Une vidéo très spéciale aujourd'hui, où la recherche de données chiffrées fiables a été au cœur de nos priorités. Pourquoi les Mégaconstellations sont-elles une véritable BOMBE à RETARDEMENT ? Une vidéo un peu plus engagée que d'habitude face à une activité qu'il convient d'analyser en détail, vous allez voir, ce n'est pas joli joli !
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00:00Imaginez un avenir dans lequel n'importe qui et n'importe où, que ce soit au fin fond du Sahara,
00:06au cœur de l'Amazonie, dans une communauté inuite du Groenland ou sur un îlot perdu au milieu du
00:12Pacifique, tout le monde pourra sans distinction avoir accès à une connexion internet à haut
00:17débit assez rapide pour regarder ses séries en 4K, avec un temps de latence suffisamment faible
00:22pour faire tourner les jeux en ligne les plus exigeants. Toute la planète enfin réunie à
00:27égalité dans un réseau incroyablement performant, accessible à tous, jusqu'aux pays les moins
00:31développés et nulle part la moindre zone blanche isolée du reste du monde. Voilà résumé la promesse
00:38des méga constellations Starlink de SpaceX, Kuiper d'Amazon, OneWeb, mais aussi leurs concurrents
00:44chinois de Guowang et Qianfan ou Européens d'Iris. La déferlante du web au débit par satellite ne
00:50fait clairement que commencer et très bientôt plus personne ne pourra prétendre vivre hors
00:55réseau. En fait, le marché semble à ce point prometteur que ce ne sont pas moins de 10.000
00:59satellites qui doivent à terme être installés en orbite pour le seul compte de Kuiper, 12.000
01:03pour Qianfan, 13.000 pour Guowang et le chiffre hallucinant de 42.000 pour Starlink, dont plus
01:10de 6.000 sont déjà opérationnels au moment où on écrit cette vidéo, ce qui donne en tout 77.000
01:15appareils en orbite simultanément, encerclant le monde de cancer rien que pour les 4 plus
01:20gros acteurs du secteur. Et oui j'ai bien dit 77.000 satellites, soit à eux seuls plus de 15
01:25fois la somme d'absolument tous qui avaient été lancés dans l'espace depuis les années 60 jusqu'au
01:30premier tir de Starlink. 77.000 satellites à durée de vie courte dont il faudra renouveler
01:36en permanence les effectifs par pas moins de 12.000 appareils par an. Le changement d'échelle réclamé
01:42par ces architectures est absolument radical et derrière ces chiffres vertigineux se cachent
01:46bien sûr des milliards de dollars investis, des lanceurs monumentaux spécialement conçus pour
01:51propulser tout ce monde et on l'imagine des retours sur investissement attendus à la hauteur
01:55de ces infrastructures titanesques. On peut à juste titre s'extasier devant la prouesse technologique
02:01que représentent la production, le lancement et la gestion opérationnelle d'une telle flotte,
02:05mais malheureusement il serait aussi malhonnête de ne pas inclure dans le tableau ce que messieurs
02:10Musk et Bezos s'empressent de ne pas vous dire au sujet de leur nouveau bébé, ce qu'ils cachent
02:15sous le tapis et ce qu'ils préféraient qu'on oublie au moment de chanter leur louange,
02:19à savoir que leurs méga constellations sont pour l'humanité de monumentales bombes à retardement.
02:25Salut les terriens ! Bon on le sait d'avance, voilà un épisode qui ne nous vaudra peut-être
02:32pas de franges amitiés. A tous les habitués du journal de la Starbase, il est possible que
02:36cette vidéo vous semble prendre un peu le contre-pied de nos histoires habituelles et
02:40certaines données que je m'apprête à vous exposer ne feront pas plaisir à tout le monde. J'en
02:44ai conscience, mais il serait aussi malhonnête de nous voler la face sur les conséquences de
02:48ce domaine qui nous passionne tous sur le journal de l'espace, donc entreprendre garde à ne pas
02:52froisser les sentiments de quelques-uns et faire correctement mon travail de vulgarisation sans
02:57œillère en vous exposant factuellement la face cachée de leurs rêves, pour moi le choix est fait,
03:02la rigueur scientifique est la plus importante à mes yeux. C'est donc parti pour un épisode un peu
03:08particulier, peut-être l'un des plus clivants de la chaîne, mais qui je l'espère permettra à tous
03:12de faire son choix en connaissance de cause face aux offres si alléchantes des méga constellations.
03:17Voici la Terre il y a 20 000 ans. Nous sommes alors à la fin de la dernière ère glaciaire que notre
03:29planète ait connue. Un glacier continu recouvre tout le nord de l'Europe et la Scandinavie est
03:34noyée sous trois kilomètres de glace. La Manche et la mer du Nord n'existent pas, le niveau des
03:39mers est en 120 mètres plus bas qu'aujourd'hui. Le climat dans ce qui reste du continent ressemble
03:44à celui de la Sibérie actuelle et la végétation n'y a pas grand-chose à voir avec ce que vous
03:48connaissez aujourd'hui. Mais tenez-vous bien, tout ça est causé par une température moyenne à la
03:53surface du globe inférieure d'environ 5 degrés à celle d'aujourd'hui. Oui, 5 degrés seulement sur
03:59la moyenne planétaire et ce sont ces 5 degrés qui font toute la différence entre une Suède
04:04verdoyante et une gangue de glace désertique, mais aussi celle entre une côte d'azur au climat d'où
04:09en hiver appréciez des retraités et le même endroit changé en une steppe glaciale. Bon,
04:14si je vous fais ce très bref rappel de climatologie qui n'a à première vue pas l'air d'avoir de
04:18lien direct avec notre sujet, c'est pour vous faire prendre conscience de l'ampleur des conséquences
04:22de chaque degré perdu ou gagné à l'échelle du globe et même en fait de chaque dixième de
04:28degré. C'est aussi pour vous faire réaliser que quand les projections climatiques évoquent un
04:32réchauffement de 4 degrés d'ici à la fin du siècle, ce n'est donc pas seulement un problème
04:36de manque de neige pour les sports d'hiver, ce dont il est question en réalité, c'est de la
04:40perspective très concrète d'un monde devenu en quelques décennies absolument méconnaissable au
04:45regard de ce qu'il est aujourd'hui, tout comme l'est pour nous cette Europe couverte d'un glacier.
04:50Une planète à venir dont une part significative est devenue impropre à toute agriculture,
04:55voire totalement inhabitable pour l'humanité, avec des conséquences encore impossibles à
05:00anticiper totalement mais que je vous laisse imaginer en termes de famine, d'exode et de
05:05conflits armés. Ok, c'est joyeux aujourd'hui, encore du changement climatique sur cette chaîne.
05:11Et franchement entre nous, on n'est pas là pour se faire faire la morale, sans compter que c'est
05:15idiot, l'impact du spatial est ridicule par rapport à n'importe quel autre domaine, c'est même pas du
05:20centième de pour cent. Honnêtement, ce ne sont pas 100 ou 200 fusées par an qui changent quoi
05:25que ce soit face aux milliers d'avions et aux millions de voitures qui se déplacent quotidiennement,
05:29alors lâchez-nous un peu les pompes les écolos hein. Ça vous parle ça non ? En tout cas les
05:35terriens, c'était exactement mon avis avant de découvrir les chiffres que je vais partager avec
05:40vous aujourd'hui. J'en profite d'ailleurs pour vous préciser que ces chiffres, ces connaissances
05:45que je vais vous transmettre, ils ont été analysés et étudiés par l'association Aérodécarbo,
05:49composée de bénévoles, professionnels, mais surtout de passionnés d'aéronautique et d'espace,
05:54qui mènent une réflexion continue sur les enjeux de ces secteurs dans le contexte du
05:58changement climatique, de l'épuisement des ressources fossiles et des limites planétaires
06:02en général. Je remercie donc Aérodécarbo pour leur soutien et leur relecture du sujet d'aujourd'hui.
06:07Ah au fait, pour mettre les choses au clair d'entrée de jeu, à tous ceux qui ont réussi
06:11à se faire convaincre au choix que le réchauffement climatique n'existe pas, qu'il n'est pas lié à
06:16l'activité humaine ou qu'il n'est pas un problème puisque c'est plutôt sympa quand il fait chaud,
06:20tout ce qui suit risque de ne pas vous parler beaucoup. Et l'objectif premier de cet épisode
06:24n'est pas de vous faire changer d'avis sur ce point, il n'y a pas le temps pour ça.
06:28Ceci dit, je vous encourage tout de même à faire preuve de curiosité, et même si tout ça n'a l'air
06:32que d'une fumisterie à vos yeux, restez donc jusqu'au bout, ça ne fait jamais de mal d'avoir
06:36de quoi alimenter ces réflexions, non ? Ah oui, et j'oubliais, surtout restez poli dans les commentaires,
06:41merci les terriens.
06:43Voici une fusée Falcon 9 de chez SpaceX. Elle décolle du centre spatial Kennedy et s'apprête
06:48à mettre d'un coup en orbite une fournée de 23 satellites Starlink. En passant, pourquoi faut-il
06:54autant de satellites pour constituer une constellation d'internet à haut débit ? C'est une question à
06:57laquelle on a répondu dans un précédent épisode, n'hésitez donc pas à y faire un tour si vous ne l'avez
07:02pas encore vu. Toujours est-il que pour gagner l'espace, ces moteurs Merlin brûlent du kérosène,
07:07exactement comme les avions de ligne. Ces réservoirs contiennent au lancement environ 400 tonnes d'air
07:12goal, y compris l'oxygène nécessaire à la combustion, qui produiront en quelques minutes
07:16environ 300 tonnes de dioxyde de carbone et 100 tonnes d'eau, une quantité qui en ordre de grandeur
07:22correspond à la louche à un aller-retour d'avions de ligne entre Paris et New York.
07:25Bon ok, mais des avions qui parcourent le monde, il y en a des dizaines de milliers chaque jour
07:30alors qu'on lance à peine 200 fusées par an. En proportion, ça paraît donc totalement négligeable,
07:35et ça l'est. Pour être précis, quand l'aviation représente environ 2,5% des émissions de CO2 annuelles,
07:42les lancements de fusées pèseraient, eux, pour à peine un dix-millième de pourcent,
07:47selon le chiffre partagé par l'un des derniers articles du journal Le Monde sur le sujet.
07:51Alors où est le problème vous allez me dire ? Eh bien il n'est pas là. Les émissions de CO2 d'une fusée
07:56ne sont que le chiffon rouge qu'on nous agit devant les yeux pour ne pas voir le reste du tableau.
08:01Mais pour comprendre où se trouve réellement le souci et qui est le vrai méchant de l'histoire,
08:06il va falloir élargir un petit peu l'image, à la fois dans l'espace et dans le temps.
08:11Car le cycle de vie d'une fusée ne se limite pas à ces quelques secondes où on la voit quitter la Terre,
08:15et ce qu'elle rejette de problématique dans l'atmosphère ne se limite pas au dioxyde de carbone
08:19dans la basse atmosphère comme le font les avions.
08:22Mais si vous le voulez bien, commençons par le premier point.
08:25Évidemment, avant de se retrouver sur le pas de tir du Kennedy Space Center,
08:28notre fusée n'a pas été cueillie dans un arbre. Même encore vide de tout carburant,
08:33elle est constituée de milliers de pièces mécaniques, de toutes sortes de composants d'électronique de pointe,
08:38et surtout des dizaines de tonnes d'aluminium de ses réservoirs.
08:42Toutes les matières premières nécessaires à sa construction ont donc été extraites dans des mines,
08:46principalement de métaux, puis transformées dans différentes usines réparties sur la planète entière,
08:51transportées, retransformées, assemblées selon des procédés conçus par des milliers d'ingénieurs
08:57travaillant toute la journée dans des bureaux climatisés sur des data centers gourmands en électricité.
09:02Et si je vous dresse un tableau aussi large, ce n'est pas pour tomber dans la caricature, je vous le promets,
09:06mais un petit peu de patience car ce n'est pas encore terminé.
09:09Une fois acheminée sur place, on fait le plein de sa centaine de tonnes de kérosène,
09:13lui-même extrait selon des procédés industriels polluants d'un pétrole pompé d'une manière ou d'une autre de la croûte terrestre,
09:19probablement à des milliers de kilomètres de là, et transporté par supertankers, camions, etc.
09:25et de ses 300 tonnes d'oxygène, produit par extraction de l'air selon des procédés énergivores
09:30comme la distillation fractionnée d'air liquide.
09:32Bon, je ne vous parle même pas de la construction du pas de tir et de ses mètres cubes de béton et d'acier,
09:37bref, tout ça pour mettre en évidence qu'avant le compte à rebours, ils s'en sont passés des choses.
09:42Et l'histoire n'est même pas totalement finie, car une fois nos 60 satellites arrivés en fin de vie,
09:46environ 6 ans après leur lancement, ils replongeront un à un dans l'atmosphère,
09:51relâchant chacun au passage une centaine de kilos d'oxyde d'aluminium dans l'air ambiant,
09:55avec des conséquences potentiellement désastreuses sur la couche d'ozone,
09:58mais qu'on va laisser de côté pour cette fois pour nous concentrer sur les effets climatiques.
10:02Une fois additionnés toutes les étapes de cet incroyable parcours industriel,
10:06le tableau commence déjà à changer un peu d'allure.
10:08Alors je ne connais pas le bilan exact pour une fusée Falcon 9,
10:12SpaceX étant plutôt timide sur la question.
10:14Par contre, pour sa concurrente européenne Ariane 6, d'un tonnage assez similaire,
10:18un lancement de fusée représenterait un total d'environ 20 000 tonnes de CO2,
10:22une fois inclus l'ensemble du cycle de vie de la fusée.
10:25Et d'un coup, nous voilà déjà très loin au-delà des effets dus à la seule combustion des ergols,
10:30qui ne représentaient en réalité qu'un peu plus d'un pour cent seulement de la facture complète.
10:35Juste à titre de comparaison, l'émission annuelle d'un français moyen est de 9 tonnes,
10:40et le chiffre à atteindre pour respecter la neutralité voulue par les accords de Paris
10:44est de 2 tonnes par personne et par an.
10:47Donc à ce compte, une seule fusée tirée,
10:49c'est déjà l'équivalent de 10 000 de ces français pendant un an.
10:54Et malheureusement, le tableau est encore très loin d'être complet,
10:57car le CO2 n'est pas le seul composé à être émis par un lancement de fusée,
11:00et il est loin d'être le plus lourd de conséquences en termes de changement climatique.
11:05Avant toute chose, éclaircissons un point de vocabulaire.
11:08Je ne vous parlerai pas ici d'effet de serre qui est un terme trompeur,
11:11car parler d'effet de serre nous fait imaginer une situation assez simple
11:15avec une sorte de bâche de CO2 qui réchaufferait uniformément la planète
11:19comme les tomates d'un potager.
11:20D'abord, si une serre chauffe, c'est surtout parce qu'elle interdit la convection de l'air,
11:24ce qui ne colle pas du tout à ce qui se produit avec les gaz dits à effet de serre.
11:28Mais surtout, la machine climatique terrestre est infiniment plus complexe que ça.
11:32C'est la somme de dizaines de phénomènes différents,
11:35d'allers-retours thermiques entre couches atmosphériques et océaniques
11:38que l'on ne va pas détailler ici.
11:40Et plutôt que d'effet de serre, on préférera faire le bilan de tous ces phénomènes
11:44et parler de forçage radiatif.
11:47Le forçage radiatif, associé à un élément donné, CO2, méthane, vapeur d'eau,
11:52c'est une donnée quantifiable qui correspond au nombre moyen
11:55de watts d'énergie solaire supplémentaire par mètre carré
11:58piégé par sa présence dans l'atmosphère.
12:01Et il nous permet de donner des chiffres sur les conséquences de ces différentes émissions,
12:05et plus seulement de parler dans le flou.
12:07Vous l'aurez remarqué, le forçage radiatif dû au CO2
12:10est celui dont il est le plus souvent question dans les médias,
12:12tout simplement parce qu'il est le plus massivement produit par l'activité humaine.
12:16Et on a du coup en plus tendance à ramener tous les autres à un équivalent CO2
12:20pour en faire le bilan carbone.
12:22Mais cela n'aide pas à réaliser qu'il y a bien d'autres produits
12:25qui ont des effets tout aussi puissants, voire bien plus que le CO2.
12:29Juste pour rappel, il y a quelques semaines,
12:31on évoquait déjà les conséquences des traînées de condensation à l'arrière des avions,
12:35presque aussi problématiques que le CO2 de ses moteurs.
12:38Et bien pour les fusées, c'est un petit peu pareil,
12:40mais en bien plus grave.
12:41Je m'explique.
12:42Un avion évolue dans les basses couches de l'atmosphère
12:45autour des 10 km d'altitude,
12:47ce qui correspond au sommet des plus hauts nuages.
12:49La vapeur d'eau qu'il produit, aussi problématique qu'elle soit,
12:53a donc au moins la chance de finir tôt ou tard
12:55par rejoindre le cycle naturel de l'eau.
12:57Vous savez, les pluies, les rivières, les océans, l'évaporation,
13:01bon je ne vous refais pas le tableau.
13:02Mais une fusée, elle, lorsqu'elle décolle,
13:04va traverser l'une après l'autre absolument toutes les couches de l'atmosphère,
13:08y compris les plus élevées,
13:10et tout ce qu'elle rejette profite donc successivement à toutes ses strates,
13:14y compris sa vapeur d'eau,
13:15puisque tout comme dans un réacteur d'avion,
13:17la combustion des ergols de fusée produit énormément d'eau.
13:20Les 400 tonnes d'ergols de notre Falcon 9
13:23produiront environ 100 tonnes d'eau, comme on le disait tout à l'heure,
13:26et malheureusement, ce qui est largué à haute altitude,
13:28il reste à bien plus long terme.
13:31Bon, si on jette maintenant un œil à ce tableau
13:32qui récapitule les ordres de grandeur du forçage radiatif direct
13:36dû aux différents produits de combustion des moteurs de fusée
13:39dans la haute atmosphère,
13:40selon l'étude de Martin Roth et Patty Schiffer, parue en 2014,
13:44on constate alors que celui de la vapeur d'eau
13:46est justement presque 1000 fois plus intense que celui du CO2.
13:51Et plus grave, on voit surtout qu'il n'est même pas le pire.
13:55Ce que vous lisez dans l'avant-dernière colonne,
13:57ce sont les chiffres relatifs aux suies expulsées par les moteurs.
14:01Et ces suies, une fois dispersées dans la haute atmosphère,
14:03provoquent un forçage radiatif
14:05plus de 50 fois supérieur à celui de la vapeur d'eau,
14:08lui-même presque 1000 fois supérieur à celui du CO2.
14:12Quant à la dernière colonne, c'est celle de l'alumine
14:14produite par les boosters à poudre,
14:16et qui n'a pas grand-chose à envier à la précédente.
14:18Car oui, les différents types de propulsion existant sur le marché du lanceur
14:22libèrent ces composés dans différentes proportions.
14:24Une comparaison rapide permet d'ailleurs de constater
14:27que les plus délétères sont de loin les moteurs au kérosène type Falcon 9,
14:31les boosters à poudre qui accompagnent souvent les fusées à hydrogène
14:34comme Marianne ou le SLS de la NASA,
14:36et les moteurs hybrides, plus rares mais développés aujourd'hui
14:39par certaines startups dont on a déjà parlé sur la chaîne.
14:42En bref, si on fait le bilan de tout ça,
14:45certes le CO2 émis par les fusées
14:47représente moins d'un dix millième de pour cent de la production humaine,
14:50mais les suites dans la haute atmosphère
14:52sont en fait beaucoup, beaucoup plus problématiques,
14:55et elles étaient ainsi déjà la cause,
14:57à l'apparution de cet article il y a dix ans,
14:59d'environ 0,1 à 0,5% du forçage radiatif entropique total.
15:07Ouf, ça va, vous m'avez fait peur !
15:09Quel foin pour 0,5% !
15:11Ça va quoi, on est toujours loin des avions,
15:13des voitures, ou même de la production de viande !
15:15Bref, 0,5%, on s'en fiche, non ?
15:18Non ?
15:20Eh bien, si le trafic spatial restait à jamais celui de 2014,
15:23je ne me serais peut-être pas embêté à vous faire une vidéo aussi longue sur le sujet.
15:27C'est vrai que 0,5%, ce n'est pas zéro,
15:30mais il y a clairement d'autres sujets à traiter en priorité.
15:33Seulement, le trafic dans les années à venir n'est pas du tout,
15:36mais alors pas du tout, parti pour rester celui de 2014.
15:40Car c'est à ce stade de l'histoire que débarquent les mégaconstellations,
15:43et c'est là que tout dérape.
15:45Quelques chiffres.
15:46En tout, en 2014, année de l'étude de Ross et Schiffer,
15:5092 fusées ont décollé.
15:52Neuf ans plus tard, ce chiffre a plus que doublé
15:55avec 211 fusées tirées dans le monde en 2023,
15:58et on peut légitimement imaginer que les impacts dus au suivi dans la haute atmosphère
16:02ont suivi plus ou moins la même courbe.
16:04Mais détaillons un peu ce bilan.
16:06Sur 211 fusées tirées, 96 l'ont été par la seule entreprise SpaceX,
16:11avec 91 lancements de Falcon 9 et 5 de Falcon Heavy.
16:15Autrement dit, en 2023, SpaceX a lancé autant de fusées que le monde entier en 2014,
16:21et presque la moitié des fusées tirées l'année dernière étaient des booster Falcon,
16:25qui, on l'a dit au début, fonctionnent au kérosène,
16:28et sont dans notre précédent tableau loin en tête des émissions de suivi.
16:32Alors pourquoi SpaceX est-il à ce point devant tout le monde ?
16:35Et bien tout simplement parce que l'entreprise est son propre client.
16:38Si la Falcon 9 ne connaît à ce point pas de pause,
16:41c'est parce qu'elle s'affaire principalement à déployer les milliers de satellites
16:45de la méga-constellation Starlink.
16:47D'ailleurs, si on reprend nos chiffres en termes de nombre de satellites déployés,
16:50le bilan est encore plus impressionnant.
16:52Sur les 2893 engins spatiaux tout type confondu lancés en 2023,
16:58on a 1984 appareils, soit plus des deux tiers, qui étaient des satellites Starlink.
17:03Donc je le redis, en nombre de satellites, plus des deux tiers de l'activité spatiale en 2023
17:09étaient déjà destinés à la seule constellation Starlink.
17:13Et ce n'est que le début, car si aujourd'hui environ 6000 satellites sont déjà à poste
17:17pour les besoins du réseau, comme on l'a dit plus tôt, ce sont bel et bien 42 000 appareils
17:21qui sont visés à terme, et même comme on l'a dit, 77 000 si on inclut la concurrence.
17:25Parce que oui, il n'y a pas que Starlink.
17:28Mais là où s'affiche franchement le vertige, c'est quand on prend en compte le fait que
17:32ces satellites volent à basse altitude pour de meilleures performances
17:35et ne sont pas pensés comme des engins durables.
17:38Leur durée de vie opérationnelle est de 5 à 6 ans seulement avant de céder au frottement
17:42atmosphérique et de brûler dans un dernier grand plongeon vers la Terre.
17:46Et 5 à 6 ans pour un satellite c'est ridiculement peu.
17:50Ces appareils high-tech sont donc littéralement les Klynex de l'espace,
17:54pensés à être produits et jetés à la chaîne.
17:57Un turnover spatial intense qui permet, et c'est tout l'avantage,
18:01de leur prévoir au fil de l'eau des générations V2, V3, V4 à tour de bras
18:05pour rester au top vis-à-vis de la concurrence.
18:10Mais du coup, faisons un très rapide calcul, 77 000 satellites avec une durée de vie de 6 ans,
18:16ce sont 12 000 satellites entre Starlink, Kuiper et autres Guowang
18:21qui seront à remplacer chaque année à grands renforts de tirs de fusée,
18:24soit à eux seuls presque 100 fois l'intégralité du trafic de 2014.
18:29Pour rappel, avant l'avènement des mégaconstellations,
18:32l'humanité en avait à peine lancé 9 000 en un demi-siècle,
18:36et on doit maintenant passer à 12 000 par an.
18:3812 000 satellites qui bouleront bien sûr chaque année dans la haute atmosphère,
18:42avec les conséquences sur la couche d'ozone qu'on évoquait rapidement au début de la vidéo,
18:46et les effets encore peu connus de tous ces métaux désintégrés dans la haute atmosphère.
18:54Et là on va pas se mentir, les 0,5% de tout à l'heure qui ne paraissait pas si problématique
18:58commencent à faire un peu la tronche.
19:00Parce que même avec des tirs groupés, les mégaconstellations deviennent d'un coup
19:03possiblement à elles seules un problème climatique équivalent
19:07voire supérieur à l'aviation tout entière, voire bien pire.
19:11Et si je reste prudent et que j'utilise le mot possiblement,
19:14c'est uniquement parce que l'on manque encore cruellement d'études
19:16permettant de chiffrer précisément le problème,
19:18mais pas un instant que l'on doute de son existence.
19:22Évidemment il n'est pas vraiment dans l'intérêt de SpaceX ou d'Amazon
19:25de financer eux-mêmes des études mettant en valeur les dégâts causés par leurs propres activités,
19:30et le problème pour les quelques scientifiques à se pencher sérieusement sur le sujet
19:34reste la collecte de données significatives.
19:36On ne connait par exemple pas encore les effets à attendre de la propulsion au méthane du Starship
19:41en termes de suie en haute altitude.
19:43C'est la première fusée de cette taille et dotée de ce type de propulsion à voler,
19:47et SpaceX ne partage évidemment rien des données techniques précises de ces moteurs,
19:51le secret industriel prévalant encore et toujours sur l'intérêt commun.
19:55Impossible de même pour les chercheurs de réaliser des mesures in situ sur un pas de tir,
19:59pourtant si le Starship est amené à voler plusieurs fois par semaine,
20:02voire par jour comme le prétend l'entreprise,
20:05il serait absolument fondamental de réaliser de véritables études d'impact sur le sujet,
20:09car brûler mille tonnes de méthane de façon quotidienne dans la haute atmosphère
20:13ne peut en aucun cas être considéré comme un processus industriel anodin.
20:17Alors il faut noter tout de même que la combustion du méthane produit moins de suie
20:21que celle du kérosène, mais elle en produit quand même,
20:24et ce lanceur décolle avec dix fois plus d'airgole qu'une fusée Falcon 9,
20:27dont on a évoqué les effets plus tôt, sans compter qu'il y a encore bien trop d'inconnus.
20:32Par exemple, vous n'aurez pas manqué de noter les panaches blancs qui entourent la fusée à chacun de ses tirs.
20:36Ces nuages, ce sont des ergoles, donc de l'oxygène et du méthane non brûlés,
20:41qui s'échappent par les évents chargés de gérer les surpressions dans les réservoirs.
20:45Ils sont inévitables et font partie du processus normal d'un décollage.
20:49Mais quelle quantité de méthane est ainsi libérée directement dans l'air pendant les heures qui précèdent le tir ?
20:54Ça, on ne le sait pas.
20:55Le méthane, faut-il le rappeler, c'est un gaz dont l'effet sur le réchauffement climatique
20:59est plus de 80 fois plus intense que celui du CO2 sur un horizon de 20 ans.
21:04Les conséquences de ces dégazages massifs de méthane inédits dans l'histoire de l'aérospatiale
21:09n'ont évidemment jamais été quantifiées,
21:11et s'ils doivent devenir la norme quotidienne, il serait peut-être bon de se pencher sur leur cas.
21:16En résumé, que l'on soit bien clair, même si on manque de chiffres, l'éléphant est bien là,
21:21et il a la ferme intention de rentrer dans le magasin de porcelaine.
21:24En fait, il a même déjà les pattes avant à l'intérieur,
21:26et on ne sait seulement pas encore l'étendue exacte des dégâts qu'il s'apprête à causer
21:31en dansant la java entre les rayons.
21:34Un message en passant aux étudiants parmi nous qui hésitent sur leur domaine de spécialisation,
21:38on manque cruellement de chercheurs sur le sujet.
21:41Très peu d'études aujourd'hui ont été publiées sur les effets des fusées sur la haute atmosphère,
21:45tout simplement parce que peu de monde s'est encore attelé à soulever ce lièvre,
21:48et presque tout est encore à faire pour faire connaître au public et aux industriels concernés
21:52les conséquences de leurs activités.
21:54En revanche, une chose est certaine, il va falloir faire des choix.
21:58Si la liberté de streamer en haute définition et de jouer à des jeux en ligne sur une île déserte
22:03peut effectivement avoir l'air pour un certain public alléchante sur le papier,
22:07il n'y a aucun doute qu'il est indispensable,
22:10sous peine de se conduire de façon basiquement égoïste et irresponsable,
22:14d'en étudier avant tout la balance bénéfice-risque.
22:16Dit autrement, y a-t-il réellement un bienfait indispensable à l'humanité
22:20dans le fait d'ajouter les mégaconstellations à tous les réseaux déjà existants,
22:24à l'heure où la majorité des terres émergées sont déjà couvertes de réseaux 3, 4 ou 5G
22:29et autres fibres ou wifi ?
22:31Les zones blanches restantes, faiblement habitées, sont-elles un argument suffisant
22:35pour compromettre notre haute atmosphère et lui ajouter une nouvelle source de forçage radiatif,
22:40comparable à celui du secteur aérien tout entier ?
22:43À quelle proportion de l'humanité ce service apporterait-il un vrai soutien ?
22:47Ces promoteurs ne manquent pas de pointer l'accès offert aux pays les moins développés,
22:51ce qui pourrait avoir l'air d'une boutade,
22:53tant les tarifs raisonnables pour un européen sont exorbitants
22:56pour la plupart des habitants de ces régions.
22:58La question se doit donc d'être posée en ces termes,
23:01apporter un internet à haut débit à une minorité est-il à ce point un besoin vital
23:05qu'il mérite d'aggraver significativement la situation climatique de notre planète ?
23:10Le secteur spatial connaît depuis quelques années une dynamique de croissance inédite,
23:14mais il serait une erreur de n'y voir comme le font malheureusement certains de ses opposants
23:18qu'une seule entité.
23:19Le spatial est multiple, on y trouve les missions scientifiques les plus riches
23:23que sont les télescopes spatiaux et autres sondes interplanétaires,
23:26qui nous ouvrent de nouvelles perspectives sur notre place dans l'univers.
23:29Ces missions-là représentent en passant moins d'une dizaine de tirs par an,
23:32mais on trouve aussi les moyens d'études de la Terre,
23:35les satellites météo ou ceux qui scrutent les océans,
23:38et puis il y a évidemment les moyens de télécommunications classiques,
23:41la télévision par satellite géostationnaire,
23:44mais aussi les applications militaires, sans oublier les vols habités
23:48qui se divisent maintenant entre sciences et tourisme spatial.
23:51Et par-dessus tout ça, on vient de rajouter le tsunami des mégaconstellations.
23:56Alors que les conséquences environnementales de la somme de ces activités deviennent critiques,
24:01il nous revient collectivement de questionner ces usages
24:04et juger de la légitimité de chacun au regard de son poids écologique.
24:08En clair, lesquelles de ces applications peut-on vraiment se permettre de conserver
24:12et lesquelles sont hors budget planétaire ?
24:14Et cela signifie faire des choix ?
24:16Alors faut-il boycotter Starlink, Kuiper, Qianfan, Guowang, Iris, OneWeb et leurs équivalents ?
24:23Ça c'est une décision que personne ne peut prendre à votre place.
24:27Mais maintenant que vous avez regardé cette vidéo jusqu'au bout,
24:30vous le ferez au moins en sachant quel type de conséquences pour le monde aurait votre abonnement.
24:38Voilà l'Etheria.
24:39Bon, il y aura encore beaucoup à dire sur les effets dévastateurs des mégaconstellations.
24:43On n'a même pas encore pris le temps ici d'aborder ni leurs conséquences en termes de débris spatiaux,
24:48donc la poubelle qui est en train de devenir l'orbite basse de notre planète.
24:51On n'a pas parlé non plus de la privatisation de l'orbite terrestre qui sera saturée de satellites,
24:55ni sur l'observation du ciel pour les astronomes.
24:58Mais ne vous en faites pas pour ceux que ça intéresse, il y aura des épisodes là-dessus aussi.
25:02L'espace, notre domaine de prédilection, a toujours été au cœur d'une dualité.
25:06Les mêmes missiles servaient autrefois à propulser d'un côté les missions habitées qui faisaient rêver le public,
25:11et de l'autre les têtes nucléaires prêtes à rayer des villes de la carte.
25:15Ceci dit, il est peut-être temps que nous, le grand public,
25:17commençions à avoir notre mot à dire sur l'usage qui en est fait,
25:20alors même que les développements de ces projets pharaoniques
25:23se font aujourd'hui quasiment en dehors de tout contrôle démocratique national ou international.
25:28Nous voilà en tout cas arrivés au bout de cet épisode un peu spécial,
25:31avec une visée sans doute un peu moins culture générale mais un peu plus intérêt général,
25:35bien que de la culture il y en avait quand même pas mal dans cette vidéo,
25:38je suis certain de vous avoir appris plein de choses.
25:40Bon ce n'est jamais évident pour nous de traiter d'un sujet aussi délicat,
25:43de mettre les pieds dans le plat sur ce domaine qui nous passionne tant au journal de l'espace,
25:47mais vu la notoriété de la chaîne aujourd'hui,
25:49vu le fait aussi qu'on vous propose deux émissions par semaine rien que sur le fabuleux programme Starship de SpaceX,
25:54lanceur qui, ne nous voilant pas la face, va certes nous ramener sur la lune,
25:58mais va aussi et surtout servir à déployer en plus grand nombre les satellites des mégaconstellations,
26:02et bien j'ai longtemps pesé le pour et le contre de créer cette vidéo,
26:05mais il était important pour moi de ne pas non plus je dirais avancer avec des œillères,
26:09le spatial ça reste un domaine incroyable, extraordinaire même,
26:13et on continuera toujours de vous faire rêver au journal de l'espace,
26:16mais les activités qui se déroulent au dessus de nos têtes étant loin d'être toutes dignes de louanges,
26:20et bien vous pourrez aussi compter sur nous pour garder un regard émerveillé,
26:23mais aussi scientifique et juste dans nos émissions.
26:26N'oubliez pas le pouce, partagez la vidéo si le sujet vous a semblé important,
26:30c'est comme ça qu'elle aura un maximum d'effet,
26:33on se retrouve très vite pour la suite, ciao les terriens !