Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:05Bonjour, Géraldine.
00:07Bonjour, William.
00:08Je rappelle que Géraldine est romancière,
00:10réalisatrice, chroniqueuse sur C8, dans TPNP.
00:14Alors, qui est votre minuscule ?
00:16Pourquoi vous l'avez appelée ainsi ?
00:18C'est quoi, son histoire ?
00:20C'est un déjeuner dominical.
00:22On est en famille et je vois ma grand-mère de 92 ans
00:25qui a la tête qui part en arrière,
00:27le visage qui dégouline d'un côté.
00:29Je me dis qu'il lui arrive quelque chose de grave.
00:31Elle a un AVC et ma minuscule, c'est elle.
00:34On a tous, ici, et nos téléspectateurs,
00:36des minuscules dans leur famille.
00:38Des parents, des grands-parents, des gens qui vieillissent.
00:42Nous vieillissons, mais eux aussi.
00:44J'ai voulu raconter ça, cette AVC,
00:46cette sorte de déflagration intime et personnelle
00:48qui m'est arrivée devant moi.
00:50Et tout ce qui m'a traversée l'esprit à ce moment-là,
00:53pendant ces 10 minutes,
00:54entre le moment où ça lui est arrivé
00:57et le moment où les pompiers sont arrivés,
00:59est-ce qu'ils vont la sauver ?
01:00Est-ce qu'on sauve des gens en France à 92 ans ?
01:03Est-ce que c'est une bonne chose de la sauver ?
01:06Comment je vais la récupérer à 92 ans ?
01:08Elle vivait en autonomie.
01:09J'avais pensé à tout ça aussi vite.
01:11Je vous assure, ça a été fulgurant.
01:13J'étais à la fois spectatrice et en même temps,
01:16dans le feu de l'action, je voulais la sauver.
01:18J'avais peur de dire qu'elle avait 92 ans
01:21parce qu'ils la laissaient mourir.
01:23Il y a une telle chaîne d'amour, de bienveillance,
01:26de solidarité et de compétences et de techniques
01:28que j'ai voulu aussi rendre hommage
01:30à tous ces soignants qui s'occupent d'elle.
01:33-"Le point de dépasse", c'est ce que vous venez de raconter.
01:36C'est écrit comme un journal de bord ?
01:38Tout à fait. Jour après jour,
01:40un an et demi de parcours du combattant,
01:43les pompiers, les urgences, les soins intensifs,
01:48un hôpital post-AVC de rééducation,
01:50l'hôpital de post-AVC,
01:51un autre hôpital puisqu'on l'a rapatrié vers Paris,
01:54puis après l'EHPAD, un EHPAD public
01:57dans lequel le temps s'écoule
01:59et elle, ce sera sans doute sa dernière demeure.
02:02Pourquoi avez-vous eu envie d'écrire ce livre-là ?
02:05C'est pour elle, c'est pour les soignants,
02:07c'est pour votre famille, c'est pour vous ?
02:10Je trouve que c'est une histoire universelle.
02:12On est tous confrontés à ça, on sera tous confrontés à ça.
02:15C'était la première chose.
02:17Du personnel, je fais quelque chose d'universel.
02:20Ensuite, pendant ce parcours de vie,
02:23avec elle et à ses côtés, j'ai vu une autre réalité,
02:26dont on parle beaucoup sur les plateaux télé ou à la radio.
02:29On dit qu'il n'y a rien qui marche,
02:31qu'on maltraite nos vieux dans les EHPAD, qu'on meurt aux urgences.
02:35Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais j'ai vu d'autres choses.
02:38J'ai vu des soignants incroyables, des soignants passionnés
02:42qui ont choisi la gériatrie comme vocation et comme passion,
02:45et des soignants qui se coltinent ma grand-mère
02:47et font des choses que je ne ferais pas.
02:50J'ai voulu leur rendre hommage le brancardier
02:52qui l'a aidé pendant 10 minutes, l'infirmier,
02:54l'orthophoniste, tous ces invisibles,
02:57car ces gens-là, elles les voient, mais elles ne s'en souvient pas,
03:00et qui font un travail incroyable.
03:02J'ai voulu réinjecter l'humanité dans tout ça.
03:05Vous avez eu la possibilité de lui parler de ce projet à mamie.
03:09Comment le reste de la famille a réagi ?
03:12Ma grand-mère, ce qui est bien, et les soignants m'ont beaucoup aidée,
03:15c'est que ça m'a aidée à accepter son nouveau monde.
03:18Je la juge avec mon critère à moi, dans mon monde à moi.
03:21Je ne comprends pas pourquoi elle me répète la même chose.
03:24Est-ce qu'il y a un mardi après un lundi ?
03:26Dans son monde à elle, il y a des nouvelles règles.
03:29Les soignants m'ont dit de ne pas juger son monde avec mes critères.
03:32Elle s'émerveille, parce qu'elle voit la couverture de mon livre,
03:36elle voit que c'est elle, elle ne voit pas qu'elle n'est plus comme ça,
03:39alors que c'était il y a 2 ans, et elle est toujours contente.
03:43Quand je lui remonte le livre, elle est recontente.
03:45C'est un émerveillement permanent.
03:47C'est bien, recontent. On devrait faire le verbe.
03:50Se recontenter.
03:51Oui, je suis recontenté.
03:53Dans son monde, elle n'est pas blasée, elle n'est pas cynique.
03:56Elle est juste là, dans un autre monde parallèle,
03:59qui se rétrécit petit à petit, bien sûr, mais qui existe.
04:03Vous avez souhaité intégrer dans le livre
04:06des témoignages des professionnels de santé.
04:08Ce n'est pas banal.
04:10Quand il y a des témoignages, les soignants, on les remercie,
04:13mais on ne les fait pas parler, on ne les cite pas.
04:15C'est une façon de les remercier.
04:17J'ai écrit ce journal de bord au fur et à mesure.
04:20Les soignants, je suis allée les retrouver.
04:22Ils n'en revenaient pas. Ils étaient tous paranos.
04:25Ils se demandaient ce qu'elle allait dire.
04:27Elle allait dire que ça s'est mal passé.
04:29Ils ont été très surpris, touchés.
04:31J'ai voulu leur donner la parole.
04:33Ils sont invisibles pour ma grand-mère,
04:35donc j'ai voulu les visibiliser.
04:37Il manque aussi d'humanité.
04:39On parle toujours de moyens, mais il ne s'agit pas de moyens.
04:42On peut dire merci, mais vous allez comment ?
04:45Votre fille, elle va comment ?
04:46Il faut réinjecter de l'humain.
04:48C'est la clé de voûte de la non-maltraitance.
04:51Vous avez vécu ça de l'intérieur.
04:55Vous avez été surprise par le monde médical
04:57dont vous disiez il y a un instant qu'on se trompait parfois.
05:01On ne disait pas toujours la vraie vérité.
05:03J'ai été épatée.
05:05J'ai été épatée.
05:06Quand je vois ma grand-mère disparaître aux urgences de Corbeil-Esson,
05:10alors qu'elle a 92 ans et que les urgences sont saturées,
05:13et qu'elle part sur un brancard comme ça,
05:15et qu'on lui fait IRM et thrombolise et qu'on la sauve,
05:18et que je suis dans ce couloir des soins intensifs
05:21et que je vois, sans vouloir regarder,
05:23parce que je suis un peu KO,
05:25que c'est la loterie qui a des gens vieux,
05:27qui a des gens jeunes, des femmes, des gros, des mecs,
05:30c'est la loterie, c'est vous et votre malchance.
05:33Je me dis, franchement, en France, aujourd'hui, en 2024,
05:36on a sauvé une femme de 92 ans.
05:37Ce que raconte ce livre, c'est qu'il faut sauver les gens,
05:41que dans les familles, c'est des déflagrations intimes.
05:44On peut se disputer dans les familles.
05:46Si elle avait eu cet AVC chez elle seule,
05:48elle ne serait plus de ce monde.
05:50C'est aussi sur la fin de vie.
05:51Comment on accompagne nos anciens, nos minuscules,
05:54ces problématiques auxquelles on est tous confrontés.
05:57La population vieillit, c'est formidable,
05:59mais on ne vieillit pas tous en bonne santé.
06:02Comment on accompagne ces gens-là ?
06:04Pour terminer, comment va-t-elle ?
06:06Elle va bien. Je suis sûre qu'elle nous regarde.
06:08Elle est contente parce qu'elle voit des tâches de couleur.
06:12Elle est ravie de me voir.
06:13C'est des piqûres de rappel pour elle de la vie.
06:16Je l'embrasse et je vous remercie.
06:18C'est quoi son prénom ?
06:19Je peux dire bonjour à Simone ?
06:21Oui, bien sûr.
06:22Bonjour, Simone. Tout le monde vous embrasse.
06:25Je vais bouger, comme ça, elle me verra mieux.
06:28La télé, c'est très important dans les Ehpad.
06:30On ne mesure pas à quel point les gens...
06:33C'est une bouffée d'oxygène.
06:34Merci, Géraldine, d'avoir écrit ça.
06:37Ca s'appelle Ma minuscule.
06:38C'est publié aux éditions Harper Collins.
06:41Merci beaucoup. Bonne journée à vous.
06:43Vous aussi.