• il y a 3 mois
Christophe Gomart, eurodéputé LR, ancien chef du renseignement militaire français et Amélie Ferey, chercheuse, responsable de recherche sur la défense au sein de l'Institut français des relations internationales, reviennent sur les explosions de bipeurs qui ont eu lieu au Liban mardi 17 septembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-18-septembre-2024-9290833

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00:007h49, Sonia De Villers, vos invités reviennent sur l'attaque de grande ampleur qui a frappé le Liban hier après-midi.
00:07Neuf morts, 2 800 blessés dans tout le pays, des beepers ont explosé, sont visés manifestement des membres du Hezbollah, l'organisation islamiste chiite basée au Liban.
00:16Les regards se tournent désormais vers Israël dont les services secrets sont soupçonnés d'avoir piloté l'opération.
00:22Avec nous Amélie Ferré, bonjour, vous êtes directrice du laboratoire de recherche sur la défense à l'IFRI, votre prochain ouvrage paraît le 26 septembre,
00:31il est intitulé « Les mots, nouvelle arme de guerre » aux éditions Robert Laffont.
00:35Avec nous également Christophe Gomart, bonjour, vous êtes eurodéputé Les Républicains, ancien chef du renseignement militaire français et vous êtes en direct depuis Strasbourg.
00:46Une première question pour vous Christophe Gomart, pourquoi selon vous le Hezbollah aurait-il équipé ses membres de ces petits appareils de communication très rudimentaires dont on ne se sert quasiment plus nous en France ?
01:00Eh bien c'était pour éviter d'être écouté ou intercepté par les renseignements israéliens qui avaient infiltré tous les réseaux téléphoniques du Hezbollah.
01:11Et donc c'était un moyen beaucoup plus rustique qui permettait effectivement de ne pas forcément être intercepté mais preuve qu'il y a un message qui a été envoyé qui a sans doute fait exploser à ce moment-là au même moment les beepers détenus par les membres du Hezbollah.
01:22C'est ça, parce que les beepers sont reliés par ondes radio et non pas par réseau téléphone ou par réseau internet.
01:29Amélie Ferré, comment des explosions aussi nombreuses, coordonnées et simultanées ont pu être programmées techniquement ?
01:38Alors il y a deux options, deux scénarios aujourd'hui.
01:41Le premier scénario ce serait une attaque cyber conduite probablement par cette célèbre unité, l'unité 8200, avec du coup une faille dans un système qui permet de faire exploser de manière simultanée tous les composants du système.
01:57Mais l'option qui semble aujourd'hui la plus probable...
02:00Cette unité, c'est une unité du Mossad ?
02:02Non, c'est une unité de l'armée israélienne.
02:05De l'armée israélienne, très bien.
02:06De toute façon c'est probablement une opération conjointe armée israélienne Mossad.
02:10Aujourd'hui l'option la plus probable ce serait une faille dans la chaîne d'approvisionnement de ces systèmes.
02:18C'est-à-dire que le Mossad a pu implanter des explosifs à l'intérieur des appareils avant qu'ils soient livrés aux membres du Hezbollah.
02:29Et donc on aurait une opération en deux temps.
02:31Avec un premier temps d'intoxication des hauts dirigeants du Hezbollah en disant votre système de communication est infiltré par Israël, il faut en changer.
02:39Et un deuxième temps où du coup les appareils piégés sont délivrés au Hezbollah.
02:45Donc on leur a fait croire que leur système de communication étant périmé, il fallait passer une nouvelle commande.
02:52D'où cette commande de mille bippers passée dans une usine taïwanaise à l'entreprise Gold Apollo.
02:58Ce sont les informations qu'aurait aujourd'hui la presse américaine, le New York Times par exemple.
03:03Et cette entreprise taïwanaise Gold Apollo qui dément, qui dit ne pas être entièrement responsable de la chaîne de fabrication de A à Z de ces appareils.
03:12Pour vous ça ne fait aucun doute que ça vient d'Israël cette attaque ?
03:16Pour moi il y a un faisceau d'indices concordants qui du coup laisse à penser que c'est Israël.
03:21Premièrement dans le contexte régional aujourd'hui où il y a une guerre qui ne dit pas son nom entre Hezbollah et Israël.
03:29Deuxièmement par le mode opératoire et la sophistication de cette attaque.
03:34Un mode opératoire qui par ailleurs avait déjà été utilisé contre un responsable du Hamas, Yairia Hayash en 1996.
03:42On avait fait exploser son téléphone portable ?
03:45Exactement. Et là c'était son neveu qui lui avait donné le téléphone en question.
03:50Et troisièmement il y a eu un tweet d'un conseiller de Netanyahou, Topaz Louk, qui reconnaît implicitement l'implication d'Israël dans cette attaque.
04:00Tweet qui depuis a été supprimé et un membre de la Knesset a d'ailleurs demandé une requête judiciaire contre ce conseiller pour divulgation d'informations confidentielles.
04:11Christophe Gomart, la piste israélienne et le silence d'Israël sur cette opération. Votre réaction ?
04:18Oui, Israël ne revendique jamais les attaques qu'il mène, quelles qu'elles soient d'ailleurs.
04:22Mais c'est vraisemblable que ce soit Israël pour faire retomber la passion avec l'Usbola qui pouvait éventuellement préparer une attaque.
04:28Israël actuellement mène toujours sa guerre contre la Gaza et donc peut difficilement avoir deux fronts ouverts, l'un à Gaza et l'autre face au Usbola.
04:37Donc est-ce qu'ils avaient une idée d'une éventuelle attaque menée par l'Usbola ?
04:42On voit bien qu'Israël cherche à ralentir et à affaiblir l'Usbola, empêcher toute attaque et affaiblir l'Usbola.
04:58Amélie Ferré, en effet, l'Usbola là, avec énormément de membres blessés, des systèmes de communication qui sont à terre,
05:07mais aussi un système hospitalier qui est ralenti, se voit considérablement entravé, plus que jamais ?
05:13Oui, tout à fait. Ce qui est important de souligner, c'est que depuis le 7 octobre dernier, on a un effondrement des capacités de dissuasion du Usbola.
05:23C'est-à-dire qu'on a l'impression d'un Usbola qui est très faible militairement.
05:28L'arsenal avec les missiles de précision dont Nassrallah, le chef du Usbola, se vante régulièrement,
05:36sont incapables de faire aucun dommage à Israël.
05:41Du coup, on est dans une situation où, au contraire, Israël arrive justement en menant soit des éliminations ciblées contre des responsables,
05:51comme Fouad Choukhr, qui a été tué à Beyrouth, soit en menant des frappes contre des dépôts de munitions, des sites de lancement de missiles,
06:01ou des opérations comme celle-ci, arrive à complètement incapaciter le Usbola.
06:07La question qui se pose aujourd'hui, c'est est-ce que, pour Israël, c'est le moment de lancer une offensive terrestre,
06:14de manière à justement enlever cette épée de Damoclès qu'est l'Usbola, pour la sécurité des Israéliens,
06:22et notamment des populations qui vivent au nord d'Israël, qui sont actuellement déplacées,
06:26ou est-ce qu'Israël pense que l'opération terrestre serait trop coûteuse,
06:30parce que toute la zone frontière a été fortifiée par l'Usbola depuis 2006,
06:35et donc se contente de mener des actions de ce type sans lancer cette offensive ?
06:41Christophe Gomart, est-ce qu'on peut s'attendre à une escalade, à une réplique,
06:45dans les semaines, dans les jours, voire dans les heures qui viennent ?
06:49Alors oui, c'est ce qu'annonce le Usbola, c'est ce qu'annoncent tous les adversaires d'Israël,
06:53mais finalement, on voit bien qu'Israël est plus fort que tous ces mouvements, que tous ces proxys iraniens.
06:59Alors oui, la montée en tension existe, puisque la preuve, l'utilisation des bipers explosifs, c'est une montée en tension.
07:07Peut-être pour Israël, pour faire retomber la pression vis-à-vis du Usbola et empêcher l'Usbola d'attaquer,
07:12ou pour préparer eux-mêmes une attaque vers l'Usbola, mais ça, je n'y crois pas trop.
07:17Ce qui est certain, c'est qu'Israël veut faire revenir dans le nord les 60 000 Israéliens déplacés,
07:21qui ont dû quitter leur village, qui sont en bordure de la frontière sud du Liban,
07:25et donc peut-être, c'est l'occasion, en effet, l'Usbola étant affaibli par cette attaque,
07:31c'est l'occasion pour faire revenir ces populations déplacées.
07:34Alors, Christophe Gomart l'a suggéré, la grande question, le grand inconnu, là-dedans, c'est l'Iran.
07:40C'est-à-dire, est-ce que l'Iran serait prêt à s'engager dans un conflit pour venir défendre l'Usbola sous attaque d'Israël ? Amélie Ferrer.
07:50Alors, il faut simplement rappeler que l'Usbola est partie liée avec l'Iran,
07:55et c'est une forme de bras armé de l'Iran qui, du coup, menace Israël.
08:02Et ce qui est important de souligner, c'est que si l'Iran n'est pas prêt à entrer dans une guerre ouverte avec Israël et les États-Unis
08:10pour l'assassinat, par exemple, d'Ismail Haniyeh, qui était un responsable du Hamas à Téhéran,
08:16par contre, le fait de perdre l'Usbola au Liban, c'est quelque chose de tout à fait différent,
08:22et je ne pense pas que l'Iran serait prêt, justement, à laisser l'Usbola s'effondrer militairement.
08:28Donc l'Iran peut s'engager dans ce conflit.
08:32Je vous remercie beaucoup Amélie Ferrer, je vous remercie aussi Christophe Gomart de nous avoir rejoints depuis Strasbourg.
08:38Bonne journée.

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