Caroline Hinault, auteure (interview)

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Dans le cadre de la troisième édition du festival « Le temps de l’arbre » de Quimper, interview de l’écrivaine Caroline Hinault invitée par la médiathèque Alain-Gérard, le samedi 5 octobre, pour une rencontre autour de son deuxième roman « Traverser les forêts ».

« Aujourd’hui, en Europe, Bialowieza est la dernière forêt primaire. Elle se trouve en Pologne et est menacée par un mur barbelé de 187 km de long pour 5 m de haut, à la frontière biélorusse. Une barrière mortelle pour les animaux qui tentent de la traverser et qui met en péril la migration de certaines espèces. »
Prix Bretagne 2024

C’est dans cette forêt que l’écrivaine Caroline Hinault fait évoluer ses trois personnages féminins de son deuxième roman « Traverser les forêts » : « Véra une journaliste biélorusse contrainte à l’exil, Nina revenue s’installer dans la ferme familiale forestière et Alma qui tente de franchir la frontière ».

Caroline Hinault, enseignante et écrivaine à Rennes, a reçu le Prix Bretagne 2024 pour ce roman.

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Transcription
00:00Bonjour, je m'appelle Caroline Hinault, je suis autrice, romancière, et je vais vous
00:14parler de mon deuxième roman qui s'intitule Traverser les forêts, publié aux éditions
00:19du Ruergue en mars dernier.
00:20Traverser les forêts, c'est un roman qui parle du destin de trois femmes, de trois femmes
00:28de trois âges et de trois nationalités différentes, qui sont reliées par une seule et même forêt
00:34à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, une forêt qui n'est jamais nommée mais
00:41qu'on devine être la forêt de Bialowiezia, qui est une des dernières forêts primaires
00:45d'Europe.
00:46Et ce qui m'intéressait énormément dans ce lieu, au moment où je me suis mise à écrire,
00:52c'est d'abord évidemment qu'il s'agit donc d'une des dernières forêts primaires
00:56d'Europe, donc un lieu fascinant d'un point de vue écologique, surtout à l'heure
01:01de l'urgence climatique, de l'effondrement du vivant, donc un lieu qu'il faut défendre,
01:06dont il faut parler, dont il faut dire la beauté, la nécessité, la complexité aussi.
01:10Donc il y avait ce premier enjeu de parler de cette forêt, et puis s'est greffé sur
01:16cet enjeu, un enjeu géopolitique, puisque la violence du monde est venue vraiment me
01:22frapper de plein fouet à travers une crise migratoire orchestrée par la Biélorussie
01:29à l'été, l'automne 2021, où, vous vous rappelez peut-être, le régime biélorusse
01:34a fait venir des réfugiés du Proche-Orient, du Moyen-Orient, d'Afrique, en leur promettant
01:42un visa pour l'Europe, et les a finalement, alors la Biélorussie, avec l'appui de la
01:47Russie, c'était juste avant la guerre en Ukraine, a fait venir ces gens en leur faisant
01:52vraiment miroiter une autre vie, un passeport, etc., et les a en fait abandonnés dans cette
01:58forêt.
01:59Et au moment où en fait je me suis rendu compte que dans ce lieu il y avait tous ces
02:05aspects très protéiformes, très différents, un lieu qui est vraiment un sanctuaire de
02:11biodiversité, un lieu magnifique, et en même temps un lieu qui peut devenir une espèce
02:15d'enfer sur terre, même un cimetière, qui l'est encore à l'heure où nous parlons
02:20puisqu'il y a encore des personnes en situation de migration coincées dans cette forêt,
02:25je me suis dit qu'il était important d'écrire dessus et d'avoir un troisième regard qui
02:29était celui de l'écriture, qui était celui de ce qui, moi, m'intéresse, m'anime
02:34dans l'existence, et qui est celui du langage.
02:36Et donc comment le langage, peut-être la poésie, ou en tout cas l'écriture, romanesque,
02:41les mots, la parole, pouvaient se saisir de ce qui se joue dans notre monde contemporain,
02:48des enjeux écologiques, politiques, migratoires, géopolitiques, et comment il y a aussi un
02:53enjeu poétique, il y a aussi un enjeu du langage à saisir la complexité du monde
02:58dans lequel on vit, pour en dire quelque chose, peut-être d'une manière différente que
03:02le langage médiatique, journalistique, ou quotidien.
03:07Donc ça a été vraiment ma porte d'entrée pour ce sujet qui est quand même délicat,
03:11c'était trouver une écriture, trouver une langue pour donner à vivre, à entendre,
03:16à sentir, à ressentir cette forêt, littéralement.
03:20Donc c'est vraiment une écriture de la sensation, on est vraiment dans la peau de ces trois
03:24femmes qui sont dans cette forêt pour des raisons très différentes.
03:26Un des personnages est une jeune migrante, donc elle vit cette forêt comme un enfer.
03:32Le deuxième personnage, qui s'appelle Nina, est une femme polonaise d'une quarantaine
03:37d'années qui a toujours vécu là, et qui aurait voulu partir, et qui n'est pas partie,
03:42donc qui, elle, remâche un peu sa frustration et vit cette forêt comme un purgatoire.
03:47Et le troisième personnage, c'est une journaliste biélorusse qui s'est exilée volontairement
03:52dans cette forêt pour fuir, enfin qui a choisi cette forêt, mais qui s'est exilée pour
03:58fuir l'autoritarisme du pouvoir biélorusse, comme c'est le cas dans la réalité de la
04:03plupart des journalistes biélorusses, et elle, elle est là en quête d'une forme de paradis.
04:10Et donc, j'insiste sur ces notions d'enfer, de purgatoire et de paradis, alors non pas
04:14à titre vraiment religieux, mais parce que le texte de Dante, notamment la Divine Comédie,
04:19a été une sorte de guide dans l'écriture de ce texte, et qu'on connaisse le texte
04:25de Dante ou pas n'a pas d'importance, il est comme une espèce de jeu de piste aussi
04:29poétique dans le texte lui-même.
04:33Je suis née à Saint-Brieuc, donc je suis briochine d'origine, je vis à Rennes actuellement,
04:38je suis professeure de français dans la vie, je travaille dans un lycée à Rennes,
04:44et donc j'ai publié trois livres aux éditions du Ruergue, deux romans, le premier roman
04:49s'intitulait Solak, et c'était un huis clos, déjà dans un lieu très atypique puisque
04:56c'était sur la banquise, au nord du cercle polaire arctique, et donc ce deuxième roman,
05:01Traverser les forêts, qui se situe à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie,
05:06et j'ai publié un troisième texte qui est très différent, qui est un récit-essai
05:12féministe sur la question du corps et de la grossesse notamment.

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