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00:00On passe à notre focus de ce samedi soir, qui s'intéresse à la faune sauvage en Afrique.
00:05Guillaume Bone est un photographe français d'origine malgache, documentariste multi-primé
00:12qui explore depuis 30 ans les conflits et les évolutions sociétaux et les enjeux
00:16environnementaux à travers le monde notamment.
00:18Il a publié pour New York Times « Vanity Fair », Guillaume Bone, merci et bienvenue
00:23sur France 24 dans cette émission.
00:26On est ravis de vous recevoir à l'occasion de la publication de ce livre « Paradise
00:30Inc. » aux éditions Emmeria.
00:33Un livre très intéressant évidemment où vous témoignez les transformations du continent
00:39africain.
00:40J'aimerais vous faire réagir à quelque chose qu'on lit dès le début, justement
00:47la phrase d'Ezequiel Olé Katako, un sage Maasai du Kenya, qui écrit dans la préface
00:53« L'époque où les espèces sauvages vagabondaient librement sur des vastes territoires est révolue
01:00et ne reviendra jamais ».
01:01Oui, c'est la réalité de ce qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on oublie de regarder
01:09comme il faut regarder les choses et ce qu'on oublie c'est que la conservation animale
01:13elle a commencé sur plutôt des histoires très négatives, c'est-à-dire que les occidentaux
01:19arrivent en Afrique et se mettent à tout, j'allais dire, tirer un petit peu partout
01:24et ils se rendent compte à un moment qu'ils ont vraiment trop tiré et que la conservation
01:29elle commence au moment où on décide de créer les parcs nationaux pour justement
01:34se dire « il faut qu'on sauve ce qu'on a déjà beaucoup abattu ».
01:37Et ce qui se passe à ce moment-là, il y a une déconnexion avec les cueilleurs-chasseurs
01:43qui sont là depuis toujours et on leur dit « si vous rentrez dans ces parcs nationaux
01:46vous devenez des braconniers ».
01:48Donc c'est comme ça que ça commence, sauf qu'on a un peu oublié et que c'est comme
01:52ça que ça continue aujourd'hui.
01:54Donc la question que je pose réellement dans ce livre, qui est la thématique principale
01:58de ce livre, c'est est-ce que finalement l'écologie ne participe pas à la destruction
02:02de l'environnement ? Pourquoi ? Comme le dit très bien Ezequiel dans sa préface,
02:07c'est que les grands espaces sont en train de se réduire mais à une vitesse surprenante
02:13je dirais.
02:14Et que maintenant on est arrivé presque, j'exagère pas en le disant, quand on va
02:20dans un parc national, on arrive dans un zoo à « toit ouvert ». Donc c'est là où
02:26on en est aujourd'hui.
02:27C'est intéressant d'ailleurs, le livre, vous dites qu'il y a un affrontement finalement
02:34entre l'homme et la faune sauvage, que visiblement la faune sauvage a perdu, c'est ce qu'on
02:39comprend.
02:40Et finalement la question cruciale, c'est comment on trouve un équilibre entre le
02:43développement humain, parce que vous en parlez aussi des villes, il est aussi question de
02:48la place de l'homme dans cet habitat-là, finalement comment on trouve cet équilibre
02:52entre le développement humain et la préservation justement de la faune sauvage ?
02:56L'équilibre il va se trouver uniquement quand on va réussir à se poser les vraies
02:59questions.
03:00Et on ne peut pas continuer un système qui ne marche pas, en tout cas c'est ce qu'on
03:05voit sur le terrain, c'est un système qui est basé sur le fait qu'on se dit qu'on
03:09va pouvoir réparer notre relation avec la nature en mettant beaucoup d'argent là-dedans.
03:15Et on se dit, pour continuer le cheminement, on se dit que plus on va donner de l'argent,
03:21plus on va pouvoir réparer cette nature, or ce n'est pas comme ça que ça se passe
03:23du tout.
03:24Donc à un moment, il faut qu'on se dise, ok, qu'est-ce qui ne marche pas là-dedans ?
03:28Ce qui ne marche pas là-dedans, c'est qu'en fait, les communautés locales, donc je parlais
03:33des cueilleurs-chasseurs du début, il y a plus de 120 ans, 130 ans, on ne leur parle
03:37toujours pas.
03:38Et on ne leur demande pas comment on fait pour vivre dans une espèce d'équilibre,
03:44de balance des écosystèmes dont ils ont fait partie, parce qu'ils y vivent et ils
03:51vivent en coexistence, et c'est grâce à eux que ces écosystèmes existent encore.
03:55Donc ça veut dire que la solution passe par eux, par les communautés locales en fait.
03:58La solution ne peut passer que par les gens qui savent de quoi ils parlent.
04:01Or, les experts qu'on a aujourd'hui qui nous donnent des conseils, quand je dis nous,
04:06l'Afrique, qui donne des conseils à l'Afrique de savoir, de suivre des voies qui vont sauver
04:12tout ça, ces experts en général, ce sont des experts qui ne sont pas du coin et qui
04:16viennent en général pas d'Afrique.
04:18Donc il y a une déconnexion qui s'est faite entre la réalité de ce qui se passe réellement
04:22sur le terrain et je dirais la réalité des gouvernements qui sont complètement déconnectés
04:27aussi de la réalité parce qu'ils n'écoutent pas leur propre population.
04:31Oui, alors quelle est la solution finalement ? Comment on fait pour prendre en compte cette
04:35parole locale ?
04:36La solution c'est de se poser des questions.
04:38On ne se pose pas suffisamment de questions et c'est pour ça que je fais un livre comme
04:42ça, c'est parce qu'il y a une frustration qui se crée depuis longtemps chez moi par
04:46rapport à ce que je vois sur le terrain et je me dis que ce n'est pas possible, on ne
04:50peut pas continuer comme ça en se disant qu'on va continuer à faire avancer le système
04:59qu'on a mis en place il y a très longtemps, en se disant tout simplement qu'on peut sauver
05:04la nature juste en faisant un chèque parce que ça nous rend heureux de faire un chèque
05:09parce qu'on se sent, comment dire, ça nous déculpabilise en fait.
05:13C'est ça, ça déculpabilise mais finalement ce qu'on arrive à faire, c'est de ne pas
05:17remonter les manches et de plonger réellement dans le problème et de se dire ce qui se
05:21passe.
05:22Très rapidement, justement les gouvernements locaux, donc les Africains, ceux qui sont
05:27au pouvoir, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui pensent que finalement la faune
05:31et la flore est moins prioritaire au regard justement des besoins du développement humain,
05:36des villes, etc.
05:37Comment on fait ?
05:38Le problème c'est que, si on parle des éléphants, juste pour rester des éléphants, les éléphants
05:42et les êtres humains ils ont le même problème, c'est qu'ils sont tous les deux en train
05:47de chercher et se battent pour les mêmes ressources.
05:49Donc si vous regardez la configuration d'un parc national qui est très vert où il y a
05:52des arbres dedans et il y a des éléphants dedans, si ce parc national a été complètement
05:56clôturé, à un moment il va falloir s'occuper des nombres grandissants d'éléphants parce
06:02que si on laisse les éléphants faire ce qu'ils ont à faire, ça va devenir un désert.
06:06Si vous regardez de l'autre côté de la clôture, donc du côté des hommes où il
06:09n'y a pas d'animaux, en général c'est déjà des déserts, c'est-à-dire que tous
06:13les arbres ont été coupés, pourquoi ? Parce que les gens ont besoin de se nourrir et
06:15de se chauffer.
06:16Ah oui, d'accord.
06:17Il y a un parallélisme intéressant à faire entre les deux.
06:19Donc on se bat pour les mêmes ressources et la même terre.
06:23Absolument.
06:24Merci beaucoup Guillaume Bonne, c'est vraiment passionnant, c'est beaucoup plus qu'un
06:29beau livre, c'est un beau livre et intelligent à la fois.
06:32Merci beaucoup d'être venu.