• il y a 3 mois
C’est un nouveau coup de force d’Israël qui est parvenu à assassiner Hassan Nasrallah, le très puissant dirigeant du mouvement chiite libanais. Mais cette opération pourrait changer le cours du conflit au proche-orient. On en parle avec Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de Libération.

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Transcription
00:00Le chef du Hezbollah, vous l'avez vu, a été tué par les forces israéliennes,
00:03donc c'est une victoire majeure pour Netanyahou dans la guerre au Liban.
00:06Et aujourd'hui, on va essayer de vous expliquer pourquoi ça pourrait faire une bascule
00:10dans le conflit au Proche-Orient.
00:13Et pour en parler, on accueille Alexandra Schwartzbröd,
00:16qui est l'une de nos directrices à Libération. Salut Alexandra.
00:18Bonjour.
00:19Alors Alexandra, pour commencer, est-ce que tu peux nous expliquer concrètement
00:21qu'est-ce qui s'est passé avec Hassan Nasrallah,
00:24qui est donc le chef du Hezbollah et qui est mort vendredi soir ?
00:26Oui, chef tout puissant, qui sortait très rarement des bunkers où il se cachait,
00:34et qu'Israël a réussi à suivre, à repérer.
00:38Je vous fais une petite pause, si cette discussion vous plaît,
00:40abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération, on en publie chaque semaine.
00:43Partagez-nous en commentaire votre point de vue,
00:45et de mon côté, je vous souhaite un bon visage.
00:47Et qu'Israël a réussi à suivre, à repérer,
00:52les forces armées israéliennes et les services d'enseignement surtout,
00:57ont réussi à savoir vendredi qu'il y avait une réunion très importante de Nasrallah
01:04avec ses principaux commandants, les principaux chefs du Hezbollah,
01:09qu'ils avaient rendez-vous dans un bunker qui était sous un immeuble résidentiel,
01:14enfin sous un lot d'immeubles en fait, qui abritait le QG du Hezbollah,
01:22et donc ça veut dire que les forces israéliennes étaient extrêmement bien renseignées,
01:27et du coup ils ont à un moment précis bombardé,
01:32au moment où ils savaient que Nasrallah et ses hommes étaient dans le bunker,
01:36et ils ont utilisé des bombes qui permettent de traverser les sous-sols
01:43et d'atteindre un bunker caché dans les sous-sols d'un immeuble de plusieurs étages.
01:51Et donc ils ont réussi comme ça à décapiter cette milice chiite qui est financée par l'Iran,
01:59et qui avait fini par devenir une sorte d'état dans l'état au Liban,
02:04et donc ultra puissante, et là en quelques bombes, ils l'ont totalement décapité.
02:11Justement, est-ce que tu peux nous expliquer qui est Hassan Nasrallah,
02:14pourquoi est-ce qu'il est aussi important au sein du Hezbollah,
02:16et pourquoi il est aussi important au sein du Liban ?
02:19Le Hezbollah au Liban, comme je le disais, c'est vraiment un état dans l'état.
02:25Le Hezbollah finit par se construire au fil des noms que c'est une milice chiite.
02:31On sait que le Liban est constitué, la population libanaise est constituée de différentes confessions.
02:37Il y a les musulmans chiites, les musulmans sunnites, il y a les druzes, il y a des chrétiens,
02:43et donc toutes ces différentes confessions composent le Liban,
02:48et composent aussi le gouvernement libanais.
02:52Ils figurent tous au gouvernement.
02:55Le Hezbollah avait un ou des milices, je ne sais plus,
02:58mais en tout cas, le Hezbollah faisait partie du gouvernement,
03:01et le Hezbollah s'est construit au fil des années dans la détestation d'Israël,
03:08et dans la guerre avec Israël.
03:12Régulièrement, depuis des années, il y avait des échanges de requêtes entre Israël et le Hezbollah,
03:23les uns attaquant les autres, les autres ripostant.
03:27Et le Hezbollah a fini par bâtir non seulement une sorte d'armée de puissances militaires énormes,
03:33mais ils ont aussi, pour se faire accepter par la population libanaise,
03:37ils ont aussi, un peu comme le Hamas le faisait à Gaza,
03:42essayé de pallier les difficultés économiques du Liban en faisant beaucoup de social,
03:51en aidant les familles pauvres, en palliant les insuffisances du Liban,
03:57et c'est comme ça qu'ils ont réussi à se faire intégrer dans la société,
04:01et à avoir beaucoup de sympathisants,
04:04parce que pour beaucoup, notamment dans toute la banlieue sud de Beyrouth,
04:09où était basé le Hezbollah, ils avaient beaucoup de sympathisants,
04:12parce que tout simplement, ils aidaient socialement et économiquement la population,
04:17tout en bâtissant un arsenal qui était destiné à combattre l'ennemi israélien.
04:22Au sein du Hezbollah, Hassan Nasrallah, c'est le chef, le leader incontesté,
04:29pourquoi est-ce qu'il a autant de puissance au sein du Hezbollah, qui est-il ?
04:32C'est un grand chef dont on disait qu'il était très charismatique,
04:37qui a su bâtir toute la puissance du Hezbollah,
04:42qui était très proche des Iraniens, soutenu financièrement, humainement, militairement par les Iraniens,
04:49et qui donc était vénéré parce qu'il a su bâtir une puissance...
04:58Enfin voilà, le Hezbollah s'était devenu quasiment, comme je le disais,
05:02un État dans l'État au Liban, une puissance économique et militaire.
05:08Et donc, dans un pays où tout part en sucette,
05:13il avait auprès de ses troupes, de ses hommes, de ses patisans,
05:18une sorte de légitimité qui faisait qu'il était vénéré par beaucoup.
05:23Est-ce que le Hezbollah, c'est une organisation terroriste ?
05:26Ah oui, le Hezbollah est considéré comme une organisation terroriste,
05:30par l'UE, par la France, par les Occidentaux.
05:33Et le Hezbollah, bien sûr, là je dis bien pourquoi il est devenu si important au Liban,
05:40mais il faut savoir que le Hezbollah a commis de très très nombreux attentats,
05:46et notamment il a été très important contre les attentats contre les intérêts français,
05:53au Liban, mais en France aussi,
05:55et donc c'est pour ça qu'il est considéré comme un mouvement terroriste par la France et l'UE.
06:01Pourquoi est-ce que cette opération des forces israéliennes,
06:07pourquoi est-ce que c'est une victoire aussi importante dans le cadre du conflit au Proche-Orient ?
06:12Alors d'abord parce que ça fait des années qu'Israël est en guerre contre le Hezbollah et vice-versa,
06:21enfin que le Hezbollah s'oppose à Israël et vice-versa,
06:25et que le Hezbollah paraissait intouchable quasiment,
06:31et Assad Nasrallah au premier chef,
06:33qui est quelqu'un de très très difficile, qui ne se montre jamais,
06:37sauf dans les moments où la situation l'exige,
06:43comme il est intervenu il n'y a pas très très longtemps,
06:48quand Israël a commencé à bombarder le sud Liban,
06:53en représailles aux attaques de roquettes sur Israël,
06:56donc il est intervenu dans des moments très rares,
07:00c'est quelqu'un qu'on ne voyait quasiment jamais,
07:03et que beaucoup considéraient comme intouchable,
07:05et là en quelques frappes Israël est parvenu non seulement à tuer le chef suprême du Hezbollah,
07:15mais à tuer, à éliminer l'état-major quasi total,
07:21je crois qu'il ne reste plus qu'un chef du Hezbollah,
07:23l'état-major du Hezbollah, ce qui est énorme,
07:26et c'était des hommes qui se cachaient,
07:28qui étaient extrêmement protégés,
07:32qui faisaient très attention,
07:34et là d'un coup c'est comme si Israël avait décapité tout un gouvernement,
07:41et un chef d'état quasiment, ça revient quasiment à ça,
07:44et ça pourquoi Israël a fait ça ?
07:46Alors il y a plusieurs raisons,
07:48déjà la raison première avancée par Israël,
07:52c'est que depuis le 7 octobre,
07:55alors il faut revenir quand même au 7 octobre,
07:58l'attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre,
08:04qui a tué près de 1500 Israéliens,
08:08dont beaucoup militaient pour la paix,
08:12donc ça a beaucoup radicalisé les Israéliens,
08:15et surtout le Hamas a pris des otages israéliens,
08:22a kidnappé des Israéliens,
08:24qu'il a embarqués à Gaza en les gardant comme otages.
08:27Donc depuis le 7 octobre,
08:33les dirigeants israéliens ont essayé de traquer les hommes du Hamas,
08:41ont bombardé massivement Gaza,
08:43pour essayer d'éradiquer le Hamas de Gaza,
08:47et essayer de faire revenir les otages.
08:49Ils sont parvenus en toute petite partie,
08:52il reste beaucoup d'otages à Gaza pris par le Hamas.
08:56Parallèlement, le Hezbollah au Liban,
09:00après le 7 octobre,
09:02a commencé à envoyer des roquettes sur le nord d'Israël.
09:05Alors tout le monde s'attendait à ce que peut-être le Hezbollah,
09:08en solidarité avec le Hamas,
09:11lance une attaque massive sur Israël.
09:16Mais manifestement, le Hezbollah a décidé
09:19de faire des attaques ponctuelles,
09:23d'envoyer des roquettes,
09:25mais pas de quoi remettre d'attaque massive.
09:31Parce que vraisemblablement l'Iran,
09:33qui est le parrain du Hezbollah,
09:35lui a demandé une certaine retenue.
09:38Mais malgré tout, le Hezbollah continuait
09:40à envoyer des roquettes sur le nord d'Israël,
09:43à tel point que la population du nord d'Israël a dû fuir.
09:48Parce qu'elle ne pouvait plus rester dans ses maisons.
09:51Donc c'est pour ça que Benjamin Netanyahou,
09:54le premier ministre israélien,
09:55s'était fixé comme objectif de permettre
09:57à sa population du nord d'Israël de revenir chez elle.
10:01Et donc pour ça, il fallait que les lancements
10:03de roquettes du Hezbollah cessent.
10:05Et donc c'est pour ça qu'une fois Gaza totalement bombardée,
10:12le Hamas affaibli, mais pas encore éliminé,
10:15mais affaibli, Benjamin Netanyahou a décidé
10:18d'ouvrir un nouveau front au Liban
10:21pour tenter d'éliminer la menace du Hezbollah.
10:24Et ça, c'est à quelques jours
10:26des commémorations du 7 octobre.
10:29Est-ce qu'on sait un peu comment s'est montée
10:31l'opération pour tuer le chef du Hezbollah
10:34et une partie de son état-major ?
10:36Qu'est-ce qui s'est passé concrètement ?
10:37Comment est-ce que les forces israéliennes
10:40ont monté cette opération-là ?
10:42Alors, c'est une opération qui ne se monte pas
10:45comme ça en un claquement de doigts,
10:47en quelques heures, ni même en quelques jours.
10:49C'est sans doute une opération sur laquelle
10:51les forces israéliennes et les services de renseignement
10:54bossaient depuis de nombreux mois,
10:57de même qu'ils bossaient.
10:59Et là-dedans, il faut intégrer l'attaque
11:03à travers les Bippers et les Talkie Walkie du Hezbollah.
11:07Parce que tout ça, l'offensive contre le Hezbollah
11:11par les forces israéliennes,
11:13a démarré il y a quelques semaines
11:15quand tout à coup, les Bippers et les Talkie Walkie
11:18utilisés par les chefs du Hezbollah
11:20ou même de simples membres du Hezbollah
11:22ont commencé à exploser,
11:24piégés par les forces israéliennes
11:27et donc faisant de nombreux dégâts humains
11:31parmi les membres du Hezbollah.
11:33En fait, ce qu'on ne savait pas à l'époque,
11:35on s'en doutait un peu, mais on ne le savait pas avec certitude,
11:38c'était que c'était le premier étage de la fusée,
11:40si je puis dire, de la fusée israélienne
11:42contre le Hezbollah.
11:44Ensuite, il y a eu d'autres attaques israéliennes
11:47contre le Hezbollah et ça a culminé
11:49vendredi avec les frappes
11:52contre le QG du Hezbollah.
11:54Et ça, si vous voulez,
11:56la force de cette opération-là,
11:59c'est essentiellement par le renseignement humain.
12:01C'est-à-dire qu'il est quasi évident
12:05que les Israéliens avaient des informateurs,
12:09avaient infiltré les rangs du Hezbollah
12:12avec des hommes qui, soi-disant,
12:14étaient sympathisants du Hezbollah,
12:16mais qui, en réalité, informaient les Israéliens
12:18et qu'ils ont bénéficié d'un renseignement capital
12:22à un moment ou à un autre
12:24qui leur a indiqué qu'à telle heure,
12:26à tel endroit, se trouverait Hassan Nasrallah.
12:29Et ça, encore une fois, c'est le renseignement humain
12:32qui est le plus important pour ce genre d'opération.
12:34La technologie est importante, bien sûr,
12:36la technologie notamment des armes,
12:38puisqu'on l'a vu, l'arme qui a été utilisée,
12:40il fallait que ce soit une arme extrêmement sophistiquée
12:42pour qu'elle puisse percer le béton
12:44et arriver dans le bunker, sous l'immeuble.
12:46Mais le renseignement humain reste capital.
12:49C'est-à-dire que pour ce genre d'opération,
12:51il faut des hommes infiltrés
12:54parmi ceux qu'Israël voulait éliminer.
12:59Dans ton édito sur le site de Libération,
13:03tu expliques que cette opération,
13:05ça pourrait se transformer en catastrophe stratégique.
13:07Pourquoi est-ce que tu nous expliques ça ?
13:09Alors, ce que je dis dans mon édito,
13:11c'est que c'est pour Israël une victoire tactique.
13:15C'est-à-dire qu'Israël, là, pour le moment,
13:19est plutôt victorieux
13:21puisque les dirigeants israéliens
13:23ont réussi à se débarrasser
13:25de leur principal ennemi dans la région.
13:27Mais pourquoi ça pourrait...
13:29En revanche, je suis très sceptique
13:31sur la victoire à moyen ou long terme
13:33et je crains même que ça finisse
13:35par se transformer en vraie catastrophe
13:37parce que ça accentue la déstabilisation
13:41d'une région qui est déjà totalement déstabilisée.
13:44C'est-à-dire que d'abord,
13:46ça a humilié l'administration américaine
13:50puisque les autorités israéliennes
13:54ont prévenu les autorités américaines
13:56quelques minutes avant que l'opération
13:58de vendredi contre Nasrallah ait lieu
14:01alors même que l'administration américaine
14:03de Joe Biden essayait de négocier
14:05un cessez-le-feu
14:07avec l'aide de la France, d'ailleurs,
14:09depuis de nombreux jours, voire semaines.
14:11Donc, ça les a pris un peu au dépourvu.
14:13Ce qui n'a pas empêché Joe Biden
14:15de se féliciter de l'opération
14:17qui débarrasse Israël d'un ennemi important.
14:19Mais il ne pouvait pas faire autrement.
14:21Voilà. Donc, en fait, Netanyahou,
14:23comme je le dis,
14:25je pense que c'est un beau cadeau
14:27qu'il offre à Trump
14:29parce que finalement, ça permet de dire,
14:31comme le fait Trump,
14:33que seule la force compte
14:35et les diplomates ne servent à rien.
14:37Voilà. Donc, simplement,
14:39il faut voir un peu
14:41quelle est la situation en ce moment
14:43dans la région.
14:45C'est-à-dire que Gaza est un champ de ruines.
14:47Gaza, donc, où règne le Hamas
14:49est un champ de ruines
14:51avec plus de 40 000 morts,
14:53dont des gens
14:55dont on imagine
14:57des enfants qui ont perdu leurs parents,
14:59leurs frères, leurs sœurs
15:01dans des conditions atroces
15:03qui, sans doute, auront envie de se venger
15:05tôt ou tard.
15:07Le sud du Liban
15:09commence à être un champ de ruines, pareil,
15:11avec des gens, pareil,
15:13qui ont dû fuir
15:15il y a eu des morts
15:17dans les opérations dont on vient de parler
15:19au sud du Liban
15:21et dans la banlieue de Beyrouth
15:23mais il y a eu,
15:25surtout et beaucoup,
15:27on parle de près d'un million de déplacés,
15:29de gens qui ont dû fuir,
15:31de gens avec des enfants,
15:33des personnes âgées,
15:35dans un pays, déjà, qui manque de tout
15:37parce que le Liban est un état failli
15:39où il n'y a pas de gouvernement,
15:41il n'y a pas de situation économique catastrophique,
15:43beaucoup de gens n'ont rien à manger,
15:45vivent dans des conditions
15:47atroces
15:49et donc on imagine que ça va déstabiliser
15:51encore plus le pays.
15:53Donc, à court terme, bien sûr, c'est une victoire
15:55pour Israël. A long terme,
15:57qu'est-ce que ça va donner ? Quel est l'objectif
15:59politique de Netanyahou ?
16:01On voit bien qu'on ne sait pas
16:03où il va. Est-ce que lui-même sait où il va
16:05au-delà de bombarder à mort
16:07ses ennemis ?
16:09Qu'est-ce qu'il veut faire après ?
16:11Quelle place laisser aux
16:13palestiniens ? Que vont devenir les palestiniens ?
16:15Parce qu'on imagine bien qu'il ne
16:17ne va pas laisser les palestiniens
16:19se réinstaller comme ça
16:21à Gaza.
16:23Comment gérer le sud Liban ?
16:25Parce que, là aussi, il va y avoir des
16:27envies de vengeance.
16:29Comment gérer
16:31les possibles représailles de l'Iran ?
16:33Alors, l'Iran, pour l'instant, on a l'impression
16:35qu'il n'a pas l'air
16:37d'avoir envie de riposter
16:39très brutalement. Parce que ce qui
16:41est important à dire, c'est que l'Iran
16:43qui finance le Hamas et le Hezbollah,
16:45l'Iran est en train d'essayer
16:47de se doter de la bombe nucléaire.
16:49Mais, pour l'instant, il ne l'a pas encore.
16:51Donc, il préférerait
16:53qu'il n'y ait pas de guerre totale qui conduirait
16:55au bombardement
16:57de ses installations nucléaires, puisque
16:59là, il n'est pas loin de la voir. Mais, on imagine
17:01bien que Netanyahou, lui,
17:03serait plutôt prêt à favoriser
17:05une guerre qui pourrait permettre
17:07de se débarrasser
17:09de la menace nucléaire iranienne.
17:11Bref, on est dans une espèce
17:13de flou. On danse
17:15sur un volcan, parce qu'on ne sait pas
17:17du tout
17:19où cette situation va aller,
17:21que vont devenir
17:23les Palestiniens
17:25dans tout cela.
17:27Si vous voulez,
17:29les dirigeants israéliens ne vont pas pouvoir
17:31continuer comme ça à tuer
17:33tous leurs ennemis.
17:35Ce n'est pas comme ça qu'on aboutit à la paix.
17:37C'est ça qui préoccupe aussi grandement
17:39la communauté internationale
17:41aujourd'hui, qui essaye
17:43désespérément, depuis des semaines, des mois,
17:45de favoriser un cessez-le-feu
17:47à Gaza, maintenant un cessez-le-feu au Liban,
17:49et surtout, le lancement
17:51de négociations de paix,
17:53parce que ce n'est pas en tuant, comme ça,
17:55tour à tour,
17:57tous ses ennemis, qu'on peut négocier
17:59une paix durable.
18:01Là, au contraire, ça déstabilise
18:03encore plus une région qu'il est déjà.
18:05Alors, il faut savoir que cette nouvelle opération,
18:09Benyamin Netanyahou l'a baptisée
18:11« Ordre nouveau ». Et comme le dit
18:13très justement notre spécialiste
18:15de la région, Alaa Qodmani,
18:17ce matin dans Libération,
18:19ça fait penser diablement
18:21à l'ordre nouveau que
18:23voulait installer
18:25le président Bush
18:27au début des années
18:292000, quand il a lancé
18:31sa guerre en Irak contre l'Axe du Mal.
18:33C'est exactement ça.
18:35Et on a vu le résultat que ça a donné.
18:37Il a voulu
18:39se débarrasser de Saddam Hussein
18:43parce qu'il pensait qu'il y avait
18:45des armes
18:47très puissantes
18:49en Irak. Il a bombardé littéralement l'Irak.
18:51Il a déstabilisé
18:53toute une région,
18:55et on a vu ce que ça a donné.
18:57Ça a favorisé la naissance
18:59des djihadistes
19:01de Daesh,
19:03et la situation
19:05était encore plus terrible.
19:07Donc voilà, c'est ça qu'on peut redouter
19:09dans la région
19:11du Proche-Orient, c'est que finalement
19:13en voulant assainir
19:15une région,
19:17les dirigeants israéliens la rendent
19:19encore plus dangereuse.
19:21Et derrière les conséquences,
19:23les victimes de ce conflit armé,
19:25ce sont les civils aujourd'hui.
19:27Le conflit au Proche-Orient,
19:29quelles sont les conséquences du conflit au Proche-Orient
19:31pour les populations civiles ?
19:33Les populations civiles, on a bien vu
19:35à Gaza, après
19:37près d'un an de bombardements
19:39intensifs, on a bien vu le nombre
19:41de morts. Pour l'instant, encore une fois,
19:43il faut bien le préciser,
19:45on n'a aucun moyen
19:47de vérifier les chiffres
19:49donnés par le Hamas.
19:51Seul le Hamas peut donner
19:53des chiffres parce que seul le Hamas est sur place
19:55puisque le territoire de Gaza
19:57est interdit aux
19:59journalistes. On ne peut pas y aller pour vérifier
20:01mais il y
20:03aurait plus de 40 000
20:05morts. Alors là-dedans, il y aurait
20:07un tiers de combattants du
20:09Hamas mais ça veut dire qu'il y aurait quasiment les deux
20:11tiers de civils et
20:13de très nombreux
20:15enfants,
20:17femmes et enfants.
20:19Donc là, le bilan à Gaza
20:21est absolument catastrophique avec ceux
20:23qui restent, qui n'ont nulle part où aller, rien
20:25à manger et voilà,
20:27qui sont abandonnés totalement.
20:29Au Liban, là, on en
20:31est, après quelques jours
20:33de guerre seulement,
20:35à près d'un million de déplacés
20:37ce qui est énorme.
20:41Déjà, la banlieue sud de
20:43Beyrouth, les gens sont partis
20:45parce que c'est trop dangereux, c'est parce qu'Israël
20:47continue à bombarder, parce que
20:49Israël veut se débarrasser du moindre
20:51site de dépôt de munitions
20:53ou de roquettes
20:55et ou de missiles.
20:57Donc, Israël continue à bombarder
20:59jusqu'à ce qu'il ait atteint ses objectifs
21:01et
21:03tout le sud du Liban, les gens sont évacués aussi
21:05donc beaucoup sont en train d'essayer de passer
21:07en Syrie, la Syrie
21:09dont on sait la situation,
21:11qui ne s'est toujours pas remise
21:13où règne toujours Bachar el-Assad.
21:17Voilà, on sait ce que ça donne,
21:19ces exodes,
21:21cette vague de réfugiés,
21:25c'est un endroit où
21:27la situation sanitaire est
21:29très
21:31dangereuse,
21:33très perturbée, et là
21:35on va approcher
21:37de l'hiver, des vagues de grand froid
21:39et on sait que dans cette région-là,
21:41qui n'est pas du tout adaptée
21:43à ces températures,
21:45il y a beaucoup de gens
21:47qui vont se retrouver à la rue ou sur les routes
21:49dans la boue, dans le froid,
21:51avec rien à manger et aucun
21:53toit sous lequel s'abriter.
21:55Est-ce qu'avec cette opération militaire
21:57des forces israéliennes, est-ce que le Hezbollah
21:59est mort et enterré ?
22:01Ah non, absolument pas.
22:03Malheureusement non.
22:05De la même façon que le Hamas n'est pas
22:07détruit, comme le promettait
22:09Benyamin Netanyahou,
22:11parce que ce sont des idéologies,
22:13donc une idéologie ne peut pas
22:15être défaite d'un claquement
22:17de doigts ou de bombes.
22:19Donc
22:21Hassan Nasrallah
22:23va être remplacé, on dit même
22:25qu'il serait remplacé
22:27déjà plus ou moins, ce n'est pas encore officiel,
22:29mais ça l'est plus ou moins
22:31par son cousin qui s'appelle
22:33H.M. Safieddine.
22:35Donc
22:37il va être remplacé.
22:39Tout son état-major va être remplacé
22:41aussi. Il est affaibli, ça c'est sûr.
22:43Il est affaibli, il va lui falloir
22:45de nombreux jours, de nombreuses semaines
22:47pour se reconstituer.
22:51Mais il va se reconstituer.
22:53C'est pour ça que
22:55je dis, mais
22:57je ne suis pas la seule à le dire,
22:59que la violence ne peut pas
23:01permettre d'arrêter la violence.
23:03Au contraire, on voit bien que chaque fois ça la renforce.
23:05Et ça ouvre le champ
23:07à d'autres
23:09monstres
23:11si je puis dire, puisqu'on a bien vu
23:13que Daesh est né
23:15de l'opération lancée
23:17en Irak par
23:19Georges Bush.
23:23Donc tout ça est extrêmement dangereux.
23:25Et bien évidemment, le Hezbollah va se reconstituer.
23:27Bien évidemment, le Hamas
23:29va se reconstituer.
23:31C'est pour ça qu'on est dans une espèce de fuite en avant
23:33militaire meurtrière
23:35dont il ne peut rien sortir de bon.
23:37Ce conflit
23:39au Proche-Orient ne pourra
23:41se résoudre que par
23:43des négociations
23:45pour essayer d'abord
23:47de trouver une place aux Palestiniens.
23:49Parce que le cœur de tout ça,
23:51le cœur de cet immense conflit,
23:53c'est la situation
23:55des Palestiniens qui étaient en passe
23:57d'être totalement
23:59zappés, oubliés de l'histoire
24:01avec
24:03la conclusion des accords d'Abraham
24:05entre l'Arabie Saoudite
24:07et Israël.
24:09Tous ces pays arabes
24:11qui s'étaient dit que finalement,
24:13ils préféraient sacrifier les Palestiniens pour pouvoir
24:15asseoir, installer
24:17des accords économiques avec Israël.
24:19Et on voit bien que
24:21les Palestiniens dans tout ça
24:23passent par pertes et profits. Donc que vont devenir
24:25les Palestiniens ? Est-ce qu'on peut encore
24:27imaginer qu'il puisse y avoir un jour un État
24:29palestinien aux côtés de l'État d'Israël ?
24:31C'est la solution dont beaucoup rêvent.
24:33La fameuse solution
24:35de deux États, un État israélien
24:37et un État palestinien. Est-ce que
24:39c'est encore jouable ?
24:41Est-ce que c'est encore possible,
24:43vu que pour l'instant tout est bombardé,
24:45tout est détruit ? Je ne parle même pas de la Cisjordanie
24:47où l'armée israélienne et les colons
24:49commettent des exactions
24:51tous les jours, ces temps-ci.
24:53Donc voilà, il y a tellement d'incertitudes,
24:55il y a tellement de points d'interrogation
24:57qui restent, tellement de dangers
24:59qui menacent.
25:01On a du mal
25:05à voir encore
25:07une lueur d'espoir dans cette région.
25:09Il faut continuer à y croire
25:11parce qu'un jour, on sait que
25:13les guerres finissent toujours par s'arrêter.
25:15Et ce jour-là, il faut
25:17qu'il y ait des hommes ou des femmes
25:19assez intelligents, assez charismatiques
25:21pour arriver à
25:23s'asseoir sur les
25:25vieilles rancœurs et les vieilles haines
25:27et s'asseoir autour d'une même table
25:29et essayer de dégager
25:31un chemin, un accord de paix.
25:33Ce jour-là arrivera, j'en suis sûre
25:35mais on ne sait pas si c'est
25:37bientôt ou dans très longtemps.
25:39Et justement, est-ce qu'à l'instant où nous sommes
25:41tu penses que ce chemin vers la paix
25:43est accessible ? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit
25:45qui pourrait mener à la paix au Proche-Orient ?
25:47Aujourd'hui, non. Aujourd'hui, objectivement, non.
25:49On est dans un moment de
25:51vengeance, de règlement de comptes,
25:53de haine.
25:55Et aujourd'hui,
25:57il n'y en a pas. Ce chemin-là
25:59n'existe pas.
26:01Il y a aussi...
26:03Il y a des hommes
26:05qui s'entretuent et
26:07qui se vengent.
26:09Benyamin Netanyahou, par ailleurs,
26:11n'a aucun intérêt à ce que la guerre
26:13s'arrête parce qu'il sait que si la guerre s'arrête,
26:15lui, il est...
26:17Il y a tous ces procès
26:19qui le menacent.
26:21Et puis aussi,
26:23toute la commission d'enquête
26:25post-7 octobre qui va se mettre en place
26:27parce qu'il est accusé d'avoir failli
26:29à la sécurité
26:31des habitants d'Israël
26:33le 7 octobre
26:35en cédant à la pression
26:37de ces ministres d'extrême-droite
26:39suprémacistes qui voulaient que
26:41les forces armées aillent plutôt protéger
26:43les colons en Cisjordanie.
26:45Donc, il y a ces menaces sur sa tête.
26:47Donc, lui a plutôt intérêt à ce que
26:49la guerre continue. Mais bon,
26:51ça va
26:53bouger aussi de ce côté-là.
26:55Ce qui me fait peur, c'est surtout
26:57les haines des deux côtés
26:59qui sont en train de se renforcer,
27:01de s'enquister. C'est-à-dire qu'il y a
27:03vraiment maintenant un vrai mur
27:05non seulement de béton
27:07mais aussi un mur mental
27:09entre les Israéliens et les Palestiniens.
27:11Il y a une haine maintenant
27:13des Palestiniens pour Israël
27:15et des Israéliens pour les Palestiniens
27:17pour les douleurs que chaque
27:19peuple a causées à l'autre.
27:21Et ça, je pense qu'il faudra du temps
27:23avant que ça se calme.
27:27Bon, maintenant,
27:29il y a cet autre front avec le Liban.
27:31Je pense que là aussi,
27:33c'est ça aussi qu'il est important de noter.
27:35Pour l'instant, en Israël, je pense
27:37que Benjamin Netanyahou a réussi à remonter
27:39sa cote de popularité. Parce que là,
27:41les Israéliens ont l'impression
27:43qu'il est en train de
27:47détruire les menaces
27:49qui les guettent.
27:51Ils admirent assez la force, l'homme fort
27:53qu'ils ont l'impression d'être protégés.
27:55Au Liban, pareil, certains,
27:57beaucoup sont contents que le Hezbollah
27:59soit décapité.
28:01Parce que le Hezbollah a aussi fait énormément de mal
28:03au Liban. On sait que
28:05le port de Beyrouth,
28:07quand il a explosé,
28:09avec ses produits chimiques,
28:11c'était dû grandement au Hezbollah.
28:13Donc le Hezbollah a aussi fait beaucoup de mal
28:15au Liban. Donc voilà, il y a tous ces sentiments
28:17contraires, entre soulagement
28:19des uns, renforcement de la haine des autres,
28:21qui se mélangent.
28:23Je pense qu'aujourd'hui, tout est
28:25trop incertain, tout est trop
28:27dangereux. Comme je le disais, on est
28:29vraiment sur un volcan.
28:31On est dans un moment
28:33de bascule, où on peut basculer,
28:35on bascule dans une espèce
28:37d'inconnu. On ne sait pas du tout
28:39ce qui va se passer demain, la semaine prochaine.
28:41Je crains malheureusement que même
28:43les autorités israéliennes ne le sachent pas.
28:45Ils ne savent pas où ils vont, mais ils y vont.
28:49Et le problème, c'est que ça risque d'entraîner
28:51toute une région dans la
28:53tragédie, voire même
28:55au-delà de la région.
28:57Merci beaucoup Alexandra pour tous ces éclairages.

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