait 4 ans.
23:44On peut s'étonner qu'il exprime une sympathie,
23:47mais on peut penser à une immaturité, également, d'Ahmed.
23:51Et puis, il ne s'explique pas davantage.
23:53Il dit simplement qu'il n'a rien à se reprocher.
23:56Mais on comprend aussi
23:57qu'il a des réactions qui sont complètement illogiques.
24:02Mais les policiers veulent surtout savoir
24:05ce qu'il a fait subir à Rifki.
24:07Le suspect ne répond rien, jusqu'à un détail.
24:11Lorsqu'on arrive à la période
24:15avant l'enlèvement du petit garçon,
24:21il doit décrire dans quelles conditions
24:23il est resté seul avec l'enfant.
24:25Et c'est là qu'il explique que, par moments,
24:29la maman s'absentait,
24:31il n'y avait plus personne au domicile
24:33où il était hébergé provisoirement,
24:35où il avait été accueilli par cette famille.
24:39Il explique qu'il était resté avec l'enfant
24:43et qu'il lui racontait des histoires
24:45et que le petit garçon avait confiance en lui.
24:48Et puis, l'officier de police judiciaire
24:51se montre un peu plus pressant
24:53sur les gestes qu'il a pu avoir avec le petit garçon,
24:59avec ce petit Rifki.
25:01Et là...
25:07Il a du mal.
25:08Et puis, oui, il m'est peut-être arrivé
25:13de passer la main d'une façon inappropriée
25:18sur son pantalon.
25:20Oui, oui, oui.
25:22Il a commencé par dire à plusieurs reprises
25:25en garde à vue, puis ensuite après,
25:27effectivement, poser les mains sur le sexe de Rifki.
25:32Ahmed Ansufudine revient sur ses propos.
25:35Il dit avoir mal expliqué les choses
25:37parce qu'il ne parle pas bien le français.
25:40Il ne s'exprime pas facilement. Il faut lui extirper chaque parole.
25:44Et qui plus est, chaque parole,
25:46elle est prononcée dans un mélange de créole et de français.
25:51Alors, le fait qu'il maîtrise mal ou qu'il parle très mal le français,
25:55évidemment, peut être utilisé ou pas,
25:58mais ça peut être un paravent, un écran pour se cacher,
26:02pour se masquer, pour éviter les questions,
26:05dire qu'on a mal compris et, finalement,
26:08refuser d'aller très loin dans les propos,
26:11les justifications sur les mobiles, sur le mode opératoire.
26:14C'est effectivement quelque chose qui a pu être utilisé,
26:18mais pas nécessairement. C'est une question posée.
26:21L'interrogatoire se poursuit tant bien que mal.
26:25Pour le reste, il ne reconnaîtra rien.
26:29Il reconnaîtra être parti avec l'enfant, mais sans malice,
26:32sans vouloir enlever l'enfant, etc., etc.
26:36Voilà. Il ne donnera aucune explication précise.
26:39Il expliquera avoir recherché la mère, ce qui s'avèrera être faux.
26:44Sa garde à vue dure 48 heures.
26:48Le 18 août, Ahmed Ansifodine est transféré
26:51au tribunal de grande instance de Rennes.
26:53Rennes, le ravisseur présumé du petit Rifki,
26:56a été mis en examen pour enlèvement et séquestration
26:59et pour agression sexuelle sur mineurs.
27:01Il a été placé en détention provisoire.
27:04Vu la nature des faits, vu le trouble à l'ordre public,
27:07c'était quasiment évident.
27:08Les choses étaient pour lui... Il tombait des nues.
27:11Il n'était pas du tout préparé à ça.
27:14Voilà. Il était...
27:17Il était vraiment perdu, vraiment déboussolé
27:20par tout ça.
27:24Pendant ce temps-là, Rifki est examiné à l'hôpital.
27:28Il n'a apparemment subi aucune blessure.
27:30Mais les médecins restent prudents.
27:33L'enfant doit encore être entendu par les policiers
27:36spécialisés de la brigade des mineurs.
27:40L'enfant ne parle pas spontanément
27:43de...
27:45de faits de nature sexuelle.
27:47Voilà. En revanche, et ce sera une constante
27:50tout au long de la procédure,
27:52il évoquera deux choses.
27:54Ahmed est violent, c'est-à-dire qu'il a pu lui donner
27:57notamment une table derrière la tête.
27:59C'est quelque chose qui reviendra régulièrement.
28:02Et il a pu lui dire des violences psychologiques,
28:05en quelque sorte, parce qu'il demande
28:07où est-ce que c'est bien naturel, où est sa maman, etc.
28:10Et à plusieurs reprises, il lui dira
28:12que sa maman, tu ne la reverras pas.
28:15Rifki, très rapidement, a ressenti le manque de sa maman.
28:20Et il l'a exprimé.
28:22Il l'a exprimé et la personne qui a fait le signalement
28:25pour pouvoir appréhender et interpeller
28:27Ahmed Ansufidine dans le train,
28:29cette personne a bien dit qu'à un moment,
28:32Rifki a commencé à réclamer sa maman
28:34et qu'Ahmed Ansufidine a donné une claque
28:36derrière la tête du petit garçon.
28:41L'audition ne dure pas.
28:43Rifki est agité, fatigué.
28:45Les enquêteurs n'insistent pas.
28:48C'est traumatisant pour l'enfant.
28:50Parce qu'il y a les auditions,
28:53qui ne sont pas faites dans des conditions
28:55protectrices et sécurisantes pour l'enfant.
28:57Il n'y a pas d'unité d'accueil médico-judiciaire
29:01en milieu hospitalier, en pédiatrie,
29:04où il est accueilli par une équipe médicale
29:06et de psychologues, où les gendarmes et policiers
29:09viennent à son cheveu.
29:10Imaginez, c'est King Kong,
29:12un petit pitchounet de 4 ans face à un adulte.
29:17Le lendemain, Rifki retrouve enfin sa mère.
29:21Ils sont hébergés immédiatement dans un foyer social rennais.
29:25On va essayer de les protéger le maximum possible.
29:28Voilà, il y a été mis en place
29:30une aide psychologique pour la maman.
29:33Il a été mis en place une aide psychologique
29:35pour les enfants.
29:37Et pour les deux enfants, d'ailleurs, de mémoire,
29:39parce que c'était également un choc pour la sœur,
29:42pour surmonter cela.
29:43Et voilà, une sorte de cocon a été fait.
29:47Musique douce
29:50...
29:52Le temps de l'instruction commence.
29:55Les enquêteurs examinent chaque détail
29:57afin de reconstituer le parcours de la cavale
30:01d'Ahmed Ansuifoudine.
30:03Il est parti à la périphérie de Rennes,
30:07dans un premier temps.
30:08On apprendra qu'il a fumé du cannabis,
30:12qu'il est revenu dans le centre-ville de Rennes
30:14et que, sur la place de la République,
30:16qui est à proximité de la place de la mairie,
30:18il n'est resté que trois minutes.
30:19De toute sorte, il n'est pas du tout retourné
30:21à la place de la mairie, il n'a pas recherché la maman.
30:24...
30:25Ahmed Ansuifoudine emmène Rifki à la gare.
30:29Il prenne le train et débarque à Paris.
30:33À partir du moment où il est à Paris,
30:34il cherche un endroit où dormir, il ira à la mosquée.
30:37Il indiquera qu'il vient de Dijon, il mentira.
30:40Il mentira plusieurs fois sur le lien avec l'enfance
30:43qui n'existe pas, sur l'endroit d'où il vient,
30:45qui est également faux.
30:48Et il essaiera d'ailleurs d'obtenir un peu d'argent
30:51pour faire le monde, en quelque sorte.
30:54Lorsqu'il a voulu aller à la mosquée
30:56pour avoir un hébergement là-bas et demander de l'aide,
31:01là, il s'est fait passer pour l'oncle de Rifki.
31:04Donc, en fonction des personnes qu'il a en face de lui
31:06ou en fonction de sa volonté, il modifie,
31:09il travestit la vérité.
31:11Il changera les vêtements de l'enfant,
31:14il veillera à ce qu'au plein mois d'août, d'ailleurs,
31:17l'enfant mette une capuche pour ne pas être reconnu.
31:21Voilà, il essaie de tromper, en réalité, tromper son monde.
31:28Pendant l'instruction, Rifki est expertisé par des psychiatres.
31:32Il s'agit de comprendre et d'évaluer le traumatisme de l'enfant
31:36et de savoir s'il a été abusé sexuellement.
31:40Le petit parlera de violences sexuelles
31:44uniquement devant l'expert psychologue.
31:47Voilà. Il évoquera, d'ailleurs, sans emphase particulière,
31:51mais avec des détails et une façon de l'exprimer
31:55qui apparaîtront tout à fait sincères pour l'expert.
31:59C'est une question importante. Est-ce que l'enfant est crédible ?
32:02Oui, l'enfant est crédible
32:06si on prend les enquêteurs, les magistrats,
32:09les experts prennent soin d'analyser, si c'est possible,
32:13la véracité de ses propos,
32:15de voir s'il n'est pas sous l'influence d'un adulte
32:18quand il parle, dans l'intérêt de l'adulte, par exemple,
32:21influencé par des parents ou par des proches.
32:24C'est très important. S'il y a matière à le faire,
32:26il faut pouvoir avoir une écoute critique
32:29de ce que disent les enfants.
32:31Rifki confirme donc qu'il a bien été victime d'Ahmed Ansuifoudine.
32:37De son côté, l'accusé se mûre dans le silence.
32:41L'instruction a du mal à se poursuivre.
32:43L'instruction, c'est M. Ahmed qui n'a pas répondu aux questions.
32:48Pourquoi est-il parti avec l'enfant ?
32:50Qu'a-t-il fait avec l'enfant ?
32:52Ce sont deux questions essentielles
32:54auxquelles il ne répondra absolument pas à l'instruction.
32:57Les échanges qu'on peut avoir,
32:59ils s'appauvrissent naturellement par tout ça.
33:01Ca le fatigue de venir rencontrer son avocat.
33:04J'évoque la seule personne qu'il rencontre.
33:07Personne ne vient le voir.
33:09Il est dans sa cellule, il attend que le temps passe.
33:13Et...
33:16Il a commencé à avoir des traitements
33:19parce qu'il a été en détention, en tout cas,
33:22diagnostiqué schizophrène.
33:28La famille de Rifki, elle, veut des réponses.
33:31Elle espère en obtenir au moment du procès.
33:34Musique angoissante
33:454 ans après les faits,
33:46le procès s'ouvre à la cour d'assises de Rennes.
33:49Un procès qui s'annonce éprouvant,
33:51en particulier pour la mère de Rifki.
33:54Musique angoissante
33:56Ca a été compliqué, cette exposition médiatique,
33:59parce qu'elle s'est retrouvée assaillie dans un pays,
34:02enfin, dans une contrée, dans une métropole qui n'est pas la sienne,
34:06à des journalistes qui étaient en bas de chez elle,
34:09qui essayaient d'avoir des informations, son avis, etc.
34:12Elle, qui ne voulait pas parler,
34:14elle, qui n'avait pas les codes culturels métropolitains.
34:18Donc, c'est une femme un peu apeurée
34:21qui a commencé ce procès et qui a marqué,
34:24ce procès et même cette instruction,
34:26et qui a marqué tout le temps judiciaire,
34:28du début jusqu'à son achèvement dans la cour d'assises.
34:32Pendant l'audience,
34:33la cour essaie d'établir un profil du coupable présumé.
34:37Est-il vraiment un prédateur ou juste un paumé ?
34:41On est face vraiment à un jeune homme
34:43qui a traversé sans doute
34:46un grand nombre de traumatismes pendant toute sa vie,
34:49qui arrive tout fraîchement, en fait, en métropole,
34:53au moment des faits.
34:54Il est arrivé depuis peu de temps, il est dans une situation d'errance,
34:58il n'est pas du tout stabilisé,
35:00et ça se traduit aussi sur sa façon d'être.
35:04C'est cohérent avec son discours, qui est un peu confus,
35:07il passe d'un sujet à un autre,
35:10et il a beaucoup de mal à parler des faits.
35:12La volonté d'enlever Rifki
35:15n'est toujours pas reconnue par Ahmed Ansufoudine.
35:19Je pense que dans l'esprit de M. Ahmed,
35:21il est évident qu'il a voulu, dès le départ, enlever cet enfant.
35:25On n'est pas sur la notion de, comme il a pu le dire
35:28et s'exprimer devant la cour d'assises,
35:30au travers de ses déclarations,
35:32de dire, finalement, j'allais faire des courses,
35:35je me suis égarée,
35:37et après, je n'ai pas réussi à retrouver la maman.
35:40Ça, c'était une de ses versions.
35:41Personnellement, je n'y ai absolument pas cru.
35:44Et je pense qu'il a profité aussi du fait qu'il était lui aussi maorais.
35:48Sans doute qu'il en a profité,
35:50du fait qu'effectivement, il y avait une communauté comorienne,
35:55il y a une unité de culture, de parole.
35:58C'est comme ça, d'ailleurs,
36:00qu'à la recherche d'un endroit pour dormir,
36:04voyant que la famille parlait maorais,
36:07il est intervenu.
36:09Et la maman a sans doute été heureuse
36:14d'entendre parler maorais de son côté.
36:18Concernant les faits d'agression sexuelle, c'est la même chose.
36:22Ahmed N.Foudine, mis en bloc.
36:25Au procès, il ne parle pas des violences sexuelles.
36:27On a quelqu'un qui, en garde à vue, reconnaît les faits,
36:31et puis vient le temps de la détention.
36:34Et dans le temps de la détention, évidemment,
36:37il n'est jamais évident, quand on est en prison,
36:41de maintenir cette position-là, même si elle correspond à la vérité,
36:44parce qu'évidemment, les auteurs d'agressions sexuelles,
36:47à fortiori sur les enfants, sont assez mal vus,
36:51y compris en détention.
36:54Mais les propos de Rifki
36:55le désignent comme son agresseur sexuel.
36:59L'enfant va évoquer des attouchements réciproques,
37:04voilà, entre l'adulte et lui-même.
37:07Sans rentrer dans beaucoup de détails, des bribes de phrases,
37:10voilà, et...
37:14dont l'expert a pu expliquer à la barre qu'ils n'ont pas pu être inventés.
37:18Des accusations de pédophilie qui semblent se répéter.
37:23Ce qu'il faut savoir, c'est que les personnes
37:25qui ont un attrait pédophilique,
37:27c'est-à-dire pour des jeunes prépubères,
37:29parce que c'est ça, la limite de la pédophilie,
37:31c'est le fait d'être attirés par ce qu'on appelle des enfants,
37:33donc qui ne sont pas encore pubères,
37:35donc ça peut aller de la naissance à la fin de la prépuberté,
37:39et avec une attirance pour les deux sexes
37:42ou pour un seul des deux sexes,
37:45ces gens-là ne sont pas des malades mentaux.
37:47Donc ils ont parfaitement conscience de leur attirance,
37:49la plupart du temps, de ce qu'ils préfèrent,
37:52et la plupart du temps,
37:53savent très bien ce qu'ils vont faire, ce qu'ils font,
37:57et savent même que c'est interdit, mais ils le font quand même.
38:00Donc ça, c'est quelque chose qui fonctionne très clair,
38:02et ce qui fait que la plupart du temps,
38:03ils sont considérés comme responsables de leurs actes,
38:05parce que justement, ils n'ont pas de troubles mentaux
38:07suffisamment graves pour que le contrôle de leurs actes
38:10et leur discernement soit aboli, comme le prévoit le Code pénal.
38:14Et c'est ce que disent la plupart des experts
38:15qui les expertisent la plupart du temps,
38:17ils considèrent qu'ils sont pénalement responsables,
38:19c'est la raison pour laquelle on les trouve
38:20devant les tribunaux correctionnels ou criminels,
38:24la cour d'assises, suivant la gravité des faits.
38:27L'accusation souligne le passé judiciaire
38:30chargé d'Ahmed Ansufoudine,
38:32aussi bien en matière d'enlèvement que d'agression sexuelle.
38:37On a des éléments, notamment une expertise,
38:39un examen psychiatrique,
38:41qui vient clairement poser la question
38:43de la personnalité, en tout cas, à connotation pédophilique,
38:48et même la perversion pédophile d'Ahmed Ansufoudine.
38:54L'accusation insiste sur sa dangerosité de récidiviste,
38:58en prenant l'exemple des faits commis sur l'île de la Réunion
39:01contre un jeune garçon, Badrane.
39:04Ahmed Ansufoudine n'était pas encore condamné
39:07pour les faits commis sur Badrane deux mois auparavant,
39:11quand il a enlevé Rifki,
39:12mais on était sur cette notion quand même de prédateur
39:16qui, potentiellement, cherchait, en tout cas,
39:19à prendre les enfants, à les enlever, pour leur faire du mal
39:21et pour abuser d'eux sexuellement.
39:24Si il a chassé comme ça,
39:27est-ce qu'il a chassé avant ?
39:30A-t-il chassé avant ?
39:31Et si oui, comment allons-nous pouvoir connaître
39:36ou reconnaître ou trouver ces victimes précédentes ?
39:41Le procès continue de se dérouler,
39:44mais vite s'ajoute une difficulté.
39:47Ahmed Ansufoudine ne semble pas être dans son état normal.
39:52Il est ailleurs.
39:53Il est ailleurs en ce sens que, manifestement, il a un traitement.
39:59Il a un traitement médical, comme on l'a souvent
40:02et comme, particulièrement, avant de passer devant une cour d'assises.
40:06Voilà, alors, sous quelle dose, je n'en sais rien,
40:10mais ce qui fait qu'il semble quand même
40:14un peu shooté par les médicaments.
40:17Monsieur Ahmed, je pense qu'il...
40:21Il est extrêmement anxieux à l'idée de ce procès
40:26et je pense,
40:29parce que je ne sais pas si c'est lui qui a demandé
40:32à être autant presque sédaté, parce que c'est vraiment le terme,
40:37ou si, en réalité, c'était le résultat des traitements qu'il a en détention
40:42qui sont de plus en plus lourds, parce qu'il s'enfonce,
40:45dans ce que j'indiquais
40:47d'une, peut-être, une pathologie schizophrène ou pas.
40:52En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'à l'audience,
40:55il est vraiment sous médicament
40:59et tout le monde le note.
41:00Il a même des moments où il s'endort.
41:03C'est difficile à entendre pour les jurés.
41:05C'est-à-dire qu'on a beau leur dire que ce n'est pas de sa faute,
41:08il est sans doute sur un surdosage de médicaments,
41:12c'est les médicaments qu'il prend qui l'assomment,
41:17il renvoie une image très désagréable de quelqu'un qui a assez peu d'émotions,
41:21de quelqu'un qui s'en fiche un peu de ce qui est en train de se passer,
41:26qui s'en fiche de la victime, alors que ce n'est pas du tout le cas.
41:30Et au final, il est passé, me semble-t-il,
41:33un peu à côté de son procès, effectivement.
41:36On avait beaucoup de questions à lui poser et il n'a donné que peu de réponses.
41:44Le troisième et dernier jour,
41:46Ahmed Ansufoudine est confronté à l'audition de sa mère.
41:50Elle est en visioconférence depuis la réunion.
41:54Là, on en apprend davantage sur l'enfance chaotique de l'accusé.
42:00Il faut savoir que M. Ahmed a subi énormément de sévices
42:04de la part de sa maman.
42:05Le dossier révèle des actes qui confinent même à la torture.
42:09Il a été ligoté sur un lit quand il était petit,
42:11elle a mis feu au matelas.
42:13Ce qui fait qu'assez rapidement, c'est un enfant qui a été placé
42:16avec effectivement tous les séquelles, les brûlures,
42:19et aussi les séquelles affectives.
42:21L'expert psychologue qui le voit, l'indique et le souligne,
42:25c'est quelqu'un qui est extrêmement carencé
42:27et surtout carencé éducativement et affectivement.
42:30Il n'a pas l'amour de sa maman, il n'a pas les repères qu'on lui donne.
42:33Ca a été un moment assez émouvant
42:35parce qu'à la fois, Ahmed Ansufoudine a pu revoir cette mère,
42:39cette mère aussi a pu réexprimer
42:42le fait qu'elle était particulièrement désolée
42:45de ce qui s'était passé, en tout cas qu'elle lui demandait pardon.
42:48Ca a été un moment assez fort parce que c'est un moment
42:51où, au travers de toutes les carences affectives
42:54dont Ahmed Ansufoudine a fait l'objet,
42:56dont Ahmed Ansufoudine a fait l'objet,
42:58ce qui a été retenu également par tous les experts
43:01qui ont pu, à un moment ou à un autre,
43:03examiner Ahmed Ansufoudine,
43:05ça a été un moment où on a, je pense,
43:07mesuré ces carences affectives dont il a pu faire l'objet.
43:11Ca a été un moment assez émouvant, je le conviens et je le concède.
43:18Le délibéré dure quatre heures. L'angoisse est palpable.
43:21On a l'impression que le temps est suspendu,
43:24mais pas tant que ça, parce qu'on regarde sa montre
43:26en se disant qu'il y a une heure qui s'est passée, deux, trois...
43:32Finalement, le verdict tombe.
43:34Ahmed Ansufoudine est reconnu coupable d'enlèvement
43:38et de détention de mineurs,
43:40mais aussi d'atteinte sexuelle sur mineurs.
43:43Il est condamné à 15 ans de réclusion criminelle.
43:47Il le prend, finalement, comme un soulagement,
43:49en fait, peu importe la décision,
43:51peu importe les qualifications qui ont été retenues,
43:55pour lui, c'est terminé.
43:57J'ai senti quand même un soulagement.
44:00Un soulagement très fort chez la maman.
44:03Bien souvent, chez les parents de victimes d'agressions sexuelles,
44:06il y a une part de culpabilité.
44:08Voilà. Elle était, c'est un cliché de dire ça,
44:11mais voilà, réhabilitée en la matière.
44:15Pour l'association La Voix de l'Enfant, c'est une victoire.
44:20Il a quand même été condamné à 7 ans de suivi socio-judiciaire.
44:23Voilà. L'objet, en tout cas, de La Voix de l'Enfant,
44:26le but de La Voix de l'Enfant, c'est de faire en sorte
44:29que ces personnes-là puissent obtenir des soins
44:32pour éviter de récidiver.
44:41C'est la récidive qui explique la sévérité du jugement
44:45à l'encontre d'Ahmed Ansufoudine.
44:48Ce qui est certain, c'est que les experts
44:50qui se sont déposés à la barre
44:54ont pu expliquer que le risque de récidive
44:57ne pouvait évidemment pas être écarté.
45:00Voilà. Ce qui est certain, c'est qu'il avait un passé pour lui.
45:03Ce qui est certain, c'est qu'il consultait des sites
45:07pour le moins tendancieux.
45:08Donc, oui, il y avait un danger.
45:10La question qui se pose, c'est de savoir ce qui s'est réellement passé
45:14dans la nuit du 15 au 16 août 2015.
45:18Et nous n'aurons jamais ses réponses en la matière,
45:22puisqu'il ne nous les donnera jamais.
45:25Et à son procès, il ne les a évidemment pas données.
45:29Musique inquiétante
45:31...
45:35Coup de feu
45:36...
45:41Musique douce
45:43Deux ans plus tard, l'association La Voix de l'Enfant
45:47est toujours aussi engagée.
45:49Pour eux, l'affaire Ifki est devenue un symbole de lutte
45:53contre la récidive.
45:55On doit prendre les mesures.
45:57Il vaut mieux se tromper,
45:59il vaut mieux se dire qu'on leur a pris une mesure pour rien
46:04que d'avoir eu ce passage à l'acte.
46:06Parce que, n'oublions pas qu'Ifki, il a été victime
46:11non seulement d'un enlèvement,
46:13mais d'agressions sexuelles aussi, avant l'enlèvement.
46:16Donc, il est victime, cet enfant.
46:19Il a été victime.
46:20Et ça, on aurait pu l'éviter.
46:23L'avocat de la mère de Ifki, lui,
46:25est toujours plongé dans la procédure
46:28afin d'obtenir une indemnisation.
46:30C'est la CIVI, la Commission d'indemnisation
46:33des victimes d'infractions,
46:35qui a dorénavant le dossier entre les mains.
46:38Pour le moment, ni la maman ni l'enfant n'ont été indemnisés,
46:41mais c'est une question de semaines, au moment où je vous parle, voilà.
46:46Musique douce
46:48Une indemnisation nécessaire pour se reconstruire.
46:51Car Ifki a vécu un traumatisme dont il a subi des séquelles.
46:58Je me souviens de petits garçons qui avaient des peurs paniques,
47:02qui collaient sa maman, littéralement,
47:05qui s'accrochaient à sa mère, mais d'une façon viscérale,
47:08qui ne voulaient pas qu'on ouvre les fenêtres.
47:11Musique douce
47:14Aujourd'hui, Ifki a 9 ans.
47:17Il va à l'école, toujours près de Reine,
47:20où il grandit comme un petit garçon ordinaire.
47:23La maman est restée dans la région renaise
47:25parce qu'elle a bénéficié d'un soutien,
47:29d'un accueil, de structures,
47:32qui lui ont été extrêmement favorables pour elle et pour sa famille.
47:36La maman de Ifki tenait à pouvoir essayer de reprendre
47:40le cours normal et une vie normale pour son enfant.
47:43Je crois qu'elle attendait simplement à pouvoir faire en sorte
47:47que Ifki puisse s'épanouir au-delà de toute la médiatisation
47:51qu'il a pu susciter, malgré lui, ce petit garçon.
47:55Musique douce
47:57Malgré les années qui passent, l'enlèvement de Ifki
48:00a laissé des traces indélébiles,
48:02aussi bien pour le petit garçon que pour sa maman.
48:06Il demeurera toujours dans le coeur de la maman,
48:09pas une inquiétude sur ce qui s'est exactement passé
48:12entre le 15 et le 16 août 2015.
48:15Parce que ces questions-là, on n'aura aucune réponse.
48:18On n'a aucune réponse à cela.
48:20Voilà. C'est un petit garçon qui évolue favorablement.
48:25C'est important de le souligner,
48:28mais on saura, quand il sera adulte,
48:31si tout est...
48:32si il a réussi à passer au-delà.
48:37Musique douce
48:39...
48:42...
48:48...
48:53...
48:58...
49:03...
49:08...
49:13...
49:18...
49:24...
49:29...
49:34...