France Bleu a prélevé des échantillons partout en France à la recherche de polluants éternels dans l'eau du robinet. Justine Criquet, chimiste à l'université de Lille, décrypte les résultats de cette enquête en direct sur France Bleu Nord.
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00:00Bonjour Justine Criquet, précisons peut-être pour commencer de quoi on parle quand on utilise ce terme de PIFA,
00:05ce sont au départ des molécules, des substances fabriquées par l'Homme
00:09qui ont été utilisées pendant très longtemps pour fabriquer divers produits,
00:12c'est ça une chose qu'on retrouve à peu près partout ?
00:14Oui effectivement, on le retrouve dans de nombreux procédés dont de nombreux matériaux,
00:20des lubrifiants, des peintures, des traitements de surface et aussi par exemple les mousses anti-incendie
00:28et des produits que l'on a aussi à la maison, certaines barquettes alimentaires contiennent ce genre de produits,
00:35des revêtements anti-tâches, anti-adhésifs, des cosmétiques aussi,
00:38on en a retrouvé dans pas mal de choses qu'on a au quotidien.
00:42Donc une liste qui est très longue, comment ces PIFA se retrouvent-ils ensuite dans la nature
00:47et là en l'occurrence le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, dans l'eau du robinet,
00:50parce que vous venez de citer des choses qu'on a chez nous, comment ça se retrouve ensuite dans l'eau ?
00:53Alors dans l'eau, les sources de pollution c'est les sites industriels qui produisent ces substances,
01:00là c'est ponctuel mais ça représente des grosses quantités qui peuvent être déversées dans les eaux,
01:07souvent les eaux de surface, donc les rivières.
01:09Donc les rochers des usines.
01:10Et peut-être aussi les mousses anti-incendie qui peuvent être utilisées en grande quantité
01:15dans les aéroports par exemple, dans les tests et les zones d'entraînement des pompiers.
01:23Alors on a pris des précautions après avec des zones imperméables pour ces zones d'entraînement,
01:27mais comme c'est des composés qui restent très longtemps dans l'environnement,
01:32ce qu'on a fait il y a 20 ans a pu impacter la ressource d'eau aujourd'hui.
01:37C'est pour ça qu'on qualifie ces polluants d'éternels.
01:40Selon les analyses que nous avons commandées à France Bleu Nord,
01:42les PIFA sont donc été retrouvés dans de l'eau du robinet que nous avons prélevé à Lille.
01:47Sur 25 polluants recherchés, nous en avons trouvé 9.
01:51C'est un résultat qui vous surprend ?
01:53Non, ça ne me surprend pas parce qu'effectivement,
01:59on en parle depuis quelques années dans le monde académique.
02:03Depuis 10-20 ans, les gens en parlent et font des analyses de ces composés.
02:10On a des chiffres de plus en plus grands, de plusieurs dizaines,
02:14mais là on est à plusieurs milliers maintenant de ces substances
02:16parce qu'elles sont très diverses.
02:21Là, on a 9 composés qui sont là mais à des concentrations faibles.
02:27Justement, c'est ce que j'allais vous dire.
02:29Dans ces PIFA, ce que nous avons trouvé,
02:312 sont classés tout de même cancérogènes ou cancérogènes probables
02:34et en même temps, nous sommes en dessous des seuils
02:36qui sont imposés aujourd'hui par la réglementation.
02:38Alors, question toute bête, c'est ce qu'il faut s'inquiéter.
02:40Quand on y est, on a trouvé 9 polluants éternels dans l'eau du robinet à Lille.
02:43Vous dites que vous y attendiez, ça veut dire qu'il n'y a pas d'alerte particulière ?
02:47Il faut regarder après la quantité qu'on retrouve
02:51et effectivement, d'après les résultats,
02:54on est en dessous des seuils de la réglementation.
02:57On peut revenir aussi sur cette réglementation.
02:59Pourquoi aujourd'hui on les retrouve ?
03:01C'est que la réglementation européenne a évolué en 2020
03:05avec des nouvelles substances qui ont été intégrées dans cette réglementation
03:10et tous les États membres doivent retranscrire dans leurs droits nationaux
03:16ces mêmes restrictions.
03:18Et donc la France l'a fait récemment.
03:22Et donc on analyse et on en retrouvera forcément dans les ressources en eau.
03:27Mais voilà, là on est inférieur au seuil qui est très très bas
03:32parce qu'il y a des normes de sécurité et des facteurs de sécurité.
03:36C'est des données, ce seuil qui est à 0,1 microgramme par litre
03:42et il est calculé sur une consommation d'eau sur 70 ans
03:45avec un risque acceptable de développer une maladie
03:49pour une personne sur 1 million sur une vie de 70 ans.
03:55Donc pas d'inquiétude particulière à avoir pour l'échantillon lillois ?
03:58Non, les concentrations on peut les commenter.
04:02On a une somme des 9 composés parmi les 20 réglementés
04:07qui est à 58 nanogrammes par litre et le seuil est à 100.
04:11Alors effectivement on peut se dire que c'est quand même un chiffre.
04:17Les chiffres sont là mais on est inférieur au seuil
04:19qui est relativement bas en termes de sécurité.
04:248h moins 10, c'est l'année d'ici matin.
04:26Nous sommes en direct avec le professeur Justine Criquet,
04:28spécialiste du traitement de l'eau potable à l'université de Lille.
04:32Justine Criquet, vous venez de nous dire que ces polluants étaient là
04:36à des seuils qui sont moindres que ceux qu'impose la réglementation.
04:40On peut aussi imaginer dans les prochaines années
04:42qu'ils seront là de plus en plus présents dans l'eau du robinet
04:45ou pas ? Est-ce que c'est amené à augmenter ?
04:47Est-ce que les seuils pourraient être dépassés un jour ?
04:49Il faut effectivement peut-être faire une étude sur les sources potentielles
04:53qui pourraient continuer à contaminer les ressources en eau de la métropole
04:57mais pas que, de toute la région, de toute la France.
05:00On écouterait effectivement tout à l'heure le vice-président de la métropole
05:02sur les questions qui sont en train de regarder s'il n'y a pas des anciennes décharges
05:05qui pourraient justement polluer certains forages.
05:07Que peut-on faire face à ces polluants ?
05:09Une fois qu'ils sont là, est-ce qu'on peut s'en débarrasser, les éliminer ?
05:12Ou ils resteront dans l'eau quoi qu'il arrive ?
05:14Alors il y a beaucoup d'efforts de recherche actuellement au niveau mondial
05:18surtout aux Etats-Unis où ils ont mis un très gros plan
05:22beaucoup d'argent sur la recherche
05:24parce qu'effectivement la problématique c'est qu'ils sont difficilement éliminables
05:28une fois qu'ils sont dans l'eau.
05:30Dans les procédés actuels de traitement
05:32le charbon actif qui est utilisé pour éliminer les micropolluants
05:37on peut en retenir certains, pas tous
05:40mais la problématique après c'est qu'ils vont en retenir sur un certain temps
05:45et là où on pouvait utiliser un matériau
05:48donc ce charbon actif dans les filières de traitement
05:50on pouvait l'utiliser plusieurs années
05:52là on est réduit parfois à quelques mois
05:54et donc un coût supplémentaire si on doit changer
05:57au bout de 2-3 mois un matériau qu'on utilisait avant plusieurs années.
06:01Et peut-être juste dernière question pour préciser
06:04mais on parle de l'eau du robinet aujourd'hui
06:06parce que nous avons mené cette enquête en prélevant des échantillons d'eau du robinet
06:09mais l'eau en bouteille n'est pas préservée
06:11récemment l'entreprise Nestlé a été aussi épinglée
06:14parce qu'il y avait de la présence de polluants
06:16notamment des pifasses dans les eaux qu'elle mettait ensuite dans des bouteilles
06:18ça veut dire qu'on peut s'attendre à en retrouver dans énormément d'endroits
06:22ce n'est pas que l'eau du robinet, a priori c'est présent partout.
06:25Alors l'eau du robinet on va avoir des analyses
06:29on va en retrouver et on va mettre le focus là-dessus
06:32les embouteilleurs d'eau qui nous vendent très cher leur eau en bouteille
06:38n'ont pas la même réglementation et le même devoir d'information
06:42sur les polluants qui sont présents dans leurs eaux
06:45ça c'est vraiment une grosse problématique
06:48par rapport à ça et une inégalité finalement.
06:52Donc oui on peut retrouver mais il faudra faire aussi attention
06:56je vous ai dit qu'on avait des produits à la maison
06:59qui contenaient ces composés donc c'est une exposition globale
07:02il n'y a pas que l'eau de consommation.
07:04Merci beaucoup Justine Criquet de nous avoir aidé à analyser ces résultats
07:08cette enquête menée par France Bleu
07:11dont vous pouvez retrouver d'ailleurs les résultats sur notre site francebleu.fr
07:15puisque des relevés ont été faits partout en France
07:18alors on a trouvé de ces pifasses à Lille
07:21des taux qui sont inférieurs aux réglementations
07:23mais dans plusieurs communes comme Cognac par exemple
07:26Martre, Toulousane, Haute-Garonne, Saint-Symphonie à Dauzon
07:29les pifasses sont présentes à des taux qui sont supérieurs à la réglementation
07:34donc vous retrouvez tout ça sur francebleu.fr
07:36Merci encore Justine Criquet chimiste à l'université de Lille
07:38et spécialiste de ces questions de traitement de l'eau potable.
07:41Bonne journée.
07:42Merci.