• il y a 2 mois
À l'occasion de la 18e édition du "Pasteurdon", la directrice générale de l'Institut Pasteur, Yasmine Belkaid, est l'invitée du Grand entretien. Elle alerte sur le manque de financement de la recherche en France. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-09-octobre-2024-3633355

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00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:05Et à l'occasion du 18ème Pasteur Don, nous recevons ce matin avec Léa Salamé, une chercheuse
00:11en immunologie de renommée internationale, directrice générale de l'Institut Pasteur.
00:18Vous pouvez dialoguer avec elle.
00:20Questions-réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:27Yasmine Belkaïd, bonjour, et bienvenue à ce micro.
00:30Vous êtes la nouvelle patronne de l'Institut Pasteur.
00:34On va parler de la campagne 2024 du Pasteur Don, de ses objectifs.
00:39Mais on voulait d'abord en savoir un peu plus sur vous parce que vous avez un parcours assez phénoménal.
00:46Vous êtes, pour reprendre les mots d'Anthony Fauci, le monsieur Covid des États-Unis,
00:51une superstar scientifique et un leader visionnaire.
00:56Les États-Unis que vous avez quittés il y a quelques mois pour revenir en France et
01:01diriger l'un de nos instituts de recherche les plus prestigieux.
01:05Dites-nous, pour commencer, et surtout franchement, si vous avez hésité à revenir et si, six
01:11mois après, vous êtes heureuse de cette nouvelle vie à la tête de Pasteur.
01:15Je pense que toutes les grandes décisions, on doit avoir des doutes.
01:18C'est évident.
01:19J'ai eu évidemment des doutes, mais je suis très heureuse d'être là et je ne regrette
01:23absolument pas d'être ici et de m'engager aux côtés de l'Institut Pasteur.
01:26Si vous deviez dire ce que représente pour vous, ce que représentait pour vous, jeune
01:30chercheuse, l'Institut Pasteur, en quelques mots, pour quelqu'un, un Américain ou un
01:36Africain qui ne connaîtrait pas l'Institut Pasteur, vous diriez quoi ?
01:39D'abord, c'est rare que les gens ne connaissent pas l'Institut Pasteur.
01:42Ce nom, il a une aura extraordinaire.
01:45Déjà, enfant, quand j'étais en Algérie, l'Institut Pasteur d'Alger représentait
01:50un rêve.
01:51L'Institut Pasteur de Paris représentait un rêve.
01:53Ce network de 33 instituts dans le monde, c'était l'idéal pour moi.
01:56C'était une science qui était puissante, mais une science qui était aussi internationale.
02:00Pour moi, cet Institut Pasteur a toujours été un élément iconique dans le monde
02:06international et dans la recherche.
02:07Quelques mots sur vous, avant de parler du Pasteur, avant de parler de ce que vous faites
02:12à Pasteur.
02:13Pour nos auditeurs qui vous découvrent peut-être ce matin, parce que vous avez vraiment un
02:16parcours singulier, un parcours exceptionnel.
02:19Vous êtes née en 1968 à Alger, vous avez fait vos études de biologie, puis vous partez
02:24en France pour décrocher un doctorat à Pasteur.
02:27L'objet de votre recherche, ce sont les microbes.
02:29C'est le cœur de votre vie, si j'ose dire.
02:33Vous avez dit que vous avez passé toute votre vie à vous poser cette question.
02:36Comment les microbes persistent-ils dans notre organisme, malgré l'extraordinaire système
02:42immunitaire dont nous a doté l'évolution ?
02:44Avez-vous trouvé la réponse ?
02:47Les choses qui sont belles par rapport aux grandes questions, c'est qu'elles n'ont
02:49pas forcément une réponse, mais c'est vraiment un chemin.
02:51C'était ma trajectoire de recherche, c'est de commencer sur une très grande question
02:57et dans cette trajectoire, de développer des connaissances plus précises sur certains
03:01mécanismes.
03:02De vous savoir si j'ai compris la question, ce serait impossible, il y a des milliards
03:05de microbes, il y a des milliards d'interactions, et c'est un domaine d'investigation qui
03:09est fascinant.
03:10D'abord dans la relation positive des microbes avec notre système immunitaire, le microbiote,
03:15mais aussi dans la relation négative de ces microbes, telles que sont les infections.
03:18Donc en fait, c'est un domaine d'investigation qui est immense, fascinant, et qui touche
03:22à tous les domaines de recherche.
03:24On le disait, Yasmine Belkaïd, comme de nombreux jeunes chercheurs, après votre thèse en
03:29France, vous êtes partie travailler aux Etats-Unis, vous y êtes restée près de 30 ans, il y
03:35avait fait une carrière brillante, vous avez notamment dirigé le centre d'immunologie
03:39humaine des National Institutes of Health.
03:43Pourquoi ce départ aux Etats-Unis ? Je vous ai posé la question sur le retour en France,
03:49mais pourquoi ce départ aux Etats-Unis ? Vous n'aviez pas de perspective en France ?
03:53Non.
03:54En fait, il y a très peu de perspective en France pour des chercheurs.
03:56Il y a peu de positions, et en fait, il est très difficile d'obtenir une position indépendante.
04:00Lorsque j'ai fini ma thèse, je n'avais pas forcément de trajectoire immédiate ou
04:05de débouchée immédiate.
04:06Par contre, les Etats-Unis étaient là, avec beaucoup de positions possibles, et une possibilité
04:10d'explorer une recherche et de devenir indépendant.
04:14Donc, il y avait peu de perspective, un point sur lequel j'espère revenir après dans
04:17cette interview.
04:18La France n'investit pas assez dans son écosystème de recherche, et donc les scientifiques ont
04:23de moins en moins d'opportunités.
04:24Vous dites que vous avez appris aux Etats-Unis une autre façon de faire de la science, la
04:28hiérarchie est beaucoup moins pesante, on est ouvert aux idées de l'autre, et toute
04:32voie peut contribuer à la créativité, quel que soit son statut et quelle que soit son
04:36origine.
04:37Ce n'est pas le cas en France ?
04:38En tout cas, c'était moins le cas quand je suis partie.
04:41Je pense que d'avoir un environnement en recherche, la recherche est quelque chose
04:45qui est extrêmement important et un important d'intelligence collective.
04:48Donc, en fait, d'avoir des gens qui viennent du monde, de mondes différents, de cultures
04:52différentes, d'âges différents, de perspectives différentes, est extrêmement puissant.
04:56Et c'est quelque chose que la recherche américaine a bien compris, c'est qu'en fait de donner
04:59une voix aux gens très vite, quel que soit leur titre, quelle que soit leur origine,
05:05est la façon dont le système américain fonctionne en recherche.
05:08C'est un système qui permet à toute voix de s'exprimer, donc cette intelligence collective
05:11très rapide est en fait très puissante.
05:14Mais vous leur dites quoi aux jeunes chercheurs qui vous écoutent là ce matin et qui sont
05:17en France ? Vous leur dites « Partez ! Partez aux Etats-Unis parce que vous serez mieux
05:22payés, parce qu'il y a plus de perspectives, parce qu'il y a plus de postes, ou restez
05:26en France ? »
05:27Alors, ce que je vais dire aux scientifiques, c'est « Venez à Pasteur déjà ! »
05:30« Faites votre marché, allez-y ! »
05:33« 0145 24 7000 pour les candidatures spontanées, je vous laisse finir votre phrase. »
05:39Mais ce que je vais leur dire aussi, c'est qu'il est important de comprendre le monde.
05:42Et qu'en fait de partir et de revenir, c'est quelque chose de très puissant.
05:46Aujourd'hui, pour être capable de confronter les problèmes de demain, il faut qu'on
05:50comprenne ce qu'est le monde, de penser différemment.
05:52Et je conseillerais à tout le monde d'explorer, de passer quelques années à voyager, à
05:56explorer une science ailleurs, à s'ouvrir au monde, à se débarrasser des biais.
06:00Et je pense que de partir quelques années, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, nous
06:04enrichit tous.
06:05Et que de revenir, si on peut le revenir, s'il y a des positions, on devient en fait
06:08plus puissant.
06:09Je pense que d'avoir une carrière qui est internationale nous rend plus puissants, nous
06:14rend plus ouverts d'esprit et nous rend plus capables d'intégrer les idées des
06:17autres dans notre créativité.
06:19Yasmine Belkaï, à l'origine, vous ne vouliez pas quitter l'Algérie, vous vouliez rester
06:23dans votre pays, la guerre civile dans les années 90 a emporté votre père, grande
06:30figure de l'indépendance, plusieurs fois ministre, c'est lui qui a décidé de vous
06:34envoyer en France pour vous mettre à l'abri.
06:36Est-ce qu'au fond de la star internationale de l'immunologie, il reste encore et toujours
06:44un exilé ?
06:45Je pense que toute personne qui est partie de son pays reste un exilé, mais on devient
06:52aussi quelque chose de différent et cet exil devient une force, c'est-à-dire qu'on
06:57devient un individu qui appartient au monde et cet exil on le porte toujours, cette douleur
07:02elle est présente dans toute personne qui a quitté son pays, elle le restera toujours,
07:06mais ça peut devenir une force, ça peut devenir une force dans laquelle on devient
07:09plus ouvert, plus capable de comprendre qu'on appartient à un monde et non pas à un seul
07:14pays et qu'on a un devoir de collectivité.
07:17Donc je considère que oui, il y a toujours une douleur de partir de sa culture, de sa
07:21famille, de son domaine de sécurité, mais ça peut nous rendre plus forts aussi.
07:26Un jour vous rentrerez en Algérie diriger un grand centre scientifique ou non ?
07:32Peut-être, peut-être qu'un jour je reviendrai en Algérie, en tout cas je veux me réengager
07:36en Algérie mais aussi dans le Maghreb et de façon internationale à aussi aider à
07:40faire croître une recherche scientifique et notamment les jeunes dans nos pays.
07:45Sur la science, vous avez eu des mots très forts dans Libération cette année, la science
07:49n'est pas aimée.
07:50Elle est même maltraitée, en France comme ailleurs, les chercheurs n'ont ni la place
07:53ni la reconnaissance de leurs tâches.
07:55La science n'est pas aimée, pourquoi elle n'est pas aimée ?
08:00Je pense qu'on a oublié ce qu'était la science.
08:03La science et la recherche ont un rôle fondamental dans une société.
08:07Les chercheurs sont des gardiens, ils sont là pour répondre aux questions et les problèmes
08:11de société et trouver des problèmes.
08:13Donc ils sont une nécessité d'un système de recherche, d'un système de société,
08:18d'une démocratie.
08:19Leur rôle a été un peu oublié, c'est qu'ils sont nécessaires et fondamentaux.
08:24Oui, mais pourquoi elle dérange la science ?
08:26Parce que vous dites qu'elle dérange la science, qui elle dérange et pourquoi elle
08:29dérange à votre avis ?
08:30Je ne sais pas si elle dérange, en tout cas elle peut déranger certaines personnes mais
08:33elle est soudain oubliée.
08:35C'est plus facile de faire des coupes pour la science que de les faire pour d'autres
08:40choses.
08:41Parce que la science c'est un investissement à long terme, c'est moins concret.
08:44Mais cet écosystème de recherche dans lequel les découvertes vont se faire sont fondamentales.
08:48Peut-être qu'elle n'est pas aimée, peut-être qu'elle dérange parce que c'est aussi un
08:50élément de vérité.
08:51C'est vous qui avez dit qu'elle dérangeait.
08:53Oui, peut-être qu'en fait justement d'avoir des gens qui sont en fait capables de dire
08:56des choses telles qu'elles sont, d'avoir des chiffres, d'être des éléments de vérité,
09:00peut-être que dans un environnement qui est moins favorable à écouter des éléments
09:04concrets, on peut déranger.
09:05Mais je pense que ce devoir de la science c'est aussi un devoir de vérité, un devoir
09:09de partager des choses qui sont fondamentales, vraies, dans une société comme aujourd'hui
09:12on en a besoin.
09:13Mais Yasmine Belkaïd, quand vous voyez par exemple les antivax sur les réseaux, les
09:17covidosceptiques qui donnent de la voix, vous dites quoi ? Qu'on vit dans une époque
09:22de grande régression scientifique ?
09:25On vit dans une époque de relativisme et on vit dans une époque dans laquelle justement
09:31nous n'avons pas créé assez de respect pour la science pour qu'elle devienne un flambeau
09:35de la protection.
09:36Et d'avoir une société dans laquelle on investit moins en recherche, dans laquelle
09:39on donne moins de voix aux scientifiques, nous rend fragile par rapport à ce type de
09:43narrative.
09:44Justement sur les moyens, pour être très claire, vous avez commencé comme ça.
09:47La France consacre aujourd'hui 2,2% de son PIB à la recherche, on est bien loin derrière
09:52l'Allemagne et le Royaume-Uni.
09:53Il y a eu un effort qui a été fait en 2020 par Emmanuel Macron avec la loi de programmation
09:59qui prévoyait une augmentation de budget graduel en 2021 de 400 millions d'euros,
10:04une augmentation de 800 millions en 2022 pour arriver à une augmentation de 1,2 milliard
10:08en 2023.
10:09Il y a eu de l'argent qui a été mis sur la table mais aujourd'hui, vous le savez,
10:13la situation, le contexte budgétaire est très tendu et beaucoup de scientifiques,
10:17pour parler clairement, craignent des coupes budgétaires sur la recherche.
10:20Est-ce que vous faites partie de cela ? Est-ce que vous avez un message à passer alors que
10:24le budget arrive à l'Assemblée nationale aujourd'hui ? Est-ce que vous avez un message
10:26à passer au Premier ministre Michel Barnier en disant « pas la recherche » ?
10:30Non seulement les chiffres que vous dites sont graves, mais il y a 0,3% d'investissement
10:35en France pour la recherche fondamentale contre 1% en Allemagne.
10:39Donc je pense que de couper encore plus la recherche aujourd'hui est irresponsable.
10:43Et en fait, on va atteindre un point de non-retour en France.
10:46La recherche, c'est un système qui doit se protéger sur le long terme, c'est d'investir
10:50sur le futur.
10:51Et en fait, si on continue à couper la recherche qui a déjà été coupée au-delà de ce qui
10:54était possible, on va atteindre un point de non-retour.
10:57Un point de non-retour, ça veut dire qu'on va être déclassé complètement par rapport
11:00aux autres pays ?
11:01Absolument.
11:02Une recherche qui a créé tellement de grands chercheurs de renommée internationale, Pasteur
11:08étant un de ces noms-là, mais il y en a beaucoup et il y en a encore dans les prix
11:12Nobel, etc.
11:13Vous dites qu'on n'aura plus ça ? On ne sera plus…
11:15Mais ça, j'en suis absolument convaincue.
11:17C'est que si on continue à couper la recherche telle qu'elle est aujourd'hui, la France
11:20a décidé de ne plus être un environnement de recherche et de ne plus être à la table.
11:24Elle est en train de décrocher la France ?
11:26Oui.
11:27Carrément ?
11:28Je pense que justement ces coups qui sont graduels, qui ont été faits depuis des années
11:31et des années, sont dangereux.
11:32Et qu'il est temps, de façon extrêmement agressive, de se réveiller et de réaliser
11:36que la France a un écosystème de scientifiques et de jeunes scientifiques extraordinaires
11:41et qu'il ne faut pas abandonner cet écosystème, les solutions de demain sont entre les mains
11:45de la recherche.
11:46On va passer au Standard d'Inter où nous attend Elisabeth, bonjour, bienvenue.
11:50Oui, bonjour à tous, bonjour Elisabeth.
11:53Je voulais témoigner de mon admiration pour ce parcours de cette grande dame.
11:58C'est très émouvant de voir une femme arriver comme ça, vraiment, à part son travail.
12:03Et moi je connais l'Institut Pasteur depuis… j'ai 80 ans, depuis l'âge de 9 ans parce
12:09que ma maman était tuberculose, elle était opérée d'un poumon et j'ai une petite
12:13fille autiste et l'Institut Pasteur a enfin expliqué que c'était le cerveau qui travaillait
12:19différemment.
12:20Comme à la douleur à l'école, j'espère qu'un jour elle ira à l'Institut Pasteur
12:23où je donne régulièrement.
12:25Bravo, vraiment, bravo pour ce parcours.
12:27Vous donnez, vous donnez, c'est ça ?
12:29Oui, je donne régulièrement, oui.
12:31Et un grand merci, on l'a entendu, à l'Institut Pasteur, comment recevez-vous ces mots chaleureux
12:38Yasmine Belkaïd ?
12:39C'est très, très touchant et en fait, cet amour que beaucoup de gens ont pour l'Institut
12:45Pasteur est extrêmement touchant et c'est là où je reviens sur l'importance de cet
12:49institut.
12:50Cet institut, c'est aussi un institut qui appartient à la société et en fait, on voit
12:54au travers de ces témoignages à quel point ça répond à des questions de société,
12:57à des problèmes personnels que les gens vivent et c'est vraiment le rôle de l'Institut
13:01Pasteur.
13:02Et justement, vous lancez le Pasteur Don, l'édition 2024, c'est la 18e édition,
13:06vous dites, il nous faut de l'argent, l'argent c'est le nerf de la guerre pour trouver le
13:10moyen de guérir les maladies parce que c'est ce que vous faites vraiment à Pasteur, c'est
13:15ce qu'elle disait l'auditrice, avec des mots simples, comment vous pouvez convaincre
13:22des gens qui nous écoutent ce matin, qui n'ont pas forcément les moyens, de donner
13:25peut-être 10, 20, beaucoup plus pour ceux qui sont très riches et qui nous écoutent
13:28ce matin, à Pasteur ? Pourquoi est-ce qu'il faut donner à l'Institut Pasteur ?
13:33Alors, à l'Institut Pasteur, ce que l'on fait, c'est que l'on crée un environnement
13:37qui protège la recherche.
13:38Et en fait, justement, les donations et la philanthropie qui est en fait utilisée est
13:42un environnement qui nous permet de rester un écosystème extrêmement dynamique et
13:46puissant en recherche.
13:47Donc cet argent, où il va ? Il va aller en fait justement à aider des jeunes scientifiques
13:51notamment à faire des découvertes, il va aider à former les générations de demain
13:56et il va aider aussi à quelque chose qui est extraordinairement important, de maintenir
14:00un écosystème de risques et de rêves qui est nécessaire pour les découvertes de
14:04demain.
14:05Et en fait, ces dons qui sont donnés et qui sont vraiment très alignés justement avec
14:08les maladies, que ce soit l'autisme, les maladies neurodégénératives, les cancers,
14:12la compréhension des maladies, c'est en fait là la mission de Pasteur.
14:16Même 10 euros, si on n'a pas beaucoup, c'est important ?
14:18Absolument.
14:1910 euros, 5 euros, en fait, de faire un geste, d'être là en fait, de se dire c'est mon
14:24pays, c'est ma société, c'est mon institut, je veux en fait investir dans l'avenir.
14:28On repasse au Standard.
14:30Jacques, bonjour, bienvenue sur Inter.
14:32Merci de prendre ma question.
14:35Je vous en prie.
14:36Notre pays connaît un déficit du commerce extérieur de 56 milliards en 2023.
14:43Nous avons une recherche fondamentale, donc des chercheurs qui font des découvertes,
14:49qui font des inventions.
14:50En revanche, au niveau de la recherche appliquée, il y a un problème.
14:55Donc, quand allons-nous conditionner les aides aux entreprises à leur capacité à traduire
15:01les inventions par des biens et des services qui permettraient d'avoir un commerce extérieur
15:06positif ?
15:07Merci Jacques pour cette question.
15:09Yasmine Belkaïd, vous prenez la proposition.
15:12Alors, en fait, ce qu'il faut se rappeler, c'est que la recherche est un écosystème
15:17dans lequel ce qui devient justement la traduction de ces découvertes en médicaments vient
15:22d'un écosystème de recherche.
15:24On a vu par exemple aujourd'hui le prix Nobel sur les micro-RNA, les CRISPR, etc.
15:28Ce sont des découvertes fondamentales qui sont venues vraiment d'un écosystème de
15:31recherche non dirigée.
15:33Donc, si on appauvrit ce domaine de recherche fondamentale, cette traduction de cette recherche
15:39fondamentale, elle n'est pas forcément au niveau.
15:41Alors, peut-être qu'il faut augmenter cette translation.
15:43Et moi, mon problème, c'est que je me dis que si on n'investit pas dans le début de
15:47cette chaîne, il n'y a pas de chaîne.
15:48Il n'y a pas de médicaments ou quoi ?
15:50On va avoir de moins en moins de découvertes.
15:53Donc, si on n'investit pas dans le domaine de recherche fondamentale, qui est celui qui
15:56est nécessaire pour la découverte des médicaments, des traitements de demain, des découvertes
16:01qui vont changer le monde, on va perdre en fait.
16:03Donc, en fait, mon plaidoyer, il est effectivement d'aider ces translations, mais aussi de maintenir
16:09cet écosystème de recherche.
16:10Nicolas Austandard, bonjour.
16:14Vous êtes là, vous nous entendez, vous nous appelez de Dordogne.
16:20Allo, allo, allo.
16:23Eh ben non, on ne vous entend pas.
16:25Cette année, vous avez décidé, Yasmine Balkhaïd, de consacrer l'argent qui va être donné
16:30pour le Pasteur Don à quatre grands axes.
16:32La lutte contre les maladies liées aux changements climatiques et environnementaux, la recherche
16:38sur les cancers et sur les maladies neurologiques, la recherche sur les maladies liées au
16:42vieillissement et l'étude des infections pendant la grossesse.
16:46Sur le premier axe, les maladies liées aux changements climatiques et environnementaux,
16:51on ne sait pas encore véritablement quel est l'impact sur notre santé de ces changements
16:56climatiques.
16:57Alors, vous vous rappelez une chose, nous sommes des animaux dans un écosystème en
17:01transition. Et il faut se rappeler, en fait, que nous devenons, notre physiologie devient
17:05de plus en plus affectée par nos environnements et en particulier le type d'infection de
17:09microbes qui vient avec nous.
17:11Donc, Pasteur a vraiment une force très forte en microbiologie et en infection.
17:15Rappelez-vous, en fait, par exemple, l'invasion des moustiques cette année en France.
17:19Ces moustiques sont porteurs de virus, sont porteurs d'infections qui peuvent, en fait,
17:24nous contacter. Donc, en fait, il y a un changement environnemental dans ce qu'on
17:27reçoit, le type d'environnement, la température, mais aussi le type de microbes et
17:32d'infections que l'on vit.
17:33Donc, il faut vraiment qu'on se positionne rapidement pour répondre à ces sujets.
17:37Pour répondre à ça. Et puis, il y a autre chose dont vous parlez dans votre édito du
17:42document de l'Institut Pasteur qui est très important.
17:44Vous dites de plus en plus, on est résistant aux antibiotiques.
17:47Et un des axes de la recherche, c'est aussi de mettre de l'argent pour comprendre comment on
17:53devient moins rétifs aux antibiotiques et comment on règle ce problème là.
17:58Vous dites ça, c'est un des grands défis sanitaires, notre résistance aux antibiotiques.
18:02C'est un des défis majeurs parce qu'en fait, justement, pour avoir changé notre
18:05environnement, pour avoir pris trop d'antibiotiques, pour avoir en fait changé la
18:09façon dont fonctionne, on est en train de permettre l'émergence de microbes qui
18:12deviennent de plus en plus résistants à des traitements qui existent.
18:15Et en fait, on parle de bactéries, mais pas simplement de bactéries, de virus, mais
18:18aussi de parasites comme ceux qui sont les agents de la malaria, par exemple.
18:22Donc, on est dans une situation de crise dans laquelle on avait cru pouvoir résoudre
18:24certains problèmes et il réémerge.
18:26Pensez à un hôpital, par exemple.
18:28À un hôpital, les gens ne vont pas forcément mourir d'une opération.
18:31C'est rare. Par contre, ils peuvent mourir d'une infection acquise à l'hôpital.
18:35Et ça, c'est dû à des microbes qui sont résistants aux antibiotiques.
18:38Et on a retrouvé Nicolas Andordogne.
18:40Bonjour et bienvenue.
18:43Bonjour. On vous écoute.
18:45Alors donc, ma question est simple.
18:47Je suis cancéreux et j'ai vu un reportage sur Arte qui parlait justement
18:51d'une possibilité de traitement à base de microbes, qui s'est capable
18:55de bien cibler les tumeurs et savoir si l'anticipateur
18:59pasteur s'intéressait à ce genre de domaine, justement.
19:02Merci, Nicolas, pour cette question très précise.
19:04Yasmine Belkaïd vous répond.
19:06Alors, les microbes, rappelez-vous, nous sommes en fait ce qu'on appelle un
19:09méta-organisme, c'est-à-dire qu'en fait, on a plus de microbes en nous qu'on a
19:12de cellules. Bien entendu, les microbes font partie de notre physiologie et
19:15peuvent en fait devenir des agents qui amplifient ou éliminent certains
19:19éléments. De dire en fait que les microbes seuls traiteront les cancers,
19:22je pense que ça, c'est un petit peu naïf.
19:23Je ne sais pas. Je sais qu'il y a ce type de proposition que ça, c'est pas
19:26vrai. Par contre, le type de microbes que l'on a en conjoncture avec
19:30des traitements peuvent accélérer peut-être le développement du traitement.
19:33Donc, je pense qu'il est important de se rappeler qu'on n'est pas à un niveau
19:37de connaissance qui va nous permettre d'utiliser nos microbes dans un
19:39intestin comme cure contre le cancer.
19:41Ça n'est pas vrai. Par contre, ces microbes peuvent devenir des alliés
19:45pour amplifier les effets de traitement.
19:47Les avancées sur le cancer, puisque notre éditeur parle du cancer, elles sont
19:51considérables ces dernières années et ces derniers mois.
19:54Mais là aussi, c'est la preuve que l'argent, ça sert en fait, parce qu'il y a
19:58beaucoup d'argent qui est mis sur le cancer, sur la recherche sur le
20:02cancer, moins sur d'autres maladies.
20:05Mais clairement, les avancées sur le cancer du poumon, notamment, c'est
20:08hallucinant ce qui se passe ces dernières années.
20:10Et ça, c'est la recherche. Voilà à quoi sert l'argent.
20:12Absolument. Et alors là, le cancer est un moment en transition.
20:16Donc, ce qui s'est passé il y a quelques années, il y a des scientifiques qui se
20:18sont dit, tiens, comment est-ce qu'on est capable d'utiliser le système
20:21unitaire pour combattre les cancers ?
20:23Et c'est venu d'une recherche très fondamentale de base.
20:26Et cette recherche, qui a démontré qu'on peut utiliser notre propre système
20:29unitaire contre les cancers, est en train de changer la totalité
20:33des traitements contre les cancers. Et il y a une évolution très rapide.
20:36C'est la fameuse immunothérapie qu'on donne.
20:39C'est-à-dire que maintenant, on fait moins de chimio ou moins de
20:42radiothérapie et on tente l'immunothérapie qui a des effets
20:46incroyables, notamment sur le cancer du poumon.
20:49Et ça, c'est la recherche. Et ça, c'est la recherche fondamentale de, je me
20:53rappelle très bien de Jim Allison, quelqu'un que je connais très bien,
20:55absolument obsédé avec cette idée.
20:57Au début, les gens ne croyaient même pas en fait à ces idées.
20:59Il s'est battu, il a fait la recherche fondamentale et un jour, ça chauffe des
21:02vies. Et c'est exactement ça la recherche.
21:04La France connaît actuellement une grave épidémie de coqueluche avec plus de
21:08100 000 cas et une trentaine de décès.
21:10C'est la pire épidémie depuis plus d'un quart
21:14de siècle, pardon.
21:16Vous suivez la situation de près à l'Institut Pasteur.
21:20Comment expliquer cette résurgence ?
21:23Alors, nous suivons toutes les évolutions de pathogènes, toutes les
21:25émergences. Il faut se rappeler qu'il y a en fait des souches qui émergent
21:29dans plein de pathogènes et ça en fait partie.
21:32Donc, en fait, justement, un des rôles de Pasteur, c'est aussi de
21:35surveillance. C'est en fait de regarder le type d'évolution des microbes et
21:38comment ils changent et deviennent de plus en plus agressifs et comment ils se
21:41propagent dans la population. Donc oui, ça, c'est un rôle très important de
21:44Pasteur, de surveillance.
21:45Question de Jean-Marc de Biarritz sur l'appli.
21:47Où en sont les recherches vis-à-vis du VIH ?
21:50C'est la question. Approche-t-on d'un vaccin ?
21:53Alors, le VIH, bien entendu, il y a...
21:57C'est extraordinaire de se dire qu'en fait, on a découvert l'origine du VIH
22:00à Pasteur. Donc, c'est un travail qui est important.
22:02Il y a eu aussi ces découvertes de thérapie.
22:04Et il y a des avancées. De savoir si, en fait, on est très proche d'un vaccin,
22:08je ne pourrais pas le dire à ce stade. C'est un travail qui est encore en cours.
22:11Mais en tout cas, il y a vraiment des avancées extraordinaires au niveau du
22:14type de thérapie qui est utilisée.
22:15Et récemment, on fait des effets qui montrent qu'on puisse, en fait, éliminer
22:18le virus au travers de transplants, par exemple.
22:19Donc, il y aura peut-être d'autres approches qui permettront d'éliminer ce
22:22virus.
22:22Dernière question, Yasmine Belkaïd.
22:25Quand vous entendez notre nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno
22:28Retailleau, estimer que l'immigration n'est pas une chance pour la France.
22:33Quelle est votre réaction ?
22:36Moi, j'ai vécu une autre histoire, c'est-à-dire d'arriver aux États-Unis et
22:39se rendre compte à quel point l'immigration était une force et de l'avoir
22:43vue célébrer dans le contexte de ce que j'ai fait, c'est-à-dire la recherche.
22:47L'immigration, c'est ce qui permet justement de rendre une société beaucoup
22:50plus dynamique, qui permet d'augmenter, en fait, notre créativité, qui permet
22:54d'absorber, en fait, un écosystème de gens qui viennent et qui
22:58s'investissent dans un pays.
22:59L'immigration, c'est le dynamisme d'un pays et c'est son futur.
23:03Et ce discours, il a du mal à être entendu ces derniers temps, vous le savez
23:07partout dans la société occidentale, pas seulement en France.
23:09Comment vous l'expliquez ?
23:11Je pense qu'il est utilisé, c'est très politicisé, mais la réalité,
23:15c'est la réalité que je connais.
23:17C'est qu'en fait, plus on est divers et plus on vient de mondes différents et
23:20plus on rentre dans une société et on crée des perspectives différentes
23:23et plus on est créatif.
23:25Donc, je pense qu'il y a une narrative qui est utilisée de façon très
23:27politique, mais la réalité de l'immigration, elle est très positive.
23:31Merci Yasmine Belkaïd,
23:34directrice générale de l'Institut Pasteur.
23:38Nous parlions ce matin du 18ème Pasteur, dont je remercie également
23:41les auditeurs de France Inter qui étaient très nombreux ce matin
23:45à vouloir dialoguer avec vous.
23:47Merci encore. Il est 8h46.

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