La politique économique protectionniste de Donald Trump pourrait avoir des conséquences significatives sur l’activité de certains exportateurs en France. Des secteurs comme le luxe ou le vin sont particulièrement concernés.
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00:00Il est 8h13, retour sur le plateau de première édition, comme chaque matin, le 7 minutes pour comprendre quelles peuvent être ce matin les conséquences économiques de l'élection de Trump pour la France et évidemment pour l'Europe.
00:17Avec nous Thierry Arnault, éditorialiste politique internationale à BFM TV en direct de New York où il est 2h14.
00:25Bonne nuit Thierry, merci d'être avec nous. Nicolas Doss continue de nous accompagner et on est avec Thierry Motte. Thierry Motte, il est vigneron à Chablis, secrétaire général des vignerons indépendants.
00:36Merci Thierry Motte d'être avec nous ce matin. L'Amérique de Donald Trump va-t-elle coûter cher au vieux continent, notamment avec une hausse probable des droits de douane ?
00:46Thierry Motte, comment vous avez réagi quand vous avez appris hier matin la victoire de Donald Trump ?
00:52On a réagi sereinement et disons qu'aujourd'hui on savait à quoi s'attendre vu ce qui nous avait infligé par rapport au conflit Boeing-Airbus.
01:03Donc oui, on connaît un petit peu la politique économique de M. Trump en voulant taxer tous les produits d'importation et donc le vin en ferait partie. Donc on n'est que moyennement surpris.
01:15Mais il y a cinq ans justement, ça s'était passé comment ? Quelles conséquences ça avait sur vos prix et sur votre marché ?
01:22Il y a cinq ans, sur le marché, ça nous avait pénalisé d'environ un peu plus de 20% de perte de vente sur le continent américain avec des disparités selon les vins mais aussi selon les opérateurs.
01:37Il faut savoir que ces taxes avaient puni les vins qui étaient inférieurs à 14 degrés et sur des contenants inférieurs à 3 litres. Donc tout le monde n'était pas, si je puis dire, logé à la même enseigne.
01:49Mais par exemple, vous qui êtes vigneron à Chablis, des caisses de Chablis, vous en envoyez beaucoup aux Etats-Unis ?
01:54Je commercialise environ 25% de ma production sur le continent américain. Donc pour moi c'est relativement important. Alors je suis un opérateur assez important et donc on avait trouvé une parade face à ça.
02:08C'est-à-dire qu'on envoyait nos vins en vrac et ils étaient mis en bouteille sur le continent américain pour échapper à ces taxes.
02:15Ah vous envoyez des cubis, c'est ça ?
02:18On envoyait des grosses poches de vins, 240 hecto à chaque fois, qui étaient mis en bouteille sur le continent américain.
02:27Bon Nicolas Doss, à quoi il faut s'attendre ? Ces taxes elles vont revenir ? Elles vont s'amplifier ? Qu'est-ce qui va se passer pour les vignerons et les marchandes spiritueux ?
02:34Eh bien il va se passer que oui effectivement les taxes vont monter, c'est absolument certain.
02:38On sait combien à peu près ?
02:3910 ou 20, on verra. On sait à l'époque que vous rappelez, 2019-2021, 450 millions d'euros de manque à gagner pour la filière vins et spiritueux française.
02:48C'est pas négligeable. C'est la première destination des vins et spiritueux à l'export, les Etats-Unis. Donc il est certain que c'est le secteur le plus touché par le retour de Donald Trump.
02:59Les premières taxes de Trump, elles avaient été supprimées par Biden ou pas ?
03:05Est-ce qu'elles ont été réaménagées précisément ? Non. Biden a augmenté des quantités d'autres taxes. Biden, Harris, Trump, Obama, même combat, c'est un pays protectionniste.
03:21Thierry Arnault, on va garder cet exemple des vins et des spiritueux parce que dans la philosophie, j'aimerais aussi que vous nous expliquiez pourquoi ces taxes sur des produits que les Américains ne produisent pas.
03:31Il n'y a rien à protéger pour l'économie américaine lorsqu'on taxe le Chablis.
03:36C'est pas ce que vous répondrez Donald Trump, Christophe, pour lui. Et il l'a dit, le vin américain est meilleur que le vin français, donc il faut le protéger.
03:45Et c'est la raison pour laquelle il considère que le mot anglais tarif, c'est-à-dire les droits de douane, il le répète souvent, c'est à ses yeux le plus beau mot de la langue anglaise.
03:54Ça ne sera pas limité aux vins et aux spiritueux. Il promet vraiment la généralisation de ces droits de douane de 10 à 20% ici aux Etats-Unis.
04:02Ça pourrait même monter à 60% s'agissant des produits qui viennent de Chine.
04:07Ça pourrait remettre en cause l'accord de libre-échange des Etats-Unis avec le Mexique et le Canada, ici, qui représente une grosse part évidemment du commerce international américain.
04:17Donc vous voyez qu'il faut s'attendre de la part de Donald Trump à une défense très agressive des intérêts américains et au déploiement de toute une série de mesures
04:26et de nouvelles taxes douanières qui concerneront beaucoup de produits. C'est en tout cas ce qu'il a promis tout au long de cette campagne présidentielle.
04:33Mais Nicolas, est-ce qu'en représailles, l'Europe et notamment la France peuvent à leur tour imposer des droits de douane plus importants aux produits qu'on importe d'Amérique ?
04:42On le fera, c'est certain. Ce sera œil pour œil, dent pour dent. C'est la guerre commerciale, c'est vieux comme le monde.
04:48Sauf que l'Europe va réagir avec 12-18 mois de retard comme d'habitude.
04:53Pourquoi ?
04:54L'Europe met toujours plus de temps à tout faire.
04:56Parce que l'Europe est à 27.
04:57Parce que l'Europe est à 27. L'Europe n'est pas une fédération. L'Europe, les choix politiques sont lourds.
05:01On parlait de l'Allemagne. Il y a un institut de l'économie allemande à Cologne qui a essayé d'estimer combien pouvait coûter à l'Allemagne les hausses de droits de douane aux Etats-Unis
05:10sachant que la moitié du PIB de l'Allemagne, c'est de l'exportation et que l'Amérique va devenir le premier partenaire à l'exportation de l'Allemagne
05:17maintenant que la Chine n'a plus cette position-là.
05:1910% de droits de douane, ça coûte 130 milliards d'euros de PIB à l'Allemagne.
05:2420% de droits de douane, ça coûte 180 milliards d'euros de PIB à l'Allemagne.
05:28On est beaucoup moins exposés, mais les secteurs exposés et qui exportent aux Etats-Unis vont évidemment perdre des plumes.
05:34Est-ce qu'il peut y avoir, Thierry Arnault, des négociations au cas par cas, par produit et par pays ?
05:40Il y aura.
05:41Comme ça a été le cas par l'aéronautique ?
05:43Ce n'est pas certain parce qu'il y aura vraiment une démarche très agressive de la part de Donald Trump, c'est sûr.
05:48Vous savez, il y a une chose qui est très importante de comprendre, c'est que Donald Trump version 2024, ça n'est pas le même que 2016.
05:55Quand il arrive à Washington en 2024, c'est un peu le lapin dans les phares de la voiture.
05:59Il n'a ni les codes, ni les réseaux, ni la connaissance des outils du pouvoir.
06:04Et il n'a pas ce parti républicain qu'il a aujourd'hui, qu'il a totalement purgé, qui est totalement à ses ordres et qui est totalement aligné idéologiquement avec lui.
06:12Donc ça veut dire qu'il n'y aura aucune limite à ses ambitions en la matière.
06:16Et il n'est pas sûr qu'il rentre vraiment dans un degré de détail très élevé pour se dire que tel produit est visé, tel produit est protégé.
06:25Cela étant, il y a beaucoup d'hommes d'affaires aujourd'hui dans son entourage qui sont eux aussi à la tête de multinationales, qui ont beaucoup investi financièrement dans sa campagne.
06:35Et ils ne manqueront pas de rappeler au président élu désormais la nécessité de défendre leurs intérêts.
06:41On pense évidemment à l'automobile, au spatial, qui concerne au premier chef Elon Musk, le patron de Tesla et de SpaceX, qui a été au premier rang de sa campagne présidentielle.
06:51Il y en a d'autres aussi, donc il y aura certainement de la défense d'intérêts particuliers au moment où ces sanctions vont se mettre en place autour de Donald Trump et à la Maison Blanche.
07:00Nicolas, je voudrais qu'on dise un mot du luxe. Est-ce que les conséquences pour le secteur du luxe français peuvent être importantes ?
07:05Le luxe qui est déjà confronté à une baisse de la demande en Chine.
07:10Ce n'est pas une bonne nouvelle du tout pour le luxe, surtout que c'est une spécificité française. La mode, c'est quand même une de nos forces.
07:15Pareil, ça va être taxé au même niveau ?
07:17Il y a des chances, mais l'Oréal ne perdait pas 3 % pour rien hier à la Bourse de Paris.
07:21D'ailleurs, si vous regardez la composition du CAC 40 où le luxe est hyper dominant, c'est la raison principale pour laquelle notre indice est la pire performance des grands indices boursiers depuis le début de l'année.
07:31Je crois qu'il y a l'indice de Varsovie et de Moscou qui fait moins bien que nous depuis le 1er janvier, car effectivement, le luxe est très présent dans l'indice et que le luxe a beaucoup reculé.
07:41Un dernier mot avec vous Thierry Motte à Chablis. Franchement, si on se dit les choses, les yeux dans les yeux. Il a un concurrent votre Chablis aux Etats-Unis ?
07:51Il a un concurrent, oui. Il y a de l'excellent vin dans la Napa-Vallée. Après, le marché américain est tellement grand que je pense qu'il y a de la place pour tout le monde.
08:01Chablis, on a une forte notoriété comme beaucoup d'autres appellations en France. Il faudra trouver des subverfuges et continuer à investir ce marché qui, pour nous, est très important au vu de la situation économique de la filière viticole française aujourd'hui.
08:16Sachant que Donald Trump ne boit pas une goutte d'alcool, ce n'est pas une guerre qui est gagnée pour eux.
08:22Merci infiniment. Merci Thierry. Bonne nuit à New York et merci à vous Thierry Motte du côté de Chablis.
08:28Merci.