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Par Christophe André.
Retrouvez les chroniques de Christophe André sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-christophe-andre
Transcription
00:00Pourquoi notre cerveau reste-t-il notre plus gros organe sexuel ?
00:05Parler de sexualité, ça reste tout de même un peu plus difficile que parler de cuisine ou de vacances.
00:11Pourquoi donc ?
00:12Ah là là, j'en ai eu du mal avec cette chronique.
00:14Je ne sais pas si c'est parce que c'est la rentrée, parce que c'est dur de reprendre le boulot,
00:18ou si ça vient du sujet, le sexe.
00:21Au début, je voulais parler des rapports entre sexe et santé,
00:25ou bien entre sexe et cerveau.
00:27J'ai quitté Woody Allen, mon cerveau et mon deuxième organe préféré,
00:30parler de la manière dont notre mental enrichit notre vie sexuelle,
00:34par les fantasmes, les souvenirs, les anticipations,
00:37et aussi comment il peut la perturber, par l'anxiété de performance et les attentes irréalistes.
00:42Il y avait plein de trucs à raconter, mais bof, non, ça ne m'emballait pas.
00:46Alors j'ai compris que c'était moi le problème.
00:49La sexualité m'intéresse beaucoup, évidemment, mais en parler ne me passionne pas.
00:54Je suis avec le sexe comme le poète Christian Bobin est avec la religion quand il écrit
00:59« Je n'aime pas ceux qui parlent de Dieu comme d'une valeur sûre.
01:02Je n'aime pas non plus ceux qui en parlent comme d'une infirmité de l'intelligence.
01:06Je n'aime pas ceux qui savent, j'aime ceux qui aiment. »
01:09Moi, c'est pareil avec la sexualité.
01:11Je n'aime pas ceux qui causent, j'aime ceux qui font.
01:14Et puis, dans mon cas, ça vient de loin.
01:16Quand j'étais petit, on ne parlait pas de ces choses-là,
01:19ou alors en cachette, ou alors pour rigoler ou provoquer,
01:22comme dans la chanson de Georges Brassens « Quand je pense à Fernande, je bande ».
01:27Ce genre de chanson, à l'époque, ça mettait tout le monde en émoi,
01:30les scandaliser, les amuser.
01:32Maintenant, elle ne choque plus, le discours sur le sexe s'est libéré.
01:36Tant mieux, la parole est préférable au refoulement ou au non-dit.
01:40En causer tranquillement, sans inhibition ni provocation, c'est un progrès.
01:45Parler sexualité avec ses partenaires, ça permet de s'ajuster, de s'accorder,
01:49de parler de ses besoins, de ses limites.
01:52Et parler de sexualité publiquement, pédagogiquement,
01:55comme je le fais en ce moment, ça permet d'informer,
01:58de dédramatiser, de conseiller.
02:00Il y a cinq siècles, Montaigne s'étonnait déjà
02:03de l'embarras de ses contemporains à propos de la parole sur le sexe
02:07et écrivait ceci.
02:08« Que fait l'action génitale aux hommes, si naturelle, si nécessaire, si juste,
02:13pour qu'ils n'osent en parler sans honte
02:16et pour qu'ils l'excluent des discussions sérieuses et réglées.
02:20Nous prononçons ardiment les mots « tuer », « dérober », « trahir »
02:23mais « baiser », nous ne l'osons qu'entre les dents. »
02:27Il avait raison, bien sûr.
02:28Sauf qu'il y a quand même un petit truc spécial avec la parole sur le sexe.
02:33Dire « quand je pense à Fernande, je bande », ça ne fait pas tout à fait le même effet
02:37que de dire « quand je pense aux vacances, je souris ».
02:40Parler sexe, ce n'est pas pareil que parler sport ou cuisine.
02:44Quelques efforts que l'on fasse pour le banaliser,
02:46le discours sur le sexe garde toujours une part embarrassante,
02:50liée à son côté animal.
02:51Rieck parlait à ce propos du « poids difficile de la chair »
02:55et Nietzsche ricanait « le bas-ventre est cause que l'homme
02:58ait quelques peines à se prendre pour un dieu ».
03:01Finalement, c'est peut-être ça le côté le plus délicat.
03:04Éclairer le côté obscur du sexe, humaniser son côté animal,
03:07faire que l'acte sexuel soit une rencontre et non une simple copulation
03:12et que cette rencontre soit joyeuse et non honteuse, respectueuse et non égoïste.

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