Un quart de siècle de gestation pour une adoption aux forceps... ou un enterrement? A quelques jours d'un G20 et à quelques semaines d'une réunion des cinq pays du Mercosur que certains dirigeants voient comme des occasions de parvenir à un accord, le projet de traité controversé UE-Mercosur fait toujours face à une vive opposition française.
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00:00Avec nous Paul De Villers, vice-président des jeunes agriculteurs, et José Pérez, le président de la coordination rurale du Lot-et-Garonne.
00:09Merci à tous les deux d'être avec nous ce matin. Gaëtan Mélin, la chef du service économie et social de BFMTV, nous accompagne également.
00:16Bonjour Gaëtan. Alors que les agriculteurs sont donc prêts à ressortir les tracteurs, pas de gaieté de cœur, mais d'épuisement et de colère en dépit de nombreuses aides d'urgence,
00:25en dépit des annonces du gouvernement, et alors que la nouvelle ministre de l'Agriculture, Annie Gennevard, joue ces dernières heures la carte de l'empathie. Écoutez-la.
00:32Bien sûr que la menace demeure, et c'est bien pour ça qu'il faut se mobiliser fortement. On a un alignement des positions français. Nous ne voulons pas de cet accord.
00:41Nous ne voulons pas de cet accord parce qu'il est mauvais. Il va avoir arrivé des quantités de produits qui sont fabriqués avec des substances qui sont interdites chez nous.
00:52Donc ça, c'est pas possible. Et de surcroît au prix de la déforestation. Donc ça, sa concurrence déloyalement de nos propres productions, c'est fait avec des substances qui sont interdites chez nous,
01:03et ça se fait au prix de la déforestation. Il y a trois raisons pour lesquelles on ne peut pas...
01:09C'est un accord de libre-échange. D'abord, Mercosur. On va passer à cette question toute seule. Mercosur, ça veut dire quoi ?
01:13Alors, c'est l'abréviation espagnole du marché commun qui réunit 5 pays d'Amérique latine, le Brésil, le Paraguay, l'Argentine, le Venezuela ou bien encore l'Uruguay.
01:24Ça fait des années que l'on parle de cet accord de libre-échange.
01:262019, effectivement, il a été signé avec l'Union européenne pour permettre justement le libre-échange des marchandises, aussi bien que des services, est-ce que ce soit agricoles ou bien des machines.
01:37Ce que l'on comprend, c'est que la France va tout faire pour que ça ne se fasse pas. Mais la France n'est pas seule.
01:41Non, tout à fait. Et finalement, la France est assez isolée. La France s'oppose...
01:44Isolée en Europe.
01:45Exactement. La France s'oppose à cet accord depuis de nombreuses années. Et d'ailleurs, c'est Édouard Philippe, le Premier ministre de l'époque, qui avait demandé un rapport à l'Inrae
01:55et qui avait établi qu'il y avait beaucoup plus de désavantages que d'avantages pour un certain nombre de pays européens et notamment pour l'agriculture.
02:04Ce rapport montre aussi que l'augmentation du bétail qui sera livré en Europe, cela engendrera une augmentation de 5% de la déforestation.
02:16Qui est pour en Europe ?
02:17Alors l'Espagne et l'Allemagne qui poussent pour cet accord. Pourquoi ? Encore une fois, parce que cet accord, il porte sur l'agriculture, on l'a vu, mais aussi sur des éléments très importants pour l'Espagne.
02:28Viande contre voiture, on dit parfois.
02:30Contre voiture, contre chimie, contre machine. Et ça, bien évidemment, ça fait les affaires de l'Allemagne et de l'Espagne.
02:36Encore une question très simple, Gaëtan. Est-il vrai que cet accord permettrait d'importer du bœuf, de la volaille et du maïs qui ne respectent pas nos normes ?
02:43Oui, tout à fait, puisqu'on n'a pas les mêmes normes sanitaires ni environnementales dans ces pays. Et d'ailleurs, on le voit tous les jours et notamment le bœuf au Brésil qui est élevé avec des hormones de croissance
02:56qui sont aujourd'hui interdites en Union européenne.
02:59Paul de Villers, vous venez peut-être d'entendre la ministre de l'Agriculture. Est-ce que vous êtes rassuré de la sentir de votre côté, en fait, sur ce dossier du Mercosur ?
03:08Alors oui, bonjour à tous. Déjà, oui, c'est rassurant quand même d'avoir des propos tenus comme ceci par la ministre.
03:16Mais en fait, cette fois-ci, le jeu, il est plus franchement au niveau français. Il se passe à Bruxelles. Et c'est aussi pour ça qu'on maintient la pression, parce que tout simplement,
03:28il va falloir que cette voix soit portée plus haut. Donc nous, notre objectif, c'est qu'on ait une vraie annonce, peut-être de la part du président de la République à Bruxelles.
03:38Quelque chose qui nous rassure, parce que c'est une inquiétude qui plane et qui est terrible dans les cours de ferme aujourd'hui.
03:46— On va venir vers vous, José Pérez. Mais est-ce que, pour reprendre ce que dit M. de Villers, est-ce que la voix de la France pèse suffisamment en Europe
03:53pour que nous arrivions à satisfaire nos agriculteurs ? — Alors pour que l'accord ne soit pas ratifié les 18 et 19 novembre, peut-être.
04:00Mais en tout cas, il y a une vraie pression aujourd'hui de la majorité des pays européens pour signer cet accord.
04:05— José Pérez, est-ce que vous avez confiance ou pas ? — Oh non, pas du tout. Aujourd'hui, on n'a pas du tout confiance, parce que tous ces politiciens,
04:12ils parlent très très bien. Devant nous, ils disent quelque chose. Devant tout le monde, ils disent qu'ils sont contre.
04:19Mais il faut voir s'ils vont vraiment être contre au Parlement européen. Aujourd'hui, c'est insupportable.
04:23Quand on les entend parler, on a l'impression qu'ils sont avec nous. Mais au final, on se rend compte que rien de ce qu'ils disent est appliqué.
04:33Ils parlent beaucoup, ils parlent beaucoup. Mais rien, rien, rien n'est mis en place, quoi. C'est insupportable.
04:40— Bon. Vous êtes un peu sévère, parce qu'au début de l'année, après le conflit et la mobilisation d'ailleurs légitime des agriculteurs,
04:47vous avez obtenu un certain nombre d'engagements. On peut d'ailleurs rappeler d'ailleurs ces engagements... Attendez. Juste, je vous redonne la parole, José.
04:53— Tout à fait. D'ailleurs, si on prend les propos de la FNSEA, qui est le premier syndicat agricole, la moitié des 70 mesures
04:59promises par le gouvernement Attal ont bien été respectées. Alors effectivement, il reste la question de l'eau, il reste la question de la loi EGalim
05:07où il y a encore du revenu des agriculteurs qui dépendent de la loi d'orientation agricole qui, malheureusement, a été arrêtée à cause de la dissolution.
05:15Mais normalement, l'examen de ce projet de loi devrait reprendre début d'année.
05:19— Ça veut dire qu'au-delà du Mercosur-JP1, s'il y a des choses... Enfin la situation, en fait, s'est aggravée et continue de s'aggraver.
05:25C'est ça qu'il faut comprendre ? — Tout à fait. Aujourd'hui, la situation est catastrophique.
05:30Quelles mesures ont été appliquées réellement suite au gouvernement Attal ? Pas grand-chose. La détaxation du GNR qui était déjà mise en place.
05:37Et après, quoi d'autre ? Quelques mesurettes au niveau de l'élevage. Mais enfin, si on voit les volumes financiers...
05:45Alors comme ça, globalement, ça fait beaucoup. Mais rapporté sur chaque structure, rapporté sur chaque exploitation, ça ne représente rien du tout.
05:53Et rien du tout qui puisse faire évoluer ou mettre en sécurité nos exploitations agricoles.
05:58Aujourd'hui, du gouvernement Attal, il n'y a rien du tout qui a été fait. Voilà. C'est une catastrophe.
06:04On l'avait prévenu quand on a commencé à manifester que la fin de l'année allait être compliquée. Le climat, en plus, ne nous a pas aidé.
06:11Ces excès de pluie, les rendements minables que l'ont obtenus en céréales, mais pas que, parce qu'au final, on se rend compte que toutes les productions sont mauvaises.
06:19Il y a une baisse entre 30% et 50% des productions. Et c'est une catastrophe. Et aujourd'hui, on arrive à la fin de l'année.
06:26Et les situations des exploitations sont catastrophiques. On n'a plus de trésorerie, nos factures s'entassent, et on ne sait pas comment on va régler les factures.
06:36– Mais c'est vrai, vous avez raison d'insister là-dessus, parce qu'on a vraiment l'impression qu'il y a eu une conjonction des éléments.
06:41Les intempéries, vous avez raison, l'épisode de fièvre catarale, on en parlait ce matin en première édition,
06:46la grippe aviaire qui revient, une loi d'orientation agricole suspendue, et c'est vrai que ça fait beaucoup pour nos agriculteurs.
06:54Donc la mobilisation sera forte à partir de vendredi, José ?
06:58– Ah ben nous, on a appelé à mobiliser le 19. Le 19, tous les agriculteurs qui souhaitent nous rejoindre,
07:06on attaquera devant les préfectures le 19 pour essayer une ultime négociation, pour essayer d'avoir des ultimes propositions.
07:16Aujourd'hui, c'est plus possible, on ne peut plus continuer comme ça. Et si le 20, on n'a pas de réponse, le 20, on partira tous en cortège.
07:24Vers des points stratégiques, parce que c'est plus possible. On ne peut plus nous imposer des choses,
07:32on ne peut plus nous interdire de produire, parce qu'on nous interdit de produire.
07:38Aujourd'hui, quand vous me parlez de l'Allemagne et de l'Espagne, bien évidemment, ils n'ont pas les mêmes normes que nous.
07:44Ils peuvent utiliser des produits phytopharmaceutiques pour produire. D'ailleurs, on parle souvent de l'Espagne.
07:53Si en France, on nous autorisait à produire comme Almeria, comme il se fait là-bas, les vastes étendues de serre,
08:01mais Almeria n'existerait pas, puisqu'en France, on a l'eau, on a le climat, on a les agriculteurs qui sont d'excellentes travailleurs.
08:09Mais à côté de ça, on a les normes qui nous crèvent tous les jours. Et je pense que dans ce pays, on ne pense qu'à crever l'agriculture.
08:16Et Mme Génévard, il va falloir qu'elle se réveille. Il va falloir qu'elle mette en place, qu'elle connaît la même réglementation européenne,
08:24parce que c'est insupportable, toute cette surtransposition. On ne peut plus la supporter.
08:30— Donc blocage des préfectures dans un premier temps, et ensuite blocage des grands axes. C'est ça que vous voulez dire ?
08:36Peut-être aussi les plateformes d'app... Non ? — Ouais. On va pas bloquer les grands axes. On va bloquer les transports.
08:43Et après, on va bloquer toutes les marchandises qui arrivent et qui ne sont pas aux mêmes normes que les nôtres.
08:50Et à un moment donné, il va falloir montrer dans ce pays que si on supprime toutes les marchandises qui ne sont pas
08:56de la même réglementation que les productions françaises, eh bien il n'y aura plus grand-chose sur les états français.
09:04— On risque de revoir en fait les images qu'on a vues au début de l'année des manifestations d'agriculteurs.
09:09Mathieu Croissando, on entend que les agriculteurs, en fait, ils veulent aussi un choc de simplification qui n'arrive pas.
09:14— Bien sûr. La question des normes, elle avait été évoquée. C'était un des premiers motifs, d'ailleurs, de ras-le-bol de la part des agriculteurs.
09:20On en avait parlé sur ce plateau. Vous vous souvenez ? Les haies, il y avait 17 codes différents pour gérer les haies au fond d'une exploitation.
09:27Donc ce travail-là, il a été entamé. Mais évidemment, il n'a pas été résolu entièrement. Et puis il y a cette loi de programmation
09:34qui a été suspendue par la dissolution et qui pose aussi un vrai problème.