Le Japon vu du ciel - La terre des dieux
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00:00Le Japon, un archipel aux paysages envoûtants, parfois aussi imprégnés de modernité.
00:16Un archipel aux traditions restées vivaces au cœur de la vie quotidienne, héritage d'une longue histoire culturelle et spirituelle.
00:23Un archipel qui continue de nous fasciner et de nous faire rêver.
00:34A l'origine de cette fascination, il y a les Japonais eux-mêmes, un peuple à l'âme mystérieuse, ici révélé dans toute son intimité au gré des saisons, d'Hokkaido au nord à Okinawa au sud.
00:47Un voyage singulier et attachant au cœur du Japon.
01:17Dans ce film, nous découvrirons les régions de Chugoku et de Shikoku, en commençant par le pays d'Hiroshima.
01:47La baie d'Hiroshima peut se targuer de posséder l'un des sanctuaires Shinto les plus réputés du Japon, celui d'Itsukushima, installé sur l'île éponyme.
02:01Il est avant tout connu pour son grand portail flottant. L'une des attractions touristiques les plus populaires de l'archipel est classée parmi les fameuses trois plus belles vues du Japon depuis 1643.
02:12Au fond de la baie qui porte son nom, la ville d'Hiroshima semble aujourd'hui pareille à bien d'autres au Japon.
02:26Et pourtant, le 6 août 1945, pour forcer l'empire japonais à se rendre, les Etats-Unis larguent sur la ville la première des deux bombes atomiques jamais utilisées en temps de guerre.
02:39Quand la bombe à l'uranium Little Boy éclate à 600 mètres du sol, à 8h15 précise, la ville est instantanément rasée, et plusieurs dizaines de milliers d'habitants sont tués sur le coup, sur les 350 000 que compte alors la ville.
02:55A la fin de l'année 1945, un total de 140 000 personnes avaient péri, la plupart des suites de leurs blessures et d'irradiations.
03:03Aujourd'hui, il reste au Japon environ 160 000 survivants des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, ayant pour la plupart souffert d'irradiations, puis hélas, d'une certaine forme de ségrégation sociale.
03:18Si quelques rares bâtiments ont résisté à l'explosion du 6 août, comme l'ancienne université de la ville, la mémoire des survivants disparaît avec eux, la plupart ayant aujourd'hui plus de 80 ans.
03:29Certains jeunes ont décidé de ne surtout pas oublier.
03:34Je m'appelle Mayu Yasuda, et j'ai 32 ans.
03:42Je suis née et j'ai grandi à Hiroshima.
03:48A Hiroshima, dans les écoles classiques, le 6 août est un jour d'école, et en cours, on parle de la paix.
04:01Le 6 août est en effet devenu un jour de célébration du souvenir, et peu à peu d'espoir de voir la paix régner dans le monde.
04:08Familles et proches des victimes d'Hiroshima ont commencé dans l'intimité à tenir de petites cérémonies, où des lanternes flottantes, les toros, sont déposées dans la rivière Motoyasu, portant le nom de la victime et celui du porteur de lanterne.
04:22Aujourd'hui, de nombreux habitants et touristes y participent.
04:27Ce n'est pas juste beau. Les pensées de chacun sont dans le taureau. C'est un sentiment très émouvant.
04:38Mayu, elle, dépose des lanternes pour ceux qui ne peuvent plus se déplacer.
04:46Les Hiradiers pensent aux gens décédés et font ce taureau pour eux.
04:52Et je crois qu'on peut sentir que dans chaque taureau, il y a une âme.
05:02Je viens d'une famille d'Hiradiers. Mes grands-parents sont des Hibakushas.
05:09Ce qu'ont vécu mes grands-parents, leur expérience, je n'ai jamais pu leur en parler.
05:16Mes parents m'avaient demandé de ne pas leur poser de questions. Je m'en souviens très bien.
05:26Dans le parc du Mémorial de la paix d'Hiroshima, inauguré en 1954 pour commémorer les victimes du bombardement, la foule du 6 août se rassemble devant le musée ou le cénotaphe et se recueille.
05:39Mais la municipalité a aussi décidé de conserver la mémoire vive de l'événement.
05:45En 2012, la ville d'Hiroshima, avec le vieillissement des Hiradiers, a mis en place un programme pour que des personnes recueillent leurs expériences et puissent les transmettre aux collégiens et lycéens.
05:59La première année, on a recueilli les témoignages de 23 Hiradiers et décidé avec lesquels on allait transmettre.
06:09La deuxième année, avec l'Hiradier que l'on a choisi, on forme une équipe et on reçoit son témoignage.
06:19Et si la transmission est efficace, on commence à faire des présentations comme transmetteurs.
06:31Les Hiradiers, les expériences qu'ils ont subies, les choses qu'on leur a dites, tout ça évidemment il faut en parler.
06:41Dans le parc, le monument de la paix aux enfants honore la mémoire des jeunes victimes de la bombe et notamment de la jeune Sadako Sasaki.
06:50Survivante de l'explosion et brutalement frappée par une leucémie en 1954, elle se lança dans la confection d'une bombe.
06:57Elle mourut à l'âge de 12 ans, ayant plié 644 oiseaux.
07:01Les grues déposées aujourd'hui expriment le souhait d'un monde sans guerre nucléaire.
07:06Elle mourut à l'âge de 12 ans, ayant plié 644 oiseaux.
07:10Les grues déposées aujourd'hui expriment le souhait d'un monde sans guerre nucléaire.
07:15« Les gens qui ont été irradiés en 1945 veulent que l'on élimine les armes nucléaires
07:22et disent depuis longtemps qu'ils n'en veulent plus.
07:27Nous devons transmettre ce message.
07:30Et comme ma génération n'a pas connu la guerre
07:34et qu'il y a encore des guerres à l'étranger,
07:38je veux que les gens qui ont été irradiés en 1945
07:42sachent qu'ils ne veulent plus la guerre nucléaire.
07:46Je veux que les gens qui ont été irradiés en 1945
07:51sachent qu'ils ne veulent plus la guerre nucléaire.
07:54Et qu'il y a encore des guerres à l'étranger.
07:58Qu'est-ce que je pourrais transmettre d'autre au monde en tant que japonaise ?
08:03Il faut y réfléchir. »
08:13En 2017, un traité d'interdiction des armes nucléaires
08:17a été adopté par 122 États membres des Nations unies.
08:20Et il entrera en vigueur lorsque 50 au moins d'entre eux l'auront ratifié.
08:25Son préambule évoque directement les souffrances inacceptables subies par les survivants
08:30pour justifier, entre autres, le besoin d'une législation internationale.
08:35Le Japon et les pays dotés de l'arme nucléaire,
08:39dont la France, n'ont pas pris part au vote.
08:43Hiroshima n'en demeure pas moins aujourd'hui une prospérité
08:47dont l'agglomération compte 2 millions d'habitants.
08:50Capitale régionale du Chugoku, elle est dotée d'un port ouvert sur la paisible mer de Seto,
08:55fièvre d'une importante activité d'aquaculture, notamment austréicole.
09:02Nous abordons à présent l'île de Shikoku,
09:05d'abord au sud, près du Cap Ashizuri, puis au nord, près de la ville de Takamatsu.
09:11Shikoku est renommée à travers tout le Japon pour son pèlerinage.
09:15Un chemin de 1200 kilomètres reliant 88 temples
09:19est consacré à Kobo Daishi, le saint fondateur du Shingon,
09:23l'un des courants majeurs du bouddhisme au Japon.
09:27A l'extrême sud-ouest de l'île, le chemin passe par la côte de Tatsukushi,
09:32avec ses platiers de grès et le célèbre Cap Ashizuri
09:36qui élève ses falaises à 80 mètres au-dessus du Pacifique.
09:40Juste à côté se trouve le 38e temple du pèlerinage.
09:50Souvent, le chemin du pèlerinage longe ou surplombe la côte de l'île.
09:55Dans le secteur d'Ashizuri, les pèlerins profitent d'une marche iodée sur la belle plage de Hoki.
10:02Leurs tenues blanches, leurs chapeaux coniques et leurs bâtons
10:06les rendent facilement reconnaissables.
10:09Ils seraient quelques centaines de milliers, japonais,
10:13mais aussi de très nombreux étrangers, à suivre le chemin chaque année,
10:17parfois à pied, mais le plus souvent en vélo, en voiture ou en bus.
10:21Les enfants des écoles de Shikoku sont eux aussi sensibilisés
10:25aux aspects spirituels et culturels du pèlerinage
10:29qui dépassent le stricte cadre religieux.
10:32Accompagnés d'anciens pèlerins, ils parcourent quelques kilomètres du chemin
10:36et laissent des messages d'encouragement à ceux qui le précèdent.
10:45Le chemin est divisé en quatre sections
10:48et sur la dernière, baptisée le chemin du Nirvana,
10:52nous retrouvons Saeko et Masanao Tsujimoto qui achèvent leur 4e pèlerinage.
11:00Ma femme vient d'avoir 81 ans.
11:03Nous avons vraiment beaucoup de chance d'avoir la santé pour faire un tel voyage.
11:10Moi j'ai 88 ans, je suis aussi très reconnaissant d'être en bonne forme.
11:18Saeko et Masanao viennent de marcher pendant près de 60 jours,
11:22la durée moyenne du pèlerinage.
11:25Ce qui me motive, je crois, c'est de devoir surmonter les obstacles,
11:32mais aussi de me prouver que j'ai encore la condition physique pour aller jusqu'au bout
11:37et de pouvoir me dire, je suis là avec lui
11:41et j'ai de la chance de pouvoir le suivre toute la journée.
11:47Nous avançons ensemble, nous avons encore beaucoup de chance d'être en forme
11:52et je suis très reconnaissante d'avoir encore assez de force pour marcher sans aide.
12:01Quand on est seul, on souffre parfois de la solitude.
12:06Quand on est deux, on peut s'entraider dans les moments difficiles.
12:14Ma femme me donne de la force, c'est ce que je ressens.
12:23Les Tsujimoto ont effectué leur premier pèlerinage en 1995.
12:28Comme beaucoup de pèlerins, ils venaient remercier le destin de leur avoir accordé une faveur.
12:35Au début, il ne voulait pas que je vienne pour plein de raisons,
12:39mais il a accepté quand je lui ai dit que c'était un pèlerinage pour célébrer ma guérison du cancer du sein.
12:45Et là, il a bien voulu que je parte.
12:50Masanao a découvert le plaisir de la marche lors de son tout premier pèlerinage.
12:56C'était le moment du départ.
13:00J'avais posé comme condition que moi, je ferais tout à pied.
13:05Mais que ma femme prendrait aussi le bus et le train si elle était fatiguée.
13:11C'est très bien aussi de pouvoir le faire en voiture,
13:17même en bus ou en train.
13:21Chacun fait de la manière qui lui convient.
13:25On n'est pas obligé de tout faire à la fois.
13:29C'est un peu comme le pèlerinage.
13:34Chacun fait de la manière qui lui convient.
13:38On n'est pas obligé de tout faire à pied.
13:43Mais les femmes sont incroyablement tenaces.
13:47Et elles marchent avec moi depuis le début.
13:56Je crois que je ne pourrais pas faire le pèlerinage tout seul.
14:00Préparer des sacs à dos, par exemple, je ne l'ai jamais fait une seule fois depuis notre départ.
14:10Quand on met trop de temps à partir le matin, je crie, je lui dis de se dépêcher.
14:16En fait, je suis très égoïste.
14:21Lors de mon premier pèlerinage, je ne pensais qu'à marcher.
14:27Je ne connaissais même pas le sens de ce pèlerinage et sa devise.
14:33Bavardage inconséquent interdit leur démarche.
14:37Pas de discussion frivole.
14:41J'ai donc fait l'expérience de cette pratique à ces temps-là.
14:47J'ai donc fait l'expérience de cette pratique ascétique et je suis resté muet.
14:53Malgré tout ce que je peux vous dire, en fait, je ne suis pas très pieux.
14:59J'avais juste envie de marcher.
15:03Mais à force de marcher, j'ai l'impression d'être un peu plus pieux.
15:17Le Japon
15:26Le 5 mai, les Japonais célèbrent le jour des enfants par le biais d'un certain nombre de rites destinés à leur souhaiter bonheur et santé.
15:34Des bannières en forme de koi, ces carpes colorées typiques du Japon, sont suspendues au-dessus des rivières
15:41et parfois immergées dans leurs cours, comme ici dans celui de la rivière Niyodo.
15:47Les carpes sont un symbole ancestral de force et de persévérance, et les bannières offrent ce jour-là un spectacle de toute beauté.
15:58Chikoku
16:03L'une des trois grandes voies routières qui relie Chikoku à sa voisine l'île d'Awaji, et plus loin à celle d'Honshu, est l'autoroute Kobe-Awaji-Naruto, mise en service en 1998.
16:16Deux ponts suspendus lui permettent d'effectuer cette liaison, dont celui d'Onaruto.
16:27D'une portée principale de 876 mètres, il repose sur des fondations composées de tubes d'acier destinés à minimiser l'impact d'éventuels séismes, mais aussi de celui des courants et autres tourbillons.
16:42Le pont d'Onaruto est en effet célèbre pour ses levées au-dessus de tourbillons qui se créent dans ce détroit, séparant l'océan Pacifique et la mer de Seto.
16:51Les courants créés par la marée y sont les plus rapides du Japon, et entraînent la formation de ces vortex marins, parfois larges de 20 mètres de diamètre.
16:59On vient les admirer de partout, en particulier au printemps et à l'automne, quand ils atteignent leur puissance maximale, notamment depuis des bateaux de croisière.
17:12Nous quittons Shikoku, mais restons dans la préfecture de Kagawa, pour une halte sur l'île de Shodoshima.
17:24Shodoshima est la deuxième plus grande île de la mer de Seto. C'est un lieu de tourisme apprécié pour ses paysages variés et ouverts sur la mer.
17:33Shodoshima est aussi surnommée l'île aux olives. Elle fut en effet l'un des lieux où prospérèrent les premiers oliviers importés d'Europe, puis des États-Unis, et où l'oléiculture se développa.
17:46Une aventure aujourd'hui centenaire, et qui a décidé de perpétuer Noriyaki Yamada.
17:52Après vingt ans passés à Tokyo dans les affaires, l'ancien businessman a choisi de s'installer sur l'île en 2010, et s'est lancé un défi.
18:02Produire la première huile d'olive biologique du Japon.
18:08Plutôt que d'utiliser des pesticides, Noriyaki a effectué des recherches et exploité les ressources de son écosystème pour éviter les ravageurs.
18:16Une entreprise couronnée de succès, d'abord grâce à la bonne qualité de ses arbres.
18:23« Nous avons douze espèces d'oliviers ici. L'espèce la plus répandue a été introduite sur l'île de Shodoshima il y a cent ans.
18:35Elle s'appelle Mission, c'est la principale sur l'île.
18:42Elle donne beaucoup de fruits, et son huile un peu piquante est délicieuse.
18:57Il y a aussi la Luc, cultivée essentiellement pour l'huile, avec son odeur douce et fruite.
19:05Pour détourner les charançons de ses arbres, Noriyaki a simplement appris à les connaître et à les attraper.
19:12« La Luc résiste bien aux maladies et aux insectes. Comme nous sommes en agriculte bio, c'est la variété la mieux adaptée.
19:25Pour éliminer les vers, il a favorisé la venue de leurs prédateurs en mettant de l'herbe, qui a d'autres vertus.
19:32« Ce qui est aussi différent, c'est que nous laissons les herbes pousser.
19:38Ce sont ce que l'on appelle communément des mauvaises herbes, qui poussent sur cette île depuis longtemps.
19:45Il y a plusieurs espèces, et tout au long de l'année, elles couvrent nos champs.
19:51Ces herbes coupées deviennent de l'engrais naturel, et rendent tout doucement la terre fertile.
19:58S'il n'y a pas d'herbe, la terre ne sera pas nourrie, et avec la pluie, tout sera emporté.
20:06Nous préférons l'écosystème des herbes, des racines, qui poussent et fanent avec les saisons.
20:14Avec l'expérience, j'arrive à distinguer la bonne ou la mauvaise odeur de la terre pour mes oliviers.
20:21La terre qui est bien aérée, élastique, molle et fermentée a une bonne odeur.
20:31Et la terre humide et collante, comme l'argile, a une autre odeur.
20:38Quand la terre devient plus fertile et sèche, les oliviers commencent d'un coup à donner des fruits, et ils se développent au sein de cette dynamique.
20:48Aujourd'hui, Noriaki est à la tête d'une oliveraie de 600 pieds.
20:53Un verger dont la taille lui convient, mais qui a exigé de nombreux efforts d'aménagement.
20:58Ce champ est le premier avec lequel nous avons commencé. On m'a dit que c'était une rizière autrefois.
21:06C'est une rizière qui a été construite par des agriculteurs.
21:10C'est vrai que les oliviers n'aiment pas les endroits où il y a trop d'eau qui s'accumule, qui ne conviennent pas à l'oléiculture.
21:19Donc, quand on a choisi cet endroit, nous avons effectué beaucoup de travaux afin que les racines restent sèches.
21:28A l'époque, on me disait que des oliviers ne pousseraient jamais sur de l'eau.
21:34Les anciens m'ont dit que ce serait très difficile. Quasiment impossible.
21:47Les rizis sont très sèches.
21:51Les rizis sont très sèches.
21:55Les rizis sont très sèches.
21:59En les écoutant à force, je me suis dit que j'allais rendre possible l'impossible.
22:11C'est par esprit de contradiction que j'ai commencé. C'était le début de tout.
22:28Grâce à sa ténacité et au climat plutôt ensoleillé de la mer de Seto, qui favorise le développement des fruits,
22:35Noriaki récolte environ 3 tonnes d'olives chaque année, qu'il transforme en huiles de différentes variétés.
22:44Fort de son expérience, il s'intéresse désormais à leur conférer des arômes et des goûts originaux,
22:50en associant par exemple l'olive à la bergamote et bientôt au yuzu, un autre agrume, cette fois typiquement japonais.
22:57Comme le sont souvent les japonais, Noriaki est reconnaissant envers la nature généreuse
23:03et reste émerveillé par la longévité de ses oliviers.
23:11Je me sens proche des oliviers. C'est une sorte de camaraderie.
23:16Les oliviers me font vivre et ils vivent en quelque sorte grâce à moi.
23:22Au fur et à mesure, chaque arbre acquiert son histoire personnelle et unique.
23:27Et pour moi, l'arbre que je connais ne peut pas en être un autre.
23:39Avec le temps, notre mémoire accumule des souvenirs et on s'attache à certaines choses.
23:46C'est là que naissent la confiance et le sentiment d'aimer, et je trouve ça merveilleux.
23:55Si je peux ajouter quelque chose, je dirais qu'un olivier peut vivre 100 ans, même 1000 ans, voire 2000 ans.
24:03Si quelqu'un me succède, ils vivront encore 100, 200, voire 300 ans.
24:11J'espère qu'ils me survivront très longtemps. C'est mon rêve.
24:18Retour à Shugoku, dans la préfecture d'Okayama, et plus précisément dans la région de Bizen.
24:48Depuis des siècles, les toits de tuiles en céramique sont un trait caractéristique des villes et villages japonais.
24:54Les tuiles se retrouvent à travers tout l'archipel, chaque région ayant ses spécificités.
24:59Les maisons du village de Fukuyafurusato se parent de tuiles rouges-orangers,
25:04l'endroit ayant jadis produit un pigment vermillon réputé, appelé Bengara.
25:10Un peu plus à l'est, l'ancienne école de Shizutani est une rareté datant de l'époque Edo,
25:16et à ce titre, classée trésor nationale.
25:20Elle fut en effet l'une des très rares écoles pour le peuple, fondée à la fin du XVIIe siècle.
25:26Le toit de son auditorium est recouvert de belles tuiles en céramique Bizen.
25:32Le Bizen est l'un des grands types de poterie au Japon, sans doute le plus ancien encore pratiqué aujourd'hui.
25:38Son origine remonterait à mille ans en arrière.
25:42Le cœur du pays des côtiers du Bizen est le village d'Inbe.
25:46Entourés de forêts, ces cheminées de briques trahissent l'existence de nombreux fours à bois,
25:51grâce auxquels 250 céramistes œuvrent encore à perpétuer et à moderniser ce pays.
25:58C'est le cas d'Itoshi Morimoto, lui-même fils de potier et ancien étudiant au Beaux-Arts de Tokyo.
26:10« Tous les jours, je fais la même chose.
26:14Le matin, je me lève, je mange, je me prépare pour le matin,
26:20je mange, je me prépare pour le matin, je mange, je me prépare pour le matin,
26:26je me prépare pour travailler, j'accomplis mon travail du jour.
26:32C'est une vie très simple. »
26:39Comme toutes les terres cuites du monde, les poteries d'Inbe sont confectionnées à partir de l'argile locale.
26:45Ici, différentes argiles sont extraites essentiellement du sous-sol des rizières,
26:50puis souvent incorporées les unes aux autres.
26:53Laissées adurcir parfois pendant des années, elles sont broyées au marteau,
26:58puis mélangées à de l'eau et longuement pétrées et moulées en pains prêts à être travaillées.
27:03Une terre riche en fer et en matériaux organiques qui lui confèrent densité et plasticité.
27:12« C'est littéralement un morceau de la terre.
27:16On ne peut pas la fabriquer.
27:21De la terre qui a mis très longtemps à se former,
27:27d'en faire quelque chose d'utilisable, c'est un respect que nous lui devons. »
27:33« J'ai une image précise de ce que je veux faire.
27:37Est-ce que c'est compatible avec la matière première ?
27:41C'est ça qui est important.
27:44Si la matière première n'est pas adaptée, ça ne rend pas bien.
27:48Donc je fais très attention à ça.
27:51Je fais tout ce que je peux pour que la terre soit adaptée.
27:55»
27:57« L'argile, c'est très honnête.
28:00Et c'est ça qui est intéressant. »
28:06La compacité de l'argile locale la rend en effet unique,
28:10dans la mesure où elle permet au poterie de se maintenir parfaitement lors de la cuisson.
28:15En outre, elle ne cuit pas de faim,
28:18et elle n'a pas d'impact sur l'environnement.
28:23Si ses principaux instruments restent le tour et ses deux mains nues,
28:27Hitoshi cède de toute une série de petits outils en bois,
28:31destinés à graver ses inspirations créatives dans l'argile.
28:35Ici, un récipient de type shirahana.
28:38« Ces outils ont une influence sur la poterie.
28:41C'est un outil qui permet à l'argile de se maintenir parfaitement.
28:45C'est un outil qui permet à l'argile de se maintenir parfaitement.
28:49Ces outils ont une influence sur la poterie,
28:52donc je les fabrique avec beaucoup d'attention. »
29:01« Quand on veut faire une forme, elle apparaît immédiatement.
29:05C'est très pratique. »
29:14« C'est une extension de la main.
29:17Normalement, tout se fait à la main.
29:20Mais je fabrique ces outils pour qu'ils remplacent mes doigts.
29:24Donc j'utilise du bois pour avoir un toucher le plus semblable possible à mes doigts. »
29:47« Il y a des choses que l'on peut tout à fait utiliser dans la vie quotidienne.
29:56Je veux fabriquer des récipients que l'on ait envie d'utiliser.
30:02Ce n'est peut-être qu'une impression,
30:05mais rien qu'en tenant un bel objet, on a envie de manger.
30:09Visuellement, c'est très beau. On le ressent quand on mange. »
30:18« L'histoire du Bizaniaki montre qu'il a toujours été utilisé pour les liquides.
30:25L'eau ne croupit pas.
30:28Et pour les compositions d'Ikebana,
30:31les couleurs discrètes mettent les fleurs en valeur. »
30:40À nouveau, ce sont les qualités intrinsèques de la terre cuite locale
30:44qui lui ont conféré ce pouvoir légendaire de tout rendre meilleur et plus beau.
30:48Bloquant la lumière tout en laissant respirer les liquides,
30:51les vases d'Itoshi sont ainsi d'adéquats instruments pour les amateurs d'Ikebana,
30:55l'art japonais de l'arrangement floral.
31:00« J'ai la chance d'habiter dans un endroit très fleuri.
31:04Ma mère mettait toujours des fleurs dans la maison.
31:09Il y a cette influence, et puis j'avais envie d'essayer moi aussi. »
31:23« Les formes de la nature m'émeuvent.
31:26Des choses d'une précision, d'un détail dont je suis incapable.
31:31Une belle ligne, une belle couleur, ça me touche. »
31:39Chūgoku
31:49Nous restons à Chūgoku en faisant halte sur les côtes de la préfecture de Shimane,
31:54d'abord au temple d'Izumo, puis à Yunotsu.
32:01La région de Shimane est surnommée la province des dieux.
32:04Les kami, les divinités du shintoïsme, la religion ancestrale japonaise,
32:09s'y rassembleraient par millions chaque année en octobre sur la plage d'Inasa,
32:13au pied du singulier sanctuaire de Bentejima.
32:20Le dixième mois du calendrier lunaire est donc ici celui de la fête du Kamiari,
32:25et de nombreux japonais affluent dans ce qui est parfois considéré
32:28comme le plus ancien sanctuaire shinto du pays, celui d'Izumo.
32:33Il est dédié à Okuninushi, une divinité fondatrice et notamment associée au mariage.
32:39Les japonais viennent donc y solliciter la chance en amour
32:42et dans leurs relations d'une façon générale.
32:47Selon le Kojiki, le plus ancien recueil de mythes du Japon,
32:50les dieux shinto auraient d'abord résidé à Izumo,
32:53où à la demande de la déesse mère du soleil Amaterasu,
32:56ils auraient construit le premier sanctuaire.
32:59Si sa date de fondation réelle reste incertaine,
33:01l'actuel pavillon principal date de 1744.
33:12Les dieux et les divinités shinto habitent les sanctuaires,
33:15mais ils séjournent aussi partout dans la nature,
33:18dans les rivières, les forêts et les montagnes bien sûr.
33:22Celles qui surplombent les belles et mystérieuses gorges de Tachikue,
33:26à quelques kilomètres au sud d'Izumo,
33:28portent, elles, des noms à consonance bouddhiste.
33:31Ces montagnes furent en effet très tôt un lieu de pratique du Shugendo,
33:35cette religion syncrétique mêlant sacralité des montagnes,
33:38shinto, taoïsme et bouddhisme ésotérique.
33:43Dans le secret des forêts de la vallée de Tachikue,
33:46on tombe nez à nez avec d'étonnantes statues miniatures.
33:49Elles figurent 1000 bouddhas et 500 de ses disciples ayant atteint le nirvana.
33:55Certaines, parées de bonnets ou de vêtements rouges, symbolisent Ojizo-sama,
34:00l'une des divinités les plus révérées dans la tradition bouddhiste japonaise.
34:05Protecteur des enfants et notamment des petits défunts,
34:09on lui rend hommage en ornant ses statues de tissus colorés.
34:14Dans le Shimane, la mythologie est partout si on la cherche.
34:18Il en va ainsi de la rivière Ii qui serpente depuis le mont Sensu
34:22et s'épanouit dans la plaine d'Izumo.
34:25Ces fréquents débordements auraient inspiré jadis une légende racontée dans le Kojiki
34:30et adaptée par la suite dans une forme de danse théâtrale typiquement shinto,
34:34le Kagura, littéralement le Shinto.
34:38Dans le petit port de Yonutsu, au sud-ouest d'Izumo,
34:42se perpétue l'une des formes de cette danse traditionnelle, l'Iwami Kagura.
34:49Situé sur un promontoire qui domine ce village thermal,
34:52le sanctuaire local est l'écrin de représentations hebdomadaires de Kagura.
34:56La célèbre légende de Yamatano rejoint l'histoire de l'Iwami Kagura
35:00et de l'Ojizo-sama.
35:03Les éléments les plus importants dans la mise en scène du Kagura sont les masques
35:07comme dans toutes les autres formes de théâtre japonais.
35:10Taizo Kobayashi est l'un des meilleurs artisans de leur fabrication
35:14et de leur perpétuation.
35:16Il est lui-même un passionné de cette tradition
35:19qu'il transmet désormais aux plus jeunes.
35:24Dans l'Ojizo-sama, il y a une forme de danse traditionnelle
35:29Le thème de l'Iwami Kagura, c'est très classique.
35:32La victoire du bien contre le mal.
35:35Faire plaisir aux dieux et punir les démons.
35:39C'est ça l'histoire.
35:42Les thèmes viennent du Kojiki,
35:45c'est-à-dire de l'Ojizo-sama,
35:48et de l'Ojizo-sama, c'est-à-dire de l'Ojizo-sama,
35:51c'est-à-dire de l'Ojizo-sama,
35:54c'est-à-dire de l'Ojizo-sama,
35:57et du Nihon Shoki.
36:00La moitié de ces histoires sont inspirées
36:03des plus vieilles histoires de la mythologie japonaise.
36:09La pièce la plus connue oppose donc l'ancien dieu céleste Susano
36:13au dragon Yamata no Oreshi
36:16qui sème la terreur le long de la rivière I.
36:19On pense que Yamata représente les inondations de la rivière.
36:22L'intérêt principal du Kagura,
36:25je ne peux pas vraiment l'expliquer.
36:28Il parle aux cinq sens.
36:31Il a une odeur,
36:34une ambiance,
36:37une présence.
36:40Je crois que c'est tout ça l'attrait du Kagura.
36:47Aidé par les villageois terrorisés,
36:50le dieu parvient à piéger le monstre à huit têtes et à le décapiter.
36:54Un spectacle très populaire dans la région
36:57et qui a nécessairement stimulé la vocation précoce de Taizo.
37:00J'ai envie de faire du Kagura depuis que je suis tout petit.
37:03En cinquième année d'école primaire,
37:06je voulais fabriquer moi-même un masque
37:09et je suis allé chez un maître.
37:12Ça a été le déclic.
37:19L'usage des masques remonte à l'Antiquité.
37:22Il a perduré grâce à la vivacité du théâtre
37:25et des fêtes traditionnelles.
37:28Ceux du Kagura se distinguent toutefois des autres.
37:31Les masques de Kagura Iwami
37:34sont fabriqués avec des matières différentes
37:37des autres masques utilisés dans tout le pays.
37:40Les masques sont d'habitude en bois.
37:43Mais ici, ils sont tous en papier.
37:46D'abord, on fait une base en pâte à modeler.
37:49Une fois qu'elle est sèche,
37:52par-dessus, on met du papier spécial de la région appelé Sekishu-ashi.
38:08En enlevant la pâte à modeler,
38:11on met à jour la structure en papier.
38:14Ensuite, on creuse des trous pour les yeux.
38:17En fonction des yeux, on met de la barbe ou des cornes,
38:20un mécanisme pour faire bouger la bouche.
38:23Il y a plusieurs variantes.
38:26Dans le Iwami Kagura, il y a 79 variétés correspondant aux pièces.
38:29Mais une même variété peut être entièrement différente
38:32selon le fabricant
38:35et dépend aussi du moment d'utilisation.
38:38Donc, il y a plusieurs milliers de combinaisons.
38:42Outre la fabrication des masques,
38:45Kyoto a décidé de faire partager son savoir et sa passion.
38:48C'est tout en mêlée maintenant.
38:55Ne bouge pas trop vite la tête.
39:00Jusqu'à maintenant,
39:03j'ai eu la chance de beaucoup recevoir.
39:06A présent, c'est à mon tour de transmettre.
39:10Enseigner le Kagura aux étudiants de Kyoto,
39:13c'est un projet un peu fou.
39:17Ça ne fait pas du tout partie de leur culture.
39:21Quand vous mettez la tête, votre posture est mauvaise.
39:24Quand il faut être en bas, vous vous levez.
39:27Donc il faut faire vraiment attention.
39:30Il faut le faire simplement.
39:33Peut-être c'est à cause de la tête qui est lourde,
39:36mais il faut aller jusque là.
39:39Là, tu es déjà debout.
39:42Debout, on ne peut pas le faire.
39:45Vous avez oublié la base.
39:48On revient sur les bases.
39:51On fait comme s'il y avait la tête.
39:59Une des tendances récentes de la société
40:02est d'être vraiment dépendant des choses matérielles.
40:05Moi aussi, je fais partie des nouvelles générations,
40:08donc je ne suis pas en mesure de critiquer les jeunes d'aujourd'hui.
40:13Mais il y a des choses qu'on voit uniquement
40:16quand on progresse très lentement.
40:19On s'arrête pour réfléchir.
40:22Donc, il ne faut pas uniquement se reposer sur la technologie.
40:25Parfois, c'est parce que les choses sont difficiles
40:28qu'on est content de les accomplir.
40:31C'est ce que je veux transmettre aux étudiants.
40:34Je crois que ça leur servira plus tard.
40:37Et c'est à ça que j'accorde de l'importance.
40:40La dernière étape de notre voyage à Chugoku,
40:43les côtes de la préfecture de Tottori.
41:10Le littoral de Tottori est renommé pour sa diversité,
41:13à laquelle contribue la côte d'Uradome,
41:16étirée sur une quinzaine de kilomètres.
41:19L'érosion marine y a notamment taillé depuis des millions d'années
41:22un magnifique paysage de rochers granitiques
41:25aux formes tranchantes et insolites.
41:28Elle forme l'un des grands sites du Parc national de Saninkaigan,
41:31créé en 1963,
41:34tout comme les célèbres dunes de Tottori.
41:37Ces dunes sont l'attraction principale de la préfecture
41:40et l'on vient de loin pour admirer
41:43ces formations géologiques uniques au Japon.
41:46Elles sont en effet le seul grand système dunaire du pays,
41:49étendu sur 30 kilomètres carrés environ.
41:52Changeantes, hautes parfois de 50 mètres,
41:55les dunes sont avant tout un espace de liberté.
41:58Outre leur safari photographique,
42:01les quelques 2 millions de visiteurs annuels viennent y marcher,
42:04faire du VTT ou des balades à dos de chameau.
42:07D'autres activités plus aériennes sont également possibles,
42:10comme le parapente,
42:13devenu le sport emblématique des dunes de Tottori.
42:16S'ils sont en léger recul depuis quelques années,
42:19en raison de leur végétalisation croissante,
42:22ces géants de sable ne sont toutefois pas prêts de disparaître.
43:04© SETTE inc.