La Chine a réaffirmé lundi, à l'issue d'une journée de manoeuvres militaires d'encerclement de Taïwan avec ses avions et navires de guerre, qu'elle n'abandonnera "jamais" l'option du "recours à la force" pour conquérir l'île.
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00:00Regardez ces images, on revient sur cette opération militaire sans précédent lancée cette nuit par Pékin, l'encerclement de l'île de Taïwan
00:06à l'aide d'un dispositif militaire impressionnant, une façon de défier les Etats-Unis déjà engagés sur deux fronts, le Proche-Orient et l'Ukraine,
00:15à quelques jours de l'élection présidentielle.
00:18On accueille Arnaud Vollerin, merci beaucoup d'être avec nous, journaliste à Libération et spécialiste de Taïwan, auteur de Taïwan, la présidence et la guerre.
00:28Mais d'abord, écoutons Pékin, message délivré au peuple de Taïwan, mais également aux alliés de l'île.
00:37L'indépendance de Taïwan et la paix dans le détroit de Taïwan sont parfaitement incompatibles.
00:42Les provocations des forces indépendantistes feront l'objet de ripostes.
00:45La Chine s'est toujours engagée à maintenir la paix et la stabilité dans la région.
00:49Donc si vous vous préoccupez de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan, la première chose à faire est de vous opposer à l'indépendance de Taïwan.
00:57Alors, on écoutera le président taïwanais, cette déclaration également qui a mis le feu aux poudres la semaine dernière.
01:03Mais Arnaud Vollerin, est-ce que cette fois, il faut prendre les Chinois au sérieux ?
01:09Est-ce que ce déploiement de force, cet encerclement de l'île ne doit rien au hasard ?
01:14Le message est multiple, c'est-à-dire sans nous, il n'y aura pas de paix dans la région.
01:18Oui, tout à fait, ce sont des opérations d'ampleur, vous l'avez souligné dans votre présentation, elles sont réelles.
01:25Il s'agit de la quatrième opération d'ampleur déployée par l'armée populaire de libération depuis deux ans.
01:32On se souvient du voyage de la présidente de la Chambre des représentants américains Nancy Pelosi, qui avait suscité déjà une forte réaction de Pékin.
01:41Ça s'est reproduit en 2023, ça s'est reproduit également en 2024, quand William Lyle, le nouveau président qui a succédé à la présidente Tsai Ing-wen, a pris le pouvoir.
01:52Il avait fait déjà un discours pour réaffirmer la souveraineté de Taïwan, et c'est à nouveau un discours qui a suscité cette opération qui a démarré ce matin dans le détroit de Taïwan.
02:02C'est plus d'ailleurs que le détroit, et c'est d'ailleurs en ça que c'est assez inquiétant, puisque cette opération est en fait une tentative, une répétition, j'allais dire, d'un encerclement de l'île.
02:15Et si on superpose tous les terrains qui ont été occupés depuis toutes ces opérations depuis deux ans, on se rend compte effectivement que ça dessine un cercle qui enferme l'île de Taïwan, et c'est une opération vraiment d'ampleur.
02:30Vous restez avec nous en Nouvelle-Orleans, bien évidemment, et en Bourdillon, parce que c'est ça aussi, à chaque opération, ce qu'on voit pas ou peut, c'est que Pékin gagne du terrain.
02:40Et là, et ça a été revendiqué, c'est un blocus qui a été tenté.
02:44C'est ça qui est important, c'est-à-dire que c'est une des opérations les plus amples par le nombre de navires et d'avions, le fait qu'elles soient à la fois des opérations à l'ouest, à l'est, au nord et au sud n'est pas tout à fait sans précédent.
02:57Il y avait déjà eu des manœuvres de ce type-là il y a quelques mois, mais là, ce qui est nouveau, c'est que le communiqué assume entraînement à blocus.
03:05Donc ça, maintenant, Pékin met clairement cette option sur la table, et elle est très dangereuse, parce que c'est une alternative crédible à l'invasion pure et simple, qui d'une part serait très difficile, les stratèges pensent qu'elle pourrait échouer,
03:20et puis qui en plus aurait des ripostes économiques massives probablement, et nécessiterait des mois et des mois de préparation.
03:28Tandis qu'un blocus, finalement, il suffit de déployer des navires dans les quelques semaines, ça pourrait être, c'est le cran en dessous de la guerre.
03:35Alors, évidemment, l'inconvénient pour la Chine, et heureusement qu'il y en a quand même un, c'est que c'est pas la guerre, c'est pour faire tomber Taïwan comme un fruit mur,
03:43parce que Taïwan, si les navires ne peuvent plus l'approvisionner, elle n'a pas de ressources pour tenir, cela dit, c'est un acte de guerre quand même.
03:49Donc, du coup, peut-être que les États-Unis entrent dans la danse, parce que tout simplement, le statut de grande puissance est en jeu.
03:55C'est-à-dire que s'ils laissent tomber Taïwan, le taulier du Pacifique, de la moitié de l'humanité, c'est la Chine, ce n'est plus les États-Unis.
04:01Donc là, ce qui est nouveau ce matin, c'est que Pékin assume le mot blocus, qu'il laisse présager, peut-être, dans une période, par exemple, ce qu'on appelle le lame-duck presidency,
04:12c'est-à-dire, quand, après le 5 novembre, Joe Biden sera un président dont le mandat s'arrêtera un mois plus tard,
04:17quelle sera sa légitimité pour éventuellement tenir tête, intervenir face à une puissance nucléaire ?
04:23Général, oui, je vous laisse la parole, Magali. Général, juste, tactiquement et techniquement, on le disait à chaque fois que Pékin tente quelque chose sur Taïwan,
04:31il récupère des petits morceaux de terres, d'îles, et quand on regarde une carte de façon très précise autour de Taïwan,
04:38il y a une multitude d'îles qui peuvent servir de base in fine pour un blocus.
04:44Oui, tout à fait, mais enfin, dès lors que ce sont des terres appartenant officiellement quand même à Taïwan,
04:49ce serait un acte de guerre, finalement, indirectement, de mettre...
04:53Oui, mais peut-être pas assez, vous voyez, dans l'idée pour provoquer une intervention militaire américaine,
04:59c'est-à-dire qu'aux yeux de la communauté internationale, l'île de Taïwan n'est pas vraiment attaquée, comme le disait Yves, mais voilà.
05:06Il faut dire qu'il y a un maillage de Pékin tout autour.
05:10Oui, mais la question se posera non pas, je dirais, du point de vue de Taïwan, mais du point de vue américain, est-ce que je fais quelque chose ou je ne fais rien ?
05:16Si je ne fais rien, c'est que j'accède que petit à petit, Taïwan se fasse grignoter.
05:21Si je fais quelque chose, et c'est le risque que prendraient les Chinois,
05:24on est dans le cadre d'une guerre localisée, de toute façon, entre la Chine et les États-Unis.
05:29Et puis pour revenir à cette histoire de blocus, cet exercice à nouveau tenté, effectivement, il faut s'en méfier.
05:35Il faut s'en méfier parce qu'en fait, à chaque fois, les Chinois continentaux apprennent quelque chose sur les défenses de Taïwan.
05:42C'est aussi un moyen...
05:42Ça sert aussi de repérer la façon dont l'ennemi vous voit et tente d'intervenir.
05:49Il y a ça, il y a aussi identifier les fréquences des radars qui contrôlent les avions chinois,
05:56c'est effectivement cartographier peut-être mieux les fonds marins autour de Taïwan.
06:00C'est en fait... Et puis un jour, à la troisième ou quatrième provocation, je dirais entre guillemets, de Taipé,
06:06un jour cet exercice n'en sera plus un, c'est-à-dire qu'au titre de l'exercice où on sera tous habitués,
06:11à un moment donné, les forces seront là pour tenter leur chance, éventuellement, dans un conflit armé.
06:16Et c'est pour ça que tout ça, ces entraînements, il y a le mot entraînement dedans.
06:19Ça veut dire qu'on reconnaît le terrain, d'une manière plus ou moins pacifique.
06:22Alors justement, je crois que l'entraînement est terminé au bout de trois heures, mais peu importe.
06:25Il y a des essais qui ont été faits, il y a des choses qui ont été vues.
06:27C'est les enseignements que les stratèges chinois continentaux vont retenir
06:30et ça va leur permettre de peaufiner en quelque sorte leur plan éventuel d'invasion de Taïwan,
06:35mais sur des informations reçues au fur et à mesure.
06:38Donc il faut vraiment prendre ces exercices au sérieux
06:40et la seule question, effectivement, que feraient les Américains dans ce cadre-là ?
06:43Et on revient au microprocesseur, qui effectivement, c'est pour ça qu'il y a des relocalisations,
06:48notamment aux Etats-Unis, relocalisations en Europe...
06:50– Il y a beaucoup de sociétés, effectivement, qui partent de Taïwan pour être relocalisées.
06:53– Mais Taïwan veut préserver sa main-d'oeuvre et ses compétences dans ce qui est de plus perfectionné.
06:58Donc voilà, il y a aussi un jeu économique derrière.
07:00– Quand il n'y aura plus rien à sauver, c'est sûr que le sort de Taïwan sera plutôt précaire.
07:05Magali, on suit ça de près, à la Maison-Blanche, mais quelle Maison-Blanche ?
07:11Yves le disait, dans quelques jours, ça sera peut-être fini, de toute façon, de l'administration Biden.
07:17– Et comme le disait Yves, il y a une période qui est absolument cruciale,
07:21après la présidentielle, jusqu'à l'investiture suivante.
07:25Et dans une note, un ancien d'ailleurs de l'armée américaine spécialisée sur le Pacifique
07:32avait alerté, d'ailleurs il s'avait fait les gros titres de la presse américaine,
07:36sur cette période extrêmement clé, où en fait, on est potentiellement,
07:41si on était vers une victoire de Trump, dans une espèce de flou,
07:44où la nouvelle administration est en train de se mettre en place
07:48et la précédente n'est déjà plus véritablement en manette.
07:52Donc c'est quand même une période qui dure entre novembre et janvier,
07:56et c'est vraiment une période à haut risque, à très haut risque.
08:00Et c'est vrai que ça pourrait être un moment où la Chine pourrait tenter davantage quelque chose,
08:06parce qu'il y a une espèce de flou à la maison blanche sur l'administration qui est en place.
08:12Mais c'est vrai que cette relocalisation des usines,
08:16ça c'est Joe Biden même qui a commencé à le faire,
08:18parce qu'en effet, les entreprises américaines sont extrêmement dépendantes
08:23de ces semi-conducteurs qui sont produits à Taïwan.
08:27Il ne faudrait pas que ça tombe entre les mains des Chinois.
08:30Arnaud, cette opération de Pékin-au-delà, ce test également des Américains,
08:37comme le disait Magali, c'est quelque chose qui peut se multiplier,
08:42ou comme le disait le général Chauvency, un jour on va se réveiller,
08:45on va nous parler d'exercice, et l'exercice n'en sera plus un ?
08:49Oui, ça fait partie des scénarios les plus crédibles en tout cas.
08:54On doute beaucoup d'une opération classique d'intervention avec frappe de missiles
08:59et une invasion de l'île, puisque la géographie de l'île est très compliquée
09:03pour un débarquement de force en nombre.
09:07Donc effectivement, à l'occasion d'un exercice, on peut assez rapidement,
09:11c'est ce que disent les stratèges,
09:13on peut très vite basculer d'un exercice à une opération de blocus,
09:18c'est le scénario le plus crédible.
09:20Et effectivement, l'île de Taïwan tomberait comme un frimur,
09:23ça c'est une évidence.
09:24Alors je voudrais juste qu'on écoute le Président,
09:27et Yves je vous laisse la parole après.
09:29C'est selon Pékin, ce discours qui aurait tout déclenché.
09:36En tant que Président, ma mission est de veiller à ce que notre nation perdure et progresse,
09:41et d'unir les 23 millions d'habitants de Taïwan.
09:44Je maintiendrai aussi l'engagement de résister à l'annexion
09:47ou l'empiètement de notre souveraineté.
09:50Que peuvent faire, Yves, les Taïwanais ?
09:54Se préparer à se défendre, ce qui est déjà un chantier considérable,
09:58parce que jusqu'à très récemment, le service militaire à Taïwan était une blague,
10:02donc il y a beaucoup de travail à faire en armement,
10:05notamment de missiles pour abattre des navires qui les attaqueraient,
10:09et puis s'assurer que leurs alliés américains iraient à leur secours,
10:13ce qui n'est pas garanti, puisqu'on voit bien qu'il y a quand même...
10:16Vous êtes sceptique sur le fait que les Américains puissent...
10:19Non, parce que l'enjeu est trop énorme.
10:22Sur le plan géopolitique, ils perdraient tout leur statut de puissance mondiale depuis 1945,
10:26et ils laisseraient tout le Pacifique,
10:28c'est-à-dire quand même la moitié de l'humanité la plus dynamique,
10:31sous le contrôle de Pékin.
10:32C'est-à-dire que tous les pays verraient, dans la région,
10:35verraient que le patron, désormais, le nouveau caïd en ville, c'est Pékin,
10:40c'est plus les Etats-Unis.
10:41Donc les Etats-Unis devraient y aller,
10:43simplement militairement, c'est quand même compliqué.
10:45Alors justement, il y a plusieurs scénarios.
10:47On ne va pas se projeter sur une invasion,
10:49parce qu'en plus, il faudrait des mois et des mois de préparatifs
10:52que l'on verrait à l'avance.
10:53Déjà, Pékin devrait rapatrier ses actifs financiers pour éviter une saisie,
10:57comme la Russie l'a vécu.
10:59Il faudrait monter en puissance, en production d'obus, de riz.
11:02En revanche, il y a deux scénarios,
11:04qui sont l'annexion des îles taïwanaises,
11:07qui sont très près du rivage,
11:09et donc impossibles à défendre.
11:10C'est-à-dire que l'avantage pour Pékin,
11:12ça serait un acte de guerre, sur le plan juridique,
11:14mais les Etats-Unis ne pourraient pas aller...
11:16Parce que c'est trop petit, et dans ce cas-là...
11:19C'est à 4 kilomètres du rivage.
11:21Oui, mais on peut armer ces îles-là, en fait.
11:23Enfin, Pékin peut décider d'y mettre des hommes, d'y mettre...
11:26C'est impossible à reprendre, pour Taïwan comme pour les Etats-Unis.
11:29Si c'est perdu, c'est perdu.
11:30Voilà. Et puis en plus, c'est loin.
11:32C'est-à-dire que le problème pour les Etats-Unis,
11:34je parle sous votre contrôle,
11:35c'est qu'il y a des lignes de communication
11:37qui sont de plusieurs milliers de kilomètres
11:39entre les bases avancées.
11:40Il faut des porte-avions qui sont vulnérables aux missiles,
11:43ce qu'on appelle les carrier killers de Pékin.
11:46Donc ce scénario-là, il serait gagnant pour Pékin.
11:49Et puis le deuxième, c'est le blocus.
11:51Et alors là, peut-être qu'on va le vivre dans quelques mois,
11:53j'espère que non, mais là, il y a quelque chose qui est...
11:56Qui prend la responsabilité du premier tir ?
11:58C'est-à-dire que Pékin peut très bien faire un blocus
12:02pour empêcher les navires internationaux d'arriver à Taïwan.
12:04Est-ce que Taïwan riposte ?
12:05Et de cela, les navires arriveront sous escorte américaine,
12:09et qui tire le premier, ou se dégonfle.
12:12On va parler de l'accident,
12:13parce que cette région est une véritable poudrière,
12:17et en cas de confrontation entre les Chinois et les Américains,
12:21certains spécialistes parlent même de nucléaire.
12:25De nucléaire, bien évidemment, il ne s'agit pas d'embraser la région,
12:28mais de nucléaire tactique.
12:31Arnaud Vollerin, vous liez réagir ?
12:33Oui, en revenir effectivement sur ce scénario du blocus,
12:38puisque les autorités de Taïwan se préparent beaucoup à ça.
12:44C'est réel, depuis deux ans,
12:46et la guerre en Ukraine a joué beaucoup dans cette préparation,
12:49puisqu'on a vu que les autorités avaient regardé de manière très inquiète
12:53l'avancée très rapide au départ des troupes russes en Ukraine.
12:58Elles se sont dit que le parallèle était facile à établir
13:00avec ce qui pourrait se passer avec les Chinois intervenant à Taïwan.
13:04Donc il y a eu une vraie préparation de l'île,
13:06notamment au sein de la population civile.
13:09Et les autorités sont lancées effectivement dans ce projet
13:12de défendre leur territoire.
13:15Mais évidemment, le déséquilibre des forces est tel
13:18qu'ils doivent compter bien évidemment sur l'aide américaine,
13:21qui pour eux est fondamentale.
13:24D'où l'importance pour eux de la réélection,
13:26en quelque sorte, d'un démocrate à la Maison-Blanche,
13:29puisque l'élection de Donald Trump pourrait constituer une totale surprise,
13:33une totale incertitude pour l'avenir de l'île, en fait.
13:35On va parler de la guerre qui pourrait être déclenchée
13:39entre les Américains et la Chine,
13:40mais je voulais qu'on écoute Antony Blinken.
13:42C'était la semaine dernière, et déjà, il mettait en garde Pékin.
13:46Écoutez-le.
13:48Je peux vous dire qu'en ce qui concerne le discours prononcé le 10 octobre,
13:53qui est un exercice régulier,
13:57la Chine ne devrait en aucun cas s'en servir comme prétexte
14:00des actions provocatrices.
14:04Au contraire, nous voulons renforcer, comme de nombreux autres pays,
14:08l'impératif de préserver le statu quo
14:10et le fait qu'aucune des parties ne prenne des mesures susceptibles de le compromettre.
14:16Et en guise de message reçu de Pékin,
14:19cette opération sans précédent est déclenchée cette nuit.
14:23Comme quoi, on finit par se demander si l'administration Biden pèse encore.
14:29Général, si jamais il y avait une confrontation,
14:32est-ce qu'elle serait directe entre les Américains et les Chinois ?
14:35Est-ce que l'on peut imaginer, on le disait, une guerre navale ?
14:40Et pourquoi pas une guerre nucléaire, entre bâtiments ?
14:44D'abord, il y a l'aspect guerre navale.
14:47Je reviens toujours à cet exemple historique entre la Russie et le Japon de 1905,
14:52détroit de Tsushima,
14:53où finalement, le Japon a vaincu l'armada russe,
14:57et avec le slogan, c'est la fin de l'emprise de l'homme blanc sur l'Asie.
15:02Et c'était une vraie bataille, uniquement entre militaires,
15:06qui a rétabli une situation géopolitique complètement différente.
15:09Alors, vous allez me dire que l'histoire ne se répète pas.
15:11Néanmoins, on revient...
15:12Ça dépend.
15:13Et là, effectivement, de part et d'autre, on a d'abord la principale flotte du monde
15:17en termes de capacité, ce sont les Américains, avec quand même 11 porte-avions,
15:20ce qui fait en gros 80 avions sur chaque bâtiment, quand même.
15:24Ils ne sont pas tous là, d'accord ?
15:25Et de l'autre côté, quand même la Chine, qui produit année après année
15:28l'équivalent de, je crois, de la France et de la Grande-Bretagne
15:31en termes de tonnages militaires,
15:32et qui accroît sa force.
15:34Elle est déjà son troisième porte-avions, même s'il n'y en a que deux récents,
15:37et le quatrième est en cours de fabrication.
15:39Donc, on voit bien qu'il y a une volonté du côté chinois
15:42de créer une marine continentale,
15:44pardon, océanique, pardon,
15:46capable de se déployer loin, déjà pour commencer,
15:48et il y a déjà eu des expériences,
15:49notamment l'évacuation des ressortissants d'Afrique du Nord, il y a quelques années.
15:53Donc, il y a la mise en place de cette force, effectivement,
15:56et effectivement, la guerre, je dirais, navale
15:58est une probabilité qui éviterait de recourir au nucléaire.
16:02Maintenant, j'avais évoqué plusieurs fois sur ce plateau,
16:03mais c'est uniquement une idée,
16:05un groupe aéronaval, c'est quand même...
16:08il n'est pas au milieu des populations,
16:09il n'est pas au milieu des terres,
16:11et vous parlez du nucléaire tactique,
16:12et bien une arme nucléaire tactique
16:14frappant un groupe aéronaval qui prend 10-15 navires,
16:17dont un ou deux porte-avions,
16:19l'effet serait dévastateur,
16:21et ça coulerait une flotte du jour au mars.
16:22Je ne sais pas si c'est réalisable militairement parlant,
16:25néanmoins, vous parlez du nucléaire...
16:26– Ou est-ce qu'un pays prendrait la responsabilité de le faire ?
16:29– On est dans le débat depuis 30 mois avec la guerre en Ukraine,
16:32c'est-à-dire à quel moment il y aura un risque réel,
16:35et non pas uniquement supposé,
16:37de l'emploi d'une arme nucléaire
16:38qui va changer les données de la bataille.
16:40Et je reviens à la situation, je dirais, géographique,
16:42qui est maritime en l'occurrence,
16:44dès lors que c'est uniquement entre militaires,
16:46est-ce qu'à un moment donné, on se dirait, après tout,
16:48est-ce qu'entre militaires,
16:49l'arme nucléaire peut être employée ou pas ?
16:51À la différence de l'Ukraine,
16:52où quand même ça concerne énormément de populations civiles,
16:54et puis un continent très fortement peuplé.
16:55Là, ça serait en mer libre, en quelque sorte.
16:57Et je dirais qu'effectivement, il y a un risque,
16:59alors je ne mets pas le risque en priorité 1,
17:02mais on ne peut pas l'évacuer,
17:03parce qu'à un moment donné, peut-être que les Chinois
17:04ne seraient pas en mesure de gagner face aux Américains,
17:07si ce n'est pas les Américains qui tireraient le premier,
17:09mais peut-être qu'à un moment donné,
17:10s'ils perdaient, les Chinois, ils seraient peut-être obligés de le faire.
17:12– Et dans ce contexte, et je voudrais avoir votre opinion à tous les quatre,
17:16l'accident, l'incident, il y a trop de manœuvres,
17:20il y a trop de bâtiments, il y a trop d'avions,
17:23est-ce qu'il pourrait y avoir l'incident
17:27qui déclencherait cette guerre ou cette confrontation ?
17:31– On l'a frôlé en 1962, lors du fameux face-à-face
17:36entre l'Union Soviétique et les États-Unis,
17:38où la légende veut même qu'un sous-marin soviétique
17:41avait failli tirer un missile nucléaire tactique pour se dégager.
17:45Alors évidemment, l'accident est possible sur le conventionnel comme sur le nucléaire,
17:49cela dit, le risque nucléaire que vous évoquiez me semble quand même assez faible,
17:52parce qu'il y a le tabou de Nagasaki,
17:54c'est-à-dire que depuis Nagasaki, on n'a jamais utilisé d'armes nucléaires,
17:57et que ça serait une responsabilité terrible, ne serait-ce que si jamais…
18:00– Et vous pensez que Pékin ne prendrait pas cette…
18:03– Si il détruit un groupe naval avec une arme nucléaire,
18:05il peut s'en prendre une autre en riposte,
18:07donc il entre dans l'escalade nucléaire que tout le monde essaie d'éviter,
18:10je vous donne juste un exemple,
18:11c'est que normalement, le nucléaire dissuade le nucléaire,
18:14grosso modo, ça on le constate, et les puissances nucléaires…
18:17– Ça fait trois ans qu'on le vit dans un autre conflit, celui de l'Ukraine.
18:20– Oui, il n'y a pas d'armes nucléaires qui ont été engagées,
18:23et normalement les puissances nucléaires évitent de s'affronter,
18:26il y a un seul contre-exemple où tout le monde est resté au conventionnel,
18:30qui est assez peu connu, c'est en 1969,
18:32où la Chine communiste a fait la guerre à l'URSS
18:35pour une obscure île dans l'extrême-orient,
18:38et tout le monde avait des armes nucléaires,
18:41et pourtant il y a eu 30 000 morts,
18:42et les deux puissances se sont mis d'accord pour en rester là,
18:46et la guerre s'est arrêtée au bout de trois mois.