Vendredi 20 septembre 2024, LEX INSIDE reçoit Fabien Duffit-Dalloz (Associé Fondateur, Duffit-Dalloz Avocat)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00On poursuit ce Lex Inside et on va parler du délai d'engagement de la procédure disciplinaire
00:16en cas de faute grave avec mon invité Fabien Dufy-Dalloz, avocat, fondateur du caminé
00:23Dufy-Dalloz Avocat. Fabien, bonjour !
00:25Bonjour Arnaud ! Alors tout d'abord on va aborder la question
00:29du délai d'engagement de la procédure disciplinaire en cas de faute grave, mais avant d'examiner
00:36cette question, quelle est la définition légale d'une faute grave en droit du travail ?
00:41Alors, comme son nom l'indique, la faute grave, c'est la faute d'une gravité telle
00:47qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans les effectifs de l'entreprise pendant
00:52le temps de son préavis. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
00:54Ça veut dire que l'employeur doit écarter le salarié fautif immédiatement du reste
01:01de la communauté de travail. Il faut qu'il agisse très vite pour qu'il n'y ait plus
01:04ce pouvoir de nuisance du salarié, je dirais. La faute grave typique, je dirais, c'est
01:10le harcèlement sexuel, par exemple. On a aussi en tête les agressions verbales, physiques
01:18de salariés à l'encontre de leur employeur ou de leur collègue de travail. Ça, c'est
01:22une faute grave de manière quasi systématique.
01:25Alors, maintenant qu'on a ce cadre de la faute grave, on va s'intéresser au cadre
01:32juridique, les textes de loi qui régissent la procédure de licenciement pour faute grave.
01:39Quels sont-ils ?
01:40Alors, il n'y a pas de texte à proprement parler, je dirais, dans le Code du Travail,
01:46pas de texte qui régirait de manière spécifique la procédure de licenciement pour faute grave.
01:52Il faut donc se référer aux textes qui régissent, d'une part, de manière générale, la procédure
01:58de licenciement pour motifs personnels, ce sont les articles L1232-1 et suivant, et puis
02:05il faut se référer aussi, d'autre part, aux articles du Code du Travail qui concernent
02:11les sanctions disciplinaires. Et là, c'est par exemple dans ces articles L1331-1 et suivant,
02:19c'est dans ces articles que l'on va trouver les dispositions relatives à la prescription
02:24des faits fautifs. Et ça, c'est très important. Mais il n'y a pas de texte à proprement parler
02:29sur la faute grave, ce qui veut dire que, comme souvent, c'est la Cour de cassation
02:33qui est venue préciser, affiner le régime de la procédure de licenciement pour faute
02:39grave et ce que doit faire l'employeur en de pareils cas.
02:43Alors, revenons au sujet qui nous préoccupe, le délai d'engagement de la procédure de
02:48licenciement en cas de faute grave, dans le cas d'une procédure disciplinaire. Est-ce
02:53qu'il y a quelque chose, justement, dans les textes sur ce délai ?
02:55Alors, dans les textes, il y a un délai posé par le Code du Travail, un délai maximum
03:03de deux mois. C'est-à-dire que le Code du Travail impose à l'employeur d'agir dans
03:09un délai de deux mois maximum, dès lors qu'il a connaissance des faits fautifs. Agir,
03:15ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'employeur doit, dans un délai de deux mois maximum,
03:20convoquer le salarié fautif à un entretien préalable d'un licenciement. C'est cette
03:24convocation qui va marquer, illustrer l'engagement de la procédure disciplinaire. Ça, c'est
03:29très important parce que tant qu'il n'y a pas de convocation d'entretien préalable,
03:33la procédure de licenciement, elle n'a pas commencé. Donc, ça, c'est très important.
03:37Le second point, quand même, là-dessus, à préciser, c'est que ce délai, c'est
03:41un délai de deux mois, il concerne toutes les sanctions disciplinaires. Pourquoi je
03:45précise ça ? Parce que quand on est en matière de faute grave, deux mois, c'est beaucoup
03:48trop en réalité. Donc, il ne faut pas se fier à ce délai de deux mois quand on est
03:52en matière de faute grave. C'est quoi le bon délai ? Le bon délai, c'est quelques
03:57jours. Il faut aller vite. Il faut aller vite. C'est la gravité de la faute qui impose
04:02un délai court. Comme je le disais en préambule, la faute grave, c'est celle qui fait obstacle
04:08au maintien du salarié dans l'entreprise pendant l'exécution de son préavis. Donc,
04:11il faut aller vite, tout au plus une semaine. Et je dirais même qu'une semaine pour agir
04:15à compter la connaissance des faits fautifs, c'est déjà presque trop. Donc, quelques
04:19jours pour engager la procédure de licenciement ou alors, si l'employeur souhaite temporiser,
04:25pour à minima enclencher, diligenter une enquête interne, s'il veut par exemple faire
04:29toute la lumière sur les faits qui sont reprochés aux salariés.
04:31Que dit la jurisprudence sur cette question de manière générale ?
04:35Alors, la jurisprudence, évidemment, elle est assez exigeante là-dessus. Elle impose
04:40à l'employeur d'agir, elle dit, dans un délai restreint. Donc, un délai restreint,
04:45elle ne l'a pas quantifié en termes de jours, elle ne l'a pas traduit en nombre de jours,
04:50en nombre de semaines. Mais dans un délai restreint, ça veut dire ce que ça veut dire.
04:54Ça veut dire que, c'est ce que je vous disais, pour la cour de cassation, l'employeur doit
04:58réagir dans les heures, dans les jours qui suivent, dès lors qu'il est sur des faits
05:03qui sont susceptibles, dès lors qu'il est confronté à des faits qui sont susceptibles
05:08de revêtir la qualification de faute grave.
05:10Alors, ces interprétations ont des conséquences pratiques pour l'employeur. Quelles sont
05:15les conséquences pour l'employeur qui ne respecterait pas ce délai, vous dites, restreint ?
05:19Oui. Alors, l'employeur, s'il tarde trop à réagir, à agir, la jurisprudence va considérer,
05:27enfin, en tout cas, les juges du fond vont considérer que c'est parce qu'ils estimaient
05:31qu'il n'y avait pas urgence à agir et que, donc, les faits auxquels il était confronté
05:36n'étaient pas des faits graves. Donc, le risque en cas de contentieux, c'est que le
05:42juge requalifie la faute grave, soit en faute simple, en disant, on n'est pas sur une faute
05:48grave, on est sur une faute simple, sérieuse, ou on est même sur une absence de faute.
05:56Donc, le risque, c'est soit une requalification du degré de la faute, soit que le juge dise
06:00qu'il n'y a pas de faute du tout, et avec les conséquences financières, indemnitaires
06:04que cela comporte. Donc, attention à cela.
06:07Alors, pour terminer, quelques recommandations, justement, pour respecter ce délai ?
06:11Oui. Alors, le mot d'ordre, je l'ai dit, c'est faites vite. Voilà. Et faites vite,
06:17ça veut dire quoi ? Ça veut dire, soit, dès que vous avez connaissance de faits susceptibles
06:23de revêtir la qualification de faute grave, vous convoquez immédiatement à un entretien
06:28préalable et au besoin, et c'est plutôt conseillé, vous mettez le salarié, vous
06:33le mettez à pied à titre conservatoire dans l'attente de la prise de décision. Ça,
06:36c'est la première chose. Après, on peut comprendre que l'employeur n'est pas spécialement
06:40envie de se précipiter, surtout quand on connaît les risques qu'il peut y avoir ensuite
06:44derrière, en cas de prud'homme, de contentieux prud'homme. Donc, si l'employeur ne souhaite
06:49pas se précipiter, qu'il diligent une enquête. Mais là encore, rapidement. C'est-à-dire,
06:53si on est sur des faits complexes, où il y a plusieurs salariés qui sont concernés,
06:57et c'est souvent le cas dans les affaires de harcèlement sexuel, où il y a plusieurs
07:00salariés à auditionner, à entendre. Et bien, qu'est-ce qu'on fait là ? Dès qu'on a connaissance
07:06des faits, on met en place une enquête et puis une procédure pour auditionner les uns
07:11après les autres, les salariés concernés, pour faire toute la lumière sur les faits.
07:14Et à ce moment-là, peut-être ensuite, le cas échéant, on convoque un entretien préalable.
07:18Mais au moins, l'employeur aura agi immédiatement.
07:21On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau.
07:24Merci à vous.