Aurélien Bellanger en master class pour les lecteurs du Nouvel Obs
Polémique, son dernier roman “Les Derniers jours du Parti socialiste” (Seuil) est l’un des événements de la rentrée littéraire. Comme à son habitude, l’auteur de “La Théorie de l’information”, ex-chroniqueur au “Nouvel Obs”, mêle faits réels et fiction, cette fois pour raconter une conspiration à l’origine de la droitisation de notre pays. Une rencontre animée par Elisabeth Philippe, cheffe-adjointe du service Culture du « Nouvel Obs ».
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00:00:00Bonsoir à toutes et à tous, merci beaucoup d'être ici ce soir,
00:00:04soit ici à l'auditorium du Nouvel Obs, soit devant vos écrans chez vous,
00:00:10en distanciel comme on dit.
00:00:12Merci d'être ici pour cette rencontre, cette masterclass
00:00:15avec l'écrivain Aurélien Bélanger que nous recevons ce soir
00:00:19pour parler de son dernier roman, Les Derniers Jours du Parti Socialiste,
00:00:23qui a paru il y a quelques semaines aux éditions du Seuil.
00:00:26Je vais résumer très brièvement ce livre dont vous avez certainement
00:00:29toutes et tous entendu un petit peu parler.
00:00:32Dans Les Derniers Jours du Parti Socialiste,
00:00:34qui est vraiment une satire mordante et que je trouve personnellement
00:00:37très savoureuse de l'époque et de la vie politique française
00:00:40de ces 20 dernières années à peu près,
00:00:42Aurélien Bélanger vous a inventé le mouvement du 9 décembre
00:00:45qu'on pourrait rapidement résumer comme un courant ultra-laïciste
00:00:50créé par un certain Grément, flanqué de deux philosophes,
00:00:54Taivant, philosophe des villes, et Freyer, philosophe des champs.
00:00:58Et à partir de là, à partir de ce mouvement,
00:01:00en revenant sur les attentats contre Charlie Hebdo,
00:01:02le 13 novembre, l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron,
00:01:05vous montrer comment ce mouvement né à gauche,
00:01:07calqué sur le printemps républicain,
00:01:10qui dissimulait tant bien que mal son obsession pour l'islam
00:01:13derrière son obsession pour la laïcité,
00:01:15vous montrer comment ce mouvement est en fait, selon vous,
00:01:18à l'origine de la droitisation du pays.
00:01:20Avant d'entrer plus avant dans notre discussion,
00:01:23je tiens simplement à vous signaler ou à vous rappeler
00:01:26qu'il y aura une signature à l'issue de cette rencontre
00:01:29et que vous pourrez également vous procurer le roman
00:01:31si vous ne l'avez pas déjà.
00:01:33Et vous pourrez également poser des questions à Aurélien Bélanger
00:01:37juste à l'issue de notre discussion.
00:01:40Alors, pour replacer un peu les choses,
00:01:43comme vous le faites quasiment depuis vos débuts,
00:01:46depuis la théorie de l'information, parue en 2012,
00:01:49vous mêlez dans les derniers jours du Parti socialiste
00:01:52la réalité et la fiction.
00:01:55Donc je l'ai dit, le mouvement du 9 décembre,
00:01:57on peut y voir un calque du printemps républicain.
00:02:01On reconnaît aussi, ça peut se lire comme un roman à clé
00:02:04avec des personnages dont on peut identifier assez
00:02:07plus ou moins facilement les modèles réels.
00:02:10Mais alors cette fois, contrairement à vos livres précédents,
00:02:13cette fois, ce mélange des genres en a irrité plus d'un,
00:02:16notamment celles et ceux qui ont cru se reconnaître
00:02:18dans certains de vos personnages.
00:02:20Je ne vais pas forcément les nommer ici, vous le ferez si vous voulez.
00:02:23En fait, cela vous a valu pas mal d'attaques.
00:02:25Quelques noms d'oiseaux, je vais en citer quelques-uns.
00:02:27Vous avez été qualifié d'écrivain officiel de l'islamo-gauchisme,
00:02:30de nécrophage, de l'ignominie faite roman, et je m'arrête là.
00:02:33Alors, pardon pour cette entrée en matière un peu brutale,
00:02:36mais je voulais savoir ce que ça vous faisait, vous,
00:02:39de susciter de telles réactions.
00:02:41Et on a coutume de dire qu'à chaque rentrée littéraire,
00:02:43il y a un roman qui fait polémique.
00:02:45Qu'est-ce que ça vous fait d'être l'auteur du roman polémique de la rentrée ?
00:02:48Merci beaucoup. Bonsoir.
00:02:50Bizarrement, pas grand-chose. C'est très étrange.
00:02:52Ce que je redoute le plus au monde, c'est les critiques sur Babelio.
00:02:56Je ne sais pas pourquoi, je trouve que les gens sont hyper méchants sur Babelio.
00:02:59Et puis, il y a un côté, ils ne sont pas connus, donc ça a l'air plus vrai.
00:03:03C'est quelqu'un qui m'insulterait dans la rue en me disant « Ah, t'es moche ».
00:03:06Et donc, j'ai tendance à ne pas taper mon nom dans Twitter,
00:03:09à ne pas faire trop de recherches.
00:03:11Et là, bizarrement, je le fais.
00:03:13Et il n'y a absolument aucune critique qui m'a vexé.
00:03:18Sur Babelio ? Non.
00:03:20Je ne regarde pas sur Babelio, je suis traumatisé par Babelio.
00:03:23Il ne faut pas exagérer.
00:03:25Il n'y a absolument aucune critique qui m'a vexé jusqu'à maintenant.
00:03:28Même hier soir, je me suis fait un peu peur.
00:03:30J'ai lu une critique un peu méchante sur « En attendant Nadeau ».
00:03:33Et puis, en fait, ça allait.
00:03:35Mais les critiques les plus outrancières faisaient quasiment partie du pacte romanesque.
00:03:38C'est-à-dire que je m'étais attaqué à des personnalités de l'ombre.
00:03:41La plus caractéristique, c'était probablement Stéphane Courbet dans Télé-réalité.
00:03:46C'est un gros producteur de télé qui est si discret que,
00:03:49quand on a beaucoup parlé de la non-reconduction des accords de diffusion de C8 et de Cyril Hanouna pendant tout l'été,
00:03:56son nom n'a même pas été abordé alors qu'il est le producteur de Cyril Hanouna.
00:03:59Donc, génie de l'ombre.
00:04:01Et il a eu le génie de ne pas du tout intervenir.
00:04:03Alors qu'il m'est arrivé de croiser des personnages de mes romans dans la vraie vie,
00:04:06ce qui était toujours un petit peu bizarre.
00:04:07Lui, je ne l'ai pas rencontré.
00:04:08Mais là, je savais qu'il devait exister.
00:04:12Ça faisait vraiment presque parti.
00:04:14Dès le début, je savais qu'il se manifesterait.
00:04:16Après, je suis une typologie.
00:04:17Il y a ceux qui se sont manifestés beaucoup.
00:04:19Ceux qui ne se sont pas manifestés encore.
00:04:21Ceux dont j'attends qu'ils se manifestent par livre interposé.
00:04:23Et en vérité, il y a deux choses qui se croisent.
00:04:29En écrivant sur Le printemps républicain, j'avais conscience de tirer sur une ambulance.
00:04:33C'est un mouvement qui n'existe plus vraiment, qui est moins puissant qu'il y a cinq ou six ans.
00:04:36Sauf qu'en fait, il me semble que c'était le premier étage de la fusée
00:04:39et que les personnalités qu'il a lancées sont encore là, sont encore bien présentes.
00:04:42Et qu'elles sont en train de réussir leur but médiatique.
00:04:44J'ai parlé de la disparition de C8.
00:04:46Il se pourrait que C8 soit remplacé par une chaîne animée par ses personnalités.
00:04:50On a vu récemment une essayiste sortir un livre sur le vertige MeToo.
00:04:56Je me rends compte qu'ils ne pouvaient pas ne pas exister et répondre aux bouquins.
00:05:01Par contre, ils ont beaucoup à perdre parce qu'ils ont des positions médiatiques assez solides
00:05:05et clairement l'ambition de les consolider encore.
00:05:08Ils ne peuvent pas trop ne pas s'en prendre à moi parce que ça serait dire que tout est vrai.
00:05:12Ils ne peuvent pas non plus totalement détester le livre
00:05:15dans la mesure où c'est censé être maintenant des personnalités sérieuses.
00:05:19Donc le livre en joue.
00:05:22Oui, et le livre vient attester finalement de leur sérieux, c'est ça que vous voulez dire ?
00:05:26De leur position dans l'esprit ?
00:05:28Leur position est très sérieuse et puis surtout, ils n'ont à peu près pas d'œuvre.
00:05:31C'est-à-dire qu'ils n'existent pas en dehors de leur apparaître médiatique.
00:05:34C'est des gens qui ont des polémiques sur Twitter extrêmement régulièrement.
00:05:37Donc ils ne peuvent pas se reposer sur autre chose.
00:05:40D'ailleurs, celui d'entre eux qui a le plus une œuvre
00:05:43est l'un de ceux qui n'a pas réagi.
00:05:46Et donc les autres sont un peu pris dans ce jeu.
00:05:48C'est le philosophe des champs.
00:05:50Probablement, oui.
00:05:52Donc voilà, c'est tout un jeu qui fait...
00:05:54Les attaques ont été plutôt brutales, mais les articles...
00:05:58Je pense par exemple Issam Ogochis, c'est un article d'Eric Nolo
00:06:01qui n'apparaît pas dans le livre,
00:06:04mais à un moment, il y a un philosophe fasciste qui se lance en politique
00:06:09et son meilleur ami est au premier rang.
00:06:11On reconnaît bien une figure qu'avait adoptée Eric Nolo à un meeting de Zemmour.
00:06:15Son article était vraiment nul, ce qui n'est pas grave en soi.
00:06:19Je veux dire, il n'a pas produit un gros travail intellectuel.
00:06:21Et après, il y a eu une sorte de spin-off.
00:06:23Il y a eu un article, je crois, de Valeurs Actuelles
00:06:26qui reprenait l'article de Nolo.
00:06:28Et donc, c'était un peu vertigineux.
00:06:31Inquiétude, parce que, rassurant, ces gens-là ne travaillent pas beaucoup.
00:06:35Inquiétude, ça ne les empêche pas d'exister assez fort.
00:06:38Non, mais ce qui est amusant, et vous en avez dit deux mots,
00:06:40c'est que c'est presque une continuation, finalement,
00:06:43de ces critiques de votre roman lui-même,
00:06:45puisqu'à l'intérieur de ce roman, il y a un personnage qui s'appelle Sauveterre,
00:06:48qui est un romancier.
00:06:49On peut voir un double de vous-même, puisqu'il est chroniqueur.
00:06:52Il a été chroniqueur aussi à la Radio,
00:06:54ce que vous avez été sur France Culture.
00:06:56Et Sauveterre se fait traiter, à un moment, d'islamo-gauchiste.
00:06:59Vous aviez déjà, finalement, vous-même,
00:07:01anticipé les critiques dans le livre.
00:07:04Oui, c'était assez inévitable.
00:07:06Le livre arrive avec une position hyper forte.
00:07:10Je vais vous expliquer d'où vient la disparition du Parti socialiste
00:07:17et cette dangereuse droitisation du pays.
00:07:19Et je vais la chercher à un endroit exclusif.
00:07:21C'est là où, presque, c'est vraiment un travail romanesque.
00:07:24Ce n'est pas totalement sérieux, je pense, sur le plan de l'histoire des idées.
00:07:27Mais il me semble que c'était jouable de dire qu'en fait,
00:07:30il est possible de raconter la totalité de l'histoire
00:07:32en disant que tout procède d'une micro-hérésie venue du Parti socialiste.
00:07:36J'aimais bien cette ligne.
00:07:39Je m'y suis tenu.
00:07:40Je pense que sur le roman, ça marche.
00:07:42Sur la réalité, ce n'est pas loin de marcher aussi.
00:07:45Parce que c'est comme si on était coincé depuis longtemps déjà,
00:07:49depuis le procès de mai 68, depuis plein de vieilles choses.
00:07:52C'est comme si on était coincé, sans le savoir,
00:07:54dans un interminable congrès du Parti socialiste.
00:07:56C'est ce qu'on dit sur le...
00:08:00Ça nous ramène à notre sujet, la question de la laïcité.
00:08:03C'est ce qu'on dit sur la modernité.
00:08:04C'est que la modernité, ça pourrait être la dernière hérésie du catholicisme,
00:08:08celle qui a tellement bien marché qu'il a disparu.
00:08:10Peut-être que la disparition du Parti socialiste
00:08:12est le moment où il n'existe plus que cette hérésie.
00:08:16En tout cas, on vivrait dans cette chose.
00:08:19Donc c'était amusant de pousser la théorie jusqu'au bout.
00:08:21Mais cette théorie, ça n'a pas empêché
00:08:23certaines personnes, et notamment parmi vos critiques,
00:08:26de dire qu'ils prétendent faire une enquête,
00:08:28or tout est faux, je n'ai jamais été membre du mouvement.
00:08:30Qu'ils le prennent au pied de la lettre.
00:08:32Ça aussi, c'est un problème de lecture.
00:08:35Ce qui est un roman, ce qui est présenté explicitement
00:08:37comme une histoire contre-factuelle de l'époque,
00:08:40ce roman a été interprété comme si c'était factuellement vrai et juste.
00:08:47En plus, le débancage est hyper facile,
00:08:48parce que je ne me suis pas spécialement documenté.
00:08:52Honnêtement, je n'ai pas lu les livres des philosophes dont je me moque.
00:08:57Parce que je n'ai pas de temps à perdre dans un premier temps.
00:08:59Et puis ensuite, ce qui m'intéressait, c'était leur modalité d'apparition
00:09:01dans l'espace public.
00:09:02Donc pour ça, je n'avais pas besoin...
00:09:04L'image qui projetait était suffisante.
00:09:07Je ne faisais pas une étude.
00:09:09Je ne sais pas, il y a eu un bouquin, je pense,
00:09:10un bouquin de Noiriel, par exemple, sur Zemmour,
00:09:12où il s'est vraiment coltiné tous les livres de Zemmour
00:09:14pour expliquer vraiment qui était Zemmour.
00:09:16Moi, je n'aurais pas travaillé comme ça sur Zemmour.
00:09:18Je ne suis pas historien.
00:09:19C'est là où peut-être ça se voit.
00:09:21J'aurais plutôt essayé de raconter ce que ça voulait dire.
00:09:24Donc effectivement, il y a eu...
00:09:26On ne s'est pas compris.
00:09:28Il y a eu un quiproquo entre moi et eux.
00:09:31Apparemment.
00:09:32Quelle est la jeunesse, finalement, de ce livre ?
00:09:35Vous dites, oui, j'avais conscience de m'attaquer à une ambulance
00:09:38en m'attaquant au printemps républicain,
00:09:41qui effectivement ne représente plus grand-chose.
00:09:43Mais c'était quoi ?
00:09:44C'était ça ?
00:09:45C'était partir du printemps républicain ?
00:09:47Ou au contraire, c'est parti d'une colère ?
00:09:49Comment s'est née cette idée, justement,
00:09:52d'essayer de dérouler cette théorie de la droitisation du pays ?
00:09:57La première idée, elle est très théorique, très abstraite.
00:09:59C'est que ce machin a existé, a été très puissant
00:10:01et a disparu du jour au lendemain.
00:10:03On sait vraiment que ça a été très puissant ?
00:10:05Le Parti socialiste.
00:10:06Ah, le Parti socialiste, pardon.
00:10:09C'est vraiment qu'ils sont capables d'avoir eu des présidents.
00:10:14C'était le point de départ.
00:10:16Je trouvais que c'était intéressant,
00:10:17mais presque comme j'avais travaillé sur le Minitel.
00:10:19Un truc qui est hyper intéressant
00:10:20et qui, du jour au lendemain, devient le sommet de modernité française.
00:10:24D'un coup, Internet est lancé et devient un sommet de ringardisme.
00:10:28C'était quoi pour vous les signes de la ringardise ?
00:10:30Ça a été la présidence Hollande ?
00:10:32Oui, ça a été la crise abordée sous la présidence Hollande.
00:10:34Et puis, ça a été factuellement le moment où la vente de Solferino
00:10:37et le moment où le Parti a vraiment failli disparaître.
00:10:42Ou en tout cas, n'a pas disparu,
00:10:44comme le Parti radical n'a jamais disparu.
00:10:46Mais le Parti radical n'est pas ce parti de gouvernement
00:10:48très puissant de la 4ème République.
00:10:50Un parti tout juste bon à faire figurer un Bernard Tapie de temps en temps.
00:10:53Il y a eu cet aspect.
00:10:56L'autre chose, je pense que c'est un agacement.
00:10:59Généralement, par rapport à l'expression twitteresque
00:11:02d'un certain nombre de personnages,
00:11:04c'est un agacement plus de fond
00:11:07sur un conflit interne à la gauche française.
00:11:12On a appelé ça la guerre des deux gauches comme on veut.
00:11:14Mais il y a beaucoup de gens qui disaient
00:11:18je ne me reconnais plus dans la gauche
00:11:20et qu'on fait à la gauche le procès de ne plus être à la gauche.
00:11:23J'aimais bien ce truc affront renversé.
00:11:26Je pense qu'on n'en est plus là,
00:11:28mais à un moment, cette figure de style
00:11:32qui donne récemment les propos de Carline Fauré sur Cazeneuve.
00:11:36Ce genre de figure très...
00:11:38Vous pouvez rappeler les propos ? Je ne les ai pas en tête.
00:11:40Disons que c'était vraiment le super homme politique de gauche
00:11:43et que la gauche avait commis un péché absolu de ne pas le pousser
00:11:46alors que la vraie bonne gauche, c'est Cazeneuve.
00:11:49J'ai eu un agacement contre cette figure de style
00:11:52très récurrente dans le champ médiatico-intellectuel
00:11:55qui disait que la gauche n'était plus la gauche.
00:11:57J'ai mis du temps à comprendre pourquoi ça m'agacait.
00:11:59Il m'a paru, c'est mon histoire intellectuelle,
00:12:03que quand j'avais 20 ans, c'était les années Jospin,
00:12:07disons que la gauche portait des réformes sociétales
00:12:10que ne portait pas la droite,
00:12:12mais grosso modo, ça se ressemblait quand même un peu.
00:12:14On était à un moment où le clivage gauche-droite
00:12:16était relativement atténué.
00:12:18C'est l'une des explications possibles
00:12:20que ma génération est arrivée un peu confuse
00:12:22dans cette histoire politique.
00:12:24Je l'observe un petit peu,
00:12:26il est beaucoup plus facile,
00:12:28mais il est beaucoup plus facile d'avoir 20 ans aujourd'hui
00:12:31parce que les positions sont beaucoup plus tranchées.
00:12:33Qu'on pense au mouvement MeToo
00:12:35ou au nouveau mouvement antiraciste, etc.
00:12:39Le logiciel de gauche s'est incroyablement renouvelé
00:12:41ces dernières années.
00:12:43L'activisme s'est renouvelé.
00:12:45Je parle pour moi,
00:12:47mais je n'ai quasiment jamais manifesté.
00:12:49J'ai pas mal manifesté ces dernières années.
00:12:51Je pense que même l'objet manifestation,
00:12:54on se souvient des propos de Sarkozy,
00:12:56quand les gens défilent,
00:12:58et personne ne le remarque,
00:13:00à un moment d'une réforme des retraites,
00:13:02quelque chose a changé.
00:13:04A la fois, la gauche se réinventait
00:13:06et redevenait une force de proposition idéologique.
00:13:10Et de l'autre côté,
00:13:12elle vivait sous l'emprise de gens
00:13:14qui disaient que ce n'était pas la vraie gauche.
00:13:16Ça a donné ces phrases qu'on entend tout le temps
00:13:18et qu'on entend aujourd'hui dans l'abominable Bouche.
00:13:22Enfin, sa bouche n'est pas abominable,
00:13:24comme l'homme de Bruno Retailleau,
00:13:26qui vomit littéralement ses propos.
00:13:29Et on le voit bafouiller de façon assez bête,
00:13:31vraiment mécanique,
00:13:33une sorte de perroquet qui dit
00:13:35« Les antiracistes, c'est les racistes d'aujourd'hui ».
00:13:38Ce travail-là, et c'est là où ça m'intéressait,
00:13:40ce travail-là de dire que les racistes
00:13:42et les antiracistes d'aujourd'hui,
00:13:44je suis désolé, mais c'est venu de la gauche.
00:13:46La droite n'a pas du tout fait ce travail intellectuel.
00:13:50Ils ont été très fermes sur leur position.
00:13:53Les féministes, comme on le voit par exemple actuellement
00:13:55avec Caroline Fourest,
00:13:57que les féministes vont trop loin, etc.
00:13:59Ce qu'on appelle aujourd'hui le backlash de ces mouvements,
00:14:02ça a été plutôt instruit par des personnalités de gauche.
00:14:04Et là,
00:14:06mon livre, il était bon si je tapais plutôt sur « mon camp ».
00:14:10Je n'allais pas faire un livre...
00:14:12C'était trop facile de faire un livre contre l'extrême droite, etc.
00:14:14Là, je faisais vraiment un livre pour dire
00:14:16qu'il y a eu un problème interne à la gauche
00:14:18et qui a donné à tous ces thèmes une puissance exagérée.
00:14:21On entend une certaine véhémence qui vous habite.
00:14:24Vous l'avez dit dans des interviews,
00:14:26je crois d'ailleurs à Xavier Delaporte dans le Nouvel Obs,
00:14:29vous vouliez faire un texte d'intervention.
00:14:31Est-ce qu'avec les derniers jours du Parti Socialiste,
00:14:34vous avez l'impression d'avoir embrassé ce genre
00:14:37qui est peut-être aussi ringard que le Parti Socialiste lui-même,
00:14:39qui est celui de la littérature engagée ?
00:14:41Est-ce que pour vous, c'est un texte politique ?
00:14:46Je ne peux pas dire non,
00:14:48ne serait-ce que dans le titre.
00:14:50Après, je trouve qu'il dialogue bien
00:14:53avec un précédent livre que j'avais fait
00:14:55qui s'appelait Le Grand Paris,
00:14:57où il y a des personnages récurrents.
00:14:59Il n'est pas non plus aberrant.
00:15:01Ce n'est pas comme si j'avais changé de registre.
00:15:03Ce n'est pas comme si j'étais passé de Voyages au bout de la nuit
00:15:05à Bagatelle-Bourg-en-Massac.
00:15:07Ce n'est pas un texte strict
00:15:09où je change de registre.
00:15:12Il y a une continuité.
00:15:15Il se trouve que ces interviews
00:15:17où j'ai parlé de textes d'intervention,
00:15:19je pense que j'étais assez imprudent.
00:15:21Je ne l'aurais pas dit comme ça,
00:15:23mais ce sont des interviews qui ont été faites
00:15:25juste avant les législatives.
00:15:27La situation politique était pour le moins tendue.
00:15:30C'était difficile de parler d'autre chose
00:15:32et de dire que la littérature, c'est un théâtre,
00:15:34ou la subtilité, le dispute à la nuance.
00:15:36Ce n'était pas trop le sujet.
00:15:39Donc oui, c'est un texte politique.
00:15:43C'est un texte aussi qui met en scène,
00:15:45parce qu'il y a un écrivain qui me ressemble,
00:15:47le statut du problème de la Tour d'Ivoire
00:15:51quand elle est attaquée.
00:15:54Moi, j'ai l'impression que ce qui a changé,
00:15:59c'est qu'il est un peu plus différent
00:16:01d'écrire un roman aujourd'hui
00:16:03qu'il l'était il y a 12 ans.
00:16:05Je pouvais exhiber des mythologies faciles,
00:16:07les mythologies du numérique, d'Internet, etc.
00:16:09J'étais déjà ironique par rapport à elles,
00:16:11mais elles existaient encore.
00:16:13Aujourd'hui, j'ai l'impression
00:16:15que tout ça s'est refermé.
00:16:17Enfin, s'est refermé.
00:16:19Il n'y a plus de porte de sortie à trouver ailleurs
00:16:21que dans le politique.
00:16:23On peut écrire des romans d'amour,
00:16:25des romans sur la thîme, plein de choses.
00:16:27En fait, en dernier lieu, tout s'est refermé.
00:16:29Pour deux choses.
00:16:31Déjà, on est face à une sorte d'entonnoir
00:16:33où on se rend bien compte
00:16:35que la probabilité que tout ça se finisse mal
00:16:37est assez forte.
00:16:39Donc, on n'est plus du tout...
00:16:41Vous voulez dire la situation politique.
00:16:43La situation politique, oui.
00:16:45Et donc, il n'y a plus du tout...
00:16:47Le rapport au roman comme terre un peu utopique
00:16:49s'est un peu restreint.
00:16:51Je voulais parler de ce qui se passait.
00:16:53Et ce qui se passait, c'est que les murs
00:16:55se sont mis à être un peu serrés autour de moi.
00:16:57Par exemple, j'exagère, mais la posture
00:16:59de l'écrivain martyr avec lequel je joue dans le bouquin,
00:17:01il y a encore dix ans, je pense,
00:17:03avant l'élection de Donald Trump, probablement,
00:17:05ou le Brexit, la probabilité,
00:17:07mais même théorique,
00:17:09que je puisse, d'une façon ou d'une autre,
00:17:11à un moment dans ma vie,
00:17:13être de loin en danger physiquement
00:17:15était grotesque.
00:17:17Vraiment, c'était grotesque.
00:17:19Je n'y pensais même pas.
00:17:21J'écoutais les poèmes de la résistance
00:17:23en rigolant.
00:17:25Et la probabilité
00:17:27que ça se termine mal
00:17:29est non nulle, même pour moi.
00:17:31Il s'agit quand même d'aller regarder
00:17:33à cet endroit.
00:17:35Oui, j'ai changé de registre,
00:17:37mais je pense que...
00:17:39Là, pour le coup, c'est plus l'époque qui a changé.
00:17:41Oui, et comme vous le dites, effectivement,
00:17:43c'est ça qui est assez fascinant,
00:17:45c'est qu'on retrouve des personnages
00:17:47qui étaient déjà dans vos précédents romans,
00:17:49comme si vous aviez créé une sorte de cosmogonie,
00:17:51de réplique du monde réel
00:17:53avec vos propres personnages,
00:17:55leurs doubles.
00:17:57Est-ce que c'était un projet que vous aviez
00:17:59dès le départ ? Beaucoup de gens
00:18:01vous comparent à Balzac, disent que vous composez
00:18:03une forme de comédie humaine.
00:18:05Vous êtes toujours intéressé aux personnages de l'ombre,
00:18:07des personnages qui agissent en coulisses.
00:18:09Je ne sais pas si je dois mettre
00:18:11Xavier Niel parmi ces personnages,
00:18:13mais c'est en tout cas
00:18:15la personnalité qui avait inspiré
00:18:17votre premier roman.
00:18:19Dans d'autres livres, comme
00:18:21L'aménagement du territoire, il était question de Jacques Faucard.
00:18:23Dans Le Grand Paris,
00:18:25il y avait Machelin, qu'on retrouve
00:18:27cité ici, qui était inspiré
00:18:29plus ou moins de Patrick Buisson,
00:18:31si je ne me trompe pas.
00:18:33Oui, Patrick Buisson et Christophe Guilly, un mélange des deux.
00:18:35Et donc, il y a tous ces personnages.
00:18:37Et là, c'est comme si c'était la synthèse des derniers jours du Parti socialiste.
00:18:39On les retrouve tous.
00:18:41Parce que finalement, depuis vos débuts, vous vous attelez
00:18:43à écrire une sorte de contre-histoire du XXe siècle.
00:18:45Est-ce que c'est comme ça ?
00:18:47Ou du XXIe siècle, même maintenant, aujourd'hui.
00:18:49Est-ce que c'est comme ça que vous concevez votre oeuvre ?
00:18:51Est-ce que c'est un projet que vous aviez
00:18:53dès votre premier roman, en 2012 ?
00:18:55J'ai fait une énorme bêtise avec mon premier roman.
00:18:57Heureusement, on oublie la fin.
00:18:59D'ailleurs, je crois que les gens m'ont toujours dit qu'ils détestaient la fin.
00:19:01Avec les abeilles ?
00:19:03C'est bizarre.
00:19:05La fin, c'est un type de fin du monde.
00:19:07Assez tordu.
00:19:09Disons que l'histoire s'arrête en 2012.
00:19:11Je ne peux pas jouer le côté.
00:19:13J'ai fait une erreur.
00:19:15Peut-être qu'il faudrait que je réécris la fin, je ne sais pas.
00:19:17Je ne sais pas. Ce n'est pas réfléchi comme ça.
00:19:19Mais il y a un répertoire à disposition.
00:19:21Par exemple, l'aménagement du territoire.
00:19:25On imagine une sorte d'entreprise style Bouygues.
00:19:27Et il se trouve que, pour une raison complexe,
00:19:29il y a un héritier fasciste.
00:19:31Et quand j'ai eu besoin, à un moment,
00:19:33de dire que mon candidat fasciste
00:19:35à l'élection présidentielle
00:19:37allait trouver un financement,
00:19:39je prends Bolloré.
00:19:41Je n'ai pas besoin de Bolloré.
00:19:43J'ai déjà un type un peu breton
00:19:45qui est milliardaire.
00:19:47D'un coup, je ressuscite son nom.
00:19:49J'avais aussi laissé le héros de télé-réalité
00:19:51un peu bizarre,
00:19:53animant une sorte de télé-réalité
00:19:55catholique réactionnaire.
00:19:57D'un coup, je me dis que c'est l'idéal.
00:19:59Lui aussi va pouvoir financer ce projet.
00:20:01Et de la même façon,
00:20:03au Grand Paris, il y avait un personnage
00:20:05qui était un urbaniste
00:20:07qui se convertissait à l'islam
00:20:09et qui disparaissait
00:20:11dans la jungle urbaine
00:20:13et très largement mythologisée
00:20:15de la Seine-Saint-Denis.
00:20:17Je le fais revenir.
00:20:19J'étais content.
00:20:21Ce n'était pas spécialement.
00:20:23Mais il se trouve que,
00:20:25quand j'en ai besoin,
00:20:27je les ai.
00:20:29C'est un petit plaisir.
00:20:31Ce n'est pas grand-chose.
00:20:33Ce n'est pas totalement déterminant.
00:20:35C'est quelque chose.
00:20:37Mais c'est vrai qu'après,
00:20:39réussir à tenir...
00:20:41Je pense que la force
00:20:43des bons cycles, c'est quand ça s'arrête.
00:20:45Balzac, c'est compliqué.
00:20:47Il meurt en 1951.
00:20:49Il y a eu la Révolution de 1848.
00:20:51Zola, il y a eu 1870.
00:20:53J'attends un peu
00:20:55le moment où tout ça sera
00:20:57un peu emballé.
00:20:59Mais j'aime bien cette idée
00:21:01assez sommaire
00:21:03que notre propre enfance
00:21:05appartient à
00:21:07une sorte de bulle
00:21:09qu'on peut essayer de reconstruire.
00:21:11Je suis obsédé par les années 80
00:21:13pour cette raison.
00:21:15J'essaie de les raconter différemment.
00:21:17Il y a une tradition d'inscrire
00:21:19le procès des années 80.
00:21:21J'essaie de raconter qu'il y avait un type d'utopie
00:21:23dans les années 80.
00:21:25Même que les MJC à la Jack Lang,
00:21:27au bord de l'eau, à Créteil, ça a un charme.
00:21:29En prenant les années 80,
00:21:31ça me permet de remonter jusqu'à les années 70.
00:21:33Mais il y a l'idée que ça se détache
00:21:35et que ça forme un temps autonome.
00:21:37Idéalement, c'est vrai que
00:21:39mes super bonnes idées de titres
00:21:41pourraient s'appeler à la fin
00:21:43La cinquième république.
00:21:45Mais bon,
00:21:47on ne sait pas où on en est.
00:21:49Pour revenir sur cette comparaison
00:21:51qui est faite avec Balzac
00:21:53et qui revient très souvent dans le livre.
00:21:55Ce personnage de Sauveterre,
00:21:57le romancier,
00:21:59qui est d'ailleurs reçu à l'Elysée,
00:22:01qui à un moment va recueillir les confessions
00:22:03du président de la République
00:22:05surnommé dans le livre le chanoine,
00:22:07Emmanuel Macron.
00:22:09Sauveterre a une théorie sur Balzac.
00:22:11Je cite le passage en question.
00:22:13Pour Sauveterre,
00:22:15Balzac n'ayant jamais touché au pouvoir suprême,
00:22:17la comédie humaine était entièrement structurée
00:22:19par cet interdit fondamental
00:22:21jusque dans la façon qu'avait eu Balzac
00:22:23de le contourner en inventant Vautrin,
00:22:25ce roi parodique.
00:22:27L'idée était bien que le roman marchait mieux
00:22:29avec des séminaristes ratés et des poètes incapables
00:22:31qu'avec des conquérants.
00:22:33Vous, en l'occurrence,
00:22:35vous ne mettez pas en scène des séminaristes ratés
00:22:37ou des poètes incapables.
00:22:39Je ne crois pas me souvenir de ça.
00:22:41Mais en revanche, ce n'est pas tant les conquérants
00:22:43qui vous intéressent que ceux qui les aident
00:22:45à conquérir le pouvoir.
00:22:47C'est vraiment ce groupuscule
00:22:49formé par ce personnage grémon
00:22:51qui se fait appeler le cardinal de Solferino,
00:22:53qui est une sorte d'éminence grise,
00:22:55un personnage de l'ombre.
00:22:57Il y a ces philosophes qui veulent absolument
00:22:59toucher au cœur du pouvoir,
00:23:01tirer les ficelles.
00:23:03Ce n'est pas tant avoir le pouvoir
00:23:05que le façonner.
00:23:07Est-ce que vous vous positionnez
00:23:09comme une forme d'anti-Balzac
00:23:11puisque vous vous touchez à cet espèce de tabou
00:23:13qui était pour Balzac le pouvoir suprême ?
00:23:15Pour cette génération, il y avait deux choses.
00:23:17Ils étaient coincés d'un côté, il y avait une Apollon.
00:23:19De toute façon, ce serait toujours moins bien.
00:23:21Il y avait un personnage historique
00:23:23qui transcendait tous les personnages littéraires.
00:23:25Ensuite, il y avait un problème évident
00:23:27de censure qui faisait qu'ils ne pouvaient pas
00:23:29parler du pouvoir suprême.
00:23:31Je pense que c'est des situations politiques compliquées
00:23:35qui font qu'ils inventent autre chose.
00:23:37Vautrin, c'est l'idée de génie,
00:23:39l'empereur de l'inframonde,
00:23:43dont dans ses meilleurs moments,
00:23:45Balzac imagine qu'il est plus puissant que tout le monde.
00:23:47Pour vous, c'est Mimi Marchand ?
00:23:49C'est bébé.
00:23:51Ça marche bien, des personnages comme ça.
00:23:53Ce que j'ai adoré avec Mimi Marchand,
00:23:55c'était d'imaginer qu'elle était concierge.
00:23:57Essentiellement, la presse...
00:23:59De la ville à Montmorency, c'est ça ?
00:24:01Elle est en position d'ambassade
00:24:03et en même temps, c'est une littérature
00:24:05dont j'imagine...
00:24:07Cette presse du Pôle,
00:24:09elle est démocratique dans la mesure
00:24:11d'une confrontation, c'est les puissants,
00:24:13lus spécialement par la presse People
00:24:15façon voici, façon publique.
00:24:17Les puissants n'existent que pour être
00:24:19la risée du petit peuple.
00:24:21Il y a quelque chose de très archaïque.
00:24:23Ça, c'est un personnage...
00:24:25Ce n'est pas moi qui la mets en scène,
00:24:27c'est le romancier et sauveteur du bouquin
00:24:29qui la met. C'est un genre de chute
00:24:31d'un roman qu'il aurait écrit.
00:24:33Ça me plaît.
00:24:35Ce genre de figure est éminemment romanesque.
00:24:37Je ne sais pas s'il y a matière
00:24:39pour un roman entier.
00:24:41La question des apparatchiks, des gens qui ont des petits bureaux
00:24:43dans des petits entre-sols, qui sont passionnés
00:24:45par la chose publique mais trop sérieux
00:24:47par rapport aux exigences normales.
00:24:49Une personne qui traîne dans la politique
00:24:51et qui ne veut pas avoir le pouvoir devient louche
00:24:53et ne l'obtient jamais.
00:24:55Il y a une sorte de manœuvre pour la manœuvre.
00:24:57J'en ai rencontré quelques-uns.
00:24:59Il y a des gens qui ont cette psychologie manœuvrière
00:25:01que je trouve assez intéressante.
00:25:03C'est un peu comme la figure
00:25:05du snob.
00:25:07C'est des gens qui croient plus aux choses
00:25:09qu'elles ne sont vraiment et qui finissent par être acceptés.
00:25:11Ils valident.
00:25:13Les gens qui font vraiment de la politique
00:25:15trouvent que la politique, ce n'est pas grand-chose.
00:25:17Ceux qui adorent la politique,
00:25:19qui en raffolent, ça leur plaît.
00:25:21D'un coup, ça devient quelque chose d'un peu mieux.
00:25:23C'est toujours ce regard
00:25:25un peu faussé, aliéné de l'intérieur
00:25:27qui permet de décrire les choses mieux.
00:25:29C'est toujours intéressant d'avoir des personnages
00:25:31qui sont trop passionnés.
00:25:33Un peu bizarre même.
00:25:35Du coup, Grément Laparazzi
00:25:37a ce rapport de passion trop bizarre à la politique.
00:25:39De la même façon, le philosophe...
00:25:41Il y a un des deux philosophes
00:25:43qui n'est pas grand-chose d'autre
00:25:45que son allure de philosophe
00:25:47et cette impression de philosophie
00:25:49qu'il donne à la télé ou dans les dîners.
00:25:51Mais ce n'est pas grave.
00:25:53Il le théorise. Il dit que c'est bien
00:25:55de n'être que surface, de ne pas avoir de profondeur.
00:25:57Tous ces jeux dialectiques un peu débiles.
00:25:59Mais que la vraie surface,
00:26:01qu'on trouve facilement.
00:26:03On fait un petit panaché un peu niche,
00:26:05un peu de moraliste français, un peu Balzac-Gracian.
00:26:07Et puis on arrive à fabriquer un personnage.
00:26:09Je trouve ça, je ne dirais pas touchant,
00:26:11mais il y a quelque chose
00:26:13qui marche bien.
00:26:15Vous parlez justement
00:26:17de cette exposition médiatique
00:26:19de ces philosophes, cette façon dont
00:26:21ils n'existent quasiment que
00:26:23par leur exposition médiatique.
00:26:25C'est un élément très important du roman
00:26:27puisque c'est justement
00:26:29en partie sur Twitter
00:26:31que tout ce groupuscule
00:26:33ou ce groupe d'individus va essayer
00:26:35de conquérir le pouvoir, en tout cas de gagner en influence.
00:26:37Vous l'écrivez notamment.
00:26:39Vous dites Twitter, en tout cas ou Sauveterre,
00:26:41je ne sais plus qui parle à ce moment-là,
00:26:43dit que c'est le grand média de la guerre culturelle.
00:26:45Et vous avez dit aussi dans une interview,
00:26:47je ne sais pas si c'était encore une interview que vous avez donnée trop tôt,
00:26:49que vous avez conçu,
00:26:51qu'on peut presque lire votre roman comme un long tweet.
00:26:53Est-ce que ça vous fascine
00:26:55justement cette utilisation
00:26:57des réseaux sociaux
00:26:59dans les polémiques culturelles
00:27:01aujourd'hui ou dans les polémiques politiques ?
00:27:03C'est une question
00:27:05qui recoupe deux choses.
00:27:07Là, je ne sais pas si vous avez vu,
00:27:09ça s'est fait un peu
00:27:11en note de bad page de mon bouquin
00:27:13parce que suite aux commentaires de mon bouquin,
00:27:15des gens ont
00:27:17ressorti, je crois qu'il y a eu
00:27:19un tweet d'Anthoven
00:27:21assassin, et des gens ont ressorti
00:27:23qu'il s'était fait dézinguer par un
00:27:25youtubeur qui s'appelle Monsieur Phi qui s'était moqué
00:27:27de son bouquin sur l'intelligence artificielle.
00:27:29Bref, pour finir, ils se sont retrouvés
00:27:31et je n'ai pas regardé la vidéo encore, je crois que la vidéo
00:27:33est sortie hier ou avant-hier,
00:27:35et évidemment, j'ouvre Twitter tout à l'heure et il est en top tweet.
00:27:37Et évidemment,
00:27:39je crois que ça ne s'est pas bien passé pour lui,
00:27:41mais en fait, ce n'est pas grave.
00:27:43Exister, que son nom soit un nom de polémique,
00:27:45il y a un génie,
00:27:47en fait, peu importe,
00:27:49même si on dit du mal de toi,
00:27:51il y a quelques personnalités,
00:27:53il y a encore le cas pour Forest aujourd'hui,
00:27:55mais il y a une capacité, disons même ce génie,
00:27:57à être en top tweet,
00:27:59alors pour l'instant, c'est quasiment une fois par semaine,
00:28:01et c'est souvent des polémiques minables,
00:28:03et à un moment,
00:28:05on a toujours envie de faire le travail,
00:28:07de te confronter à toutes tes polémiques,
00:28:09mais t'as menti là,
00:28:11t'as menti là, t'as menti là, t'as menti là,
00:28:13ça serait monstrueux,
00:28:15mais en fait, ce n'est pas comme ça que ça marche.
00:28:17Il y a quelque chose, quasiment de tronqué dans le rapport
00:28:19à la vérité, en tout cas sur les réseaux sociaux,
00:28:21où ce n'est pas grave,
00:28:23il n'y a pas d'impact, on ne peut pas confronter.
00:28:25C'est encore plus patent pour Caroline Forest,
00:28:27les gens qui suivent Caroline Forest depuis 20 ans
00:28:29savent qu'il y a une tradition intellectuelle
00:28:31chez elle de manipulation de la vérité.
00:28:33Parfois elle est confrontée,
00:28:35parfois ça donne Laurent Ruquier qui dit
00:28:37qu'il ne l'invitera plus parce qu'elle ment systématiquement,
00:28:39mais ce n'est pas grave,
00:28:41elle ne va faire qu'à l'époque de Léa Salamé,
00:28:43à la même case, 5 ans plus tard.
00:28:45Il y a ces capacités
00:28:47de ces intellectuels,
00:28:49qui sont à la fois totalement ridicules,
00:28:51et en même temps, ils ont déjà un coup d'avance,
00:28:53ils sont déjà dans une sorte de trumpisme.
00:28:55Ils sont déjà totalement perméables au monde d'après.
00:28:57Alors ça, c'est le côté noir des réseaux sociaux.
00:28:59L'autre côté,
00:29:01c'est que je pense que tout un travail d'éducation
00:29:03populaire aux questions
00:29:05notamment de race et de genre a été fait très vivement
00:29:07sur Twitter, et moi qui suis plutôt paresseux
00:29:09et qui ne lis pas beaucoup de livres de sociologie,
00:29:11j'ai appris une quantité de choses énormes sur Twitter.
00:29:13Et je pense que les gens qui n'étaient pas
00:29:15sur Twitter ces 15 années
00:29:17souffrent d'une atrophie du logiciel politique.
00:29:19Il s'est vraiment passé
00:29:21beaucoup de choses,
00:29:23et la quantité de nouveaux thèmes qui sont arrivés...
00:29:25C'est plus vraiment Twitter aujourd'hui,
00:29:27parce que Twitter est devenu compliqué.
00:29:31Il y a quand même un trope raciste très fort.
00:29:33Moi, en premier, en top tweet,
00:29:35j'ai quasiment toujours des tweets racistes
00:29:37maintenant, et on voit que c'est un peu instrumentalisé
00:29:39par ce sympathique défenseur de l'apartheid, Elon Musk.
00:29:43Il y a des bizarreries.
00:29:45Néanmoins, tout n'est pas acheté,
00:29:47et c'était compliqué
00:29:49d'écrire sur les réseaux sociaux.
00:29:51Je m'en étais sorti avec Téléréalité
00:29:53en disant que c'est compliqué d'écrire sur les réseaux sociaux,
00:29:55mais que la Téléréalité, c'est la préhistoire des réseaux sociaux.
00:29:57Je défendais la théorie un peu radicale
00:29:59que si Michel Foucault était vivant,
00:30:01il aurait écrit sur la Téléréalité,
00:30:03parce que la Téléréalité
00:30:05est un moment de la culture de soi de l'Occident.
00:30:07C'est un moment
00:30:09où le selfie...
00:30:11C'est une bascule que je trouve très intéressante.
00:30:13Il y a encore 5 ou 10 ans,
00:30:15on s'excusait quand on faisait un selfie,
00:30:17et faire un selfie aujourd'hui, c'est un acte normal.
00:30:19Ça ne veut pas dire qu'on est plus narcissique
00:30:21qu'avant, comme disaient les mauvais philosophes.
00:30:23Ça veut juste dire que notre rapport à la subjectivité a changé.
00:30:25Il y a aussi quelque chose...
00:30:27J'avais un peu écrit là-dessus dans Téléréalité,
00:30:29et les réseaux sociaux,
00:30:31spécialement Twitter,
00:30:33fallait en parler.
00:30:35Et là, ça tombait bien.
00:30:37Le mouvement du 9 décembre, inspiré du printemps républicain,
00:30:39n'a quasiment pas d'autre existence
00:30:41que son existence sur Twitter.
00:30:43Et ils ont fait des raids sur Twitter.
00:30:45J'ai oublié ce nom du doxing,
00:30:47quand on donne les noms des gens
00:30:49qui sont sous ce domina, etc.
00:30:51Ils se sont très mal comportés sur ce réseau,
00:30:53mais ils étaient extrêmement actifs sur ce réseau.
00:30:55Et ils n'ont peut-être, à leur apogée,
00:30:57pas d'autre que un réseau.
00:30:59C'est à la fois formidable
00:31:01de se dire que les moyens de pirater
00:31:03quasiment le logiciel idéologique
00:31:05de son époque,
00:31:07c'est un truc de fascination.
00:31:09Depuis que les réseaux sociaux sont apparus,
00:31:11on pourrait parler avec des algorithmes
00:31:13manipuler l'information, etc.
00:31:15En fait, il suffit juste d'être
00:31:17pas très intelligent, mais un peu acharné
00:31:19et on y arrive très bien.
00:31:21Il n'y a pas besoin d'imaginer...
00:31:23Mes petits philosophes,
00:31:25mes médiocres intellectuels,
00:31:27ils ont craqué et Twitter et la démocratie.
00:31:29Avec leurs petits moyens intellectuels.
00:31:31Justement,
00:31:33le fait de déplacer
00:31:35cette dimension polémique
00:31:37de la déplacée des réseaux sociaux
00:31:39à la littérature,
00:31:41est-ce que c'était aussi un pari pour vous ?
00:31:43Peut-être une façon de redonner
00:31:45une forme de force polémique
00:31:47à la littérature
00:31:49en vous inspirant un peu de...
00:31:51Je ne sais pas si c'est le cas d'ailleurs,
00:31:53mais des méthodes finalement...
00:31:55Une forme d'outrance ?
00:31:57Il s'agissait en tout cas de répondre.
00:31:59À un moment, j'étais agacé.
00:32:01Et quand on est agacé dix fois par semaine
00:32:03par quelqu'un, il faut réagir.
00:32:05Et je sentais qu'il fallait réagir intelligemment.
00:32:07Il fallait structurer ma réaction.
00:32:09Je ne dis pas que j'ai dit que ce bouquin
00:32:11était un gros tweet.
00:32:13Ce livre théâtralise
00:32:15mon agacement.
00:32:17Il s'agissait, je l'ai dit aussi,
00:32:19d'infliger le plus de dommages possibles,
00:32:21mais pas au sens...
00:32:23Je vois...
00:32:25On n'a pas beaucoup parlé
00:32:27de critiques assez agressives que je reçois.
00:32:29Elles sont surtout atténuées.
00:32:31Je reçois énormément de gens qui me remercient
00:32:33d'avoir donné un coup de pied dans la fourmilière.
00:32:35Il s'agissait d'avancer.
00:32:37Il y avait un côté...
00:32:39Cette espèce de machin très problématique
00:32:41qui s'appelait Le printemps républicain
00:32:43a quand même pollué
00:32:45l'espace mental de la Vème République
00:32:47vieillissante.
00:32:49Il était temps d'intervenir.
00:32:51La bonne intervention, pour le coup,
00:32:53c'était le roman.
00:32:55C'était mon médium, c'était pratique.
00:32:57Il me semblait que
00:32:59les choses qui étaient exposées dans un roman...
00:33:01Les services juridiques
00:33:03m'ont toujours prévenu qu'on ne peut pas se contenter.
00:33:05Par exemple, si on reprend dans un roman
00:33:07des infos qui sont parues dans la presse,
00:33:09ce n'est pas pour autant qu'on n'est pas attaquable
00:33:11parce qu'une information
00:33:13qui est diffusée dans un roman,
00:33:15même si elle est moins lue, a plus de prestige.
00:33:17Il y a quelque chose de...
00:33:19En tout cas, je crois qu'en droit,
00:33:21il y a... Je ne sais pas si c'est la jurisprudence qui dit ça,
00:33:23mais il y a quelque chose de cet ordre-là.
00:33:25Et là, je voulais
00:33:27qu'il soit ridiculisé
00:33:29à jamais.
00:33:31Durablement, oui, c'est ça.
00:33:33Qu'il y ait un moment...
00:33:35Là, c'est fait.
00:33:37À un moment, il y a aussi
00:33:39une définition du romancier.
00:33:41En tout cas, c'est Sauveterre qui parle du romancier en ces termes.
00:33:43Là aussi, je voudrais vous citer.
00:33:45Puisque Sauveterre
00:33:47est invité
00:33:49à avoir une chronique
00:33:51sur une chaîne de radio,
00:33:53une station de radio,
00:33:55et il s'étonne qu'on lui propose
00:33:57de commenter chaque jour l'actualité.
00:33:59Pour lui, ça en dit long sur l'image qu'a le romancier.
00:34:01Je cite le passage.
00:34:03« Le romancier,
00:34:05c'était la nuance même, le démocrate et
00:34:07cervelé, l'homme sans qualité ni opinion,
00:34:09mais doté néanmoins d'une exceptionnelle
00:34:11faculté d'exprimer un vaillant nihilisme
00:34:13prenant la forme d'une agréable indulgence morale.
00:34:15Le romancier, c'était
00:34:17mieux que le confesseur d'autrefois, celui qui ne
00:34:19juge pas, qui laisse ses personnages
00:34:21décider pour lui, qui ne parle qu'au discours
00:34:23indirect libre. »
00:34:25Encore une fois, avec un livre
00:34:27né d'une
00:34:29forme de colère,
00:34:31vous vouliez quand même
00:34:33qu'il ait des effets. Est-ce que c'était aller contre
00:34:35cette image ? Est-ce que c'est déjà l'image
00:34:37que vous pensez que les gens ont du romancier
00:34:39aujourd'hui ? L'image de quelqu'un de très nuancé,
00:34:41de neutre ?
00:34:43Je pense que c'est une image que les romanciers ont
00:34:45d'eux-mêmes. On ne s'est pas rendu compte
00:34:47qu'elle était mortelle, cette image.
00:34:49C'est le moment où
00:34:51on finit dans une sorte de
00:34:53parnasse. On parle un peu
00:34:55du sujet de société, mais on apporte
00:34:57toujours une sorte de nuance. Il y a toujours quelque chose
00:34:59comme ça. Et puis, c'est des moments
00:35:01où on se met, c'est un truc très régulier,
00:35:03mais on se met toujours à réadorer
00:35:05l'incroyable subtilité
00:35:07de Camus, etc. Moi, ça m'a fait rire, par exemple.
00:35:09Je n'ai pas lu le bouquin, mais il y a un bouquin
00:35:11qui est sorti
00:35:13il y a un an ou deux, qui défonce
00:35:15Camus en disant... Voilà, ça m'a fait rire.
00:35:17Ça me fait rire
00:35:19parce que je pense que c'est quelque chose qui est important
00:35:21toujours. Il ne faut absolument pas
00:35:23vitrifier les écrivains.
00:35:25Ils ont en eux-mêmes une dialectique et des problématiques.
00:35:27C'est vrai qu'il y a un point de vue
00:35:29du romancier, un peu détaché
00:35:31du monde, un petit peu nonchalant.
00:35:33Je me suis rendu compte que
00:35:35sans aucun retour critique,
00:35:37sans aucun retour de censure,
00:35:39mes chroniques à la radio,
00:35:41je sentais qu'elles marchaient
00:35:43d'autant mieux que j'accompagnais
00:35:45les choses.
00:35:47Je suis tombé à la télé
00:35:49hier soir sur un moment génial d'horreur
00:35:51où, en fait,
00:35:53je pense que Christophe Barbier
00:35:55a réinventé la posture du romancier.
00:35:57Christophe Barbier.
00:35:59En fait, il y avait une discussion
00:36:01assez pénible sur les OQPF, etc.
00:36:03Et à la fin, le chroniqueur
00:36:05de gauche dont j'oublie le nom, Pablo Vivien,
00:36:07a voulu apporter un sujet un peu plus
00:36:09fun.
00:36:11C'était sur les gens qui dorment
00:36:13dans des tentes pour regarder le concert de
00:36:15Mylène Farmer. Et là,
00:36:17Christophe Barbier prend la parole, fin de l'émission,
00:36:19oui, on voit des gens
00:36:21qui dorment dans des tentes pour regarder le concert de Mylène Farmer,
00:36:23mais à deux kilomètres de là, rappelons qu'il y a des migrants
00:36:25qui dorment dans des tentes.
00:36:27Et limite, c'est beau, non ?
00:36:29Et il n'était pas du tout en colère.
00:36:31C'est de la poésie.
00:36:33Le monde est nuancé. Il y a des riches,
00:36:35il y a des pauvres. Notre monde est incroyable.
00:36:37Notre monde est nuancé.
00:36:39En dernier lieu, quand on défend la nuance,
00:36:41on finit par défendre des positions à la Christophe Barbier
00:36:43où on dit juste que c'est incroyable.
00:36:45Mais qui n'est pas romancier.
00:36:47Pour le coup, il a vraiment synthétisé
00:36:49les sens mêmes dramatiques
00:36:51du roman contemporain.
00:36:53Je constate. Moi, je ne juge pas.
00:36:55Je trouve ça fou.
00:36:57C'est comme les gens qui disent
00:36:59toujours...
00:37:01Alors, ça marche hyper bien
00:37:03sur la guerre à Gaza.
00:37:05C'est compliqué.
00:37:07C'est compliqué.
00:37:09En fait, je ne pense pas que ce soit si compliqué que ça.
00:37:11Et dire c'est compliqué, c'est une façon de ne pas dire les mots.
00:37:13Je crois que c'est Emmanuel Carrère qui écrit ça,
00:37:15qui dit qu'il y a toujours les gens qui se croient plus malins que tout le monde
00:37:17et qui disent, attends, c'est plus compliqué que ça.
00:37:19Moi, je pense que c'est une position...
00:37:21À titre personnel,
00:37:23je suis un peu enfermé là-dedans parfois.
00:37:25Donc, il s'agit... En fait, non, on est romancier.
00:37:27On est quand même censé un peu démêler les chevaux des causes.
00:37:31Il s'appelle sauve-terre.
00:37:33On est quand même censé sauver le monde.
00:37:35Ça va, l'ego ?
00:37:37Non, mais on n'y arrive pas. On sait qu'on n'y arrive pas.
00:37:39Mais bon, ça fait partie du contrat.
00:37:41Les grands romanciers du XIXe
00:37:43on peut reprocher
00:37:45beaucoup de choses à Hugo,
00:37:47mais pas d'avoir fait avancer beaucoup de questions à Dickens.
00:37:49C'est des gens qui ont vraiment...
00:37:51Parce qu'ils ont ridiculisé les dysfonctionnements
00:37:53les plus fragiles dans nos sociétés.
00:37:55Je pense que si la peine de mort a été abolie,
00:37:57on le doit à Hugo.
00:37:59Si le travail des enfants a été aboli, on le doit à Dickens.
00:38:01En dernier lieu, tout simplement.
00:38:03La responsabilité morale du romancier, elle est énorme.
00:38:05Il ne s'agit pas juste d'accompagner la société en disant
00:38:07elle est compliquée.
00:38:09C'est vrai.
00:38:11La citation que je viens de faire,
00:38:13on dit qu'il ne parle qu'au discours indirect libre.
00:38:15Or, c'est assez amusant,
00:38:17dans une émission, celle de Marc Wetzmann,
00:38:19qui avait invité deux chercheuses
00:38:21qui analysaient plus la dimension littéraire
00:38:23de votre livre.
00:38:25Surtout l'incroyable ratage qu'était ce livre.
00:38:27Je voulais garder un silence pudique sur cet aspect de l'émission.
00:38:29Mais en tout cas, une des chercheuses
00:38:31s'interrogeait sur le fait
00:38:33de votre usage du discours indirect libre
00:38:35et se demandait qui parle dans ce livre.
00:38:37Il y a un narrateur qui raconte
00:38:39toute l'histoire du mouvement du 9 décembre.
00:38:41C'est vrai qu'on ne sait pas qui est ce narrateur.
00:38:43Il me semble qu'il existe,
00:38:45mais c'est ténu.
00:38:47Les deux premières pages
00:38:49sont racontées du point de vue
00:38:51d'un historien du temps présent,
00:38:53un peu embêté.
00:38:55J'ai un bon sujet de livre.
00:38:57Je pense que je peux raconter
00:38:59la totalité de l'histoire
00:39:01de la France des 20 dernières années
00:39:03avec ce petit angle, mais un rien complotiste.
00:39:05Mais en même temps, ne nous refusons pas
00:39:07la théorie du complot.
00:39:09C'est une sorte de préface
00:39:11épistémocritique, pour citer Walter Benjamin.
00:39:13C'est un moment où il s'interroge
00:39:15sur la possibilité
00:39:17de tenir un discours
00:39:19et, en s'entendant bien,
00:39:21ça va être un peu exagéré.
00:39:23Ceci dit, je pense que le bouquin,
00:39:25après, il marche.
00:39:27Ne le citons pas,
00:39:29il y a un journaliste de 20 minutes
00:39:31qui s'est totalement planté.
00:39:33Ça fait du bien de lire un bouquin
00:39:36Je pense que jusqu'à la page 350,
00:39:38j'ai totalement déconné,
00:39:40je n'aurais pas dû faire d'interview,
00:39:42jusqu'à la page 350, on ne sait pas
00:39:44où est ma position.
00:39:46Les gens me disent que c'est bien
00:39:48parce que vous défendez bien
00:39:50les positions des gens.
00:39:52J'ai même eu des critiques des standards.
00:39:54C'est un bon livre sur le grand remplacement.
00:39:56Ça, ce n'était pas prévu.
00:39:58Vous défendez bien les positions
00:40:00et c'est vrai qu'à partir du moment
00:40:02où la laïcité devient une panique morale
00:40:04plutôt qu'un principe régulateur
00:40:06de la République,
00:40:08j'ai essayé de retranscrire de l'intérieur
00:40:10comment elle devient une panique morale.
00:40:12Et même un personnage a éberlué
00:40:14parce qu'il a beaucoup travaillé
00:40:16sur la question des paniques morales
00:40:18qui sont plutôt l'apanage
00:40:20de la droite républicaine américaine
00:40:22depuis les années Reagan.
00:40:24C'est à Reagan qu'on voit les trucs
00:40:26sur les disques de hip-hop,
00:40:28violences, contenus explicites.
00:40:30Ils ont fabriqué 2 000 paniques morales
00:40:32de gauche et ils se rendent compte
00:40:34qu'il va reconquérir ça.
00:40:36Le statut du bouquin est bizarre
00:40:38et je pense qu'en fait,
00:40:40à mesure qu'on avance,
00:40:42on comprend à peu près où je vais.
00:40:44Mais je n'ai pas pu m'empêcher
00:40:46de rajouter un épilogue trouble.
00:40:48Et l'épilogue trouble est vraiment là
00:40:50dans le sens où je trouble le truc.
00:40:52C'est pour ça que ça m'a un peu embêté
00:40:54ces critiques parce que le bouquin,
00:40:56je pense qu'en vrai, il y a des problèmes
00:40:58réels, même d'un pur point de vue politique
00:41:00il est compliqué.
00:41:02Ce n'est pas un brûlot politique d'extrême-gauche.
00:41:04C'est plus bizarre et je pense par ailleurs
00:41:06que c'est volontaire.
00:41:08Le fait qu'il y ait un personnage de romancier bizarre
00:41:10au milieu, etc.
00:41:12Et qu'à la fin,
00:41:14ça biaise bizarrement.
00:41:16Je l'ai vraiment conçu comme ça.
00:41:18Et pourquoi ?
00:41:20Avoir tenu à maintenir
00:41:22ce trouble justement ?
00:41:24Parce que
00:41:26déjà le livre
00:41:28se rattache à un projet
00:41:30plus ample et donc
00:41:32je voulais qu'il y ait des petites passerelles
00:41:34par rapport à un autre projet.
00:41:36J'aimerais bien travailler ensuite
00:41:38dans le cadre d'un machin
00:41:40qui s'appellerait l'histoire religieuse de la France.
00:41:42J'aimerais bien travailler sur la question
00:41:44plus frontalement, c'est plutôt la laïcité.
00:41:46J'aimerais bien travailler sur la question de la déchristianisation
00:41:48en tant...
00:41:50De toute façon, projet ambitieux.
00:41:52J'étais dans une bibliothèque dominicaine cet après-midi
00:41:54juste pour voir qu'il y avait 400 000 livres
00:41:56et que je n'allais pas réussir à les lire.
00:41:58J'aimerais bien travailler sur cette question
00:42:00que je trouve hyper intéressante
00:42:02de Vatican II
00:42:04et le moment
00:42:06dans ce grand siècle de modernisation
00:42:08qu'est le XXe siècle où l'Église se dit
00:42:10qu'elle aussi elle se modernise.
00:42:12Je trouve ça hyper intéressant.
00:42:14Comme acte de foi. J'aimerais bien travailler cette question
00:42:16et surtout que Vatican II, c'est devenu
00:42:18le mai 68 des cathos.
00:42:20Dès que ça ne va pas,
00:42:22c'est à cause de Vatican II.
00:42:24C'est devenu un objet mythologique en soi-même
00:42:26qui me plairait d'étudier.
00:42:28C'était intéressant de réintroduire
00:42:30à la fin des figures.
00:42:32Du coup, c'est ce que j'ai attribué à Sauveterre
00:42:34qui en plus n'est pas mon cas.
00:42:36Je lui ai attribué un trouble religieux
00:42:38plus marqué.
00:42:40Des choses plus bizarres.
00:42:42Je ne voulais pas que le livre s'arrête sur une vision...
00:42:46Je voulais le rattacher, qu'il y ait des passerelles
00:42:48vers des thématiques religieuses que j'utiliserai
00:42:50dans des prochains livres.
00:42:52Vous concevez quand même vos livres en ayant en tête
00:42:54une forme d'architecture plus générale
00:42:56qui excède le seul roman
00:42:58que vous êtes en train d'écrire.
00:43:00Vous avez toujours en tête une sorte de projet plus vaste.
00:43:02C'est le septième, ça marchait par trois.
00:43:04Les trois premiers, c'était plutôt
00:43:06mythologie française.
00:43:08Les trois d'après, c'était plutôt l'Europe.
00:43:10Parce que les réalités, rappelons-le,
00:43:12est une invention néerlandaise.
00:43:14Et là, j'ouvrais
00:43:16un truc sur le monde
00:43:18et je me disais que ce serait marrant
00:43:20de faire un truc sur les histoires religieuses.
00:43:22Après, c'est des projets...
00:43:24Je me rappelle d'un truc qui m'avait marqué.
00:43:26Au moment de la publication de Plateforme,
00:43:28Houellebecq avait écrit sur la première page
00:43:30au milieu du monde. On ne savait pas trop
00:43:32si c'était le nom d'une collection chez Flammarion
00:43:34ou d'un projet plus grand. Il n'en a jamais reparlé.
00:43:36Il y a toujours eu un mystère.
00:43:38C'est quoi ?
00:43:40Soyons prudents.
00:43:42Et en plus, comme ce serait le dernier tome
00:43:44d'une trilogie,
00:43:46l'adméritation n'est pas facile.
00:43:48Je ne vais pas l'appeler tome 3.
00:43:50Donc, voilà.
00:43:52On va aller à rebours, en fait.
00:43:54Comme Star Wars.
00:43:56Là, c'est la fin.
00:43:58C'est 1905, la laïcité, tout ça.
00:44:00La fin du cycle.
00:44:02Je me demandais,
00:44:04on a parlé un peu autour du livre,
00:44:06on n'est pas forcément rentré
00:44:08dans le texte lui-même.
00:44:10Beaucoup vous ont fait le reproche,
00:44:12d'avoir utilisé des personnages
00:44:14notamment Grémon,
00:44:16qui est inspiré de Laurent Bouvet,
00:44:18qui est décédé il y a peu de temps.
00:44:20Dans le livre, on voit apparaître Charb,
00:44:22le dessinateur de Charlie Hebdo.
00:44:24Vous le faites parler,
00:44:26notamment lors d'un dîner.
00:44:28Est-ce que ça, c'est des reproches
00:44:30que vous pouvez comprendre ?
00:44:32Oui.
00:44:34Est-ce que vous êtes posé la question ?
00:44:36Merci.
00:44:38Est-ce que vous avez hésité avant ?
00:44:40Non.
00:44:44J'avais hésité au moment du Grand Paris
00:44:46parce que j'avais décidé
00:44:48que ça parlerait du travail,
00:44:50de l'instrumentalisation de la question de l'islam
00:44:52par Nicolas Sarkozy.
00:44:54C'était vraiment le sujet du livre.
00:44:56J'écris le livre
00:44:58et puis il y a les attentats de 2015.
00:45:00Au moment de l'écriture du livre,
00:45:02d'un coup,
00:45:04ce n'est pas que mon sujet,
00:45:06ça ne changeait rien.
00:45:08Ça changeait tout.
00:45:10Mon livre est cohérent.
00:45:12Je n'ai pas changé d'avis.
00:45:14Je n'ai pas pensé d'un coup
00:45:16qu'il fallait abolir l'islam.
00:45:18En vrai, je n'ai pas changé.
00:45:20C'est juste que le climat a changé.
00:45:22Il y a quelque chose comme ça.
00:45:24Si on est à peu près sûr de soi,
00:45:26il y a des moments où il ne faut pas varier.
00:45:28Je commençais à écrire.
00:45:30Laurent Bouvet, c'est un bon personnage.
00:45:32Grément, qui s'en inspire,
00:45:34mais qui en est distinct.
00:45:36Je lui ai fait rencontrer Maurras.
00:45:38Trop bonne idée.
00:45:40Un socialiste qui lit Maurras,
00:45:42super idée.
00:45:44C'est un cas totalement imaginaire ?
00:45:46Non.
00:45:48En plus, c'est un Mitterrandien
00:45:50qui lui file Maurras.
00:45:52Il y a une ligne de base maurassienne.
00:45:54Maurras, c'est intéressant.
00:45:56C'est un catholique sans Dieu.
00:45:58C'est quelqu'un qui défend les structures
00:46:00morales et sociologiques du catholicisme
00:46:02et qui abandonne la religion.
00:46:04C'est une ligne sur laquelle
00:46:06je me souviens d'un entretien
00:46:08entre Houellebecq et Geoffroy Lejeune.
00:46:10C'est la ligne que défend plutôt Houellebecq.
00:46:12C'est quelque chose qui existe.
00:46:14Pour un socialiste, je ne sais pas.
00:46:16Je trouvais ça marrant.
00:46:18Je commence le bouquin.
00:46:20J'ai mon personnage et j'apprends
00:46:22que le type est malade.
00:46:24Après, ce n'est pas vraiment lui.
00:46:26C'est embêtant.
00:46:30Ça aurait été bizarre.
00:46:32De toute façon, ce n'était pas lui.
00:46:34Je n'étais pas machin.
00:46:36Est-ce que j'étais obligé
00:46:38de le faire mourir de la même maladie ?
00:46:40Est-ce que j'étais obligé de le faire mourir ?
00:46:44Ça se pose aussi la question
00:46:46de la liberté du romancier,
00:46:48de sa responsabilité.
00:46:50On n'a peut-être pas le temps
00:46:52de trancher cette vaste question.
00:46:54Les morts ne peuvent pas faire de procès
00:46:56en droit français.
00:46:58C'est un peu fragile.
00:47:00Oui, mais il y avait au moins ça
00:47:02de gagné.
00:47:04Après, la question morale est plus...
00:47:06Ça va ?
00:47:08C'est les strapontins qui ont des ressorts
00:47:10hyperpuissants ?
00:47:14Peut-être que c'est trop fort.
00:47:18Cette théorie était trop forte ?
00:47:20Oui, c'est un truc...
00:47:24Je ne suis pas le premier romancier
00:47:26à faire des petits arrangements douteux.
00:47:28Ça fait partie du travail.
00:47:30Vous avez cité son nom plusieurs fois,
00:47:32c'est Michel Houellebecq.
00:47:34Beaucoup ont dit aussi que ce livre
00:47:36pouvait se lire comme une sorte
00:47:38d'anti-soumission.
00:47:40D'ailleurs, le personnage de Sauveterre
00:47:42écrit un livre qui s'appelle
00:47:44Séparation, qui est clairement
00:47:46comme une réponse à soumission.
00:47:48Est-ce que là aussi,
00:47:50il y a une volonté de se positionner
00:47:52contre Houellebecq, vous qui avez
00:47:54commencé en écrivant un livre
00:47:56ou d'admiration en tout cas à son...
00:47:58Oui, oui, oui.
00:48:00Disons qu'en tout cas, ça a été...
00:48:02En fait, en vrai, même pas.
00:48:04Si je voulais parler de la question
00:48:06de l'islamophobie en France,
00:48:08il n'était pas possible de ne pas parler
00:48:10de soumission. Ça a été un moment important.
00:48:12Le livre est à la fois pas un très bon livre
00:48:14mais plus subtil que l'image qu'on en a.
00:48:16Si on veut trouver des choses racistes
00:48:18chez Houellebecq, il y en a.
00:48:20Il y en a globalement moins dans Soumission
00:48:22que dans Extorsion et Amène de la Lutte.
00:48:24Donc...
00:48:32Houellebecq, c'est vraiment un point
00:48:34hyper important.
00:48:36Tout pendant que c'était
00:48:38le romancier de la décadence,
00:48:40moi, je suis plutôt contre
00:48:42les romans de la décadence. Je trouve que c'est quand même
00:48:44une vision assez droite de la société.
00:48:46Mais pourquoi pas sa beauté
00:48:48propre. Tout pendant qu'il était
00:48:50un grand romancier de la décadence.
00:48:52Le problème, c'est qu'à partir de Soumission,
00:48:54il a inventé des personnages positifs
00:48:56qui ne se contentent pas de contempler la chute de l'Occident
00:48:58mais qui vont le redresser.
00:49:00C'était frappant dans Soumission
00:49:02et il a refait le coup d'en anéantir.
00:49:04C'était des militants identitaires
00:49:06hyper chevaleresques.
00:49:08Et donc là, non.
00:49:10Il est passé de
00:49:12je déplore la chute de ma civilisation
00:49:14à je lâche les chiens
00:49:16de l'extrême droite
00:49:18pour tuer ceux qui...
00:49:20Faute morale de sa part.
00:49:22Alors là, on a parlé
00:49:24très sérieusement et puis je suis désolée parce que je vois
00:49:26que le temps passe et je voudrais vous laisser le temps de poser
00:49:28vos questions. Mais il faut quand même
00:49:30dire une chose et je l'ai dit en introduction,
00:49:32c'est une satire et c'est quand même un livre extrêmement
00:49:34drôle aussi. Il y a des scènes notamment
00:49:36de dîner. Donc il y a un personnage
00:49:38qui s'appelle Revêche
00:49:40qui vient du café-théâtre
00:49:42et en fait, vous dites,
00:49:44tous ces gens-là, ils défendent la satire
00:49:46mais ils ne la supportent pas.
00:49:48Et vous en faites finalement, la réception de votre
00:49:50roman le montre bien
00:49:52et vous imaginez une soirée chez ce
00:49:54Revêche avec les deux philosophes,
00:49:56plein de gens
00:49:58très médiatiques qu'on peut reconnaître
00:50:00assez aisément et
00:50:02toute une série de dialogues extrêmement drôles.
00:50:04Est-ce qu'il y a eu une certaine jubilation pour vous
00:50:06aussi à écrire ce livre ?
00:50:08C'était horrible. C'est vrai ?
00:50:10Non, parce que c'est les scènes qui ont été les plus difficiles.
00:50:12Et alors, tous les gens
00:50:14qui les ont lues m'ont dit, ah, ils sont réussis.
00:50:16C'était un peu difficile
00:50:18parce que moi, je n'aime pas trop
00:50:20les dialogues, je n'en fais jamais.
00:50:22Donc voilà,
00:50:24je n'ai pas beaucoup de recul, peut-être que je les lirai dans quelques années.
00:50:26Là, je n'ai pas trop de recul, c'est vraiment...
00:50:28Il y a un moment,
00:50:30un micro-débat sur la question de la laïcité
00:50:32entre deux personnages
00:50:34mais je travaille assez peu
00:50:36dans la vie, mais là, ça m'a demandé vraiment six heures de travail
00:50:38non-stop pour régler cette question.
00:50:40Donc très, très mauvais souvenir.
00:50:42Je pense que je m'en suis sorti
00:50:44et je ne m'attendais pas que la difficulté
00:50:46vienne de là.
00:50:48Donc de ces passages-là...
00:50:50Donc je suis content qu'ils apparaissent réussis
00:50:52mais moi, de l'intérieur, je suis un peu genre...
00:50:54Et à contrario,
00:50:56qu'est-ce que vous avez aimé écrire ?
00:50:58Où est-ce que vous avez trouvé le plus de plaisir ?
00:51:02Moi, j'aime bien raconter le début
00:51:04hyper facile. Le premier chapitre qui raconte la vie
00:51:06dans la pratique socialiste,
00:51:08qui rate Sciences Po, qui finit à Sciences Po Toulouse,
00:51:10qui est dégoûté parce que Sciences Po Toulouse, c'est moins bien, tout ça.
00:51:12C'était très fluide
00:51:14et ça, je n'avais pas de problème.
00:51:16C'est un truc compliqué l'écriture
00:51:18parce que...
00:51:22C'est quand même mieux
00:51:24d'avoir quelques facilités quand on écrit un truc.
00:51:26Donc c'est plaisant
00:51:28et d'un autre côté, il y a des fois,
00:51:30on n'a pas le choix, il faut quand même faire quelque chose.
00:51:32Parfois, quand il faut faire quelque chose
00:51:34et qu'on n'a pas envie de le faire, il ne faut pas le faire.
00:51:36Par exemple, il n'y a pas d'attentat
00:51:38dans le bouquin, ils sont en off,
00:51:40il n'y a pas grand chose à faire de ça.
00:51:42Ce n'était pas une matière romanesque.
00:51:44C'est une question...
00:51:46Qu'est-ce qu'on sait faire ?
00:51:48Qu'est-ce qu'on doit faire ?
00:51:50Et des fois, j'aimais bien se guiner.
00:51:52Des fois, il fallait le faire.
00:51:54Ce n'est pas trop mon genre, mais il faut un peu se forcer
00:51:56à sortir de sa zone de confort.
00:51:58Après, c'est des questions de réglage.
00:52:00Si on sort totalement de sa zone de confort,
00:52:02je pense que je deviendrais un moins bon romancier
00:52:04si je réussissais mieux mes romans, je pense.
00:52:06Le fait que je travaille beaucoup sur mes faiblesses,
00:52:08je renforce.
00:52:10Mes incapacités sont mes vraies forces.
00:52:12Mais des fois,
00:52:14je m'aventure un peu
00:52:16du bout des doigts dans autre chose.
00:52:18Donc le prochain roman, ce ne sera que des dialogues ?
00:52:20Euh...
00:52:22Non.
00:52:24Je vois que le temps passe.
00:52:26Si vous avez des questions,
00:52:28je vais vous laisser...
00:52:30Il faudra bien parler dans le micro
00:52:32pour que les gens qui nous suivent
00:52:34à distance vous entendent.
00:52:36Oui, bonsoir.
00:52:38J'essayais de ne pas être trop long comme je suis le premier.
00:52:40J'ai commencé en tant que lecteur.
00:52:42Je tournais beaucoup
00:52:44autour d'Orient et Bélanger depuis des années.
00:52:46Je n'osais pas y aller
00:52:48avec l'aménagement du territoire
00:52:50en tant que géographe.
00:52:52Et je l'ai enfin lu
00:52:54cet été en attendant la sortie de celui-là
00:52:56qui avait été annoncé avec l'immense campagne
00:52:58de pub de la dissolution, etc.
00:53:00Malheureusement,
00:53:02je ne suis pas qu'un lecteur.
00:53:04Je suis aussi un acteur
00:53:06oublié dans le livre.
00:53:08Je ne fais pas le rapproche d'Orient et Bélanger.
00:53:10En fait, je suis un acteur
00:53:12de ce qui se passe dans le livre
00:53:14entre les pages 360 et 364.
00:53:18Ce n'est pas drôle.
00:53:20C'est-à-dire du recrutement
00:53:22de Grément par le ministre de l'Education
00:53:24jusqu'à
00:53:26l'assassinat de Samuel Paty.
00:53:28Quatre pages.
00:53:30Ça fait
00:53:32deux ans.
00:53:342018, je vais large.
00:53:36Création, Conseil des Sages, etc.
00:53:38Et 2020.
00:53:42Tout de suite, c'est moins drôle
00:53:44et je mets une drôle d'ambiance.
00:53:46Je vais continuer.
00:53:50Évidemment, je suis prof d'histoire géo
00:53:52en province,
00:53:54pas en banlieue parisienne, mais c'est pareil.
00:53:56L'auteur
00:53:58serait un historien.
00:54:00Donc,
00:54:02j'ai regardé ce que dit un historien
00:54:04sur cette question.
00:54:06Le sujet du livre, c'est-à-dire
00:54:08ce que cet historien appelle
00:54:10la nationalisation de la laïcité
00:54:12ou l'idéalisation de la laïcité,
00:54:14ce qui rejoint tout à fait le point de vue d'Aurélien Bélanger,
00:54:16dans ce livre et dans ses déclarations,
00:54:18le tournant pour lui
00:54:20a lieu en 2019.
00:54:24J'insiste
00:54:26et je pèse mes mots.
00:54:282019 avant 2020.
00:54:32Un autre livre est sorti après celui d'Aurélien Bélanger,
00:54:34qui rejoint
00:54:36ce que dit Aurélien Bélanger dans son livre,
00:54:38puisque la principale qualité de ce livre,
00:54:40c'est le caractère courtisant
00:54:42de Jean-Michel Blanquer,
00:54:44qui est l'auteur
00:54:46de ce livre récent.
00:54:48Et Jean-Michel Blanquer
00:54:50souligne lui aussi qu'il se passe des choses
00:54:52importantes en 2019
00:54:54et
00:54:56l'aboutissement
00:54:58qu'il voit à cette question,
00:55:00qui est toujours cette laïcité qui est modifiée,
00:55:04c'est deux choses.
00:55:06L'agression d'Audoule
00:55:08par rapport à une maman voilée au Conseil régional
00:55:10de l'Est,
00:55:12peu importe,
00:55:14et la fameuse
00:55:16déclaration de Blanquer sur le voile
00:55:18qui n'est pas souhaitable, où il y a un franchissement
00:55:20de ligne rouge caractérisé.
00:55:22Toujours dans le sens
00:55:24socialiste de ce livre.
00:55:28Pourquoi je dis tout ça ?
00:55:30Parce qu'il faut que tout le monde
00:55:32soit au même niveau de connaissance.
00:55:34Après, je veux bien en discuter sur le fond,
00:55:36mais ce n'est pas l'objet ici.
00:55:38Il se trouve que, moi j'étais
00:55:40sur Twitter,
00:55:42j'ai fait de la résistance par rapport au printemps républicain,
00:55:44de ma place
00:55:46de prof de province référent laïcité,
00:55:48je me suis opposé directement
00:55:50sur Twitter
00:55:52à Laurent Bouvert.
00:55:54Notamment lorsqu'il a fait
00:55:56cette fameuse caricature
00:55:58de mère voilée juste avant Audoule.
00:56:00Je prends le point de vue de Jean-Michel Blanquer
00:56:02ici.
00:56:04Je lui ai demandé sa démission. Evidemment, je ne l'ai pas
00:56:06obtenue. L'historien
00:56:08dont je parlais tout à l'heure souligne que
00:56:10il était question de cette démission parce que ça avait fait
00:56:12un bad buzz, etc.
00:56:16Je conclue, c'est après le livre.
00:56:18L'assassinat
00:56:20de Samuel Paty m'a particulièrement touché
00:56:22pour plein de raisons que je ne développe pas.
00:56:26Mais je tiens à rappeler deux choses
00:56:28qui ne sont pas dans le livre puisqu'il s'arrête en
00:56:301922.
00:56:32C'est l'acteur qui parle,
00:56:34je ne suis pas littéraire, je suis désolé.
00:56:36Je tue l'ambiance.
00:56:38Je préparais l'hommage
00:56:40de Samuel Paty lorsqu'il y a eu lieu l'attentat d'Arras.
00:56:42C'était évidemment
00:56:44le mort de trop, ça en faisait deux.
00:56:46Et la semaine d'après,
00:56:48j'ai été traqué et j'ai été condamné
00:56:50pour cela par un tribunal.
00:56:52J'arrête là.
00:56:56Je suis particulièrement content que le plafond
00:56:58de verre auquel je me suis confronté en m'affrontant
00:57:00directement à monsieur Bouvet
00:57:02explose grâce évidemment
00:57:04à la littérature et à tout ce qui se passe
00:57:06et à la fin de la hype et tout ça.
00:57:08A suivre.
00:57:10Merci monsieur.
00:57:12Est-ce qu'il y a d'autres questions ? Oui monsieur, je vous en prie.
00:57:18Merci.
00:57:24D'abord, je voulais vous dire que je suis libraire
00:57:26et j'ai lu très très très argentivement
00:57:28votre livre.
00:57:30Donc on va être très clair.
00:57:32Je vais saluer l'audace
00:57:34de ce livre.
00:57:36L'audace et le courage de ce livre.
00:57:38J'ai quand même mis
00:57:40l'audace sur la forme.
00:57:42Par contre, j'ai trois questions très importantes sur le fond.
00:57:44Est-ce que votre roman n'est pas
00:57:46en fait un règlement
00:57:48de compte ?
00:57:50Un règlement de compte avec Taivan et Freyer ?
00:57:52C'est la première question.
00:57:54La deuxième question,
00:57:56elle va revenir un peu en arrière par rapport à vos livres.
00:57:58On vous a affublé
00:58:00il y a quelque temps
00:58:02d'un Houellebecq de gauche.
00:58:04Est-ce que c'est encore de la pertinence ?
00:58:06La troisième question, elle est encore plus importante.
00:58:10Via la nomination de Barnier
00:58:12et de Retailleau,
00:58:14est-ce que votre livre n'en est pas
00:58:16d'illustration ?
00:58:18Pour répondre d'abord à votre dernière question,
00:58:24la fin du bouquin, ça se passe en 2022
00:58:26au moment en fait
00:58:28qui est une sorte d'anticipation de l'été
00:58:30qu'on a connu, c'est-à-dire que pendant un mois, il ne se passe rien.
00:58:32Macron ne fait rien.
00:58:34Il est trop tôt pour nommer un premier ministre.
00:58:36Il hésite entre premières et premiers ministres.
00:58:38Il hésite avec la maire de Reims.
00:58:40Finalement, il prendra Elisabeth Borne.
00:58:42Mais on sent qu'à ce moment-là, il y a une sorte
00:58:44d'impérium politique supérieur et qu'il s'en fiche.
00:58:46Il s'en fiche de gagner les législatives, il ne fait pas campagne.
00:58:48Il s'en fiche d'avoir un premier ministre.
00:58:50Il est parti dans autre chose.
00:58:52Ça anticipe très largement l'été qu'on a vécu.
00:58:56Le drame, les vieux se souviennent
00:58:58des années baladures.
00:59:00On a l'impression d'être revenus en 1993
00:59:02qui ne sont pas des années totalement plaisantes
00:59:04sur le plan politique.
00:59:06Je pensais un peu naïvement
00:59:08qu'on assistait à la crise
00:59:10de la Vème République et qu'elle était morte.
00:59:12A priori, elle est morte,
00:59:14mais on va vivre très longtemps dans son cadavre.
00:59:16Ce gouvernement a quelque chose
00:59:18de cadavérique.
00:59:22À titre personnel,
00:59:24ça va être très difficile et très long à supporter.
00:59:26Par rapport à votre première question,
00:59:28ce n'est pas un règlement de compte.
00:59:30Je ne les connais pas, je les ai croisés
00:59:32pour l'un sur un plateau de télé,
00:59:34pour l'autre pendant quelques secondes à Mulhouse.
00:59:36Est-ce qu'il y a des gens qui n'ont pas lu le roman ici
00:59:38et qui ne savent peut-être pas de qui on parle
00:59:40quand on parle de Freyer et Taïwan ?
00:59:42Oui ?
00:59:44On a besoin de rappeler ?
00:59:46Taïwan, c'est Raphaël Enthoven.
00:59:48On peut voir
00:59:50Nersaz de Raphaël Enthoven
00:59:52et Freyer,
00:59:54une forme de Michel Onfray.
00:59:56Peut-être, je ne sais pas.
00:59:58Moi, c'est comme ça que je l'ai lu.
01:00:00Par rapport à votre deuxième question,
01:00:02j'ai oublié, donc je ne peux pas répondre.
01:00:04Ah oui !
01:00:08Euh...
01:00:10Oui, enfin,
01:00:12sur un point précis, c'est que Houellebecq
01:00:14instruit en 1998 le procès de mai 68
01:00:16et je pense que l'erreur profonde de la gauche
01:00:18aujourd'hui, c'est d'être resté à cette idée
01:00:20que c'était moderne pour la gauche d'instruire le procès de mai 68
01:00:22et ça donne tous ces débats pénibles,
01:00:24sociétal versus social, etc.
01:00:26Alors que la plateforme
01:00:28société sociale
01:00:30de mai 68
01:00:32a donné quelques réformes
01:00:34pas nulles au début du quinquennat,
01:00:36au début du septennat de Mitterrand
01:00:38et qu'il ne s'agissait pas de jouer les deux.
01:00:40Donc, en fait, je m'inscris plutôt en faux
01:00:42contre ce moment historique
01:00:44dont l'apparition
01:00:46des particules élémentaires a été
01:00:48le moment, le procès de mai 68
01:00:50en disant que mai 68 n'était pas de gauche
01:00:52et était un complot des néolibéraux,
01:00:54bla bla bla.
01:00:56Votre premier livre
01:00:58est un exercice
01:01:00d'admiration magnifique
01:01:02sur Houellebecq.
01:01:04C'est pour ça que ça me perturbe.
01:01:06Après Houellebecq, il y a quand même
01:01:08un moment...
01:01:10Ces
01:01:12quatre premiers livres sont
01:01:14moins bons que les quatre d'après.
01:01:16Et c'est
01:01:18quasiment plus le même écrivain
01:01:20à partir de La carte et le territoire.
01:01:22La carte et le territoire, c'est vraiment beaucoup moins bien
01:01:24que La possibilité d'une île.
01:01:26Et ensuite, c'est un bon écrivain
01:01:28mais il n'a plus la même importance
01:01:30littéraire.
01:01:32C'est comme Musset.
01:01:36Il y a 40 années de trop dans la production de Musset.
01:01:38Et dernière chose,
01:01:40j'ai un rêve, c'est que la prochaine tête du
01:01:42tueur, ça soit Ray Tailloux.
01:01:46J'ai eu une idée l'autre jour
01:01:48à la radio. J'ai dit qu'en fait, le prochain livre,
01:01:50ça serait écrire
01:01:52un livre sur des adolescents qui sont subis
01:01:54des horribles sévices à Stanislas
01:01:56et que ça s'appelle Restan. Et je reçois plein de messages
01:01:58sur Instagram de gens qui me disent
01:02:00que c'est une super idée. Faites-le, faites-le.
01:02:02Donc voilà, pourquoi pas.
01:02:08Est-ce qu'il y a une autre ou d'autres questions ?
01:02:10Oui, derrière.
01:02:12Oui, bonsoir.
01:02:14J'avais quelques questions sur l'écho
01:02:16médiatique qu'est en train
01:02:18d'avoir votre livre. Je voulais savoir ce que vous avez
01:02:20pensé de votre interview sur France Inter
01:02:22avec Sonia Devillers. Première question.
01:02:24Savoir aussi si
01:02:26vous avez été boycotté
01:02:28par certains médias, certaines émissions. Si oui, lesquelles
01:02:30et pourquoi, d'après vous ? Et dernière
01:02:32question, ça concerne
01:02:34la promotion du livre de
01:02:36Caroline Fourest. Elle est partout.
01:02:38Elle a un tapis rouge partout dans
01:02:40la plupart des médias audiovisuels. Je voulais savoir
01:02:42ce que vous en pensiez. Merci.
01:02:46Pour votre première question, moi je l'ai vécu comme
01:02:48une interview
01:02:50tonique, mais pas horrible.
01:02:52Mais j'ai eu beaucoup de retours de gens qui trouvaient
01:02:54que j'avais été maltraité. Moi, il se trouve que j'aime
01:02:56bien être maltraité. J'aime bien.
01:02:58Ce n'est pas horrible.
01:03:00Je me suis dit
01:03:02je ne m'assois pas dans un fauteuil et c'est cool.
01:03:04Il va falloir un petit peu réfléchir.
01:03:06Ça ne m'a pas plus que ça traumatisé.
01:03:08Sur votre autre question,
01:03:10oui et non, parce que je ne peux pas dire que
01:03:12je ne fais pas
01:03:14de médias, mais je pense
01:03:16oui, effectivement, Caroline Fourest en fait trop.
01:03:20Vous aimeriez débattre avec elle ?
01:03:22Je ne suis pas sûr.
01:03:24Je ne suis pas sûr.
01:03:26En fait, en vrai,
01:03:28je pense qu'elle est la plus redoutable de tous.
01:03:34Honnêtement,
01:03:36je ne sais pas. J'ai regardé sur Twitter
01:03:38en tapant mon nom, comme je fais tous les jours
01:03:40le matin en me réveillant, et
01:03:42quelqu'un faisait remarquer qu'elle avait fait huit émissions de rang
01:03:44comme ça d'un coup et que son bouquin
01:03:46existe fortement.
01:03:48Super choix de livre.
01:03:50Il paraît qu'il y a deux pages magnifiques sur
01:03:52le courage du couple Macron au milieu
01:03:54en plus, ce qui m'avait échappé.
01:03:56Rien que pour ça, j'ai envie de regarder si c'est vrai.
01:03:58Non, non,
01:04:00mais c'est le jeu.
01:04:02En fait, c'est le jeu, mais il y a un moment
01:04:04où on se moque et puis on prend comme
01:04:06cible des gens qui sont puissants et puis il y a un moment
01:04:08où on découvre qu'ils sont puissants.
01:04:10Ça faisait partie du truc.
01:04:12Il faut bien que leur puissance s'incarne un moment dans quelque chose.
01:04:14Sinon, ils ne sont pas vraiment puissants.
01:04:16Je suis content pour rien.
01:04:19On a le temps, oui, pour une
01:04:21dernière question.
01:04:25Bonsoir, on retrouve quelque chose
01:04:27dans les derniers jours du Parti Socialiste qu'on retrouve
01:04:29dans vos précédents bouquins. C'est le rapport entre
01:04:31les personnages et le territoire où ils naissent.
01:04:33C'est vrai chez Freyer et Taivon.
01:04:35Ils ont l'air déterminés, une forme de déterminisme
01:04:37géographique qu'on retrouvait chez Topin,
01:04:39qu'on retrouve dans
01:04:41évidemment le continent de la douceur, qu'on retrouve un peu
01:04:43partout. Est-ce que c'est central ? C'est une de vos convictions ?
01:04:45On est là où on est, probablement ?
01:04:47Dans leur cas, ils l'instrumentalisent.
01:04:49J'arrive au point où peut-être
01:04:51je le faisais et là, je commence à le regarder,
01:04:53à mettre un peu d'analytique là-dedans.
01:04:55En tout cas, ça fait partie du moteur intellectuel
01:04:57de se revendiquer
01:04:59comme philosophe rural et l'autre de se revendiquer
01:05:01comme philosophe parisien.
01:05:03Au final, la bizarrerie
01:05:05du bouquin, c'est qu'ils ne sont pas censés
01:05:07se rencontrer et au final, ils se rencontrent.
01:05:09Du coup,
01:05:11la question du terminisme géographique,
01:05:13elle est plutôt annihilée
01:05:15par le fait qu'ils se rencontrent
01:05:17à la fin. Tout ça a été pour de faux.
01:05:19Par contre, ce qui est un vrai sujet
01:05:21et on parlait de Guy tout à l'heure,
01:05:23c'est la prégnance des thèses
01:05:25géographiques, pas toujours sérieuses,
01:05:27mais en tout cas, elles ont eu leur moment.
01:05:29Je pense
01:05:31qu'on en est un peu sortis maintenant, mais autant,
01:05:33après la crise de 2007,
01:05:35ça a été l'heure de gloire
01:05:37des économistes qui sont devenus les intellectuels
01:05:39les plus présents dans le champ médiatique.
01:05:41Avec la crise des gilets jaunes, les géographes ont eu leur heure de gloire,
01:05:43clairement. Après, il y a eu les épidémiologistes
01:05:45et les généraux
01:05:47l'année dernière.
01:05:49Les constitutionnalistes ont été
01:05:51fabuleux.
01:05:53Et là,
01:05:55c'est plutôt les spécialistes de la Vendée
01:05:57qui vont arriver.
01:05:59Le retour du territoire.
01:06:03S'il y a une dernière question,
01:06:05je pense qu'on a le temps.
01:06:07Si quelqu'un a envie
01:06:09de poser une question à Aurélien Bélanger.
01:06:11Oui.
01:06:13Tout au fond.
01:06:21Bonjour.
01:06:23La question que j'ai,
01:06:25elle est revenue assez
01:06:27souvent, c'est la question de l'identification
01:06:29des personnages, de leur reconnaissance.
01:06:31Il me semble, peut-être que je me trompe,
01:06:33mais que dans vos précédents romans,
01:06:35on peut parfois reconnaître qui se cache
01:06:37derrière tel ou tel personnage sans que ce soit vraiment eux.
01:06:39Il me semble que dans celui-ci,
01:06:41c'est un peu différent, c'est-à-dire qu'ils sont
01:06:43vraiment ceux que vous décrivez.
01:06:45On reconnaît parfaitement
01:06:47Michel Monfray, on reconnaît parfaitement Raphaël Enthoven,
01:06:49on reconnaît parfaitement Jean-Michel Blanquer, etc.
01:06:51Ma question, c'est
01:06:53pourquoi ne pas avoir assumé jusqu'au bout
01:06:55de les nommer
01:06:57nommément ?
01:06:59Ou à l'inverse, est-ce que c'est un constat de votre part
01:07:01que la société est devenue tellement
01:07:03caricaturale d'elle-même que
01:07:05les personnages que vous décrivez
01:07:07sont en réalité des personnes réelles
01:07:09et que la réalité est en fait devenue une sorte
01:07:11de roman
01:07:13ou des caricatures d'eux-mêmes ?
01:07:15C'était la première question, et peut-être la deuxième question
01:07:17qui n'est pas tant une question, mais il y a une notion
01:07:19centrale dans votre roman,
01:07:21qui est celle de
01:07:23la bataille culturelle et de
01:07:25Gramsci. C'est quelque chose qu'on retrouve
01:07:27énormément. Votre roman
01:07:29m'a beaucoup fait penser à une série
01:07:31qui est sortie 2-3 mois avant la sortie
01:07:33de votre roman, qui est cette série
01:07:35La fièvre, qui décrit
01:07:37un certain nombre de choses en commun avec vous dans le roman.
01:07:39Je pense notamment à l'influence de Twitter, etc.
01:07:43Du coup, cette notion-là
01:07:45qui a été reprise notamment par
01:07:47Nicolas Sarkozy,
01:07:49il me semble que la gauche l'a beaucoup perdue,
01:07:51et c'est une raison pour laquelle elle a perdu aussi la bataille culturelle.
01:07:53Je trouvais ça audacieux
01:07:55de votre part de justement
01:07:57faire de votre personnage principal quelqu'un qui
01:07:59se réapproprie cette notion-là.
01:08:01Par rapport à la première question, clairement,
01:08:03très simplement,
01:08:05je ne pouvais pas.
01:08:09Ça m'arrange aussi
01:08:11parce que ça me permet d'inventer
01:08:13des choses. Je ne pouvais pas
01:08:15utiliser leur vrai nom et ensuite,
01:08:19je n'ai pas tellement besoin.
01:08:21En gros, c'est-à-dire que oui, je ne sais pas si c'est
01:08:23des caricatures ou pas, mais je n'ai pas besoin de plus de 3-4
01:08:25éléments
01:08:27pour que ça tourne.
01:08:29Ça ferait un effet bizarre.
01:08:31C'est comme quand j'invente un lieu, des fois,
01:08:33c'est un vrai lieu, des fois, ce n'est pas un vrai lieu.
01:08:35Quand ce n'est pas un vrai lieu, c'est que je prends quelques libertés
01:08:37mais débiles avec la géographie.
01:08:39Ça me permettait de mettre la rivière à droite, à gauche.
01:08:41Si la Seine
01:08:43coule du nord au sud,
01:08:45ce n'est plus Paris, c'est Lyon.
01:08:47Il y a quelque chose comme ça.
01:08:49Ensuite,
01:08:51cette monstruosité
01:08:53que Gramsci est revenue par la droite,
01:08:55c'était déjà
01:08:57en soi intéressant.
01:08:59Ce que pensent les gens de droite,
01:09:01c'est une vraie dissonance que les gens de droite
01:09:03et les gens de gauche ont, c'est la certitude
01:09:05que les gens de droite ont qui vivent dans
01:09:07un monde qui est matrixé par la gauche
01:09:09et qu'en fait, ils ne peuvent rien dire.
01:09:11Ils sont très sincères par rapport à ça.
01:09:13Ils pensent que la domination
01:09:15culturelle de la gauche est totale.
01:09:17C'est compliqué
01:09:19de dire quand. Je pense que
01:09:21ça a basculé, c'est fini.
01:09:23On ne peut pas
01:09:25trop se comprendre. La gauche est
01:09:27déjà...
01:09:29Oui et non. La gauche est déjà à
01:09:31reconquérir. En fait, en vrai,
01:09:33ce dont j'ai fini
01:09:35par m'apercevoir, c'est que la droite n'a pas besoin
01:09:37de gagner la bataille
01:09:39culturelle, en vrai. Elle a juste besoin
01:09:41d'avoir des forces de l'ordre qui lui obéissent.
01:09:43Il y a quelque chose de très brutal dans le
01:09:45rapport de force et la droite peut se permettre
01:09:47ce luxe
01:09:49de ne
01:09:51produire aucun intellectuel.
01:09:53Mathieu Boccoté, ça suffit.
01:09:55Il n'y a pas besoin. Et de fait,
01:09:57il y a eu une droite qui a produit des intellectuels à l'époque
01:09:59du mur de Berlin, etc. Aujourd'hui,
01:10:01les rares intellectuels qui ont produit la droite
01:10:03ces dernières années, c'est plutôt des gens venus de la gauche
01:10:05comme Michéa. Il n'y a pas de...
01:10:07Je vous mets au défi de trouver un intellectuel
01:10:09de droite. J'entends que Retaillon lit des livres.
01:10:11Je suis curieux de savoir ce qu'il lit comme livre.
01:10:13Mais il n'y a pas beaucoup de...
01:10:15Elle n'a pas spécialement
01:10:17besoin. Mais par contre,
01:10:19je pense qu'elle a gagné la bataille culturelle, clairement.
01:10:21Il n'y a
01:10:23qu'à voir...
01:10:25On parlait à l'instant de la question des OQTF qui sont devenus
01:10:27quasiment... Je ne sais pas si c'était
01:10:29qu'une OQTF il y a six mois.
01:10:33Je ne pense plus de questions.
01:10:35Ah, il y en a
01:10:37deux encore. Et après, on
01:10:39arrête.
01:10:41Vous parliez de la position
01:10:43à un moment ou de la posture,
01:10:45peu importe, des écrivains,
01:10:47des romanciers,
01:10:49d'être un peu la Suisse,
01:10:51de jamais réellement...
01:10:53À part quand ils sont engagés,
01:10:55que c'est leur truc,
01:10:57de jamais trop
01:10:59s'engager d'un côté
01:11:01ou de l'autre lors d'une interview,
01:11:03que ce soit en plateau ou que ce soit
01:11:05en presse écrite.
01:11:09Je comprends très, très bien ce que vous avez
01:11:11décrit
01:11:13bien mieux que ce que je viens de faire.
01:11:15Est-ce que la fin,
01:11:17quand même,
01:11:19de votre roman,
01:11:21vous avez utilisé vous-même
01:11:23le terme trouble,
01:11:25qui pour moi est un synonyme
01:11:27de nuance,
01:11:33n'est pas
01:11:37quand même un petit
01:11:41jeu de mots
01:11:43pour garder,
01:11:45même si vous avez expliqué qu'elle
01:11:47permettrait d'aller explorer
01:11:49d'autres territoires.
01:11:51Vous avez très bien rebondi
01:11:53là-dessus.
01:11:55Toujours est-il que pour moi,
01:11:57trouble et nuance, à peu de choses près,
01:11:59je les mettrais dans la même
01:12:01famille de synonyme.
01:12:03Voilà.
01:12:05Ma question...
01:12:07Il y a une forme qui a tendance
01:12:09à devenir quasiment dominante dans la littérature
01:12:11française qui est le récit de soi.
01:12:13Très souvent,
01:12:15adossé à des compétences
01:12:17sociologiques que les romanciers
01:12:19traditionnels n'ont pas.
01:12:21Je trouve que c'est une forme
01:12:23hyper dynamique et hyper
01:12:25politique. Quand je parle de romanciers
01:12:27qui sont dans la nuance, je ne parle pas
01:12:29de ce type d'écrivain qui me semble
01:12:31pour le coup avoir les meilleures
01:12:33positions, les positions
01:12:35les plus pertinentes
01:12:37avec cette fragilité
01:12:39et cette force
01:12:41de partir de même.
01:12:43Je pars aussi de moi-même.
01:12:45J'ai 44 ans,
01:12:47je suis blanc, je suis
01:12:49grosso modo de culture catholique.
01:12:51Je pars
01:12:53d'un niveau d'hégémonie culturelle
01:12:55aussi. Mon type
01:12:57de récit de soi, c'est
01:12:59d'aller dans les forêts de Sibérie à moto.
01:13:01Mon récit
01:13:03de soi est déjà frappé d'une forme
01:13:05de kitsch. Mon récit de soi, c'est faire des gros romans.
01:13:07En soi,
01:13:09ma forme du neutre n'est pas neutre en elle-même.
01:13:11J'essaie de la troubler.
01:13:13Il ne s'agit pas de mettre
01:13:15autre chose que du...
01:13:17Il faut dialectiser
01:13:19la position
01:13:21du romancier, d'une façon ou d'une autre.
01:13:23C'est pour ça que je dis mettre du trouble.
01:13:25De moi,
01:13:27on attend vraiment que j'écrive des gros romans
01:13:29qui ont l'air de romans.
01:13:31C'est ma position sociale.
01:13:33Ma position sociale veut ça
01:13:35parce que j'appartiens dans un monde
01:13:37où, moins aujourd'hui,
01:13:39l'héroïsme
01:13:41du grand romancier
01:13:43est très près dedans.
01:13:45J'essaie de...
01:13:47C'est pour ça que je dis de trouble.
01:13:49J'essaie de casser cette figure du grand romancier.
01:13:51Je ne vais pas m'écrire autre chose
01:13:53que des gros romans. Au mieux,
01:13:55ce sera des gros romans qui se moqueront
01:13:57un peu d'eux-mêmes. Ce qui fait de moi,
01:13:59in fine, un romancier
01:14:01plutôt moderne, j'espère.
01:14:03D'accord.
01:14:05Il y avait une dernière question.
01:14:13Bonjour.
01:14:15Je ne sais pas si je vais réussir à formuler ma question.
01:14:17En fait,
01:14:19en lisant votre livre,
01:14:21j'ai pensé à la thèse
01:14:23d'Emmanuel Todd,
01:14:25notamment sur Charlie Hebdo.
01:14:27Je ne sais plus comment il s'appelle,
01:14:29mais le livre qu'il avait écrit juste après Charlie Hebdo.
01:14:31Et sur la question
01:14:33de l'émergence de l'islamophobie,
01:14:35il y a un peu
01:14:37une correspondance entre vos livres.
01:14:39Sauf que lui,
01:14:41il a l'air de dire
01:14:43qu'avec tous les thèses
01:14:45des cathos zombies,
01:14:47que l'islamophobie
01:14:49viendrait un peu
01:14:51de la deuxième gauche.
01:14:53Alors que vous,
01:14:55vous avez l'air de dire
01:14:57plutôt que le lieu
01:14:59d'émergence de l'islamophobie
01:15:01viendrait plutôt
01:15:03d'une tradition
01:15:05que représente Grément,
01:15:07un peu ouvriériste,
01:15:09plus un peu la première gauche.
01:15:11Je ne sais pas si...
01:15:13Il y a une...
01:15:17C'est un livre que j'ai lu,
01:15:19qui est Charlie.
01:15:21Je l'ai même volé à l'aéroport d'Orly.
01:15:23Je me souviens.
01:15:25J'avais pris un peu des risques.
01:15:27C'était un relais.
01:15:29C'était pour affaiblir
01:15:31le groupe Hachette.
01:15:33Je me souviens
01:15:35avoir vraiment lu ce livre
01:15:37avec Antoinette.
01:15:39J'ai beaucoup de réserves
01:15:41sur les thèses d'Othode en général.
01:15:43Il y a un moment,
01:15:45il est super fort en intuition
01:15:47et puis il devient fou.
01:15:49Il bascule dans une sorte
01:15:51de germanophobie dramatique
01:15:53où il se met à détester la deuxième gauche
01:15:55outre mesure.
01:15:57Là, il a vraiment tapé
01:15:59très juste
01:16:01dans le livre.
01:16:03Il met en scène sa position
01:16:05d'intellectuel martyr aussi.
01:16:07Il sait très bien qu'il va se faire plein d'ennemis.
01:16:09C'est un bouquin
01:16:11qui m'avait intéressé
01:16:13à l'époque.
01:16:15J'ai beaucoup de réserves sur Othode.
01:16:17Du coup,
01:16:19sa thèse a l'air d'être
01:16:21un peu différente de la vôtre
01:16:23sur la question de l'émergence.
01:16:25Il analyse bien le truc,
01:16:27mais pourquoi est-ce qu'il remet
01:16:29de la deuxième gauche là-dedans ?
01:16:31J'ai essayé de m'en tenir.
01:16:33J'aimerais bien écrire
01:16:35une critique du libéralisme un jour.
01:16:37En tout cas, pour ce bouquin,
01:16:39ça n'avait pas été mon sujet.
01:16:41Les impensées racistes de la gauche française,
01:16:43c'est un bien gros problème.
01:16:45Je vois ce qu'il essaie de faire.
01:16:47Mais articuler ça
01:16:49au libéralisme,
01:16:51c'est pertinent.
01:16:53Je ne pense pas qu'il s'y prenne de la bonne manière.
01:16:55Je ne pense pas avoir une meilleure manière que lui.
01:16:57Il faut être marxiste.
01:16:59Là, ça marche bien.
01:17:01On peut totalement...
01:17:03Mais il y a une exigence intellectuelle très lourde.
01:17:09Je crois qu'on peut s'arrêter
01:17:11sur cette phrase définitive.
01:17:13C'est le moment de lâcher, de résumer.
01:17:15Merci beaucoup.