AFFAIRE GRÉGORY - Philippe Astruc est l'invité d'Amandine Bégot

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Sauron-nous un jour qui a tué le petit Grégory ? L'instruction est toujours en cours près de 40 ans après sa disparition, le 16 octobre 1984. Philippe Astruc, nouveau procureur général à la Cour d'appel de Dijon en charge du dossier de l'affaire Grégory, est l'invité d'Amandine Bégot
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 15 octobre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, 40 ans après la disparition du petit Grégory, il est plus déterminé que jamais à trouver la vérité.
00:11Amandine, vous recevez ce matin Philippe Astruc, nouveau procureur près de la Cour d'Appel de Dijon, en charge donc de cette affaire.
00:17Grégory, bonjour et bienvenue à vous.
00:18Bonjour Philippe Astruc.
00:19Bonjour madame.
00:20Vous êtes le nouveau procureur général de la Cour d'Appel de Dijon.
00:23Vous avez pris vos fonctions au mois de septembre dernier, il y a donc quelques semaines seulement.
00:27Et en arrivant, l'une de vos priorités, ça a été de prendre connaissance du dossier du petit Grégory. Pourquoi ?
00:33Parce que voilà, c'est évidemment un dossier emblématique que tout le monde connaît.
00:37Et il est de mon devoir, bien sûr, de me plonger rapidement, le connaître de manière extrêmement précise,
00:43pour pouvoir accompagner le cheminement judiciaire qui dure maintenant depuis 40 ans.
00:46Vous avez rencontré ses parents, les épouvillements. Dans quel état d'esprit sont-ils 40 ans après la disparition de leurs parents ?
00:52Oui, j'ai souhaité les rencontrer parce que ça me paraît important.
00:54Évidemment, il y a 17 765 pièces de procédure dont il faut que je prenne connaissance.
00:59Mais au-delà des procès verbaux, il y a quand même une dimension humaine.
01:02Et comme je le fais habituellement, j'aime bien rencontrer les victimes.
01:05Ce sont des victimes, classiquement, qui attendent une justice depuis 40 ans.
01:09Ils le font aujourd'hui avec sérénité, je crois, et confiance dans le procès judiciaire.
01:13Ils attendent justice, ça veut dire qu'ils espèrent vraiment un jour connaître la vérité ?
01:16Oui, je le crois, comme n'importe quelle victime.
01:18Quand on a perdu dramatiquement un enfant de 4 ans, je pense que toute sa vie, on reste marqué et toute sa vie, on attend justice.
01:25Et puis, je ne perds pas de vue qu'il y a ce petit garçon qui lui aussi attend justice.
01:28C'est ce qu'ils vous ont dit, on attend, on y croit ?
01:30Non, c'est ce que j'ai ressenti.
01:32Eux, ils font confiance au procès judiciaire, ils sont acteurs de ce procès judiciaire en faisant régulièrement des demandes d'actes.
01:40Et les investigations avancent et ils les suivent avec beaucoup d'attention, en effet.
01:43Et vous, Philippe Astruc, vous y croyez ? Vous pensez qu'un jour, on saura ?
01:47Moi, ce que je crois, c'est que la justice, s'agissant de faits très graves, et ce sont des faits très graves, se doit d'être opiniâtre.
01:53Moi, j'ai en tête, par exemple, que l'attentat de la rue des Rosiers, en 82, a vu son débouché judiciaire il y a quelques années.
02:00Donc, il ne faut pas se décourager, il faut travailler avec abnégation, avec sérénité et faire tout ce qu'on peut, tout ce qu'on doit faire,
02:11pour essayer de cheminer sur la manifestation de la vérité. C'est là notre devoir.
02:14Mais ça veut dire qu'un jour, on peut espérer un procès dans cette affaire ?
02:16Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je sais qu'il faut travailler à la manifestation de la vérité, continuer classiquement à enquêter,
02:24et cela est fait, et continuer aussi à utiliser les progrès de la science pour analyser les ADN,
02:31essayer d'analyser avec les techniques les plus récentes, la voix du corbeau, les écrits, etc.
02:39Mais ce que je souhaite dire, c'est que ce n'est pas une seule analyse scientifique qui va trancher le nœud gordien de cette affaire.
02:46S'il y a des résultats d'une expertise, ça doit être confronté, comme dans n'importe quelle affaire criminelle, à l'ensemble.
02:53C'est des pièces de puzzle qu'il faut assembler. Au moins de mars dernier, la justice avait ordonné de nouvelles expertises,
02:58notamment des comparaisons ADN, des comparaisons vocales aussi entre la voix du corbeau et celle de plusieurs protagonistes.
03:04Est-ce qu'on a les résultats de ces analyses ?
03:06Je ne vous ferai aucun commentaire. Je ne suis pas là pour qu'on l'instruise à livre ouvert.
03:11Mais vous avez des résultats ?
03:12Je ne ferai pas un feuilleton avec chaque élément qui rentre dans cette procédure.
03:16Il entre régulièrement. Ce que je peux vous dire, c'est qu'aujourd'hui nous avons 9 ADN,
03:20et aussi quelques mélanges d'ADN qui restent encore à identifier.
03:25Il y a eu 410 personnes qui ont été confrontées à ces ADN. Il y avait 244 personnes qui étaient proches de l'enquête.
03:35Vous ne voyez pas qu'il faut continuer.
03:38Cela veut dire que dans les 9 ADN trouvés, aucun n'a matché avec les 400 et quelques qui ont été...
03:42Exactement. Ce qui ne signifie pas qu'il y a forcément, je dirais, dans les 9 non identifiés, le ou les auteurs des faits.
03:49Si un nom peut sortir, à ce moment-là, il faut confronter à l'emploi du temps de cette personne, qu'est-ce qu'elle faisait au moment des faits, etc.
03:57Pour être clair, si on arrive à savoir à qui appartient l'un des ADN qui a été retrouvé, ce n'est pas pour ça qu'on tient le meurtrier ?
04:04Non, voilà. Je pense qu'il faut raisonner dans une affaire exceptionnelle, et c'est une affaire exceptionnelle, de la manière la plus classique possible.
04:11Sinon, on risque de se perdre. C'est quoi le raisonnement classique ? C'est la présomption d'innocence, c'est le secret de l'instruction,
04:16c'est savoir faire le tri entre ce qui est une hypothèse et ce qui sont des éléments tangibles.
04:20Il faut raisonner de la façon la plus ordinaire, la plus classique possible, comme dans n'importe quelle affaire criminelle.
04:25C'est dans cet état d'esprit que je suis.
04:26Vous me disiez, je ne peux pas commenter les éventuels résultats.
04:29Je ne le veux pas.
04:30Et vous ne le souhaitez pas, et on le comprend complètement des expertises qui ont été ordonnées au mois de mars dernier.
04:37Est-ce qu'il peut y avoir de nouvelles expertises, et quel type d'expertises dans les mois, les semaines qui viennent ?
04:43Oui, il ne faut rien s'interdire, et on progresse, je dirais, en même temps que la science.
04:48Donc c'est l'un des éléments qui peut nous permettre de progresser, je ne dis pas nécessairement de solutionner les choses.
04:54Ce que je sais, c'est qu'il faut continuer à travailler tant qu'on le peut, parce qu'on le doit à ce petit garçon,
05:00on le doit à ses parents qui sont des victimes, et travailler avec opiniâtreté,
05:04ce qui ne veut pas dire qu'un jour on saura la vérité.
05:06Mais on doit tout faire pour essayer de cheminer vers celle-là.
05:0840 ans après Philippe Estruc, il y a toujours des enquêteurs qui travaillent sur cette enquête ?
05:13Oui, il n'y a plus de cellules, c'est-à-dire un groupe d'enquêteurs qui travaille à plein temps dessus.
05:16Ils répondent au cas par cas, en fonction des demandes du magistrat instructeur pour tel ou tel acte.
05:21Mais il y a bien un service d'enquête qui est toujours saisi.
05:23Des vérifications, des auditions aussi peut-être ?
05:26Exactement, tout à fait.
05:27Il y a eu des auditions récemment ?
05:28Il y en a régulièrement.
05:29Selon nos sources, il y a eu un certain nombre d'auditions récemment ?
05:32Oui, voilà, la justice travaille, et elle travaille je crois avec sérénité.
05:37Et vous comprenez que ça puisse étonner tous les auditeurs qui nous écoutent,
05:40que 40 ans après, on entend encore des gens dans ce dossier ?
05:43Je pense que s'ils étaient parents d'un enfant qui a disparu comme ça, je pense qu'ils comprendraient qu'on continue à travailler.
05:48Peut-être, sait-on jamais, quelqu'un aussi viendra peut-être au soir de sa vie dire des choses,
05:53même si l'espoir est quand même limité.
05:55À ce titre-là, on voit bien que beaucoup s'interdisent de parler manifestement.
05:59Vous pensez que quelqu'un sait n'a pas dit ?
06:01Oui, ça me paraît évident.
06:02Pour vous, il n'y a aucun doute là-dessus ?
06:04Oui, on est tous à peu près conscients qu'il n'y a pas un auteur unique.
06:11Il y a, je rappelle, à peu près 1000 appels qui ont précédé les faits,
06:15plusieurs courriers du Corbeau.
06:17La matérialité des faits, le jour des faits, laisse à penser qu'il y a une pluralité d'auteurs.
06:22Une pluralité d'auteurs, forcément, ça fait penser aux époux Jacob qui ont été...
06:26Ne comptez pas sur moi pour jeter en pâture des noms.
06:29Je vous ai dit, je suis extrêmement attaché à la présomption d'innocence,
06:32donc je ne livrerai jamais un nom tant que ce n'est pas, je dirais, le résultat d'un processus judiciaire.
06:38Je ne suis pas là ni pour faire des commentaires, ni pour jeter en pâture le nom de quiconque.
06:42L'hypothèse d'un complot familial, c'est quelque chose que vous n'excluez pas ?
06:44C'est l'hypothèse dominante, je dirais, depuis maintenant assez longtemps.
06:48Voilà, c'est celle qui paraît, je dirais, résulter assez logiquement de l'ensemble des éléments.
06:53Au-delà de ça, je ne souhaite pas m'exprimer.
06:55Et le fameux Corbeau qu'on n'a jamais identifié lui non plus,
06:58d'après vous, ce n'est pas forcément celui qui a tué Grégory ?
07:01Je ne sais pas.
07:03Ça peut être deux personnes différentes ?
07:05Je ne suis pas là pour spéculer, j'essaie de voir ce que dit le dossier,
07:09et je me contente de ça, ce qui n'est déjà pas si mal.
07:11Cette affaire, Philippe Estruc, c'est aussi celle d'innombrables manquements,
07:14à la fois de la justice, des médias aussi, il faut le dire,
07:17qui ont eu une part de responsabilité.
07:19Est-ce que vous diriez que tout cela a ajouté de l'horreur à l'horreur ?
07:22Non, je crois que, voilà, tous ceux qui aujourd'hui,
07:25de près ou de loin, suivent les affaires criminelles,
07:28ont sans doute tiré enseignement de ce qui s'est passé à ce moment-là.
07:32Donc ça, c'est un des rares points positifs, je dirais, de ces errements collectifs.
07:37Il faut quand même rappeler que, neuf mois après les faits,
07:40il y a deux parents qui avaient une vingtaine d'années,
07:42dont l'enfant était mort.
07:44L'un, voilà, on n'a pas su prévenir sa vengeance,
07:47et l'autre, elle s'est retrouvée, neuf mois après, en prison, en étant enceinte.
07:51Elle a été, en 1993, lavée de toute charge.
07:54On atteint un sommet, je dirais, dans le fiasco.
07:57Évidemment, l'idéal serait pouvoir dire un jour,
07:59Madame, Monsieur, voilà ce qui s'est passé.
08:01Mais, si on n'y arrive pas, et je ne sais pas si on y arrivera,
08:05pouvoir au moins donner à ces victimes, comme à n'importe quelle victime,
08:09le sentiment qu'on a fait tout ce qu'on pouvait faire, tout ce qu'on devait faire.
08:12C'est ça, notre devoir.
08:13On leur doit bien, après tout ce qui s'est passé.
08:15Je le crois.
08:16Merci beaucoup.
08:17Je vous en prie.
08:18Il y a des gens qui savent la détermination de Philippe Astruc,
08:21le procureur de Dijon, déterminé, donc, à ne pas lâcher cette affaire, Grégory.
08:24Il répondait à vos questions, Amandine.

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