"Les gens les plus précaires sont ceux qui achètent le moins de fruits et légumes et le plus de produits transformés", constate Dominique Schelcher le PDG de Coopérative U, qui formule, mercredi 16 octobre, cette proposition.
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00:00L'invité ECHO, Isabelle Raimond.
00:04Bonsoir, la malbouffe progresse, elle touche particulièrement les jeunes générations
00:09et les plus précaires, c'est ce qui ressort d'un rapport de l'institut Montaigne, centre
00:14de réflexion libérale, un rapport publié aujourd'hui que vous co-présidez, Dominique
00:20Schelcher, bonsoir.
00:21Bonsoir Isabelle Raimond.
00:22Vous êtes l'invité ECHO de France Info, PDG de coopérative U, ancien système U,
00:28réseau de patrons indépendant de supermarchés, quatrième acteur de la grande distribution
00:33en France.
00:34Vous co-présidez donc ce rapport sur la fracture alimentaire avec les patronnes de Bell et
00:38de Sodexo et vous y plaidez pour la mise en place d'un chèque alimentaire spécial bien
00:44mangé, un chèque de 30 euros par mois à destination des 4 millions de Français les
00:49plus modestes qui permettrait d'acheter seulement des fruits et des légumes.
00:53Pourquoi cette solution précisément ? Est-ce qu'un chèque peut vraiment changer le comportement
00:57des clients ?
00:58Alors écoutez, ce qu'il faut d'abord dire, c'est que ce travail, c'est 18 mois de travail,
01:03c'est 100 personnes auditionnées, ce sont trois co-présidents et c'est un travail extrêmement
01:07collectif.
01:08On a essayé d'écouter tout le monde.
01:09Et dans ce travail, on s'est rendu compte pour répondre à votre question que oui, oui,
01:13des incitations fortes qu'on a observées dans d'autres pays peuvent changer les choses,
01:17y compris aux Etats-Unis.
01:18On pense parfois que les Etats-Unis, c'est le pays avant tout de l'obésité et que les
01:23choses ne changent pas.
01:24Il y a eu un chèque alimentaire aux Etats-Unis et il a changé le comportement des foyers
01:27qui en bénéficient.
01:28Donc l'idée, c'est véritablement ça.
01:30Et ça veut dire que ce chèque alimentaire aux Etats-Unis, il ne permet d'acheter que
01:34certains produits ?
01:35Il est fléché également sur un certain nombre de choses.
01:38Il permet aux foyers, on l'a vraiment étudié, pendant les trois premières semaines du mois,
01:43d'introduire des aliments sains dans la consommation.
01:45Ça permet les trois premières semaines et la dernière semaine du mois où justement
01:49ce chèque est, on va dire, épuisé, le comportement change à nouveau et il y a de nouveau plus
01:53de produits transformés.
01:54Donc oui, ça marche à l'étranger.
01:56Alors à l'étranger, les ménages les plus modestes en France consomment deux fois moins
01:59de fruits et de légumes que le reste de la population, peut-on lire toujours dans ce
02:03rapport.
02:04Le prix des fruits et légumes a augmenté de 16% en un an, entre 2022 et 2023.
02:10Vous concrètement, dans vos supermarchés, est-ce que vous voyez ce lien entre précarité
02:15et alimentation ?
02:16Est-ce que bien manger, c'est une question de prix avant tout ?
02:19C'est aussi une question de prix, particulièrement depuis la crise inflationniste.
02:23Le mot d'ordre du client aujourd'hui, c'est l'arbitrage, c'est des choix, faire des choix.
02:29Son budget est limité, contraint, il y a aussi d'autres dépenses qui ont augmenté,
02:33donc il fait des choix sur l'alimentation et parmi ces choix, les fruits et légumes,
02:38le fromage à la coupe, la poissonnerie sont particulièrement arbitrés.
02:41Et donc, on a dans ce rapport également fait le lien avec cette évolution de la consommation.
02:47Il y a un sujet de santé publique, si dans la durée, les gens achètent moins de fruits
02:52et légumes.
02:53Et justement, on observe, a fortiori, que les gens les plus précaires qui ont le moins
02:59de moyens, ce sont eux qui achètent le moins de fruits et légumes et le plus de produits
03:03transformés.
03:04Mais vous-même, Dominique Scheltcher, vous êtes à la tête d'un supermarché, à Fessenheim,
03:08en Allemagne.
03:09Vous êtes très proche du terrain.
03:10En Alsace.
03:11En Alsace, évidemment.
03:12En Alsace.
03:13Est-ce que vous le voyez vraiment dans les caddies ? Est-ce que vous le voyez vraiment
03:17sur l'étiquette caisse ?
03:18Alors, on le voit véritablement et c'est la raison pour laquelle, au lieu peut-être
03:22parfois d'acheter des fruits et légumes toutes les semaines, certains foyers en achètent
03:26une fois de temps en temps seulement.
03:27Donc voilà, on a voulu apporter une réponse à ça.
03:31C'est une réponse aussi à un autre phénomène, vous l'avez dit dans votre présentation.
03:35L'obésité progresse de manière très forte en France.
03:37Saviez-vous que, et notamment elle est due à une consommation forte de sucre, saviez-vous
03:44qu'un enfant de 8 ans a déjà consommé autant de sucre que son grand-père dans
03:50le temps, pendant toute sa vie ? C'est vraiment un phénomène incroyable.
03:53On se pensait préserver pendant un certain temps par rapport au pays que je citais tout
03:58à l'heure, les Etats-Unis, et aujourd'hui, la France suit la même courbe.
04:01Donc, c'est maintenant qu'il faut réagir, d'autant plus que l'impact sur les finances
04:06publiques est un sujet critique.
04:08C'est 125 milliards d'euros par an liés aux pathologies, liés à la mauvaise alimentation.
04:13C'est incroyable.
04:14Parlons, Dominique Schellscher, si vous le voulez bien, du financement de ce chèque
04:18alimentaire.
04:19Vous avez estimé son coût à 1 milliard d'euros par an, que vous proposez de financer
04:23par une augmentation des taxes sur les produits et les boissons saturées en sucre ou en calories.
04:29Expliquez-nous.
04:30Oui, alors la première mesure, c'est qu'on voudrait réduire le taux de sucre ajouté
04:37dans un certain nombre de recettes de 6 ou 7 produits très précis.
04:41On voudrait faire ça par un accord interprofessionnel.
04:44C'est les céréales, les pâtes à tartiner, les boissons les plus sucrées.
04:47Absolument.
04:48Comme ça a été fait sur le sel déjà, on a réussi à le faire sur le sel, on voudrait
04:51le faire sur le sucre.
04:52Diminuer.
04:53On fixe le taux et les producteurs qui ne respecteraient pas ce taux qui serait au-delà
04:58pourraient subir une taxe.
05:00Première source de financement.
05:01Deuxième source de financement.
05:02Une taxe sur ceux qui ne respectent pas la réduction de sucre.
05:06La réduction de sucre.
05:07Deuxième source de financement.
05:09Il y a aujourd'hui deux TVA pour un certain nombre de produits sucrés, notamment chocolatés,
05:13des barres chocolatées.
05:14Il y a un taux accessible à 5,5%, c'est le premier taux, et il y a un taux à 20%.
05:19Mais 5,5% ce n'est pas seulement pour les produits de première nécessité ?
05:22On croit que c'est que pour les produits de première nécessité.
05:26Il y a des friandises très sucrées là-dedans, notamment chocolatées, qu'on propose de
05:32basculer de 5,5% à 20%.
05:35Cette seconde mesure représenterait 1,2 milliard d'euros par an et pourrait financer l'aide
05:44alimentaire qu'on propose de 30 euros par mois, ciblée uniquement sur l'achat de fruits
05:49et légumes.
05:50Vous avez tout de même une part de responsabilité Dominique Schellcher.
05:52Une enquête de la CLCV montre que 41% des promotions sont réalisées sur des produits
05:59Nutri-Score D ou E, ceux qui sont saturés en sucre et en calories et coopératives vues
06:05et pas meilleurs que les autres.
06:08Mais écoutez, ce rapport est collectif, c'est un point de départ.
06:11C'est-à-dire que vous-même vous faites des promotions sur les produits riches en
06:15sucre.
06:16Et donc pour moi ce rapport est pour nous un électrochoc aussi et va nous conduire
06:19à bouger les lignes.
06:20Il y a des choses qu'on a déjà faites évidemment.
06:22Par exemple, sur la base du Nutri-Score que vous évoquez, on a retravaillé tous les
06:27Nutri-Score de nos céréales pour petit-déjeuner qui étaient parfois D ou E.
06:31Aucun de ces produits n'est plus aujourd'hui D ou E.
06:34Donc, ce type d'analyse, ce type de constat, je n'ai pas dit ça, on y travaille pour
06:40le changer.
06:41J'ai bien entendu ce constat.
06:43Donc bien sûr, il faut sans cesse se remettre en cause, avancer, tenir compte des évolutions
06:47et ce rapport, c'est le but.
06:50Est-ce que du coup, vous avez effectivement des choses que vous allez changer ? Vous avez
06:55parlé du Nutri-Score, est-ce qu'on pense aussi aux barres chocolatées qui sont accessibles
07:01juste avant les caisses des supermarchés ? On voit des rayons très importants sur
07:05les céréales saturées en sucre, sur les gâteaux également.
07:09Est-ce que vous allez vous-même tirer des conséquences, des conclusions ?
07:14Bien sûr, on va tirer des conséquences.
07:16Sur les devants de caisse dont vous parliez, les fameux produits qui sont là juste avant
07:19le passage en caisse, on a déjà fait des tests.
07:21On a introduit ce qu'on appelle le snacking sain, des barres céréalières, des graines,
07:27des noix de cajou, etc.
07:28Juste avant les caisses ?
07:29Juste avant les caisses, pour ne justement pas tendre la main sur un produit très sucré.
07:34Et ça a été plutôt bien accueilli.
07:36Donc on va continuer tout ça.
07:38Mais encore une fois, ce rapport, on voit que la responsabilité est collective, elle
07:42ne peut plus porter seulement sur le consommateur.
07:45Le producteur, le distributeur, les pouvoirs publics ont une part à prendre et c'est ce
07:50qu'exprime ce rapport aujourd'hui.
07:51Alors les prix en rayon, ils sont décidés au terme de négociations commerciales gérées
07:56par la loi EGalim.
07:57Quand on voit la difficulté qu'ont les personnes les plus précaires à bien se nourrir, quand
08:01on voit que l'inflation reste plus élevée sur les fruits et légumes que pour le reste
08:05de l'alimentation, comment faire Dominique Schelcher pour que tout le monde s'y retrouve ?
08:09Alors déjà, les prix baissent depuis le mois d'avril.
08:12Ils baissent depuis le mois d'avril, particulièrement chez nous, sur nos produits.
08:16Les baisses sont significatives.
08:18Sur par exemple le jambon, le paquet de quatre tranches de jambon a baissé.
08:22Les huiles ont baissé.
08:24Un certain nombre de produits à base de blé qui avaient fortement augmenté ont baissé.
08:28Les produits à base de papier, papier toilette, papier mouchoir ont baissé.
08:33Mais j'entends que ce n'est pas suffisant parce qu'en même temps, d'autres produits
08:37progressent comme le café.
08:39On a un souci avec le jus d'orange actuellement.
08:41Quand il y a un ouragan en Floride, après, il n'y a pas assez d'orange pour produire.
08:46Michel Barnier demande la transparence sur la réalité des marges.
08:49Est-ce que vous vous sentez visé ?
08:53Mais pas du tout, puisque nous donnons la transparence totale dans un outil du gouvernement
08:58qui s'appelle l'Observatoire de la formation et des prix et des marges.
09:01Et Coopérative-U, les magasins U, donnent toutes leurs marges à cet observatoire chaque année.
09:06Donc ce ne sont pas les distributeurs qui sont en cause si les prix ne baissent pas suffisamment ?
09:12Nous n'avons rien à cacher et tout est ouvert et transparent.
09:16Ce qu'il faut, c'est qu'il y a des nouvelles négociations commerciales qui arrivent dans
09:19quelques semaines.
09:20Il va falloir discuter des matières premières qui ont pu baisser, aller chercher des baisses
09:26de prix pour pouvoir les répercuter à nos consommateurs dans les mois qui viennent encore.
09:30Mais la baisse des prix a démarré.
09:32Merci beaucoup Dominique Schelcher, PDG de Coopérative-U, patron vous-même d'un supermarché
09:37à Fessenheim en Alsace.
09:39Vous étiez l'invité Echo de France Info ce soir.
09:42Merci.