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00:00À nos côtés, Naila Edfresh, bonsoir.
00:02Vous présidez le festival international de Baalbek.
00:05Baalbek, donc cette capitale de la plaine de l'Abeka,
00:08on peut dire capitale, dans le sud-est du Liban,
00:10cette cité antique millénaire de quelques 80 000 habitants
00:13frappés lourdement ces derniers jours par l'armée israélienne.
00:17D'abord, un mot, votre réaction quand vous découvrez ces images dans ce sujet.
00:22Plus que des images, parce que nous sommes en contact permanent
00:25avec des habitants de la région.
00:27On est, vous savez, maintenant avec les groupes WhatsApp,
00:29les réseaux sociaux, etc.
00:31On est malheureusement très vite au courant de tout ce qui se passe.
00:34Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas.
00:36Très vite au courant de ce qui se passe.
00:37Là, j'étais au téléphone avec une ONG humanitaire
00:41qui travaille beaucoup sur le terrain.
00:43Ils étaient en train de me dire qu'hier,
00:45il y a eu environ 60, 70 personnes qui ont quitté la ville.
00:49Moi, je trouvais que c'était peu parce que les alertes étaient tellement violentes,
00:52demandant aux gens d'évacuer et demandant aux gens d'évacuer
00:56en un laps d'une demi-heure ou d'une heure,
00:59que je lui ai dit, mais j'ai dit à cette personne avec qui je parlais,
01:03je lui ai dit, mais les autres 40, 30 %,
01:05ils m'ont dit, ceux-là ne veulent pas partir.
01:07Nous avons même deux employés chez nous qui ont été tués ce matin
01:11parce que c'était une femme avec ses enfants.
01:13Elle avait quitté la nuit.
01:16Elle ne savait pas où dormir.
01:17Elle a dormi dans sa voiture et puis elle a mis ses enfants sur le trottoir.
01:21Le lendemain, elle a préféré revenir chez elle.
01:23Et malheureusement, il y a eu une frappe à côté de sa maison.
01:27Donc, ce que je veux dire, c'est qu'ils vivent une situation
01:29excessivement précaire et difficile, très douloureuse.
01:33Que reste-t-il de Balbeck, la ville ?
01:36Est-ce qu'on peut justement encore y vivre ?
01:38On entendait ce que vous disiez, c'est-à-dire que ces personnes qui veulent rester, comment ?
01:42Alors, il y a des gens qui fuient, mais je sais que par exemple,
01:45l'archéologue de Balbeck, qui est une femme que nous côtoyons souvent,
01:49était jusqu'hier à Balbeck.
01:53Heureusement, elle a quitté.
01:54Mais parfois, on reste attaché à un lieu.
01:58Il y a quelque chose qui se passe, qui vous dit...
02:01Je parlais aussi aujourd'hui au poète Talal Haidar,
02:06qui est dans un village qui n'est pas loin, à Bdenye.
02:10Et il m'a dit, j'ai une prothèse, c'est très difficile, il est vieux.
02:15Je lui ai dit, mais tu n'as pas peur ?
02:16Il m'a dit, il y a eu neuf morts dans notre village, mais moi, je n'ai pas peur.
02:20Bon, c'est un village, c'est un petit village.
02:23Donc, c'est pour vous dire comment c'est très dur.
02:25C'est très, très dur.
02:26Mais nous, en tant que festival, notre rôle est aussi de parler de l'acropole,
02:32de la préservation des pierres.
02:33Justement, est-ce que ces frappes épargnent le patrimoine ?
02:38Non, parce que jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de frappe.
02:41On sait, à Thiers, mais là, je suis pour parler de Balbeck,
02:44mais à Thiers, je pense que
02:45la partie très ancienne n'a pas été touchée.
02:51Mais vous savez, dans ces lieux historiques,
02:54il n'y a pas que la partie visible, il y a aussi la partie invisible,
02:57il y a tout ce qu'il y a autour.
02:59Donc, en général, on protège sur plusieurs,
03:01un périmètre beaucoup plus grand que l'acropole lui-même.
03:05Donc, aujourd'hui, nous avons à Balbeck l'acropole le mieux romain,
03:09le mieux préservé du monde, avec le temple de Jupiter, de Bacchus, de Vénus.
03:14Un lieu formidable où on a fait des festivals.
03:17D'ailleurs, on fête les 75 ans du festival de Balbeck dans un an et quelques.
03:22Donc, il y a tout le patrimoine aussi culturel et avec la population.
03:27Nous avons beaucoup travaillé avec la population de Balbeck,
03:30qui aime la musique, qui aime la danse, parce qu'ils ont vécu avec ce festival.
03:34Donc, nous avons écrit une lettre ouverte aux institutions internationales,
03:40aux grands décideurs, à ceux qui ont de l'influence.
03:43La lettre ouverte a été diffusée ce soir pour dire, écoutez,
03:49il faut à tout prix faire quelque chose.
03:52Je pense que l'UNESCO, je sais par l'ambassadeur de l'UNESCO,
03:55notre ambassadeur, docteur Moustapha Adib, qui est à Paris en ce moment,
04:00qui se démène vraiment énormément pour essayer de trouver tous les moyens
04:06pour préserver le patrimoine culturel, le patrimoine mondial.
04:10Et ce que j'ai envie de dire aux gens,
04:12c'est qu'un patrimoine mondial, ce n'est pas seulement un patrimoine
04:15qui appartient aux Libanais, c'est un patrimoine qui appartient à chacun de nous,
04:20de vous, à nos enfants, à nos petits-enfants.
04:23Ce sont des temples qui existent depuis...
04:28Nous, on a des vestiges phéniciens, romains,
04:32byzantins, arabes dans cette acropole.
04:36Donc, ça devrait concerner chaque personne qui est touchée.
04:40Un appel à la culture, un appel à la préservation de ce patrimoine.
04:44Et je pense qu'une voix, deux voix, trois voix, cent voix peuvent finir par dire
04:49écoutez, il faut épargner, on se rappelle, épargner ce carnage.
04:56On connaît, on se rappelle de Palmyre, on se rappelle des Bouddhas d'Afghanistan.
05:03Vraiment, on pense qu'on ne doit pas permettre que des choses pareilles se fassent.
05:08Pourquoi, justement, selon vous, l'armée israélienne vise-t-elle Baalbeck ?
05:14Elle vise Baalbeck, toute la ville.
05:16Oui, moi, je ne pense pas qu'elle la vise pour des raisons antiques.
05:19On sait que c'est un endroit où le Hezbollah a beaucoup d'importance.
05:23On le sait, mais ce n'est pas une raison.
05:28Surtout qu'on sait aussi qu'il y a énormément de civils qui sont tués.
05:33L'histoire de cette jeune femme et ses enfants dont je vous parlais tout à l'heure,
05:37je suis sûre qu'elle ne fait pas partie même des partisans.
05:42C'est quelqu'un qui...
05:43Mais donc, il faut demander aux Israéliens pourquoi ils frappent.
05:47Moi, je ne peux pas répondre à leur place.
05:49Mais je pense qu'il faudrait vraiment leur donner une prise de conscience,
05:55de dire arrêtez, arrêtez parce que vous ne pouvez pas détruire tout un pays comme ça.
06:01Vous ne pouvez pas détruire tout un patrimoine.
06:04Nous avons signé les conventions, la convention de l'AE.
06:08Nous faisons partie du patrimoine mondial depuis 1972.
06:13Je parle de l'Acropole, en tout cas.
06:15Donc, il faut respecter.
06:18Ces institutions sont là pour se faire respecter.
06:20– Vous présidez, je le disais, le Festival international de Baalbek.
06:25C'est le plus vieux du Liban, corrigez-moi s'il me trompe.
06:27– Oui, c'est le plus vieux du Liban.
06:28– Est-ce qu'il est en danger, à l'heure actuelle ?
06:32– Ce n'est pas qu'il est en danger.
06:33Il est fragile depuis longtemps.
06:35C'est-à-dire que la région est fragile depuis longtemps.
06:38Nous avons chaque année, souvent la région qui mène à Baalbek
06:43est une région qui est considérée comme zone rouge.
06:47Nous demandons pendant la période du festival
06:50de déployer l'armée et les forces de sécurité sur les grands axes
06:54pour permettre aux festivaliers de venir et d'assister.
06:58Nous n'avons jamais eu de problèmes graves,
07:01mais il y a toute une organisation autour
07:04qui doit se faire pour maintenir ce festival.
07:07C'est pour le perdurer, pour qu'il continue, c'est important.
07:10Moi, je pense que c'est important pour garder cette civilisation.
07:13On a un slogan, on dit, Baalbek, c'est la cité du soleil.
07:16Et on ne voudrait pas que ça devienne la cité de l'obscurité,
07:20la cité des ténèbres.
07:22Et je pense que c'est important
07:23parce que les habitants de la ville sont concernés.
07:27Et c'est un patrimoine qui, comme je vous ai dit, leur appartient.
07:31Appartient au Liban, mais appartient au monde entier.
07:33Un festival qui n'en est pas, on l'aura compris à sa première crise.
07:37Finalement, est-ce qu'une délocalisation est envisagée
07:42si jamais il ne peut pas avoir lieu l'été prochain ?
07:44Écoutez, la délocalisation ne plaît jamais beaucoup aux habitants de la ville.
07:49Mais quand on est obligé de la faire, on la fait.
07:53Quand on dit, nous préférons continuer que mourir.
07:56Et c'est exactement ce que nous avons fait cette année,
07:58parce que nous avions organisé un festival qui a été réduit, réduit, réduit,
08:02puis qui a changé de voie.
08:03On a voulu faire un spectacle qui était un spectacle symbole,
08:06un spectacle message.
08:08On a fait à Beyrouth, dans le théâtre de Karakalla.
08:11Karakalla est une grande troupe de danse libanaise.
08:16Mais ils sont originaires de Baalbeck et ils ont un théâtre à Beyrouth.
08:20Et c'est chez eux que nous avons fait un spectacle avec un groupe
08:24d'oudes palestiniens et un groupe d'oudes libanais qu'on a appelé
08:29ce qui veut dire les corps de Baalbeck, les corps d'eux,
08:33avec ces deux groupes palestiniens et libanais,
08:36pour montrer que la musique doit être plus forte que les armes.
08:40Merci beaucoup, Naila Defrèges.
08:42Et c'est sur cet appel que l'on restera.
08:44Merci de nous avoir apporté votre témoignage.
08:46Je rappelle que vous présidez le Festival international de Baalbeck.