Xerfi Canal a reçu Guergana Guintcheva, professeure de marketing à EDHEC Business School, pour parler de la responsabilité des médias.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Gergana Gincheva, professeure de marketing à l'EDEC Business School.
00:13Gergana, vous publiez un papier sur la représentation des personnages dits
00:20neurodivergents, dans le cinéma notamment, et vous pointez la responsabilité, au-delà du cinéma
00:28d'ailleurs, des médias, dans le fait de bâtir des narratifs, des histoires inclusives. Alors,
00:34première question, c'est quoi un personnage neurodivergent et pourquoi vous y intéressez ?
00:38Ce papier d'abord, il a été publié avec Isis 2D, et donc toutes les deux, on s'est intéressé à la
00:47représentation justement des neurodivergents qui sont des personnes, comme vous et moi,
00:53mais qui n'ont pas un fonctionnement du cerveau dit normal. D'ailleurs, depuis…
01:00C'est typiquement les Asperger, l'autisme, etc.
01:03Voilà, autistes, schizophrènes, aussi les personnes qui souffrent de dépression,
01:10les personnes qui souffrent d'un stress post-traumatique par exemple, et depuis cette
01:16année, depuis 2024, le dictionnaire, le petit Robert, il a introduit les deux termes « neurotypique
01:29» et « neuroatypique », qui est un synonyme de neurodivergent.
01:32Très intéressant. Alors, qu'est-ce que le cinéma vient faire là-dedans ?
01:35Alors, l'idée de ce papier, pour être très honnête avec vous, elle est partie d'une conversation
01:41avec une amie très proche, qui un jour m'a dit que son fils a été diagnostiqué schizophrène,
01:45et quand le psychiatre lui a annoncé ce diagnostic, elle s'est mise à pleurer parce que la première
01:50chose qu'elle a vue dans sa tête, c'était « Split ». C'est un film qui, sur l'affiche,
01:55explique que le personnage a 23 personnalités différentes. Donc, cette amie, elle s'est imaginée
02:03son fils assassin, violent, parce que la seule référence qu'elle avait, c'était ce type de film.
02:11Donc, avec ma co-autrice, on s'est rendu compte qu'il y avait une nécessité d'évangéliser ce sujet
02:18à un plus large public, et on a fait une étude sur comment ces conditions sont représentées
02:27dans le cinéma. On a analysé 200 films depuis les années 1930 jusqu'à 2023, et le constat est
02:39que toutes ces conditions sont représentées de façon trompeuse. Pour vous donner un exemple,
02:47si je vous dis « Spectre de l'autisme », tout de suite, vous allez penser à « Rain Man » ou
02:51« The Good Doctor », et si vous voyez une personne qui souffre de ce spectre dans la vraie vie,
02:57vous allez vous dire « Quel est son pouvoir extraordinaire ? ». Pourquoi ? Parce que pour
03:01un effet de dramatisation dans le film, on a pris juste une partie du spectre de l'autisme,
03:08qu'on appelle les autistes savants, et qui ne représente qu'une toute petite partie de ce
03:13spectre. Pour les schizophrènes, pareil. Vous avez « Shutter Island » ou « Split » que j'ai
03:18mentionné. Par exemple, un psychiatre va vous dire que dans sa carrière de psychiatre, peut-être
03:23qu'il va avoir pendant toute sa carrière une personne schizophrène qui a un dédoublement de
03:28personnalité, alors que c'est toujours ça qu'on met en avant, encore une fois, pour un effet
03:34dramatique dans le cinéma. Évidemment, ça fait de l'audience aussi. Exactement. Ça fait des
03:40spectateurs, bien sûr. Au-delà du cinéma, alors ça c'est votre point, le cinéma doit se saisir de
03:46cette question et participer à des narrations plus inclusives. De l'autre côté, vous dites,
03:50peut-être au-delà du cinéma aussi, il faut penser. Dans toutes les industries où il y a
03:55une narration, parce que quand on entend par exemple les jeux vidéo, le cinéma, les livres,
04:01on s'identifie aux personnages. Et pour donner un exemple des jeux vidéo, c'est League of Legends,
04:05c'est un bon exemple, parce que League of Legends qui sort régulièrement des champions, ce qu'ils
04:11appellent les champions, c'est des personnages qu'on peut incarner dans le jeu. Ces champions
04:15sont vraiment très impressionnants et donc à fort effet d'identification. Et là, le dernier
04:24champion qu'ils ont sorti, c'est une fille, elle s'appelle Aurora et elle est autiste. Donc ça,
04:29c'est très important pour la diversité et l'inclusion dans les jeux vidéo et au-delà.
04:35Parfait, donc votre papier a un impact. Merci à vous.