Ce jeudi matin, le député de Gironde Nicolas Thierry était l'invité de France Bleu Gironde. Il a réagi à l'enquête menée par France Bleu et la Cellule investigation de Radio France sur les PFAS, les polluants éternels, retrouvés dans de l'eau du robinet.
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00:00Bonjour Nicolas Thiry. Bonjour. On va commencer par par les chiffres. Les 44 locales de France Bleue et la cellule investigation de Radio France ont donc
00:06analysé l'eau du robinet à 89 endroits dans 43% des échantillons.
00:11Il y a des péphaces. Trois villes dépassent même la norme européenne. Est-ce que ça vous étonne ?
00:16Pas du tout. En fait on sait qu'on est face à une pollution systémique.
00:21C'est un scandale qui a explosé aux Etats-Unis il y a maintenant 25 ans. On en parlait très peu en Europe et en France.
00:27Donc c'est pas étonnant du tout. Dès qu'on se met à en chercher, on en trouve et c'est que le début. Vous dites c'est
00:33un enjeu de santé publique qui n'est pas encore très connu. Est-ce qu'on peut
00:36réexpliquer comment ils se retrouvent dans notre eau du robinet ces péphaces ? En fait les polluants éternels, donc on peut parler de piphaces,
00:42ils sont utilisés à peu près partout dans les objets du quotidien. Ils ont été développés par les
00:47industriels à partir des années 40 parce qu'ils permettent aux objets d'être imperméabilisants, anti-taches, anti-adhésifs.
00:52Et progressivement, ils sont retrouvés un peu partout. Mais évidemment, le revers de la médaille de ces caractéristiques c'est qu'une fois dans nos corps ou une
00:59fois dans l'environnement, on n'arrive pas à s'en débarrasser.
01:01Et c'est lié à l'émergence d'un certain nombre de pathologies comme l'infertilité, le cholestérol ou certains types de cancers.
01:08Il y a un certain consensus scientifique sur les dégâts qu'ils peuvent provoquer aujourd'hui.
01:12On en a beaucoup entendu parler de leur présence dans les poêles, les casseroles. C'est vraiment ça qui a déclenché l'affaire finalement ?
01:18Oui, ça a été une des premières utilisations dès les années 50 ou 60.
01:23Mais c'est une application parmi
01:26beaucoup. Et il faut aussi rappeler que quand on parle des polluants éternels, on parle d'une famille avec 12 000 substances
01:32différentes. On ne les a même pas totalement toutes et encore identifiées.
01:35Alors des polluants éternels, il y en a dans l'eau qu'on a mesurée ici à France Bleu Gironde au Robinet.
01:40On trouve 8 polluants éternels sur les 25 qu'on cherchait. Mais ça reste dix fois en dessous du seuil qui sera autorisé en
01:472026. Alors, est-ce qu'il faut vraiment s'en inquiéter ?
01:49Alors, il y a une norme qui va arriver, qui va être imposée par l'Europe à tous les États membres, dont la France à partir de
01:542026. Une norme qui est de 100 nanogrammes par litre, qui est une norme
01:59qui a le mérite d'exister, mais qui est très peu ambitieuse.
02:02Mais pour bien comprendre, si on prend l'eau et les prélèvements que vous avez fait à Bordeaux, on serait en Suède, au Danemark
02:09ou aux Pays-Bas, l'eau ne serait pas conforme à la consommation.
02:13Parce que leurs normes sont plus restrictives ?
02:15Exactement, parce qu'ils ont de l'avance sur le sujet. Et la norme européenne
02:17qui va s'appliquer, et aujourd'hui que vous prenez comme référence pour effectivement expliquer qu'il n'y a pas de problème,
02:24est destinée à considérablement être abaissée dans les prochaines années. Mais il faut vraiment retenir que dans les pays qui sont les plus avancés
02:30en termes de réglementation, l'eau qui est distribuée à Bordeaux ne serait pas conforme à la consommation.
02:34Mais reste évidemment potable, on peut la boire, il ne s'agit pas non plus de faire de...
02:38Evidemment, il faut juste avoir conscience que c'est sur le long terme qu'il peut y avoir
02:45effectivement des effets, et ça veut dire qu'il va falloir
02:49investir dans la décontamination de l'eau, puis surtout cesser d'émettre d'épiphases dans l'environnement.
02:54France Bleu Gironde, 7h48, avec nous le député écologiste de la Gironde, Nicolas Thiry. Il répond à vos questions, Thomas Coignac.
03:00Au mois d'avril, Nicolas Thiry, une loi que vous portiez est passée à l'Assemblée nationale, puis au Sénat ensuite,
03:06pour interdire l'utilisation d'épiphases dans les vêtements et dans les cosmétiques,
03:10mais pas sur les poêles et les casseroles, justement, dont on parlait.
03:13Est-ce que vous prenez cette victoire, ou est-ce que vous regrettez de ne pas être allé plus loin ?
03:17Alors, ce n'est pas encore tout à fait fait, puisque la proposition de loi a besoin de revenir une dernière fois à l'Assemblée nationale
03:23pour être adoptée définitivement, et en effet, à l'origine, on avait proposé
03:28d'interdire les polluants éternels, notamment dans les ustensiles de cuisine.
03:31Il y a eu un lobby extrêmement, on peut le dire, grossier, de la part notamment de Seb.
03:36Qui est venu manifester devant l'Assemblée nationale, il tapait sur des casseroles.
03:39Il faut avoir conscience que la direction de Seb a payé les salariés sur une journée
03:44pour qu'ils se déplacent devant l'Assemblée nationale, pour justement manifester et éviter qu'il y ait,
03:50en tout cas les ustensiles de cuisine, soient concernés dans cette proposition de loi.
03:53Avec ce qu'exercent les salariés à l'éperte d'ample.
03:55Oui, alors en sachant que, de toute façon, d'ici quelques années,
04:00ça sera interdit par l'Europe, et que par ailleurs, c'est une question de bénéfice-risque,
04:04dans les ustensiles de cuisine, on peut très bien utiliser de l'inox ou de la céramique pour les poêles,
04:09par exemple, et se passer notamment des poêles en téflon.
04:12On n'est pas sur un usage absolument essentiel, et pourtant, ça rendrait service à la santé publique.
04:16Donc est-ce que ce texte qui exclut les poêles et les casseroles est déjà quand même une avancée significative ?
04:20Bien sûr, ça permettra à la France d'être le pays qui aurait la réglementation la plus ambitieuse.
04:25Parce que les cosmétiques, c'est un enjeu extrêmement important.
04:27Notamment avec des jeunes filles, aujourd'hui, qui se maquillent de plus en plus tôt,
04:31qui sont souvent en pleine puberté, on sait que c'est des perturbateurs endocriniens, donc c'est extrêmement important.
04:35Dans le textile, également, il y a un énorme enjeu parce que c'est un gros volume.
04:39Ça permettrait également de tester automatiquement et de rendre obligatoire
04:43la présence d'epiphases partout sur le territoire national dans l'eau potable.
04:48Et je finis là-dessus, très important, ça permettrait aussi de mettre en place une taxe pollueur-payeur
04:53pour faire payer les industriels qui rejeteraient d'épiphases dans l'environnement.
04:56Donc oui, ça serait une grande avancée.
04:58Mais pour que tout le monde comprenne, est-ce qu'il ne faudrait pas aussi avoir plus de transparence sur
05:02les vêtements qu'on porte, par exemple, avoir une étiquette sur la composition ?
05:06Est-ce qu'il y a d'épiphases ? Est-ce qu'il n'y en a pas ? A quel point ?
05:08Bien sûr, c'était proposé, ça a été rejeté dans la proposition de loi,
05:11qu'il puisse y avoir en tout cas un étiquetage sur les produits.
05:15Mais après, quand vous parlez de transparence, le travail que vous avez fait avec Radio France
05:21et le réseau France Bleu, que un certain nombre d'ONG font également,
05:25et bien ça serait à l'État de le faire.
05:27C'est-à-dire, on voit bien, moi j'ai passé deux ans à aller tester les cheveux de 150 citoyens
05:31sur mes frais de mandat partout en France.
05:33Vous, vous faites ce travail dans l'eau potable.
05:35Que fait l'État ? Il faudrait qu'il y ait beaucoup plus de transparence
05:38et qu'ils prennent le sujet à bras le corps,
05:40parce que la société civile s'en est emparée, il faut maintenant que le gouvernement,
05:43ou le futur gouvernement, réagisse.
05:45En tout cas, l'Assemblée nationale était plutôt d'accord avec vous puisqu'elle a adopté cette loi.
05:48Exactement, parce qu'il y a eu aussi une énorme oppression citoyenne
05:51avec des dizaines de milliers de citoyens qui ont écrit à leurs députés.
05:54Et c'est ce qui a fait basculer le rapport de force,
05:56parce qu'à l'origine, ce n'était pas tout à fait le cas.
05:58Donc, ça a été un gros travail collectif
06:00et j'espère qu'on va arriver au bout d'ici la fin de l'année.
06:02Dernière question, Nicolas Thierry.
06:04Vous vous battez contre un polluant éternel, c'est même son nom.
06:06Est-ce que ça veut dire que c'est perdu d'avance, qu'on n'arrivera jamais à s'en débarrasser ?
06:09Non, on a des techniques de dépollution,
06:11le charbon actif, l'osmose inversée par exemple,
06:14mais ça va coûter très cher.
06:16Et étant donné que ce sont les industriels qui ont provoqué cette pollution,
06:18ça ne peut pas être à l'argent public
06:20de financer cette dépollution.
06:22D'où une taxe qui serait destinée aux industriels, pollueurs, payeurs.
06:24Ça va coûter très cher, mais c'est tout à fait possible
06:26de s'en débarrasser.
06:28Et puis surtout, il faut couper les émissions.
06:30Et quand ? Est-ce que les enfants qui naissent maintenant,
06:32ils pourront en être préservés par exemple ?
06:34Si on fait des efforts financiers à la hauteur,
06:36c'est tout à fait possible.
06:38Mais encore une fois, il faut cesser de mettre le sujet sous le tapis
06:40et faire comme aux Etats-Unis.
06:42Mettre le sujet au cœur du débat public
06:44et agir enfin.
06:46Merci d'être venu nous en parler ce matin.
06:48Nicolas Thierry, député de la Gironde,
06:50élu à Bordeaux, député écologiste. Bonne journée à vous.