Le Lockheed SR-71 Blackbird (Merle) était une version de l'avion-espion Lockheed A-12 Oxcart construite à au moins 32 exemplaires pour l'armée de l'air américaine, qui l'utilisa principalement de 1968 à 1990.
Également surnommé « Habu » (de Habu, nom d'un serpent noir venimeux demeurant sur certaines îles du Japon, notamment Okinawa, où un détachement d'appareils était basé), le SR-71 conservait la silhouette unique et les performances extraordinaires de l'A-12, mais s'en distinguait par des capteurs de reconnaissance spécifiques, et la présence d'un second membre d'équipage chargé de les mettre en œuvre.
Également surnommé « Habu » (de Habu, nom d'un serpent noir venimeux demeurant sur certaines îles du Japon, notamment Okinawa, où un détachement d'appareils était basé), le SR-71 conservait la silhouette unique et les performances extraordinaires de l'A-12, mais s'en distinguait par des capteurs de reconnaissance spécifiques, et la présence d'un second membre d'équipage chargé de les mettre en œuvre.
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00:00Voici le Lockheed SR-71 Blackbird, l'avion espion le plus rapide du monde.
00:16Plus véloce qu'une balle de revolver,
00:21sa vitesse était égale à trois fois celle du saut.
00:24On dirait un vaisseau spatial croisé avec un avion. Quand ils volent, c'est une véritable oeuvre d'art.
00:35Aujourd'hui encore, 50 ans après sa création, l'homme n'a jamais atteint une telle vitesse
00:40et une telle altitude à bord d'un avion sans propulsion à réaction. Le SR-71 Blackbird est
00:48l'aéronef symbole de vitesse supersonique. Ce pari risqué de plusieurs millions de dollars
00:54a conduit les avionneurs des années 60 à se surpasser.
01:02Il était incroyablement innovant. Il n'y avait pas de puissants ordinateurs,
01:05mais des pièces remplies d'ingénieurs armés de règles à calcul et de calculatrices.
01:09Le Blackbird est unique car il résulte d'une succession de miracles.
01:13Ses pilotes ont risqué leur vie pour battre tous les records.
01:18On a eu le souffle coupé quand on a compris ce qu'on allait faire.
01:22Globalement, cet avion est devenu la sentinelle du monde libre.
01:28On lui doit énormément et surtout le maintien de la paix à l'époque où une guerre nucléaire mondiale menaçait d'éclater.
01:44En janvier 1966, deux pilotes d'essai chevronnés s'apprêtent à effectuer un vol expérimental crucial.
01:56L'appareil à bord duquel ils embarquent est un avion espion militaire ultra rapide.
02:03Il vient tout juste d'être modifié pour optimiser ses performances.
02:08Dans le cockpit se trouve un pilote avec 4000 heures de vol au compteur.
02:13Bill Weaver.
02:16On a décollé vers 11h, 11h et quelques du matin.
02:22On a suivi le plan de vol du programme.
02:26Tout allait bien, c'était la routine.
02:28Prise d'altitude.
02:29Sur le siège arrière est installé un spécialiste en reconnaissance, James Weaver.
02:34Reçu.
02:35A Mach 3,2, Weaver entame un virage quand tout à coup, un moteur cale.
02:45C'est très effrayant, ce genre d'incident prend toujours au dépourvu.
03:01Un jour, un pilote a comparé ça à ce qu'on ressent dans un accident de train.
03:08A plus de 3500 km heure, impossible de maîtriser l'avion déstabilisé.
03:14L'appareil entame une ascension vertigineuse effroyable.
03:19Je poussais le manche à fond dans le coin gauche du cockpit.
03:26Mais comme l'appareil ne répondait pas du tout, j'ai compris qu'on ne pouvait rien
03:30faire, mis à part subir.
03:31En l'espace de deux secondes, la cellule commence à se désagréger.
03:37En gros, l'avion s'est mis à se désintégrer autour de nous.
03:41L'avenir de l'avion espion le plus rapide du monde vire à la catastrophe.
03:47L'histoire du Lockheed SR-71 Blackbird commence neuf ans plus tôt, à l'apogée de la guerre
04:00froide.
04:01En 1957, l'Union soviétique développe des missiles balistiques intercontinentaux.
04:09Des frappes nucléaires menacent les Etats-Unis.
04:19Se renseigner sur l'arsenal nucléaire soviétique devient la priorité du pays.
04:23Dans tout conflit, le savoir est source de pouvoir.
04:29Il fallait qu'on sache ce que l'Union soviétique tramait, en particulier concernant son programme
04:34de missiles.
04:35Il était vital pour nous de connaître les capacités de la machine militaire soviétique.
04:43Mais l'Union soviétique était un pays si vaste qu'on ne pouvait pas y arriver grâce
04:47à des avions traditionnels.
04:48L'Amérique a besoin d'avions espions spécialisés, capables d'effectuer des missions de reconnaissance
05:01au cœur du territoire soviétique.
05:02Et ce, sans se faire repérer par les radars ni abattre par les avions ennemis.
05:08Fin 1957, la CIA charge Lockheed, une entreprise de défense, de concevoir un nouvel indique
05:26volant, indétectable.
05:28Le projet Arkenzel, archange en français, est chapeauté par un génie de l'aviation,
05:36Kelly Johnson.
05:37Kelly Johnson est, à n'en pas douter, le Léonard de Vinci de la conception d'avions.
05:45La différence entre lui et les autres, c'est qu'il savait envisager l'avenir et ce qui
05:50était possible.
05:51J'avais de très bons rapports avec lui.
05:56Je lui faisais confiance et je le considérais quasiment comme un père.
06:06Employé depuis 1933 chez Lockheed, Johnson a formé une petite équipe marginale de concepteurs
06:13installés aux portes de Los Angeles et surnommé le Skunk Works.
06:17Il a conçu plusieurs avions militaires dont un chasseur à réaction supersonique, l'emblématique
06:27Lockheed F-104 Starfighter.
06:30A la fin des années 50, le Skunk Works est au sommet de son art.
06:36Ce qui différencie cette équipe d'autres formations du même genre, c'est qu'elle part
06:44du principe que tout est faisable et qu'elle trouve des solutions.
06:48En 1955, Kelly Johnson avait créé le premier avion américain spécialement dédié à
06:57l'espionnage.
06:58Le U-2 était un monoréacteur capable d'atteindre les 20 000 mètres d'altitude, ce qui, d'après
07:05les services de renseignement américains, était à 1500 mètres au-dessus de la portée
07:10des radars soviétiques.
07:11L'idée, c'était que le U-2 devait voler à une altitude si élevée qu'il échapperait
07:18totalement aux radars russes très perfectionnés.
07:20En 1956, il effectue sa première mission au-dessus du territoire soviétique.
07:34Il rapporte sans encombre de précieux renseignements.
07:41Toutefois, l'appareil embarqué destiné à détecter les ondes radars fait état d'un
07:49bémol.
07:50Les radars soviétiques ont suivi les moindres mouvements de l'avion.
07:55D'après nos calculs, si le U-2 dépassait une certaine altitude, il était indétectable.
08:01Le problème, c'est qu'on s'est trompé.
08:04Les radars soviétiques étaient plus puissants qu'on ne le pensait.
08:08Seule source de réconfort, les soviétiques ne disposent pas de l'arsenal capable d'abattre
08:19le U-2 à cette altitude.
08:20Du moins, pas encore.
08:24Le Skunk Works sait que les missiles russes ne tarderont pas à être perfectionnés et
08:30que les conséquences seront catastrophiques.
08:31Il faut construire le nouvel indique volant indétectable de toute urgence.
08:3750 ans après sa création, le SR-71 détient encore le record de l'avion piloté doté
08:50de moteurs oxygénés à air le plus rapide du monde.
08:54Ce qu'il y a de fascinant avec le Blackbird, c'est qu'il suscite l'émotion chez tout
09:01le monde, pas seulement chez les amateurs.
09:03On dirait un vaisseau spatial croisé avec un avion.
09:08Quand il vole, c'est une véritable oeuvre d'art.
09:14Fait encore plus extraordinaire, il est le précurseur des avions furtifs.
09:23Ces avions quasiment indétectables par les radars ennemis.
09:32Il a fallu relever de nombreux défis pour atteindre cette perfection technologique.
09:36Au printemps 1958, le Skunk Works s'attèle au projet Archangel, le projet top secret
09:53de la CIA destiné à remplacer le vulnérable U-2.
09:58Kelly Johnson sait que son nouveau bébé doit voler beaucoup plus haut que son prédécesseur
10:05afin d'échapper aux radars soviétiques toujours plus élaborés.
10:08Il doit aussi voler beaucoup plus vite pour se tirer d'affaire, même s'il a été vu.
10:14Comme la menace représentée par les missiles s'était accentuée, la vitesse devenait
10:21cruciale.
10:22Quand un missile a pour cible un appareil rapide qui tourne et qui vire sans arrêt,
10:28il lui devient très difficile de l'intercepter.
10:36La CIA en demande plus.
10:38Ce nouveau super avion espion a été commandé par le président Eisenhower en personne.
10:46Il veut qu'il soit invisible au radar.
10:54Se rendre invisible au radar paraît impossible.
10:59Quand des ondes radio émises par un transmetteur radar rencontrent le fuselage circulaire d'un
11:07avion, elles se réfléchissent dans plusieurs directions et présentent ainsi une signature
11:12radar caractéristique.
11:13Pour réduire cette signature, repenser radicalement la conception des avions s'impose.
11:21Mais en 1958, le concept de furtivité en est encore assez balbutiant.
11:29Pour livrer un appareil furtif, véloce et volant à très haute altitude, le Skunk Works
11:38devra repousser ses limites.
11:39L'équipe a réfléchi à la manière de satisfaire les trois conditions suivantes.
11:49Altitude de plus de 80 000 pieds, vitesse de plus de 3200 km heure et réduction de
11:55la surface équivalente radar.
12:04En onze mois, ces ingénieurs esquissent dix projets, tous précédés de la lettre A, comme
12:10Arkangel.
12:20Certains visent une minimisation de la signature radar, d'autres l'augmentation de la vitesse
12:27ou de l'altitude.
12:28Aucune proposition ne remplit les trois conditions.
12:31Le favori est l'A-10, il est capable de voler beaucoup plus haut que le U-2 et d'atteindre
12:39plus de trois fois la vitesse du son, Mach 3,2.
12:43Malheureusement, cette performance a un prix.
12:51Sa forme le rend extrêmement visible par les radars.
12:54En mars 1959, une réunion avec le responsable des opérations secrètes de la CIA devient
13:04particulièrement tendue.
13:05Kelly Johnson soutient que l'A-10 est la meilleure proposition, malgré sa visibilité
13:11radar.
13:13Il croisera si haut et si rapidement que même s'il est vu, les soviétiques n'auront pas
13:19le temps de réagir.
13:20Depuis l'époque du U-2, la meilleure façon de protéger un appareil de reconnaissance
13:28volant à haute altitude a toujours suscité des débats.
13:31La CIA sait que le président ne laissera pas la vitesse primer sur la furtivité.
13:38L'avenir du projet Archangel semble compromis.
13:44Lockheed risque de perdre le contrat.
13:58Le Skunk Works s'attaque avec acharnement au problème de visibilité une dernière fois.
14:03Notre but consistait à trouver une solution.
14:09On a travaillé sans relâche et dépensé sans compter pour créer un avion furtif.
14:14Le défi consiste à modifier la forme de l'avion sans nuire à ses performances.
14:21Au bout de deux mois, un ingénieur a une idée de génie.
14:28Il prend le modèle retenu auquel il ajoute des éléments d'autres propositions du
14:34projet Archangel qui, elles, réduisent la signature radar.
14:37Il obtient ainsi un aéronef au profil révolutionnaire.
14:43Ce nouvel avion possède un ventre plus plat et des lignes plus pures.
14:51Quand les ondes radio heurtent cet appareil, elles ne rebondissent pas vers les récepteurs
14:59radars ennemis, mais dévient sans risque le long du fuselage aplati.
15:09Une réduction incroyable de 90% de surface équivalente radar.
15:13Sa surface équivalente radar faisait environ 10 mètres carrés, l'équivalent d'un gros aigle
15:20ou d'un tout petit avion.
15:21Une épreuve redoutable attend maintenant ce nouvel espion volant.
15:26Sera-t-il convaincre la CIA ?
15:30Kelly Johnson explique aux agents gouvernementaux que l'appareil volera 8 km plus haut que le U2,
15:41à plus de Mach 3, et ce, tout en ayant la signature radar d'un gros oiseau.
15:51Le 11 février 1960, la CIA signe un contrat de 96 millions de dollars avec l'Ockid pour
15:58la construction de 12 avions de reconnaissance, appelés à présent A-12.
16:02Le temps presse.
16:07En effet, trois mois à peine après le lancement des opérations, c'est la catastrophe.
16:20Le 1er mai 1960, un U-2 est abattu par un missile dans l'espace aérien soviétique.
16:32Le pilote Francis Gary Powers survit.
16:34Il est jugé à Moscou, où on l'exhibe devant les médias avec son avion espion, autrefois top secret.
16:50Ce sinistre événement montre la rapidité du perfectionnement de l'arsenal soviétique.
16:55L'avion de Powers a été abattu par un missile Sol-Air à guidage radar à la pointe de la technologie, le SA-2.
17:04A partir de ce moment-là, on a su que le U-2 pourrait difficilement continuer à survoler
17:17des pays un peu partout, de façon aléatoire, au sens où les autres pays nous rattrapaient,
17:23techniquement parlant.
17:25Les Etats-Unis ont plus que jamais besoin d'un avion espion impossible à abattre.
17:33La pression pèse sur les épaules des ingénieurs du Skunk Works.
17:38La fabrication de l'avion futuriste qu'ils ont promis à la CIA est un défi d'envergure.
17:43En 1960, suite au tir d'un missile soviétique sur un U-2, le Skunk Works doit travailler plus vite que jamais à son remplaçant futuriste.
18:03Le nouvel avion est censé croiser un Mach 3, du jamais vu.
18:10Mais quand on vole à trois fois la vitesse du son, des problèmes fondamentaux se posent.
18:17Tout d'abord, une cellule conventionnelle en aluminium est inenvisageable.
18:22En effet, à plus de 3000 km heure, rien que la friction générée par la circulation
18:29de l'air chauffera la cellule de l'avion à plus de 300 degrés.
18:33Or, l'équipe d'ingénieurs sait que l'aluminium perd en solidité à 150 degrés,
18:40une température qu'un avion Mach 3 atteint sans forcer.
18:43Certains endroits du Blackbird faisaient 315, 370 degrés.
18:52À la maison, votre four monte à 280 degrés.
18:56Par conséquent, il fallait des matériaux résistants à ces fortes températures.
19:02Mais ce n'est pas tout.
19:06Pour voler à très haute altitude, un aéronef a besoin d'une cellule légère.
19:11Mais pour qu'elle soit supersonique, il faut également qu'elle soit robuste.
19:15Un seul matériau remplit ces conditions, le titane.
19:20Sauf que le principal producteur de ce métal rare est l'Union soviétique.
19:25Le fait d'acquérir du titane en quantité nécessaire, sans pour autant dévoiler que vous construisiez un appareil comme le Blackbird,
19:32relevait du défi en matière de sécurité.
19:36Le métal est acheté par l'intermédiaire de sociétés écrans,
19:40afin que les soviétiques ignorent que leur client est en fait la CIA.
19:44Le problème, c'est que personne ne sait travailler le titane.
19:48Comment l'usiner, le façonner et l'assembler ?
19:54Il a fallu trouver des solutions à la volée.
19:58Le titane est si dur qu'il endommage le matériel d'usinage normal.
20:02Le Skunk Works se voit dans l'obligation d'inventer de nouveaux procédés de fabrication.
20:13La température de 300 degrés ajoute à la difficulté.
20:17Chaud, le métal se dilate.
20:21Afin que les panneaux de la cellule soient soudés à vitesse supersonique,
20:25ils doivent être espacés quand l'avion est au sol.
20:31Pas de problème, sauf pour les réservoirs de carburant.
20:35Il n'y a pas de réservoir interne, souple ou en métal.
20:39Le réservoir, c'est l'enveloppe de l'appareil.
20:43Par conséquent, l'aéronef goûtait.
20:47Une marre de carburant se formait en dessous.
20:53Le carburant normal utilisé dans l'aviation est très volatile
20:57et susceptible d'exploser quand il est soumis aux températures élevées générées en vol.
21:01Le Skunk Works demande donc à Shell de créer un tout nouveau carburant.
21:05Un mélange original d'hydrocarbures et de lubrifiants particulièrement peu volatiles.
21:09Il s'agit du JP-7.
21:14J'ai vu le chef du personnel y jeter des mégots de cigarettes et des allumettes
21:18et ça ne prend pas feu.
21:24Cette solution ingénieuse n'est pas la seule élaborée par l'équipe de Johnson
21:28dans le but de surmonter une série d'obstacles techniques.
21:32Kelly cherchait en permanence la solution la plus simple.
21:36Il avait une règle, un miracle par projet.
21:40Et ça résulte d'une succession de miracles.
21:50Au printemps 1962, les habitants de l'Arizona commencent à voir
21:54d'étranges appareils zébrer le ciel près de la zone 51,
21:58le fameux site militaire top secret.
22:05Il s'agit de la dernière version de l'A-12, l'avion de reconnaissance du Skunk Works.
22:09Leur vol alimente les conversations sur les ovnis.
22:15Au comptoir des bars, il y a toujours des gens qui racontent ce qu'ils ont observé
22:19et parfois, ils sont abordés par des hommes en costume
22:23qui les font sortir pour leur dire de terre ce qu'ils ont vu.
22:29Deux ans plus tard, le Skunk Works améliore encore son BD.
22:33Désormais, il est bi-place.
22:38En 1964, le gouvernement américain décide de mettre un terme aux rumeurs
22:42sur les ovnis en révélant son existence.
22:46Ce nouvel avion espion destiné à l'US Air Force sera baptisé
22:50Reconnaissance Strike, RS-71.
22:58Mais le discours du président Johnson réserve une surprise.
23:08Quand le président Johnson en a parlé,
23:12il s'est trompé dans la dénomination.
23:16Au lieu de dire RS-71, il a dit SR-71.
23:20Et comme ça sonnait bien, c'est resté.
23:26L'Air Force décide qu'il est plus simple de renommer l'appareil
23:30plutôt que de corriger l'erreur du président.
23:34Évidemment, comme personne ne souhaitait contredire le président,
23:38SR-71 a été gardé.
23:44Désormais, le monde entier sait que dans le domaine de l'espionnage,
23:48l'Amérique revient dans la course grâce à son SR-71.
23:52L'heure est venue de le mettre à l'épreuve.
24:04Le 22 décembre 1964, un Blackbird est inspecté une dernière fois
24:08à l'Air Force Plant 42, un site militaire situé
24:12à Palmdale, en Californie.
24:18Le SR-71 va effectuer son premier vol d'essai officiel.
24:24Bob Gilliland, un pilote d'essai, a le dangereux privilège
24:28d'être le premier à entrer dans le cockpit.
24:32Ce n'est pas le cas pour Kelly Johnson lui-même.
24:36Au premier coup d'œil, on voyait que l'appareil était haut,
24:40rapide, grand et long.
24:44Plein de gars sur Terre auraient voulu être à ma place,
24:48mais c'est moi qui ai été choisi par Kelly.
24:52C'était un sacré honneur pour moi, peut-être même le plus grand.
24:56Pendant tous les vols d'essai, il y a quelques problèmes
25:01Ce jour-là, Gilliland sait qu'il y en a 383.
25:11Au départ, Johnson et lui sont d'accord pour ménager l'avion.
25:15Kelly avait dit que le vol serait considéré comme réussi
25:19si on décollait, qu'on laissait le train d'atterrissage sorti
25:23et qu'on faisait un tour avant d'atterrir.
25:27J'ai demandé si ça me tentait d'aller à vitesse supersonique dès le premier vol.
25:31J'ai répondu que comme je faisais totalement confiance à notre système d'abandon d'urgence,
25:35j'étais d'accord.
25:43Ce vol d'essai franchit le mur du son.
25:47Il vole à 1 600 km heure.
25:51Il croise à 15 000 m d'altitude,
25:553 km plus haut qu'un avion de ligne.
25:59Mais qui dit performance extrême,
26:03dit concentration extrême.
26:07La moindre petite erreur, et c'est la catastrophe.
26:11Les pilotes disaient que le Blackbird était un avion 3 secondes.
26:15Toutes les 3 secondes, il fallait regarder les instruments de bord pour s'assurer que tout allait bien.
26:19J'allais atterrir quand Kelly m'a demandé où en était ma jauge de carburant.
26:23Comme elle était remplie, il m'a proposé de faire un survol et c'est ce que j'ai fait.
26:33Ce premier vol est plus que réussi.
26:37L'oiseau a pris son essor.
26:43Mais ces vols d'essai s'apprêtent à connaître des mésaventures ainsi qu'une tragédie.
26:53En janvier 1966,
26:57un vol d'essai capitale pour le SR-71 Blackbird rencontre des difficultés.
27:01A bord se trouve Bill Weaver, le pilote,
27:05et Jim Zweier, un spécialiste en reconnaissance.
27:09A 24 000 m d'altitude,
27:13après avoir perdu le contrôle de l'avion à Mach 3,
27:17l'appareil se désintègre.
27:21Sur la base aérienne Edwards,
27:25le Blackbird des deux hommes disparaît des écrans radars.
27:29Tous les panse-morts.
27:33Le vol d'essai s'arrête,
27:37et l'avion se déplace.
27:41Le vol d'essai s'arrête,
27:45et le vol d'essai s'arrête,
27:49et le vol d'essai s'arrête.
27:57Bob Gilliland, leur collègue pilote d'essai,
28:01est sur la base quand il apprend la nouvelle.
28:05J'ai appris que Bill Weaver pilotait.
28:09Son casier était près du mien.
28:13Il y avait deux cigares dedans.
28:17Je me suis dit qu'il était peut-être mort,
28:21et que si ce n'était pas le cas,
28:25je lui en achèterais un autre, voire une boîte.
28:29Bill n'est pas mort.
28:33Il est tombé en chute libre depuis la limite de l'espace.
28:41J'ai cru que je faisais un rêve atroce, un cauchemar.
28:45Quand j'ai vu que je ne rêvais pas, j'ai cru que j'étais mort.
28:59Ensuite, j'ai compris que ce n'était pas le cas,
29:03et que je n'étais plus dans l'avion.
29:07Je me sentais tomber.
29:11Il ignore si son parachute est encore attaché.
29:15Jusqu'au moment où il s'ouvre soudainement.
29:19Il se met alors à penser à son collègue, Jim Zweier.
29:23Son parachute avait l'air d'être à 400 mètres de moi environ.
29:27J'étais très soulagé, parce que je pensais qu'on allait y rester tous les deux.
29:31Le fait qu'on ait survécu tous les deux m'a énormément soulagé.
29:35Je me suis dit que c'était le cas.
29:39Le fait qu'on ait survécu tous les deux m'a énormément soulagé.
29:43Weaver atterrit au Nouveau-Mexique, à 1200 kilomètres de sa base.
29:51Là, il apprend la triste nouvelle.
29:55Son ami Jim n'a pas survécu.
29:59La nuque brisée, il est mort dès que l'avion s'est désintégré.
30:03Quand j'ai appris sa mort, j'étais effondré.
30:07C'était un type formidable, une perle.
30:13L'enquête menée ensuite révèle que l'optimisation des performances
30:17de l'avion a diminué sa stabilité,
30:21et que la perte de contrôle qui s'en est suivie a soumis la cellule
30:25à une pression insoutenable.
30:29À la base aérienne, le chef des enquêtes sur les accidents reçoit un appel.
30:35J'ai entendu, oui, j'accepte un PCV de la part de M. Bill Weaver.
30:39Quand j'ai entendu ça, j'ai su que Bill était vivant.
30:43J'étais très content.
30:47Je lui ai dit que je lui trouverais les meilleures cigares de Castro.
30:51J'étais prêt à faire n'importe quoi pour lui.
30:55Oui, il m'a dit qu'il m'achèterait des cigares coûteux,
30:59mais depuis 1966, je n'en ai toujours pas vu la couleur.
31:11En 1967, le Skunk Works a trouvé une solution
31:15à tous les problèmes techniques du Blackbird.
31:19La flotte postée à la base aérienne de Beale, en Californie,
31:23est totalement opérationnelle.
31:31Il ne manque plus que des hommes aux commandes.
31:35Un jour, un nouveau groupe de pilotes d'élite
31:39rejoint la 9e escadre de reconnaissance.
31:43Ce sont les meilleurs.
31:47Aucun de nous n'avait vu l'avion.
31:51Vous ne pouvez pas savoir ce qu'on a ressenti.
31:55C'est incroyable.
31:59C'est incroyable.
32:03Vous ne pouvez pas savoir ce qu'on a ressenti quand on l'a vu arriver.
32:07On a eu le souffle coupé quand on a compris ce qu'on allait faire.
32:23Le Blackbird ne bat pas des records.
32:27Il les explose.
32:31Il est plus véloce qu'une balle de revolver.
32:35Ça fait plaisir de savoir qu'à chaque fois qu'on vole,
32:39on va plus haut et plus vite que n'importe quelle autre personne au monde.
32:45Ces moteurs sont les plus puissants de l'époque,
32:49avec leurs 160 000 chevaux.
32:53Par ailleurs, ils absorbent 3000 m3 d'air par seconde,
32:57l'équivalent de 2 millions de personnes inhalant en même temps.
33:03Il est puissant, sans à-coups, calme.
33:07Un pur bonheur.
33:11Ils croisent à une altitude phénoménale de 25 km grâce à un système de navigation
33:15qui se sert des étoiles pour calculer sa position.
33:19On a l'impression d'être dans le plus grand planétarium du monde.
33:23On voit la courbe de la Terre et à 560 km alentours.
33:29C'est incroyable ce qu'on voit à 80 000 pieds ou plus.
33:33C'est fantastique.
33:37Paradoxalement, le Blackbird ne sera jamais en service actif au-dessus de l'Union soviétique,
33:41ce pourquoi il a été conçu.
33:45Mais dans l'année, il est appelé au front.
33:49Nous sommes en mars 1968, au Vietnam,
33:53le sinistre théâtre des hostilités
33:57où le Blackbird effectue sa première mission de combat.
34:01Son objectif ?
34:05Trouver un site ennemi Vietcong, tapis au cœur de la jungle,
34:09un lieu de ravitaillement utilisé pour assiéger les Marines à Khe San.
34:13Le Blackbird remplit sa mission.
34:17Le commandant du relief, Haute Résolution, localise le site secret.
34:21Les bombardiers B-52 passent à l'attaque et mettent fin au siège.
34:31L'appareil continue à parcourir le monde pour fournir aux services de renseignement
34:35des photographies et des données cartographiques capitales.
34:39À notre retour, les services de renseignement
34:43vont nous donner des informations.
34:47Il voulait savoir ce qui avait changé,
34:51si l'ennemi avait un nouvel arsenal défensif
34:55ou si les photos montraient qu'il y avait eu un changement
34:59par rapport au dernier survol de la zone.
35:03Par la suite,
35:07le SR-71 est devenu le premier système de reconnaissance
35:11permettant de surveiller les crises internationales.
35:15Il a servi pendant la guerre du Kipour, en 1973.
35:19Il a permis d'observer les troupes soviétiques et leurs mouvements.
35:23On en avait aussi déployé en Extrême-Orient,
35:27au départ de la base de Kadena.
35:31Globalement, cet avion est devenu la sentinelle du monde libre.
35:39Il a énormément contribué aux renseignements techniques.
35:49Mais le Blackbird n'est plus invisible.
35:53En 1968, un radar ennemi le repère pour la première fois.
36:01À mesure que les missiles SOL-R gagnent en efficacité,
36:05ces pilotes ne tardent pas à être pris pour cible.
36:15Le 26 août 1981, en Corée du Nord,
36:19le régime communiste de Kim Il-sung
36:23procède à une démonstration de force militaire.
36:27Craignant l'invasion de la Corée du Sud,
36:31l'Occident a besoin de renseignements à tout prix.
36:35Il fallait qu'on comprenne quel était l'ordre de bataille de la Corée du Nord,
36:39son intention, son arsenal, ce qu'elle préparait et ce qu'elle faisait.
36:43Un seul appareil était capable de nous fournir ces informations,
36:47le SR-71.
36:5117 ans après son premier vol,
36:55le Blackbird demeure le meilleur avion de reconnaissance du monde.
36:59Il est envoyé en mission secrète afin de localiser
37:03les missiles anti-aériens nord-coréens.
37:13Maury Rosenberg est chargé de survoler la DMZ,
37:17une zone démilitarisée située entre les deux Corées
37:21pensée à la portée des missiles ennemis.
37:25La plupart des missions survolaient la DMZ,
37:29où on effectuait 3 ou 4 passages, d'est en ouest et d'ouest en est, etc.
37:33À bord se trouvent des instruments
37:37destinés à les prévenir d'une activité radar ennemie.
37:41Rosenberg et Edmack Kim, son opérateur des systèmes de reconnaissance,
37:45réalisent deux passages sans que l'écran ne s'allume.
37:49« À la commande de cet appareil, pendant les vols d'entraînement,
37:53et surtout pendant les vols en mission, on n'est jamais vraiment détendu.
37:57On a constamment l'œil sur tout. »
38:01« Bon, Mack Kim, on fait demi-tour pour effectuer un autre passage.
38:05Continue à me tenir au courant. »
38:09« D'accord, tout va bien. »
38:13Mais pendant leur dernier passage,
38:17la DMZ s'allume.
38:21« Attends, j'ai un signal. »
38:25« Je t'écoute. »
38:29« Vérification en cours. »
38:33Le personnel à bord du SR-71 appelle ça « se faire peindre ».
38:37« C'était notre dernier survol. À cette époque, Ed avait de la bouteille.
38:41C'est bien qu'au moment où il a vu le signal, il m'a dit d'une voix calme
38:45et de dire « c'est bon ». »
38:49Ils se sont fait repérer.
38:53Les Coréens du Nord n'ont jamais tiré sur un avion de reconnaissance jusqu'à présent,
38:57mais il leur arrive d'émettre un faux signal pour que les pilotes pensent qu'un missile se dirige sur eux.
39:01« Attends deux secondes, il se passe un truc. »
39:05« On avance, il me dit. Ils ont simulé le lancement d'un missile. »
39:09« C'est ça. Simulation de lancement de missile. Simulation de lancement de missile. »
39:13Les deux hommes ne sont pas inquiets.
39:17Ils le sauront uniquement si le missile répond, car cela signifiera qu'il est lancé et qu'il arrive.
39:21« Ok, tout va bien. RS. »
39:25J'ai regardé vers le nez de l'avion
39:29et à ce moment-là, j'ai entendu Ed me dire d'une voix un peu plus aiguë qu'avant
39:33« Oh non, le missile a répondu. »
39:37« Réponse du missile. Réponse du missile. Missile en action. Missile en action, reçu.
39:41« Missile en action à ta droite. Je ne le vois pas. »
39:45Un missile Solair à guidage radar
39:49fend les airs à 2500 km heure.
39:53« Il approche. Je le vois. J'ai un visuel. »
39:57C'est à ce moment-là que je l'ai vu.
40:01Je pense qu'il était déjà à 40 ou 50 000 pieds environ.
40:05Durant les quelques secondes qui ont suivi, j'ai vu qu'il grimpait vite.
40:11En août 1981,
40:15à une époque où les hostilités font rage de nouveau,
40:19la Corée du Nord a lancé un missile à guidage radar d'origine soviétique
40:23à l'encontre d'un Blackbird.
40:27« Je le vois. J'ai un visuel. »
40:31Maury Rosenberg et Ed McKim sont à moins d'une minute de l'impact.
40:35« Il grimpe. »
40:39Pour détruire le missile ou que le missile nous détruise,
40:43tout se jouait en l'espace de moins de 50 secondes.
40:47Il n'y a qu'une solution possible, semer le missile.
40:51Ed m'a dit de faire demi-tour et j'ai répondu d'accord.
40:55On a amorcé un virage vers la gauche parce qu'évidemment,
40:59on ne voulait pas se diriger sur la Corée du Nord.
41:03Mais le SR-71 n'a pas l'agilité d'un avion de chasse.
41:07« J'ai eu un bon visuel et quand on a amorcé le virage, j'ai vu qu'il ne changeait pas de trajectoire. »
41:11« Missile évité. »
41:15« Explosion du missile. »
41:19Le Blackbird doit la vie à sa vitesse.
41:23L'ennemi n'a pas le temps de recalculer
41:27les coordonnées de sa cible pour rediriger son missile.
41:31« J'ai vu le missile passer à droite et exploser.
41:35»
41:39« Je pense que ce missile était à 1,5 km ou 2,5 de notre appareil. »
41:43« On l'a échappé, Belle. »
41:47À Mach 3, cela revient à être
41:51à deux secondes de l'impact.
41:55« Une fois au sol, j'ai été vraiment soulagé qu'il ne se soit rien passé. »
41:59Comme l'avait prédit Kelly Johnson,
42:03même quand il est repéré, le Blackbird est trop rapide pour qu'on l'attrape.
42:07Les soviétiques ont même conçu
42:11le MiG-25, un avion de combat destiné à l'abattre,
42:15mais aucun SR-71 n'a jamais succombé aux tirs ennemis.
42:19Un record inégalé.
42:23« On ne connaissait vraiment aucune arme capable d'atteindre le Blackbird. »
42:27Neuf ans plus tard,
42:31alors que le Blackbird demeure l'avion de reconnaissance le plus rapide du monde,
42:35une nouvelle technologie vient le remplacer.
42:39Les satellites sont considérés comme l'avenir du renseignement.
42:51En mars 1990, le programme Blackbird est arrêté.
42:55Lors de son tout dernier vol,
42:59il établit un record de vitesse encore inégalé de nos jours.
43:03Il vole de Los Angeles à Washington D.C.
43:07en seulement une heure, quatre minutes et vingt secondes.
43:11L'arrêt du programme suscite l'émotion de tous
43:15et l'incompréhension de certains.
43:19« Beaucoup d'entre nous, moi y compris,
43:23pensaient que le retrait du Blackbird était prématuré.
43:27Quelques mois seulement après l'arrêt du programme,
43:31Saddam Hussein a envahi le Koweït.
43:35L'appareil qu'il fallait à notre disposition pour savoir immédiatement ce qui se passait,
43:39c'était le Blackbird. »
43:43Aujourd'hui, les avions furtifs tels que le Blackbird perdurent.
43:47Le Northrop B2 Spirit
43:51et le Lockheed Martin F-117 Nighthawk, un avion d'attaque au sol,
43:55utilisent le même type de peinture noire qui dévie les ondes radar
43:59que celle utilisée pour la première fois sur le SR-71.
44:0350 ans après sa création,
44:07le SR-71 demeure l'un des aéronefs les plus emblématiques du monde.
44:11Il a même fait des apparitions dans des films hollywoodiens comme Transformers ou X-Men.
44:15À ce jour, il est l'avion piloté sans réacteur,
44:19volant le plus vite et le plus haut.
44:23« Le Blackbird était révolutionnaire
44:27parce qu'il était le premier aéronef conçu pour résister
44:31à des vols prolongés à 3200 km heure.
44:35C'est le premier avion furtif jamais fabriqué au monde.
44:39Le Blackbird dans son ensemble était spécial,
44:43à cause des performances que lui avaient octroyées les ingénieurs. »
44:49Il est devenu le symbole de la persévérance,
44:53de l'ingéniosité et du patriotisme des hommes et des femmes qui l'ont créé,
44:57ainsi que des pilotes qui ont volé à son bord,
45:01sous la mandature de six présidents.
45:05« Cet avion est une déclaration en lui-même.
45:09Il dit, vous ne nous aurez pas, on est là, on vous surveille. »
45:13Le Blackbird est la preuve que l'homme est capable de grandes choses
45:17sans être un obstacle infranchissable.
45:21« Il y a une leçon à retenir du SR-71.
45:25Quand on donne une mission à des hommes et des femmes
45:29et qu'on leur fournit le pouvoir et les ressources nécessaires,
45:33le résultat est fantastique. »
45:37Mais ce qu'on doit surtout à cet aéronef,
45:41c'est le maintien de la paix alors qu'une guerre nucléaire mondiale menaçait d'éclater.
45:45« Il nous a aidés à gagner la guerre froide, ce qui est un bel exploit. »