L'Europe doit payer - Documentaire

  • il y a 10 heures
"America First." Dès son arrivée à la Maison-Blanche en 2017, Donald Trump martèle son credo sur la scène internationale. Par la brutalité de ses postures et décisions, il choque ses interlocuteurs, dont les Européens, alliés historiques des États-Unis. Le président bafoue toutes les règles diplomatiques lors des sommets. Retrait de l'accord de Paris sur le climat, mise en danger de l'Otan, institution qui traverse, selon Jeremy Hunt, le ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque, "la plus grande crise de son histoire"...

Category

Personnes
Transcription
00:00Le peuple, unifié, ne sera jamais député.
00:11Le monde est en train de nous regarder, en train de nous regarder tous aujourd'hui.
00:16Voici donc mon message à ceux qui sont au-delà de nos frontières.
00:20L'Amérique a été testée, et nous sommes devenus plus forts pour cela.
00:26Nous allons réparer nos alliances et nous engager à nouveau avec le monde.
00:45Nous, assemblés ici aujourd'hui,
00:47issuons un nouvel ordre pour qu'il soit entendu dans chaque ville,
00:51dans chaque capitale étrangère et dans chaque hall de pouvoir.
00:56On sentait une sorte de frisson parcourir la tribune du corps diplomatique qui l'écoutait.
01:04Il s'est mis à pleuvoir quand il a pris la parole.
01:08On nous avait donné des imperméables qu'on avait du mal à enfiler.
01:13George Bush s'est empêtré dans le sien.
01:30Pas un mot sur les Alliés, ni sur la Communauté des Nations partageant les mêmes valeurs.
01:39C'était un réveil brutal et ça m'a laissé presque sans voix.
01:45On s'attendait à un novice qui chercherait à se démarquer,
01:50mais on ne s'attendait pas à un perturbateur de ce genre.
01:55Il posait des limites en disant « nous voulons des alliances avec d'autres États,
02:00mais nous voulons en renégocier les conditions ».
02:09L'un des présidents les plus controversés de l'Histoire
02:13piétine les conventions chez lui comme ailleurs.
02:18Pour la première fois, les conseillers de Donald Trump et des chefs d'État
02:22révèlent comment il a bousculé l'ordre international
02:25et mené l'Amérique au seuil d'une guerre nucléaire.
02:30Les bras ne m'en sont pas tombés, sinon j'aurais fait tomber le téléphone.
02:33Mais je me suis dit « ça c'est exactement ce que je voulais faire ».
02:37Il avait trouvé cet accord stupide.
02:39L'accord sur l'Iran était un accord conclu par des stupides.
02:42Des stupides dont la France était.
02:47Dans ce premier épisode, Trump engage un bras de fer
02:50avec les alliés les plus proches de l'Amérique.
02:56Et se lie d'amitié avec de vieux adversaires.
03:00C'était probablement un coup d'état.
03:04Trump doit son accession au pouvoir à sa promesse
03:07de refondre la politique étrangère américaine.
03:12Il y a quelques années, Trump est allé à l'Assemblée nationale
03:15pour défendre l'Amérique du Nord.
03:19Il a été le premier président de l'Assemblée nationale
03:22de l'Assemblée nationale de l'Amérique du Nord.
03:26Il a été le premier président de l'Assemblée nationale
03:29de l'Amérique du Nord.
03:32Dans les jours qui suivent sa victoire,
03:35son téléphone ne cesse de sonner.
03:38Les dirigeants du monde s'inquiètent de savoir
03:41ce qu'il entend par « America first »,
03:44l'Amérique d'abord.
03:50La conversation avec Donald Trump a été assez surprenante.
03:53Il me dit que Paris est la plus belle ville du monde,
03:56qu'il est en admiration par rapport à la gastronomie,
03:59par rapport au vin, par rapport à la culture.
04:02J'ai essayé de mettre la conversation sur les sujets
04:05qui, moi, me préoccupaient.
04:08Le climat, l'Iran, la question aussi de l'économie en général.
04:11Mais il les a évacués.
04:14C'est vrai qu'il y avait de quoi être surpris, étonné, amusé.
04:17Mais en réalité, c'était de l'ordre du simulacre.
04:20Je sentais bien qu'il allait bouleverser la demande
04:23de l'Amérique du Nord.
04:26Je sentais bien qu'il allait bouleverser la donne internationale.
04:46La première à rencontrer Trump dans ses nouvelles fonctions
04:49à la Maison-Blanche est la chef d'État britannique Theresa May.
04:53Je suis dans la voiture de tête avec la première ministre
04:56et je vois le président sortir sur le perron
04:59pour venir la saluer.
05:02Alors je me dis, tiens, ça, c'est nouveau.
05:05J'ai toujours pensé que c'était un geste très engageant.
05:08Le courant ne passait pas très bien
05:11entre Donald Trump et Theresa May.
05:14Le président Trump se considère comme un leader fort
05:17dans l'Amérique du Nord.
05:20Trump se considère comme un leader fort
05:23et il aime travailler avec d'autres chefs puissants.
05:26Ça vient de son passé d'homme d'affaires.
05:29Vous savez, à New York, l'immobilier est un milieu de requin.
05:32C'est l'un des secteurs les plus agressifs
05:35et elle ne donnait pas l'image d'une personne forte.
05:38Trump s'est toujours montré critique
05:41à propos de certaines alliances historiques des États-Unis.
05:44Theresa May est là pour le convaincre
05:47et le président Trump a dit, qu'est-ce qu'on gagne avec l'OTAN ?
05:50Peut-être qu'on ne doit pas en faire partie.
05:53Les médias sont devenus fous. Donald Trump va se retirer de l'OTAN.
05:56Non, il voulait juste un meilleur deal.
05:59Il était très clair que Donald Trump était un homme d'affaires
06:02et donc elle en est venue directement au fait.
06:05Elle a dit, on ne peut pas donner l'impression
06:08qu'on va saboter une institution si importante.
06:11Elle lui a dit que l'OTAN était la pierre angulaire
06:14de la défense occidentale.
06:17Elle a dit, je compte dire dans la conférence de presse, Donald,
06:20que vous êtes à 100% derrière l'OTAN.
06:23J'espère que vous êtes d'accord pour que je le dise
06:26et que vous me soutiendrez publiquement.
06:44La relation spéciale semble forte.
06:47Sans doute un peu trop.
06:50Il lui a pris la main en traversant la colonnade.
06:53Ce qui, vous savez, nous a tous stupéfaits
06:56et a stupéfait Theresa.
06:59Mais je crois qu'elle ne pouvait pas vraiment retirer sa main.
07:02Et la première chose qu'elle a dite,
07:05c'est qu'elle ne pouvait pas retirer sa main.
07:08C'est-à-dire qu'elle ne pouvait pas retirer sa main.
07:11Et la première chose qu'elle a dite après était,
07:14je dois appeler Philippe pour l'avertir que j'étais main dans la main
07:17avec un autre homme, avant que ça arrive dans les médias.
07:23Avant que Theresa May ne puisse appeler son mari,
07:26Trump l'a conduit au déjeuner.
07:29Il a engagé une conversation avec Theresa May
07:32que même les Britanniques n'auraient pas pu prévoir.
07:35C'était notre président dans toute sa splendeur.
07:38Le flux de conscience a commencé à son investiture
07:41jusqu'à son mépris pour la presse aux États-Unis.
07:48La première ministre voulait lui parler de Poutine.
07:51Pendant sa campagne,
07:54elle l'avait entendu dire des choses très positives
07:57sur ses futures relations avec Poutine.
08:00Elle voulait lui dire ce qu'elle pensait de lui.
08:03Elle lui a demandé, avez-vous parlé avec Poutine ?
08:06Et le président a répondu non.
08:09Et là, son chef de cabinet est intervenu.
08:12Monsieur le président, en fait, Poutine vous a appelé,
08:15mais vous étiez occupé, on cherche un créneau pour le rappeler.
08:22À ce moment-là, Trump est passé d'orange à rouge.
08:25Il est sorti de ses gants.
08:28Il a rétorqué, tu me dis que Vladimir Poutine a appelé
08:31la Maison-Blanche et tu me le dis seulement maintenant,
08:34pendant ce déjeuner ?
08:39Les épaules du président se sont affaissées.
08:42Il a regardé la première ministre et il a dit, je ne peux pas le croire.
08:45Vladimir Poutine est le seul homme au monde
08:48qui peut détruire les États-Unis et je n'ai pas pris son appel.
08:52Un silence de mort s'est installé autour de la table
08:55et mes orteils se sont littéralement recroquevillés.
08:59Il a sûrement compris qu'il était allé trop loin
09:02devant la délégation britannique et la première ministre
09:05là dans les premiers jours de son mandat.
09:08Donc il a changé de sujet.
09:15Il a demandé à Theresa May quelle était sa position
09:18sur le changement climatique et alors qu'elle était en train
09:21de lui répondre qu'elle était une farouche défonceuse
09:24de la préservation du climat, sans même écouter,
09:27il la coupe et répète à son conseiller à la Sécurité nationale
09:30Mike Flynn, tu me dis que Vladimir Poutine a appelé
09:33la Maison Blanche et tu ne m'as pas prévenu.
09:36Tu ne m'as pas prévenu.
09:41Le lendemain, Trump fulmine toujours contre son équipe
09:44quand il s'entretient au téléphone avec François Hollande.
09:47Donald Trump me dit, voilà, vous êtes un président,
09:50il parlait de moi, vous êtes un président expérimenté,
09:53vous connaissez bien les États-Unis, est-ce que vous avez
09:56des conseils à me donner pour la composition de mon équipe
09:59à la Maison Blanche ?
10:02J'ai considéré que c'était peut-être une politesse,
10:05mais qu'il y avait quelque là, une forme d'extravagance,
10:08comme si moi j'aurais appelé le président Obama
10:11au moment où j'ai été élu en disant, vous connaissez bien la France,
10:14est-ce que vous pouvez me donner un nom d'un conseiller ?
10:17Donc je lui ai dit, prenez donc Henry Kissinger,
10:20il est encore très à l'aise, très fluide
10:23et très clairvoyant.
10:26Alors là, j'ai senti que c'était lui qui était un peu désarçonné
10:29parce que ça lui paraissait être une proposition assez audacieuse
10:32qu'il aurait mieux fait peut-être d'accepter en réalité.
10:35Comme son homologue britannique,
10:38Hollande s'inquiète surtout pour l'avenir de l'OTAN.
10:41Mais Trump fait la sourde oreille.
10:44Le président Trump ne m'a pas dit qu'il allait quitter l'OTAN.
10:47Ce qu'il m'a dit tenait à une phrase,
10:50nous ne voulons plus payer pour vous.
10:53L'argent des Américains doit servir aux Américains
10:56et les Européens doivent payer pour leur propre sécurité.
11:03L'OTAN a longtemps fait rempart contre l'agression russe
11:06et c'était les États-Unis qui réglaient le gros de la facture.
11:12Trump insiste, la riche Allemagne doit payer davantage.
11:15Oui, aussitôt que le téléphone avait raccroché avec Donald Trump,
11:18j'appelle Angela Merkel pour lui donner la teneur de la conversation.
11:21Elle est elle-même assez préoccupée par ce qui va se passer
11:24parce que c'est pour l'Allemagne,
11:27l'Amérique qui la protège.
11:30C'est-à-dire que l'Alliance Atlantique,
11:33ça compte pour les Allemands.
11:36Quand Trump arrive en Europe pour sa première visite officielle,
11:39il a déjà l'opinion publique contre lui.
11:46Mais les dirigeants européens veulent à tout prix éviter un clash
11:49avec l'homme le plus puissant du monde.
11:56Le président de l'Union Européenne,
11:59Emmanuel Macron,
12:02a-t-il un lien avec l'homme le plus puissant du monde ?
12:15Tout le monde était très curieux.
12:18On avait beaucoup lu sur le président Trump dans les médias,
12:21mais le président Juncker m'a dit,
12:24écoute, voyons d'abord comment il est vraiment.
12:27En politique, il faut savoir danser avec les filles qui sont au bal,
12:31Trump est épaulé par James Mathis,
12:34son secrétaire à la Défense.
12:37Le général 4 étoiles a combattu toute sa vie
12:40aux côtés des alliés européens.
12:43Il s'est tourné vers le général Mathis et lui a dit,
12:46que pensez-vous de l'Union Européenne ?
12:49Le général l'a regardé et a répondu,
12:52Monsieur le Président, l'Europe est formidable,
12:55ce sont de grands partenaires avec qui nous faisons du très bon travail.
12:58Et comme on l'a vu, dans le regard du président,
13:01une sorte de, ah, ce n'est pas tout à fait la réponse que j'attendais.
13:05Mathis est l'un de ceux qu'on appelle à Washington
13:08les adultes de l'équipe Trump.
13:11Le nouveau conseiller à la Sécurité Nationale,
13:14McMaster, en fait partie lui aussi.
13:17Beaucoup espèrent qu'ils seront capables de brider le président
13:20dans ses attitudes les plus extrêmes.
13:29Cet après-midi là, ils se retrouvent tous au siège flambant neuf de l'OTAN
13:32où Trump doit inaugurer un mémorial du 11 septembre.
13:39Je pense qu'il y avait une incompréhension
13:42ou une sous-estimation de ce que les alliés avaient sacrifié
13:45pour notre cause commune.
13:48C'était une question très importante pour les alliés
13:51et pour moi aussi.
13:54Je pense qu'il était crucial d'expliquer au président
13:57que les États-Unis gagnaient.
14:00La première fois que l'OTAN est entrée en guerre
14:03ce fut après les attentats du 11 septembre aux États-Unis.
14:06Ils ne se sont pas rendus là-bas parce qu'ils étaient attaqués
14:09mais parce qu'ils étaient des alliés, des partenaires
14:12qui partageaient des valeurs avec nous.
14:16Les dirigeants de l'OTAN s'inquiètent.
14:19Trump va-t-il confirmer son engagement pour la défense mutuelle ?
14:28Évidemment, ils ne voulaient pas renoncer à leurs subventions
14:31ni à leurs avantages.
14:34Mais le président Trump a insisté.
14:37Il visait directement ces pays et disait
14:40« Il est temps de contribuer à votre juste part. »
14:46Trump voyait les contributions à l'OTAN
14:49comme une dette de ses membres envers les États-Unis.
14:52Il ne voulait pas que les États-Unis
14:55comprennent la dette de ses membres envers les États-Unis
14:58tel un locataire qui doit payer son loyer à son propriétaire.
15:01C'était assez déstabilisant pour les membres de l'OTAN.
15:04On en arrivait même à se demander
15:07si le président soutenait toujours l'OTAN à 100%.
15:20Le lendemain, les alliés se réunissent
15:23pour le premier G7 de Trump.
15:49En tête des priorités, l'accord de Paris.
15:52C'est l'accord le plus important jamais conclu
15:55pour limiter le changement climatique.
15:58Il a été signé un an plus tôt par près de 200 pays.
16:01Pour Trump, cela signifie des restrictions
16:04inacceptables pour l'industrie de son pays.
16:07Puisque c'est l'America first, il faut en sortir.
16:14Les six autres chefs d'État lui disent
16:17« Écoutez, c'est un accord entre des centaines de pays.
16:21Cela ne peut pas être parfait avec tant d'États impliqués.
16:24Mais il faut bien commencer quelque part.
16:27Et on pourra tenter de l'améliorer. »
16:32Le premier ministre canadien Justin Trudeau
16:35lui a parlé de l'impact de la production de charbon
16:38et le président Trump a répondu « Eh bien, Justin,
16:41je ne suis pas sûr que la science ait tout à fait raison. »
16:44Et M. Trudeau a dit « Eh bien, je crois que vous écoutez trop
16:48La chancelière Merkel a dit « Donald, écoutez,
16:51c'est très sérieux. Il s'agit de l'avenir de la planète
16:54et nous avons le pouvoir, au sein du G7,
16:57avec des discussions comme celle-ci, d'en décider. »
17:00Et il a hoché la tête.
17:05Trump refuse de signer la déclaration du sommet
17:08qui réaffirme l'accord de Paris.
17:17Ce premier coup de massue asséné par Trump
17:20secoue les dirigeants européens.
17:48À Washington, ceux qu'on appelle les adultes résistent.
17:51Certains d'entre nous au gouvernement
17:54ont demandé au président de rester dans l'accord de Paris.
17:57On ne trouvait aucun inconvénient à y rester
18:00parce qu'il n'engendrait pas d'obligation légale.
18:03Donc, il n'y aurait pas de sanctions.
18:06L'idée était donc de faire partie de l'accord
18:09et de tenter de le modifier.
18:12On a essayé de faire comprendre au président
18:15que ce n'était pas ça pour l'industrie américaine.
18:18Même les entreprises de gaz et de pétrole
18:21faisaient des publicités pleines pages
18:24dans le Washington Post, le New York Times
18:27ou le Wall Street Journal en suppliant le gouvernement
18:30de rester dans l'accord de Paris.
18:33On s'est assuré que ces pubs arrivaient bien
18:36sur la pile de lecture de son bureau.
18:39Mais on n'était pas sûrs à 100% de sa décision finale.
18:45...
19:11Le président a vraiment joué sur les sentiments
19:14de quelqu'un qui n'a pas été consulté lors de ces accords.
19:17C'était donc comme un mini-Brexit pour les États-Unis.
19:20Il y avait ce sentiment parmi les Américains
19:23que cet accord leur avait fait perdre leur souveraineté
19:26au profit d'une sorte de programme progressiste
19:29qu'ils ne soutenaient pas.
19:32À qui le gouvernement américain doit-il allégeance ?
19:35Au peuple des États-Unis ou à la communauté internationale ?
19:44...
20:06Après cinq mois de mandat, l'implication de la Russie
20:09dans l'élection de Trump revient sur le devant de la scène.
20:14...
20:33Alors que l'enquête se poursuit,
20:36le président arrive au sommet annuel du G20.
20:39Pour la première fois, il va rencontrer Vladimir Poutine.
20:42...
20:48La priorité du président était d'avoir une rencontre
20:51en tête-à-tête avec Poutine.
20:54Vu sa propre personnalité, il pensait que la complicité
20:57serait vite au rendez-vous.
21:00...
21:06C'est surtout Poutine qui a parlé.
21:09...
21:20Il y avait cette question d'ingérence russe
21:23et le président était clairement gêné
21:26d'aborder ce problème frontalement.
21:29Pour lui, toute mention de ce sujet
21:32soulevait la question de sa propre légitimité présidentielle.
21:35Évidemment, Poutine niait toute ingérence
21:38et a simplement balayé tout ça d'un revers de la main.
21:41...
21:47Ce soir-là, au dîner de gala,
21:50le plan de table en surprend plus d'un.
21:53...
21:58On a su tardivement que les Allemands
22:01avaient pris une décision incroyable,
22:04asseoir la première dame à côté de Poutine.
22:07Ils auraient pu la placer
22:10à côté de n'importe qui du G20.
22:13Mais non, ils ont choisi Poutine
22:16en sachant très bien que tout le monde allait les observer.
22:19Et évidemment, le président Trump est allé parler à sa femme.
22:22...
22:25Trump discute avec Poutine pendant près d'une heure
22:28sous le regard curieux des invités.
22:31...
22:34Parmi eux, le premier ministre australien Malcolm Turnbull
22:37espère lui aussi un tête-à-tête avec Trump.
22:40...
22:43Il tente sa chance le lendemain au cours d'une pause.
22:46Donald a dit,
22:49« Malcolm, veux-tu voir mon skiff ? Il est super. »
22:52Je ne savais absolument pas ce que c'était.
22:55Je croyais qu'il parlait d'un bateau.
22:58Et au détour d'un couloir,
23:01j'ai entendu des sons en acier de la taille d'un conteneur.
23:04Et il a dit, « Il est génial, quand tu es là,
23:07personne ne peut t'entendre, même pas les Chinois.
23:10C'est ultra sécurisé. »
23:13Trump entraîne Turnbull dans son skiff ultra sécurisé.
23:16Et dans son sillon,
23:19le président français fraîchement élu, Emmanuel Macron.
23:22Turnbull est là pour discuter
23:25des taxes d'importation de l'acier.
23:28Il s'adresse qu'à un autre deal,
23:31le transfert des migrants de l'Australie vers les États-Unis.
23:34Donald s'est tourné vers Emmanuel Macron
23:37et lui a dit, « Emmanuel, tu sais que Malcolm
23:40détient 2000 des plus grands terroristes du monde
23:43sur une île déserte ? »
23:46J'ai dit, « Ce ne sont pas des terroristes, Donald. »
23:49Et il a répondu, « Si, si, ce sont les pires, les pires, Emmanuel.
23:52Et tu connais la meilleure, c'est que je dois les récupérer maintenant. »
23:55Et il s'est tourné vers Emmanuel et lui a dit,
23:58« Emmanuel, tu veux les prendre ? »
24:01Macron ne comprenait évidemment rien de ce qui se passait.
24:04Il était sans voix.
24:07Quand Macron s'en va enfin,
24:10Turnbull parvient à imposer le sujet des taxes.
24:13C'est devenu une discussion très détaillée.
24:16Il a dit, « Vous produisez quel genre d'acier ?
24:19Vous nous envoyez quel acier ? »
24:22C'est l'acier produit par Blue Scope qu'on utilise
24:25pour fabriquer un revêtement de toiture, le Colorbond.
24:28Et là, son regard s'illumine.
24:31« Colorbond, je connais, oui.
24:34Ils le vendent en doré, je m'en souviens.
24:37Je l'ai utilisé à Brooklyn. »
24:40Trump consent à une exception pour l'Australie.
24:46Macron quitte Hambourg, bien décidé à créer lui aussi
24:49une relation privilégiée avec le président américain.
24:52Cependant, son prédécesseur l'avait averti.
24:58Lorsque, selon la tradition républicaine,
25:01j'accueille Emmanuel Macron,
25:04je lui dis, « N'attends rien de Donald Trump.
25:07Ne pense pas qu'il sera possible
25:10de le contourner ou de le séduire.
25:13N'imagine pas qu'il ne va pas appliquer son programme.
25:17Macron tente le tout pour le tout.
25:25Connaissant le faible de Trump pour l'apparat,
25:28il met les bouchées doubles pour le défilé du 14 juillet.
25:34Cent ans après l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale,
25:37le président américain est son invité d'honneur.
25:41Je ne sais pas s'il le fait toujours, d'ailleurs,
25:44mais c'est vrai qu'au début,
25:47affirmait, comme je le disais, son autorité d'alphamal
25:50en démontant l'épaule de son interlocuteur.
25:56Et Macron a répondu en autre alphamal.
25:59C'était quand même un moment
26:02d'étonnement.
26:06Et Macron a répondu en autre alphamal.
26:09C'était quasiment une scène primitive de la jungle.
26:12C'était deux alphamals qui se rencontraient
26:15et qui se reconnaissaient.
26:20Trump vient du milieu de l'immobilier new-yorkais,
26:23qui est un milieu de tueurs.
26:26Il avait dit justement à Macron,
26:29Macron n'avait pas répondu.
26:33Trump n'a que faire
26:36des efforts de séduction de Macron.
26:39Son regard est ailleurs.
26:42Le président a adoré le défilé.
26:47Quoi de plus séduisant qu'une fanfare à cheval ?
26:56De retour sur Air Force One, il m'a dit
26:59pourquoi on n'a pas des parades comme ça ?
27:02Il faut en parler avec le département de la défense.
27:05Je l'ai passé volontiers au secrétaire Mattis.
27:12À Washington, le secrétaire à la défense
27:15redoute que la politique de l'America First
27:18mette en danger les États-Unis et ses partenaires.
27:23Le secrétaire Mattis m'a invité au Pentagone
27:26pour déjeuner.
27:29On a discuté de la nécessité
27:32de faire une présentation.
27:35L'inquiétude grandissait.
27:38Le président des États-Unis, Donald Trump,
27:41laissait tomber beaucoup de nos alliés et partenaires dans le monde.
27:44Et donc Mattis s'est dit que la meilleure façon
27:47de faire entendre raison à Trump était de lui faire une présentation.
27:50Mattis veut faire venir le président au Pentagone.
27:53La réunion aura lieu dans son sanctuaire,
27:56une salle surnommée le Tank.
27:59Le général Mattis a dit
28:02le président n'est jamais venu au Pentagone.
28:05J'avais déroulé le tapis rouge, littéralement.
28:08Et j'ai dit, c'est super.
28:15Churchill l'a bien résumé.
28:18Une seule chose est pire que se battre aux côtés des alliés,
28:21en d'autres termes, on a besoin des alliés.
28:24Et l'histoire le confirme, les nations qui ont des alliés prospèrent,
28:27celles qui n'en ont pas périclitent.
28:33Le président est arrivé quelques minutes en retard.
28:36Il est entré dans la salle,
28:39s'est installé rapidement,
28:42et son langage corporel paraissait déjà négatif.
28:45Il avait l'air un peu contrarié.
28:48Il disait...
28:51On avait tous des choses très précises à dire
28:54sur la puissance militaire,
28:57sur la puissance des renseignements, de la sécurité
29:00et sur la puissance économique.
29:03Mattis se tourne vers Trump en disant
29:06Monsieur le président, si vous avez tant d'hommes et de femmes déployés dans le monde,
29:09ce n'est pas uniquement pour la sécurité nationale,
29:12c'est aussi pour des raisons économiques.
29:15Le président rétorque simplement
29:18Mon Dieu, regardez tout l'argent qu'on dépense pour les autres.
29:21Qu'est-ce que l'Amérique gagne en retour ?
29:24On obtenait un excellent retour sur investissement
29:27d'un point de vue du renseignement économique et militaire.
29:34Mais le président était loin d'en être convaincu.
29:37Il croise les bras, se renfrogne
29:40et commence à sauter d'un sujet à l'autre
29:43comme un écureuil pris dans la circulation.
29:46Il se tourne vers le secrétaire Mattis et dit
29:49Mon Dieu, avez-vous vu ma poignée de main avec Macron ?
29:52Il ne voulait pas lâcher, ça a duré une éternité.
29:55Il a dit à Mattis que pour le 4 juillet, comme pour le Memorial Day,
29:58il voulait que des chars défilent sur l'avenue Pennsylvania.
30:01Il voulait une parade aérienne.
30:04Depuis la salle de contrôle, je commençais à me sentir mal.
30:07D'habitude, on voit ce type de parade dans les régimes autoritaires
30:11comme la Chine, la Russie ou la Corée du Nord.
30:14Je vois sur les écrans que dans la pièce,
30:17tout le monde est consterné par la direction que ça prend.
30:23À la fin de la réunion, on pensait tous
30:26qu'on avait préparé une présentation très convaincante.
30:31Finalement, on est tous sortis de là frustrés
30:34de ne pas s'être fait entendre.
30:41Les mois suivants, le climat se refroidit encore
30:44entre le président et les adultes.
30:47Et bientôt, leur rang se vide.
30:57En mars 2018, la loyauté de Trump envers ses alliés
31:00est mise à rude épreuve.
31:05Le président de la République,
31:08Sergei Skripal,
31:14Au début du mois, l'ancien espion russe Sergei Skripal
31:17est empoisonné au gaz neurotoxique
31:20dans la ville anglaise de Salisbury.
31:23Très vite, les services de renseignement soupçonnent
31:26une tentative d'assassinat orchestrée par des proches de Poutine.
31:31C'était une attaque monstrueuse.
31:34Ils ont quand même utilisé un neurotoxique interdit
31:37et mis en danger des centaines, voire peut-être des milliers de Britanniques.
31:40On a tout de suite pris ça très au sérieux
31:43et on en a informé le président.
31:46Le président était quelque peu sceptique quant à l'affaire.
31:49Pour lui, c'était espion contre espion.
31:53La première ministre annonce
31:56que son pays va expulser 23 diplomates russes
31:59soupçonnés d'espionnage.
32:02Elle espère que Trump fera de même.
32:05L'appel était un peu tendu au début.
32:08Le président répétait sans cesse
32:11« Vous êtes certains ? Certains 100% ? »
32:14« Vous êtes sûrs ? Certains 100% ? »
32:17« Vous êtes sûrs ? Certains 100% ? »
32:20Et Theresa May a été très ferme et a dit au président
32:23« On est sûrs à 100% ».
32:26La première ministre disait
32:29« Sur un sujet aussi grave,
32:32votre rôle de leader sur la scène internationale est crucial. »
32:35Si les États-Unis ont une réaction forte,
32:38le reste du monde suivra.
32:41Mais si vous ne faites rien,
32:44Poutine prendra ça comme un permis
32:47de penser ce genre de choses ailleurs à d'autres moments.
32:53Le président a dit « Bien entendu ».
32:56Même s'il était encore sceptique au vu de ces informations,
32:59il n'avait pas vraiment d'autre choix
33:02que de soutenir l'allié le plus proche des États-Unis.
33:05Trump accepte d'expulser 60 Russes.
33:08Il s'attend à ce que les Européens suivent son exemple.
33:11Quand les alliés de la Grande-Bretagne font leur annonce,
33:14la France, comme l'Allemagne,
33:17n'en expulse finalement que 4.
33:20C'était accablant,
33:23très décevant.
33:26Je vivais mes derniers jours à la Maison-Blanche
33:29et j'étais soulagé de faire pour la dernière fois
33:32les frais de la colère présidentielle.
33:39Avant de partir au sommet du G7 au Canada,
33:42Trump défie publiquement les alliés,
33:45déclarant qu'il faut se rapprocher de Poutine.
34:00Le G8 est devenu G7 4 ans plus tôt,
34:03quand la Russie est exclue pour avoir envahi l'Ukraine.
34:06La proposition de Trump choque les alliés.
34:13Le président américain et le reste du groupe
34:16ne sont pas d'accord sur le traité sur le changement climatique
34:19et sur le traité sur les nucléaires d'Iran.
34:22Ce qui m'inquiète le plus, c'est le fait
34:25que l'ordre international basé sur les règles
34:28est en train d'être déçue.
34:31Pas surprenantement,
34:34pas par les alliés,
34:37mais par la France.
34:41La première soirée du sommet
34:44est exceptionnellement tendue.
34:47Mon premier ministre a dit
34:50« Theresa, vous êtes la dernière à avoir eu affaire à la Russie.
34:53Voulez-vous dire un mot à ce sujet ? »
34:56Et Theresa May en a parlé.
34:59Trump a dit
35:02« La Russie n'est pas un pays important.
35:05La Russie n'est pas un pays important.
35:08Je ne vois pas pourquoi M. Poutine ne devrait pas être là
35:11et quand nous accueillerons le G7, nous l'inviterons. »
35:14La chancelière Merkel a dit
35:17« Ce n'est pas une bonne idée.
35:20Je le connais, j'ai parlé avec lui.
35:23Il ne partage pas notre vision.
35:26Il n'a pas sa place ici. »
35:29Ce à quoi Trump a simplement répondu
35:32« Bon, on verra, Angela. »
35:35Les gens assistent à un concert au clair de lune.
35:38Leurs conseillers bataillent pour se mettre d'accord
35:41sur le communiqué final du G7.
35:53« Je suis assis dans un recoin sombre de l'hôtel
35:56et je lis le communiqué et il ne me plaît pas.
35:59Je n'aimais pas ce qui était dit sur le commerce,
36:02sur la gestion du réchauffement climatique.
36:05Ça me posait beaucoup de problèmes
36:08et j'ai réalisé que le président n'accepterait jamais. »
36:11Des divergences persistent.
36:14Les chefs d'État s'éclipsent du concert.
36:20« La chancelière Merkel a demandé quel est le problème
36:23et j'ai répondu « Eh bien, beaucoup de choses
36:26ne correspondent pas à la politique du président Trump.
36:29On ne voulait pas que cela soit écrit dans ce document
36:32qu'on ne validerait pas de toute façon.
36:35Pour être honnête, on préférait qu'il n'y ait carrément pas de texte. »
36:38Les Européens, voilà une belle opportunité
36:41de faire front contre le président
36:44et le forcer à accepter un langage
36:47qu'ils pourront ensuite utiliser contre les États-Unis.
36:50Le désaccord porte sur un mot.
36:53L'ordre international est-il fondé sur les règles
36:56Dans l'introduction de chaque communiqué
36:59du G7, on parle de notre engagement
37:02pour le système international fondé sur les règles.
37:05John Bolton a suggéré qu'on dise
37:08« le système fondé sur des règles »
37:11plutôt que « le système international fondé sur les règles ».
37:14Et bien sûr, ça n'a plus rien à voir
37:17parce que ce ne sont pas n'importe quelles règles.
37:20Ce sont des règles auxquelles on adhère tous,
37:23et c'est un commerce qui profite à tous.
37:28Ma réaction a été de dire
37:31« Regardez, chers Américains,
37:34ce sont des règles que vous avez établies en 1945.
37:37On était à vos côtés.
37:40Ce sont celles qui régulent nos relations depuis des décennies.
37:43Pourquoi les remettre en cause aujourd'hui,
37:46simplement parce qu'elles ne servent pas
37:49à vos intérêts du moment ? »
37:52Et croyez-moi, ça ne changerait rien à la face du monde.
37:55Les dirigeants vont se coucher.
37:58Leurs équipes négocient toute la nuit.
38:01Au matin, le compromis n'est toujours pas trouvé.
38:07Un petit déjeuner a été organisé sur le thème
38:10de l'égalité des sexes, et le président Trump est arrivé
38:13avec 20 minutes de retard.
38:16Je peux vous assurer que ça n'a pas beaucoup amusé
38:19les gens autour de la table.
38:25Comme les désaccords n'étaient toujours pas résolus
38:28et que le sommet touchait à sa fin,
38:31j'avais peur qu'il soit tenté de faire pression pour qu'on lâche.
38:34J'avais donc prévu de partir plus tôt que ce qu'avait prévu Trump,
38:37de le faire sortir de la pièce,
38:40de le mettre dans sa limousine
38:43et le conduire à nos hélicoptères pour quitter le sommet.
38:46Je ne sais pour quelle raison, les Européens ont dû anticiper mon plan
38:49et nous ont retenus dans un coin de la salle.
38:52Tous les chefs d'État se tenaient debout
38:55autour du président Trump, assis, les bras croisés,
38:58et ils discutaient du communiqué.
39:01Mon chef, le président Juncker, n'était pas debout
39:04penché sur le président Trump.
39:07Il était assis 10 mètres plus loin, et le président Trump a crié
39:10« Où est Jean-Claude ? »
39:13Le président Juncker a crié en retour
39:16« Je suis la Donald, mais je ne participe pas à cette mascarade ».
39:19Le président Trump a dit « Bon, je m'en vais
39:22et je crois qu'il reste des choses à régler ».
39:25Et certains d'entre nous ont dit « Eh bien, il y a la mention de l'ordre international
39:28fondé sur les règles ».
39:31Une solution est trouvée in extremis.
39:34L'introduction du communiqué utilisera des règles,
39:37comme le veulent les Américains,
39:40et le reste emploiera les règles.
39:43Le président Trump a directement enchaîné
39:46« Je suis d'accord, ça m'est égal ».
39:49J'ai fait un signe à mon premier ministre en guise de « C'est bon ».
39:52Trump pouvait alors partir et dire « Ok, c'est fait ».
39:55Après ces négociations très agitées
39:58sur la déclaration, tous les dirigeants
40:01se sont installés à une terrasse pour prendre l'air
40:04et boire un verre d'eau.
40:07Les Américains avaient vraiment l'air secoués par ce qui venait de se passer.
40:13Les hélicoptères de Trump ont quitté Charlevoix.
40:21Toute l'assemblée tremblait.
40:24Les membres étaient assis là, aussi bien secoués moralement que physiquement.
40:27C'est à ce moment-là qu'on s'est tous rendu compte
40:30qu'on avait été témoins d'un tournant dans les relations internationales.
40:34Les États-Unis d'Amérique ne sont plus disposés
40:37à être le garant de l'ordre international fondé sur les règles.
40:40Le monde a changé et il sera en grand danger
40:43si on ne reste pas unis.
40:48Bonjour à tous.
41:04Dans l'avion, Trump a regardé la conférence de presse
41:07du premier ministre canadien dans laquelle
41:10il a eu l'impression que Trudeau médisait de lui.
41:17Bolton a fait remarquer que ça donnait
41:20une très mauvaise image du président des États-Unis,
41:23que les membres du G7, ses soi-disant alliés,
41:26lui tirent dessus.
41:29Quel genre de message ça envoyait à la Corée et à la Chine ?
41:33Et au reste du monde ?
41:36Rien de tout ça n'était nécessaire.
41:39Si les Européens n'avaient pas été si insistants dans leurs demandes,
41:42il n'y aurait pas eu d'explosion.
41:45À bord d'Air Force One,
41:48Trump tweet qu'il retire sa signature de la déclaration.
41:51C'est la première fois
41:54qu'un pays ne signe pas une déclaration du G7.
41:57Les adeptes de l'America First se réjouissent.
42:04La mèche est allumée
42:07pour un affrontement explosif avec les Européens.
42:33La réunion annuelle
42:36des dirigeants de l'OTAN
42:39n'est que la preuve
42:42de l'indépendance des États-Unis.
42:45La réunion annuelle
42:48des dirigeants de l'OTAN
42:51n'est que la preuve
42:54de l'indépendance des États-Unis.
42:57La réunion annuelle
43:00des dirigeants de l'OTAN
43:03n'est que la première des trois étapes de son voyage.
43:06Il doit s'achever avec le premier sommet
43:09entre Trump et Poutine.
43:13Avant que Trump ne puisse parler affaire,
43:16il doit assister à un show spécialement conçu
43:19pour les chefs d'État.
43:43Lorsque le président rencontre
43:46le secrétaire général de l'OTAN,
43:49il n'est pas d'humeur aux courbettes.
44:12En voyant les visages et le langage corporel
44:15de la délégation américaine,
44:18on comprend que les mots du président Trump
44:21les surprennent tout autant que nous
44:24dans la salle de contrôle.
44:27Le général Kelly, chef de cabinet de la Maison Blanche,
44:30semble tout à coup pris de passion
44:33pour les drapeaux sur le côté.
44:36L'ambassadrice de l'OTAN,
44:39Marie-Claude Trudeau,
44:42s'est étonnée.
44:46C'était une surprise, c'est certain.
44:49J'avais entendu tous les présidents
44:52avec qui j'ai travaillé
44:55dire que les Européens doivent dépenser plus
44:58pour leur propre sécurité.
45:01Je crois qu'on a tous été surpris
45:04que ce soit si frontal.
45:07Trump attend le dernier jour du sommet
45:10pour son ultime coup de poker.
45:15J'étais sur la route entre mon hôtel
45:18et la résidence de notre ambassadeur en Belgique
45:21où séjournait le président.
45:24Il m'a appelé sur le téléphone de la voiture
45:27et il m'a dit « T'es prêt à entendre quelque chose d'énorme ? »
45:30Je crois qu'on doit se retirer de l'OTAN ce matin.
45:33Et comme par hasard, l'appel a été coupé.
45:36Et j'ai tout de suite tenté de joindre Mike Pompeo,
45:39Jim Mattis, le secrétaire à la Défense,
45:42et John Kelly pour leur dire « Tout le monde sur le pont,
45:45je crois que cette fois-ci, c'est sérieux ».
45:48Mattis était introuvable.
45:51Il prenait en fait le petit déjeuner avec les Canadiens.
45:54Je me disais qu'il avait peut-être déserté
45:57et que c'était trop pour lui.
46:01Les chefs d'État prennent place.
46:04Le président Hollande a traité de l'élargissement de l'Alliance.
46:09Avant que la réunion ait vraiment débuté,
46:12il m'a appelé à la table et m'a dit à voix basse
46:15« Doit-on franchir la ligne ? »
46:18Et j'ai dit « Non, moi j'irai jusqu'à la ligne, mais je ne la franchirai pas. »
46:21Et j'ai tenté d'expliquer pourquoi je trouvais qu'on ne devait pas se retirer de l'OTAN.
46:24Il a acquiescé et je suis retourné à ma place.
46:27Je ne savais pas ce qu'il allait faire, si je l'avais convaincu ou pas.
46:31La NATO concerne l'Europe et l'Amérique du Nord qui travaillent ensemble.
46:37Je vivais mes premiers jours en tant que secrétaire aux Affaires étrangères
46:40et j'imaginais que ce serait un sommet assez tranquille.
46:47En fait, il s'est avéré que ce sommet
46:50était probablement le plus grand péril que l'OTAN ait jamais connu.
46:54Le président a directement pris la parole.
46:59Il les a attaqués les uns après les autres
47:02en pointant du doigt leur manquement.
47:05Et c'était très tendu.
47:09Trump a mis Angela Merkel au pied du mur.
47:14Il était d'une humeur massacrante.
47:17Il a passé un sacré savon à l'Allemagne
47:20Il a dit, on est là pour vous défendre
47:23et malgré une balance commerciale largement déficitaire
47:26on assure votre protection et vous ne payez pas assez pour ça.
47:31C'était basé sur le fait que l'Allemagne, en proportion de son PIB
47:34était loin de dépenser autant que les Etats-Unis pour la défense.
47:37De plus, elle construisait un gazoduc vers la Russie
47:40qui rendrait la Russie très riche.
47:43Et enfin, son excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis.
47:46L'addition de ces trois points ont fait exploser Trump.
47:50Trump traite les membres de l'OTAN de mauvais payeurs
47:53qui ne doivent leur liberté qu'aux Etats-Unis.
47:56Et il annonce que l'Amérique jettera l'éponge
47:59s'il ne règle pas leurs factures.
48:04Il a rajouté à son attaque contre l'Allemagne
48:07une attaque très violente
48:10avec des menaces sur l'avenir global de l'OTAN.
48:13Personne ne pouvait imaginer que les Etats-Unis
48:16qu'on considérait comme le chef de file du monde libre
48:19remettraient en question cet engagement si fondamental.
48:26Merkel était très calme.
48:29Quand ça a été son tour de parler,
48:32elle a juste dit très doucement
48:35« Personne n'a à me parler de liberté. »
48:38J'ai grandi en Allemagne de l'Est sous le régime soviétique.
48:41Je sais ce qu'est la privation de liberté.
48:44On ne pouvait pas avoir de plus grand contraste
48:47dans les personnalités entre le tumultueux
48:50et dissolu président Trump
48:53et la calme et tranquille Angela Merkel.
48:59Tentant à tout prix de raisonner le président américain,
49:02les Alliés insistent.
49:05Depuis son élection, ils ont déjà dépensé des milliards
49:08pour leur défense commune.
49:14Conformément aux attentes du président,
49:17on a décidé de lister les dépenses des membres de l'OTAN.
49:20Et c'est devenu évident.
49:23L'Allemagne dépensait déjà davantage pour la défense,
49:26tout comme c'est le cas de bien d'autres pays.
49:29Le président a donc décidé
49:32de donner une conférence de presse.
49:35C'était un sujet bien réel,
49:38mais c'était aussi avoir à gérer
49:41cette personnalité très singulière.
49:45Très franchement,
49:48il a mis son pied sur la ligne
49:51sans véritablement la franchir.
49:54C'était par définition
49:57un dénouement typique de Trump
50:00quand il a affirmé qu'il soutenait l'OTAN à 1000%.
50:03Il s'est plaqué,
50:06il s'est mis sur la ligne,
50:09il s'est mis sur la ligne,
50:12il s'est mis sur la ligne,
50:15mais sans jamais la dépasser.
50:18Je me souviendrai toujours du secrétaire Mattis.
50:21Il était très énervé,
50:24encore plus en colère que jamais.
50:27Pour lui, le président avait non seulement remis en question
50:30la force de la coalition,
50:33mais il avait surtout mis en cause l'engagement des États-Unis
50:36à soutenir ses alliés et partenaires.
50:39Ce soir-là,
50:42Theresa May accueille Donald Trump
50:45pour sa première visite d'État en Grande-Bretagne.
50:48C'est l'occasion pour elle
50:51d'accueillir le président de la République,
50:54le président de la République,
50:57le président de la République,
51:00le président de la République,
51:03le président de la République,
51:06pour sa première visite d'État en Grande-Bretagne.
51:21Quelqu'un avait noté très intelligemment
51:24que Trump était un grand fan de Churchill,
51:27et donc on l'a invité à dîner au palais de Blenheim.
51:30C'était absolument sublime.
51:36J'ai fait une interview sur Fox News
51:39où j'ai soutenu l'appel du président
51:42à une plus grande contribution européenne pour la défense.
51:45Il est venu vers moi directement, m'a serré la main et m'a dit
51:48« super interview sur Fox News ».
51:51Il a dit à son équipe « je ne sais pas qui est ce gars,
51:54mais il fait un super boulot ».
51:57Et c'était ma première leçon en tant que diplomate.
52:00Si vous voulez vous faire remarquer par le président Trump,
52:04La visite a lieu quelques mois à peine
52:07après l'empoisonnement de Salisbury.
52:10Après les formalités d'usage,
52:13les Britanniques abordent la future rencontre
52:16entre Trump et Poutine.
52:19On était très inquiets,
52:22parce que Trump est un président
52:25qui aime avoir affaire à des hommes forts
52:28et qui n'est pas très attiré par les alliances traditionnelles.
52:31Il n'allait pas conclure un accord impulsif avec Poutine,
52:34alors on a essayé de renforcer sa détermination.
52:40On a expliqué en quoi Salisbury
52:43constituait un tel affront, non seulement pour le Royaume-Uni,
52:46mais pour tout l'Occident et la communauté internationale.
52:49Le fait que les Russes puissent se comporter ainsi.
52:52Mon homologue a dit
52:55« c'était une attaque chimique contre une puissance nucléaire »
52:59Trump a regardé Theresa May en s'étonnant
53:02« la Grande-Bretagne est une puissance nucléaire »
53:05Les Britanniques ont serré les dents,
53:08mais leurs yeux étaient comme des soucoupes.
53:16Trump passe le week-end dans son club de golf en Écosse.
53:19Son équipe veut en profiter pour le briefer
53:22avant sa rencontre avec Poutine.
53:25Cette fois, ils seront seuls avec leurs interprètes.
53:33On avait tous beaucoup de mal à faire asseoir le président
53:36pour le briefer.
53:42Nos briefings n'étaient pas du tout suffisants.
53:46Mais il voulait à tout prix une rencontre avec Poutine
53:49parce qu'il voulait montrer qu'il se moquait des débats
53:52à Washington sur sa collision avec la Russie.
54:07Le sommet avec Poutine aura lieu en terrain neutre
54:10au palais présidentiel d'Helsinki en Finlande.
54:18Ici même, presque 30 ans plus tôt,
54:21une rencontre entre George Bush pair et Mikhail Gorbatchev
54:24a contribué à la fin de la guerre froide.
54:35Trump et Poutine entament une réunion
54:38qui pourrait redéfinir les relations entre les États-Unis
54:41et la Russie.
54:51Les deux hommes discutent seul à seul pendant plus de deux heures.
54:57J'avais peur que Trump cède sur un sujet très sérieux et complexe
55:00qu'il ne maîtrisait pas complètement.
55:05Après leur rencontre, Bolton a dû prendre à part le président
55:08pour tenter de savoir ce qui s'était vraiment passé.
55:12Trump m'a dit, c'est surtout Poutine qui a parlé,
55:15moi j'ai surtout écouté, et je me suis dit, tant mieux.
55:22On arrive au déjeuner et le président dit,
55:25Vladimir, et si vous racontiez à mon équipe
55:28ce dont vous m'avez parlé ?
55:32Trump a abordé la question de l'ingérence russe
55:35dans les élections américaines et en fait,
55:38on a appris de Poutine lui-même que c'était Trump
55:41qui en avait parlé en premier.
55:44C'était important que ce soit le président américain
55:47qui en ait d'abord parlé.
55:50Poutine était très claire, l'État russe n'était impliqué
55:53dans aucune ingérence.
55:57Et ça a vraiment attiré mon attention qu'il dise
56:00« l'État russe », parce qu'il n'était pas en train
56:03de nier le fait que des Russes, des individus
56:06ou des entités russes aient été impliqués dans une sorte
56:09d'ingérence ou de tentative d'influence.
56:12Il disait seulement que l'État russe n'avait pas été impliqué.
56:16Avant que Trump ne reparte sain et sauf,
56:19il doit encore affronter la conférence de presse.
56:26Le président a fait son introduction,
56:29puis se fut autour de Poutine,
56:32et ça semblait tout à fait correct.
56:35Ensuite, ils sont passés aux questions.
56:41J'étais assis dans le public et je me disais
56:44que les questions les plus dangereuses ont été abordées.
57:02Je savais que ça mettrait tout de suite le président sur la défensive
57:05parce qu'on lui posait cette question.
57:08Monsieur le président, allez-vous reconnaître, oui ou non,
57:11que Vladimir Poutine vous a élu président des États-Unis ?
57:29C'était un désastre.
57:32Ma première pensée a été de me dire
57:35comment je peux arrêter ça.
57:38J'ai donc envisagé de simuler une urgence médicale
57:41et de me jeter sur les journalistes en poussant un cri de mort.
57:47On ne savait pas quoi dire.
57:50Mais il était évident qu'à la fin de la conférence de presse,
57:53quand on s'est tous les deux assis sur nos chaises alors que la salle se vidait,
57:56qu'une grosse tempête se préparait.
57:59Et en effet, elle est très vite arrivée.
58:09Il y a une très puissante déclaration de M. John McCain.
58:12Il dit que la conférence de presse d'aujourd'hui marque un récent point bas
58:15dans l'histoire de la présidence américaine.
58:18Qu'est-ce que vous pensez que Poutine a gagné de cette conférence ?
58:21Il sait qu'il a gagné beaucoup. Je dirais qu'il a un caviar en ce moment.
58:24Au lieu de se battre pour notre démocratie et nos principes démocratiques,
58:27le président Trump a gâché en présence de Poutine.
58:30Ce sera la dernière fois que vous aurez un leader étranger
58:33rencontrer le président des États-Unis en privilège.
58:38Le lendemain, Trump revient sur ses propos.
58:42Il annonce qu'il s'est mal exprimé.
58:46Mais le mal est fait.
58:55Dans le prochain épisode, Trump s'attaque au Moyen-Orient
58:58et conduit l'Amérique au seuil de la guerre.
59:02Le président Trump a tout bonnement sous-traité sa politique
59:05envers l'Iran à des fêtes en guerre.
59:09Si ça lui avait explosé au visage,
59:12s'il y avait eu des victimes civiles,
59:15le monde entier le regardait.

Recommandations