Dans ce nouvel épisode des Vagues, la journaliste Emilie Tran Nguyen échange avec Alice Belaïdi. L’actrice (Un ptit truc en plus, Le Fil, Hippocrate) s’exprime sur son ouverture d’esprit acquise dans son quartier populaire dans le sud de la France auprès de parents parfois mis à l’écart de la société. Une ouverture qui lui a permis d’arriver là où elle en est aujourd’hui. Elle qui s’est toujours refusée à jouer la “petite maghrébine de quartier” ne se demande pas pourquoi elle est là mais se dit à quel point c’est “fou” d’y être.
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00:00Se sentir à sa place dans le monde, c'est une question qu'on s'est toutes posée.
00:03On peut y répondre une fois, ça ne veut pas dire qu'on a fini avec cette question.
00:06C'est comme les vagues, c'est pour ça que c'est le nom de ce podcast.
00:09Ça va et ça vient, c'est remis en jeu à chaque épreuve que l'on rencontre dans la vie.
00:14Il y a les doutes, les questionnements, peut-être que tu les as eus, ce n'est pas pour moi, comment font les autres, j'y arriverai pas.
00:20Et puis un jour, il y a ce sentiment qu'on y est, enfin, à sa place.
00:23Alors ça peut durer des secondes, des jours, des mois, des années si on a de la chance.
00:27Il s'agit d'éteindre ces démons et d'écouter cette petite voix qui nous fait du bien
00:31et celle justement qui nous aide à nous sentir à notre place.
00:34Et comment on fait pour la garder ? C'est la question que je te pose aujourd'hui, Alice Belahedi.
00:48Alors, je demande à chaque invité de m'emmeler dans un endroit qui lui est cher et où il se sent bien.
00:53Toi, c'était la Martinique, les Antilles, donc pardon, le décor n'y est pas.
00:57Nous sommes dans un studio d'enregistrement à Paris.
01:00Mais pourquoi la Martinique et les Antilles ?
01:03Je ne sais pas trop parce que je m'y sens bien.
01:05Je m'y sens bien depuis le premier jour où j'y ai mis les pieds.
01:09C'est là que tu te sens le mieux ?
01:10Tu ne sais pas pourquoi il y a des endroits comme ça qui te choppent dans le monde plus que d'autres.
01:14Ce truc d'être à sa place, je ne l'ai jamais trop senti, même encore aujourd'hui,
01:18dans des trucs du quotidien qui ne font pas vraiment aller faire ses courses.
01:25Parfois, c'est des moments, c'est comme le bonheur,
01:26c'est des moments où je me sens complètement là où je dois être.
01:31Et il y a une forme d'équilibre partout, et puis ça passe.
01:34Et tu t'en souviens d'un moment comme ça, une parenthèse, où tu t'es sentie à ta place ?
01:39Oui, mais même ce matin, tu vois, je me réveille.
01:43Je suis un peu en vacances, en tout cas, je travaille moins.
01:45Je prends le temps de me réveiller, de kiffer ma maison,
01:48de faire des petites courses, de profiter de mon chien qui est vieil.
01:54C'est le dernier moment avec elle et tout.
01:56Là, je me sens bien en équilibre à ma place, mais là, un peu moins.
02:01Enfin, c'est quoi le syndrome de l'imposteur ?
02:02Mais un petit peu quand même.
02:04Le syndrome de l'imposteur d'autant plus, parce qu'on a un retard.
02:08Tout ça n'a pas donné la chance, on nous a filé la chance il n'y a pas si longtemps.
02:12On l'a chopé, là, il ne faut rien qu'on lâche.
02:15Et tu trouves qu'on nous la donne, là ?
02:17On se la donne aussi, là.
02:20On se la donne.
02:21On a mis un pied dans la porte, dès qu'on a ouvert la porte.
02:25Allez, voilà, il y a des générations de femmes qui se sont battues très très fort
02:28pour qu'on puisse en arriver là aujourd'hui.
02:30Après, il y a encore un petit chemin, quand même.
02:33Le fait déjà d'être un métier ou non, on doit susciter le désir.
02:36C'est vrai pour les hommes aussi, mais...
02:40Bon.
02:42Moi, ça me va de devoir susciter le désir chez un réal,
02:44chez un producteur, une productrice.
02:47Mais parfois, il y en a qui ne savent pas trop capter la différence
02:51entre susciter le désir et être dans un truc, justement, de...
02:55Moi, je n'ai pas à t'allumer pour qu'on n'a pas à s'allumer
02:57dans un truc un peu chelou, bizarre.
03:00Moi, le rapport de taf, il me va qu'un réal,
03:03que ce soit s'amuse à un moment donné,
03:05qu'on partage des moments très forts, une intimité.
03:10On ne se parle pas de sexe ou quoi que ce soit,
03:11mais une intimité amicale,
03:14où on est loin, parfois à l'hôtel,
03:16on bouffe ensemble, on déjeune ensemble.
03:18Ça crée quelque chose.
03:21Mais il faut avoir l'intelligence de savoir ce qu'est notre travail
03:23et est-ce qu'il y avait la limite où c'est plus notre travail.
03:26Et là, c'est toi que tu dis que tu as des armes ?
03:28Oui, je crois que moi, j'ai des armes.
03:30J'ai des armes de répartie, avec de l'humour, avec...
03:33Je sais répondre sur le même ton sur lequel on parle.
03:37Et ça, t'es née comme ça, avec cette voix-là ?
03:39Je crois.
03:40Toi, ça a été facile pour toi ?
03:41J'ai un truc avec le rapport humain, moi, qui est assez simple.
03:44En fait, d'humain à humain, j'ai rencontré plein d'humains super.
03:48Après, bon, c'est de le paraître,
03:51se prendre pour ce qu'on n'est pas, tout ça.
03:54J'ai toujours eu quand même un regard assez moqueur
03:57et avec un peu de recul là-dessus.
03:59J'ai vraiment le nez dedans,
04:01j'essaie de ne pas rentrer dans les écueils
04:04auxquels je me suis moquée depuis des années.
04:06Parce que t'as l'air hyper simple, t'es encore...
04:09Et d'ailleurs, c'est ce qui fait aussi peut-être la popularité de ton rôle
04:12dans un petit truc en plus.
04:14Mais t'es la fille sympa.
04:16La girl next door.
04:17Ouais, la girl next door.
04:18Mais oui, moi, je me dis la fille normale.
04:20Tu sais, en fait, moi, mon taf, c'est de jouer des filles normales.
04:23Donc, je crois que si j'ai envie aussi que les projecteurs...
04:27Tu vois, c'est marrant, c'est un beau lapsus.
04:30Que les réalisateurs projettent sur moi quelque chose de...
04:34Je peux être une mère de famille, une sœur,
04:37je ne sais pas, un héros de je ne sais pas quoi.
04:42Parce que finalement, peut-être que mon image est assez banale
04:45et qu'on peut projeter tout dessus.
04:48Mais moi, ça me va, en fait.
04:49C'est un métier qui n'est pas donné à tout le monde.
04:51C'est aussi un métier où il y a beaucoup de...
04:54Certains diront d'entre soi, de fils ou filles d'eux.
04:57Toi, ça a été facile ?
05:00Non, ce n'est pas facile.
05:02Ce n'est jamais facile, ce métier.
05:03Parce que tu viens d'Avignon.
05:06Ton papa était maçon.
05:09Ta maman dirigeait un centre de culture.
05:11Oui, à La Barbière.
05:12La Barbière à Avignon.
05:13Il y avait peut-être aussi...
05:17J'ai des parents artistes dans l'âme, ça c'est sûr.
05:21C'était les hippies de leur famille respective.
05:24Ils étaient en marge, on va dire.
05:29Des marginaux.
05:31Donc, ça m'a toujours donné une ouverture d'esprit sur autre chose.
05:36J'ai grandi dans un quartier populaire
05:38qui nous renvoyait des codes hyper précis de ce qu'on devait être là-dedans.
05:41Moi, là, déjà, j'étais en décalage parce que mes parents,
05:43ce n'étaient pas les mêmes codes que chez les autres.
05:44Qu'est-ce qu'on devait être ?
05:46Tu sais, il y a...
05:49On a une idée très précise de ce qu'est quand même
05:52une petite Maghrébine de quartier aujourd'hui,
05:54dans les images populaires.
05:56Et c'est ça, oui.
05:58Déjà, tu ressentais ça au jeune.
05:59Je n'étais pas du tout ce que je voyais à la télé.
06:01J'avais des parents hyper ouverts, instruits.
06:05On n'était pas les sauvages qu'on voulait...
06:07Enfin, on voulait nous faire passer pour ça.
06:09Moi, je n'étais pas là-dedans.
06:10On avait des bouquins à la maison.
06:11On était ouverts sur toutes nos cultures,
06:15tout ce qu'on était.
06:15On embrassait tout ce qu'on était.
06:17Et ça, ça n'empêche pas un moment de se sentir aussi bien
06:21dans sa ville ou dans son pays ?
06:23Si, en colère, à fond.
06:25Moi, j'ai été hyper en colère quand j'avais 20 ans.
06:29Vraiment, même physiquement, en fait.
06:32C'est-à-dire ?
06:33Il y avait pas mal de skins dans ma ville.
06:35Donc, voilà, on avait...
06:39Ouais, on allait à la bagarre, on ne se laissait pas faire.
06:42Ah oui, tu t'es déjà battue ?
06:44Ouais, on ne se laissait pas faire.
06:45Moi, j'avais vu quand même mon père se soumettre un peu,
06:48mon grand-père se soumettre à fond.
06:50C'est-à-dire, se soumettre ?
06:51Quand tu es immigrée et que tu viens dans un pays,
06:54ils ont tout fait pour s'intégrer, pour ne pas faire de vagues,
06:57pour être acceptés, travailler.
07:00C'étaient des travailleurs de fous.
07:02Tu les admires aussi pour ça ?
07:03À fond, à fond.
07:05Mais sauf que moi, ma génération, à 20 ans,
07:08je n'avais plus du tout envie de me soumettre
07:10pour revendiquer, pour prouver que moi,
07:14j'étais intégrée dans cette ville, à Avignon,
07:17que j'avais le droit d'être là, d'avoir ma place,
07:20d'être considérée comme les autres.
07:22Ça me met en colère quand tu es jeune.
07:24Ça me met en colère, mais ça pose encore plus la question
07:26de comment tu dis, je vais faire du cinéma.
07:28En fait, je ne me dis pas comment je vais faire du cinéma,
07:31je me dis comment je vais gagner de la thune, en vérité.
07:35Je suis assez jeune.
07:35Il y a plein de manières.
07:37Il y a plein de manières, mais j'aurais pu passer par plein de manières.
07:40La vie me fait des cadeaux, je suis à Avignon,
07:42il y a des théâtres parce qu'il y a un festival.
07:44Et donc, je traque, j'affiche, je me fais un peu de sous,
07:46j'ai un peu la goaille.
07:47Donc, on me propose un truc dans une pièce, puis une autre,
07:50puis je gagne des sous.
07:51T'es adolescente ?
07:52J'ai des cadeaux, parce que je me fais virer du lycée en même temps,
07:54donc je vais avoir 15-16 ans, tu vois.
07:56Et puis, en fait, je gagne un peu de sous,
07:58je fais des petits taffs à côté qui sont vraiment relous.
08:00Donc, je me dis, c'est quand même cool de gagner
08:02même un peu de sous avec le théâtre.
08:04Et puis, il y a ce fameux directeur de théâtre, Gérard Gélas,
08:08qui me prend sous son aile et qui me met dans le pian de plein de ses spectacles,
08:11dont un qui est un seul en scène, qu'on monte un peu à l'arrache
08:14pendant le festival, mais qui cartonne.
08:16Seul en scène ? À quel âge ?
08:18J'ai 18 ans, je pense.
08:2018 ans, seul en scène.
08:21Alors que, oui, tu viens d'Avignon,
08:22et quand on t'entend, on dirait que c'est venu un peu comme ça.
08:25Bah oui, c'est venu comme ça, en fait.
08:26Parce que même quand je me retrouve derrière ce rideau,
08:29le premier jour, la première représentation de ce seul en scène,
08:33je me dis, mais qu'est-ce que je fais là ?
08:35J'ai la sensation, je sais pas si t'as déjà eu,
08:36quand tu montes dans un manège et tu te dis,
08:38ah merde, putain, trop tard, je suis montée.
08:40Et tu montes, tu montes, tu montes.
08:41J'ai vu ça au parc Astérix.
08:42Tu te retrouves en haut et tu te dis,
08:43mais mon Dieu, mais j'aurais jamais dû monter là-dedans.
08:45Mais c'est trop tard.
08:47Bon, bah voilà, je suis derrière ce rideau,
08:48je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait ?
08:50J'ai pas du tout envie de faire ça.
08:51Puis tu regardes les gens ?
08:52Ouais, t'entends, ça gronde comme ça dans la salle.
08:54Tu sais qu'il y a tes proches, que t'es la seule en scène.
08:56Et tes parents ?
08:57Il y a mes parents, il y a mes sœurs.
08:59C'est n'importe quoi d'être là, en fait.
09:01Mais si on revient à cette soirée, à cette avance, ce rideau,
09:04tu fais le spectacle parce que t'as pas le choix.
09:06À la fin, j'imagine qu'il y a des applaudissements.
09:08Ah ouais !
09:09Parce que le spectacle, il a pas arrêté.
09:10Il a duré, je crois, deux ans,
09:12entre que tu sois en scène et où t'as tourné partout.
09:14Donc, tu as réussi.
09:15Donc, est-ce qu'au moment des applaudissements,
09:18tu te dis, ah bah si, en fait, je sais pourquoi je suis là ?
09:21Je sais pas pourquoi je suis là,
09:22mais par contre, ça a toujours été, c'est encore aujourd'hui,
09:25de me dire, c'est fou d'être là, en fait.
09:28C'est pour ça que je te dis, la vie, elle me fait des cadeaux.
09:30Alors, c'est des perches qu'on m'a attendue, que j'ai chopées.
09:33À ce moment-là, j'aurais pu laisser passer les chances.
09:36Mais je me suis pas battue pour en arriver là.
09:40Je me suis pas...
09:42J'ai écrasé personne.
09:43Oui, et t'as pas eu le sentiment de travailler plus que les autres ?
09:47Non, je crois pas.
09:48Alors, je travaille, comme je te dis.
09:49Quand j'ai un projet, je suis une travailleuse.
09:52Je suis toujours à l'heure.
09:54Je suis connue pour être là, en place et tout.
09:57Vraiment, on peut compter sur moi, pour le coup.
09:59Mais sans grandes ambitions, finalement, en fait.
10:03T'as dit que tu voulais devenir actrice
10:05et que tu voulais d'abord gagner de la thune, gagner de l'argent.
10:08Aujourd'hui, tu gagnes un peu d'argent.
10:10Est-ce que tu te dis que le but est atteint ?
10:12Est-ce que l'argent fait le bonheur ou pas ?
10:14Quand même, oui, bien sûr.
10:16En fait, faut pas en avoir eu pour te dire que oui.
10:19Ça fait pas de moi quelqu'un de heureux.
10:21Mais par contre, ça peut contribuer absolument à mon bonheur.
10:24Ça peut contribuer au fait que je peux amener ma mère en vacances,
10:27que je mange, que je me chauffe.
10:30Déjà, là, on se parle d'un truc en ce moment.
10:33Déjà, parlons des basiques.
10:36Mais ça, t'es tout le temps consciente de ça ?
10:37Bah ouais, mais ce serait fou de pas l'être.
10:39Tu perds pas ces notions-là ?
10:40Mais non.
10:41Après, je peux perdre la notion de l'argent.
10:43Je peux dépenser des sous beaucoup trop chers
10:46pour un truc qui vaut pas le...
10:48Je vis à Paris, c'est marrant d'aller bouffer dans des restos
10:51où tu te dis, t'es sûre de ton burger ?
10:53C'est ça, on dirait que tu changes pas.
10:56Si, je change.
10:57Souvent, on me dit ça, tu changes pas.
10:59Mais si, je fais en sorte de changer,
11:02de bien vieillir.
11:06On m'a toujours dit, tu verras,
11:09quand t'arriveras à 40 ans, c'est trop cool.
11:13T'es apaisée, tu t'es détachée de choses.
11:17J'ai des copines qui font 50, 55,
11:19qui me disent, tu verras, c'est cool après, franchement.
11:21Ah oui ? Tu crois, ça ?
11:23Bah ouais.
11:24Ça te fait pas peur de vieillir ?
11:26Un peu, parce que c'est plus par rapport à ma tronche.
11:29Je me dis, c'est vraiment facile le matin.
11:33Mais non, ça me fait pas peur.
11:36J'ai l'impression d'être quand même moins...
11:41d'être une meilleure meuf quand même en vieillissant.
11:44Si ça va de mieux en mieux, ça va être cool.
11:49Et tu te dis aussi que t'as réussi,
11:52que tu réussis pour ta famille ?
11:56Non, pas pour eux, parce que je crois qu'ils s'en foutent.
12:02Si je réussis ou pas.
12:03Ils sont hyper contents que je réussisse, hyper fiers et tout.
12:06Mais c'est pas un sujet de la réussite.
12:09Pareil, mes sœurs, pourquoi elles te regardent ?
12:12Parce que...
12:13Ah oui, putain, tu vois, je suis vraiment leur petite sœur,
12:16elles oublient quand même.
12:17Ça me va très bien, on s'en fout.
12:19Mais c'est pas un sujet, en fait.
12:21La réussite...
12:22Surtout, mes parents, ils placent la réussite...
12:24En fait, elles font des métiers hyper différents du mien,
12:26c'est pas du tout dans l'artistique ou quoi.
12:28Et ma sœur, elle a repris les études très tard,
12:30elle a réussi son master.
12:32Je sais plus, je connais rien, de toute façon.
12:34Mais je sais qu'elle a réussi un truc avec 19 de moyenne,
12:36elle a cartonné.
12:37Mes parents étaient franchement, au premier degré,
12:40aussi fiers de ma sœur Laetitia, qui reprend ses études,
12:43que moi, qui fait 10 000 ans d'entrée, au premier degré.
12:47Donc, ça, c'est aussi important.
12:51Je pense que c'est un équilibre que j'ai dans ma famille
12:53qui peut-être me sauve de certains écueils,
12:56c'est pas cool.
12:57Tes parents qui t'ont appelé Alice Belahidi,
12:59mais c'est un prénom à consonance française,
13:02alors que toi, t'es métisse, t'as les origines.
13:05Tu penses que ça a changé des choses ou pas ?
13:09Ouais.
13:10Genre quoi ?
13:14Genre, quand j'ai appelé pour le départ.
13:17Bien sûr que ça a changé des choses.
13:19Je pense que c'est quand même plus facile,
13:21pour le coup, là, pour une fois, peut-être d'être une fille.
13:26Mais moi, mon père, qui s'appelle Mouloud Belahidi,
13:29il faut passer les étapes, quand même,
13:31avant d'être reçu.
13:33J'ai pas du tout envie d'être dans un discours victimaire,
13:35parce que je me sens pas victime, en fait.
13:37Je me sens pas victime de qui que ce soit.
13:40Je me sens dans une injustice, en fait,
13:44qui perdure bien fort, en plus,
13:47ou d'être maghrébin,
13:49ou d'être issue de l'immigration nord-africaine,
13:52quelle qu'elle soit, franchement,
13:54ou africaine, ou d'immigration tout court.
13:57Ça pose un problème à plein de gens,
13:59alors que moi, j'ai rien à voir.
14:01Et ça pose vraiment un problème,
14:03même quand on est Alice Belahidi ?
14:06Un peu moins, mais quand même.
14:08Là, on est passé une période politique et tout.
14:11J'ai reçu des messages.
14:12Je savais même pas, moi,
14:13que je dérangeais autant certaines personnes.
14:15Enfin, je me dis, mais...
14:17Des messages ?
14:18Ben ouais, j'en ai quand même beaucoup parlé
14:21pendant les deux tours des élections.
14:24Ça a été...
14:26La parole s'est libérée à fond.
14:28On a été plusieurs à en parler.
14:30Se dire, oh, les gars...
14:32Mais une fois de plus, c'est une vague,
14:34et là, c'est la vague
14:35où ça ramène dans tous les déchets.
14:37Et ça se fait quoi quand tu reçois ça ?
14:42Ça dépend.
14:44Parfois, j'ai envie de répondre des trucs.
14:47Tu réponds parfois ?
14:48Parfois.
14:49Tu réponds quoi ?
14:50Tu réponds quoi ?
14:52Ça dépend.
14:53Parfois, j'essaie d'être drôle.
14:56Parfois, je suis agressive au même niveau.
14:59Parfois, je suis hautaine.
15:01Parfois, je suis moqueuse.
15:04Parfois, je...
15:05On ne le dit pas, mais on ignore.
15:06Si, bien sûr qu'on me dit ça.
15:08Mais en fait, c'est facile à dire.
15:10C'est pareil, moi, je me le dis à moi-même.
15:12Mais évidemment, ignore,
15:13donne pas l'heure à ces gens
15:15qui sont là, dans leur canap,
15:17à t'envoyer de la haine.
15:18On t'a envoyé quoi, par exemple ?
15:20Il y en a un qui a été bon, je l'ai dit en promo.
15:22Il m'a dit, je me souviens,
15:24parce que c'était assez...
15:26Ta carrière décolle pas
15:27de te mettre dans un charter
15:28à te faire décoller.
15:29Je me dis quand même, putain,
15:30il va le chercher, le truc.
15:33Mais ça, c'est pas...
15:34Mais bon, en fait, ça fait partie du jeu aussi.
15:39Ça fait partie du jeu ?
15:41Oui, parce qu'en fait,
15:42la vérité, c'est que je le vis.
15:43Je ne peux pas te dire non.
15:45Non, mais ça ne fait pas partie du jeu
15:46de recevoir ça.
15:47Ah bah si, ça fait partie du jeu
15:48dans le sens où je le reçois.
15:50En tout cas, ça fait partie de ma vie.
15:52Après, que ce soit une injustice,
15:54que je me mette en colère
15:55et que je fasse en sorte
15:56que ça n'arrive plus,
15:57c'est un autre débat, ça.
15:59Mais la vérité, c'est que oui,
16:00les gens, ils se lâchent,
16:01il n'y a pas de problème.
16:02Ça te fait du mal ?
16:03Ça ne fait pas du mal,
16:04parce que c'est marrant,
16:05mais en fait, je me sens au-dessus
16:06de ces gens qui m'envoient
16:07des trucs comme ça.
16:08Mais toi, tu te sens française,
16:10et ces gens-là ne remettent jamais
16:11en question ça ?
16:13Je me sens française
16:14et je me sens plein
16:15d'autres trucs aussi,
16:16parce que mon père,
16:17il est né en Algérie,
16:18parce que ma mère,
16:19elle a aussi une histoire familiale
16:20particulière.
16:22Donc, ta mère, elle est d'origine
16:23espagnole, gitane ?
16:24Ouais, ouais, son père,
16:25c'est un gitan.
16:26Donc voilà, je suis faite
16:27de plein de cultures différentes.
16:29Je me sens française.
16:30Quand je suis à l'étranger,
16:31je me sens française à mort.
16:32Je suis chauvine à fond.
16:33Pendant les JO,
16:34je me sens française à mort.
16:37Je vais fièrement avec mon tee-shirt
16:39de l'équipe de France
16:40voir les athètes se battre et tout.
16:43Ça me touche, je suis à fond.
16:45Mais je peux aussi me sentir
16:46citoyenne du monde
16:47sur plein d'aspects,
16:49à plein d'endroits.
16:50Je me sens plus parfois
16:52proche d'un mec
16:53qui vit au bout du monde
16:54que justement mon voisin raciste
16:57qui est né dans la même
16:58clinique que moi.
16:59Et même la double culture,
17:01la multiculture,
17:03c'est pas forcément évident,
17:04ça, d'être métisse.
17:06Moi, je trouve que c'est
17:07une chance de ouf.
17:08J'aimerais pas pas être métisse.
17:10Mais tu crois aussi
17:11que ces questions-là,
17:12on se les pose aussi
17:13parce qu'on cherche
17:14et parce qu'on ne nous donne
17:16pas notre place
17:17ou qu'il faut la trouver
17:19quand on vient d'ailleurs ?
17:22Bah oui, parce qu'on veut
17:23forcément te mettre une étiquette.
17:24Mais c'est vrai dans ce métier aussi,
17:25tu dois faire de la comédie
17:26ou de l'auteur ou machin,
17:27on a souvent envie
17:28de te mettre une étiquette.
17:29C'est ça que je voulais dire aussi tout à l'heure.
17:30Oui, l'arabe de service et tout.
17:31Alors moi, l'écueil
17:32de l'arabe de service,
17:33je suis jamais rentrée dedans,
17:34mais jamais je rentrerai dedans.
17:35Mais on a essayé de te rentrer dedans ?
17:36Essayer, je sais pas,
17:37on m'a proposé plein de rôles
17:38dans le genre
17:39que je n'ai pas eu envie de faire
17:40parce que ce n'est pas des rôles
17:41qui me parlaient.
17:42Ça ne m'a pas empêchée
17:43de jouer des rôles
17:44de maghrébine par ailleurs
17:45dans des films.
17:46Quand c'est un sens ?
17:47Dans le bureau des légendes,
17:48jouer une meuf de Daesh,
17:49je ne sais pas,
17:50là pour le coup,
17:51si on veut aller
17:52dans le cliché
17:53de la fille de quartier,
17:54on se pose là.
17:55Mais pourquoi tu as accepté celui-là ?
17:56Parce que ce n'est pas
17:57manichéen justement,
17:58parce que c'est ultra bien fait,
17:59c'est ultra intelligent,
18:00c'est trop bien réalisé.
18:01Le point de vue,
18:02il est dément,
18:03il est mortel.
18:04Donc tu fais attention
18:05quand même au message
18:06que véhiculent les films ?
18:07Oui, quand même,
18:08un minimum.
18:09Surtout,
18:10je n'ai pas du tout
18:11envie de tendre le bâton
18:12pour me faire battre
18:13et donner du...
18:14C'est bon,
18:15le cliché sur les femmes,
18:16les maghrébins,
18:17les pauvres,
18:18je n'ai pas du tout
18:19envie de leur donner
18:20du grain à moudre.
18:21Mais en tout cas,
18:22tu disais que
18:23si tu avais des enfants,
18:24toi,
18:25tu leur donnerais
18:26un peu d'argent ?
18:27Non,
18:28je n'ai pas du tout
18:29envie de leur donner
18:30du grain à moudre.
18:31Si tu avais des enfants,
18:32toi,
18:33tu leur donnerais
18:34un nom à consonance
18:35maghrébine.
18:36Tu ne te poserais pas la question.
18:37Je crois,
18:38oui.
18:39Alors que tu dis
18:40qu'Alice,
18:41ça t'a aidé.
18:42Oui,
18:43tu as raison.
18:44C'est quoi ?
18:45C'est un égoïste ?
18:46Mais non,
18:47parce qu'en fait,
18:48je pense que
18:49déjà,
18:50en 87,
18:51ce n'est pas la même chose
18:52quand je suis née
18:53qu'aujourd'hui.
18:54Et
18:55qu'il n'y avait pas
18:56la même prise de conscience
18:57d'une femme
18:58parce que
18:59ce n'était pas
19:00les mêmes problématiques
19:01du tout.
19:02Aujourd'hui,
19:03je pense qu'effectivement,
19:04il y a un truc
19:05un peu politique.
19:06Alors,
19:07ce n'est pas politique
19:08de faire un enfant,
19:09c'est complètement débile
19:10en même temps de dire ça.
19:11Mais
19:12je crois qu'en tout cas,
19:13le contraire
19:14me dérangerait
19:15de ne pas forcément
19:16mettre un petit peu
19:17de ce que
19:18ma culture,
19:19de ce que mon père
19:20m'a légué.
19:21Peut-être plus
19:22la peur
19:23que ça s'efface,
19:24que...
19:25L'héritage.
19:26Oui.
19:27Si je n'avais pas été actrice,
19:28j'aurais été délinquante.
19:29Peut-être.
19:30J'ai répondu à une question
19:31parce qu'en fait,
19:32c'est une fois de plus
19:34ce truc d'injustice
19:35de se dire,
19:36bon,
19:37moi,
19:38je n'étais pas ouf à l'école.
19:39De toute façon,
19:40je n'avais pas accès
19:41à des écoles.
19:42Quoi qu'il,
19:43j'aurais passé mon bac,
19:44mais de toute façon,
19:45ce qu'on me proposait après,
19:46ce n'était pas dingue.
19:47Donc peut-être que
19:48si je n'avais pas eu
19:49cette chance-là,
19:50j'aurais possiblement
19:51pris la facilité,
19:53entre grands guillemets.
19:54Tu aurais fait quoi ?
19:55Je ne sais pas.
19:57Je ne sais pas,
19:58mais j'aurais peut-être
19:59fait des conneries,
20:00franchement.
20:01C'est le cinéma qui t'a sauvée ?
20:02Tu peux dire ça comme ça ?
20:03Un peu, ouais.
20:04À fond.
20:05Après, je me serais peut-être
20:06sauvée moi-même,
20:07je n'en sais rien,
20:08je ne l'ai pas fait.
20:09Mais en tout cas,
20:10quand on me pose la question
20:11et que je ne sais pas
20:12quoi répondre
20:13et que le seul truc
20:14qui me vient,
20:15c'est ça,
20:16en fait,
20:17j'aurais fait des conneries.
20:18Je pense que j'aurais
20:19fait des conneries,
20:20c'est sûr.
20:21Alors,
20:22je n'aurais tué personne,
20:23c'est certain.
20:24Mais je n'aurais pas forcément
20:25fait des conneries.
20:26C'est pour ça que je ne jette
20:27pas la pierre
20:28à plein de gens
20:29qui font des conneries
20:30parce que je me dis,
20:31parfois,
20:32il n'y a pas beaucoup,
20:33beaucoup moyen
20:34de s'en sortir.
20:35Je ne dis pas du tout
20:36à tous les jeunes gens
20:37qui vont nous regarder
20:38de faire des conneries,
20:39ce n'est pas du tout ça.
20:40En tout cas...
20:41Ce n'est pas si simple
20:42de s'en sortir.
20:43Et c'est honnête pour moi
20:44de répondre ça
20:45parce que te répondre,
20:46je ne sais pas,
20:47j'aurais fait,
20:48je ne sais pas quoi,
20:49psycho,
20:50je pourrais te raconter
20:51n'importe quoi,
20:52les gens y croiraient,
20:53personne ne sait
20:54si tu es malhonnête.
20:55Mais tu es une fille honnête,
20:56c'est ça,
20:57je pense que c'est
20:58ce qui te perdra.
20:59Mais en tout cas,
21:00on revient aussi,
21:01ça revient à ce côté
21:02un peu garçon manqué aussi,
21:03délinquant, etc.
21:04D'ailleurs,
21:05quand on regarde
21:06tes meilleures amies,
21:07c'est que des garçons,
21:08non ?
21:09Beaucoup de garçons,
21:10oui.
21:11Tu es entourée de garçons
21:12depuis toujours ?
21:13Oui.
21:14Après,
21:15j'ai eu plein de copines
21:16quand même.
21:17J'ai des soeurs,
21:18on n'est que des filles
21:19chez moi et tout,
21:20donc je suis quand même
21:21hyper attachée
21:22à ma bande de copines.
21:24Mes fondations,
21:25ça a souvent été
21:26des garçons.
21:27Donc tu crois
21:28à l'amitié homme-fille ?
21:29À fond.
21:30Ça existe ?
21:31Oui.
21:32Mais c'est vrai
21:33que j'ai quand même
21:34une belle bande de copains
21:35autour de moi
21:36et puis en plus
21:37qui me protègent.
21:38Je n'ai pas été là
21:39chez moi toute l'année,
21:40je sais que
21:41j'ai deux numéros
21:42de téléphone à appeler
21:43pour gérer
21:44les trucs un peu...
21:45Qui te protègent,
21:46tu dis ?
21:47Oui, à fond.
21:48Là, tu vois,
21:49je fais des sorties
21:50avec un de mes meilleurs potes,
21:52qui en dit,
21:53il est 95,
21:54c'est pas mon garde du corps
21:56du tout,
21:57mais par contre,
21:58je me sens ultra en sécurité.
21:59Il y a encore ce côté
22:00où l'homme peut être
22:01protecteur de la fille.
22:02Alors toi,
22:03tu sais,
22:04tu es quand même...
22:05Oui, mais là,
22:06par exemple...
22:07Tu te battais avec des skinheads.
22:08Oui, mais je n'étais pas
22:09toute seule déjà
22:10et puis en plus,
22:11là, on me reconnaît beaucoup.
22:12Donc très vite,
22:13il peut y avoir des gens
22:14qui viennent prendre des photos
22:15et tout,
22:16quand tu es avec un grand mec
22:17un peu costaud.
22:18Tu te sens plus en sécurité.
22:19Oui, c'est ça,
22:20je ne vais pas te mentir.
22:21Quand tu es au poste
22:22ou pendant Me Too,
22:23tu te sens en sécurité,
22:24toi ?
22:25Ou pas ?
22:26Ou en tant que femme ?
22:27Ou est-ce que tu te dis
22:28que les choses changent ?
22:31Non, je me sens quand même.
22:32J'ai encore peur, moi,
22:33allant dans la rue le soir
22:34quand je sors mon chien.
22:35Ah ouais ?
22:36Ouais.
22:37Je ne suis pas papeureuse.
22:38Tu vois,
22:39je pense que je suis courageuse,
22:40mais je suis un peu...
22:44Il y a quand même
22:45plein de mecs
22:46qu'on se fait accoster
22:47par plein de mecs chelous.
22:48On est tout...
22:49Enfin...
22:51C'est...
22:52Moi, il m'est arrivé
22:53plein de fois
22:54de me faire agresser
22:55alors que...
22:56Tu vois,
22:57quand on dit
22:58les aguicheuses,
22:59les autres trucs,
23:00franchement,
23:01je descends de mon chien
23:02en crocs,
23:03survête.
23:04Ils n'ont pas besoin
23:05d'être tant aguichés
23:06que ça non plus.
23:07Il va falloir revenir
23:08sur la notion
23:09de la mine jupe.
23:10Tu vois ?
23:11Oui, donc ça peut t'arriver
23:12de te faire agresser...
23:13Mais de toute façon,
23:14regarde ce qu'on vit en ce moment
23:15avec l'affaire Perico
23:16et machin et tout.
23:17Tu te dis,
23:18la culture du viol,
23:19c'est vraiment
23:20du travail.
23:21Et toi,
23:22c'est des choses
23:23que tu peux vivre aussi ?
23:24Parce qu'il y a eu
23:25beaucoup de Me Too
23:26dans le cinéma.
23:27C'est des choses
23:28que tu vois évoluer,
23:29que t'as vues aussi ?
23:30Ouais, je crois
23:31qu'en fait,
23:32quasi,
23:33on a toutes été
23:34pour le coup,
23:35à un moment,
23:36victimes de ça,
23:37je crois.
23:38Toutes les femmes
23:39ou toutes les actrices ?
23:40Toutes les femmes.
23:41Moi,
23:42j'ai pas une nana
23:43autour de moi
23:44qui va me dire
23:45non, moi,
23:46j'ai pas été victime
23:47d'un mec qui m'a agressé
23:48et j'en connais pas
23:49une seule.
23:50Et pourtant,
23:51je te parle de nanas,
23:52garçons banquers,
23:53où on est plutôt,
23:54tu vois,
23:55où moi,
23:56je pense savoir me défendre
23:57mais en fait,
23:58c'est limite
23:59de savoir se défendre.
24:00Je vais en mettre 59,
24:0150 kilos,
24:02à un moment donné,
24:03tu vas vraiment me faire mal,
24:04tu vas pouvoir,
24:05tu vas gagner à la bagarre.
24:06Et t'as une scène
24:07qui t'a marquée ?
24:08Tu pourrais raconter
24:09quelque chose de visuel
24:10qu'on peut...
24:11Bien sûr,
24:12il y en a plein des scènes.
24:13Il y en a plein des scènes,
24:14en fait,
24:15plein, plein.
24:16Justement,
24:17ce mec sur la plage
24:18qui est venu
24:19faire son affaire
24:20sur notre serviette,
24:21tu vois,
24:22des mecs
24:23qui se sont montrés à poil.
24:24Une fois,
24:25à Vincennes,
24:26je suis avec une copine
24:27et en plus,
24:28c'est marrant
24:29parce qu'on est vraiment
24:30en train de se parler.
24:31Une copine à moi
24:32qui est beaucoup dans le massage,
24:33elle fait de l'énergie,
24:34elle est énergéticienne,
24:35tout ça,
24:36donc elle est vraiment
24:37dans les trucs
24:38qu'on se parle.
24:39Et là,
24:40je regarde,
24:41il y a un mec comme ça
24:42dans les broussailles
24:43qui est en train
24:44de se faire plaisir,
24:45quoi,
24:47et donc,
24:48évidemment,
24:49une fois,
24:50moi,
24:51j'ai pété un câble
24:52et elle a ri,
24:53elle a ri
24:54parce qu'elle était face à moi
24:55et j'ai hurlé comme ça
24:56et j'ai hurlé un truc
24:57et elle est partie en fourrure
24:58parce que,
24:59apparemment,
25:00ma réaction était marrante.
25:01Tu vois,
25:02on a réussi à le prendre
25:03avec mes lymphatiques.
25:04Il y a quand même
25:05un mec que je ne connais pas
25:06qui est dans les buissons
25:07en train de...
25:08C'est horrible,
25:09c'est hyper choquant,
25:10en fait.
25:11Et sur les plateaux de cinéma,
25:12ça t'étonne ?
25:13Ça a changé quand même,
25:14ça a changé.
25:15On a des référents
25:16intimité,
25:17des référents harcèlement.
25:18Et t'aimes bien...
25:19Enfin,
25:20toi qui as dû voir l'avant
25:21et maintenant,
25:22le pendant
25:23et l'après,
25:24tu trouves que ça va
25:25dans le bon sens, oui ?
25:26Bah oui.
25:27Après,
25:28on les entend,
25:29on ne peut plus rien dire,
25:30on ne peut plus rien faire.
25:31Bah non, pas ça,
25:32en tout cas.
25:33Ah oui,
25:34il y a des gens qui disent ça.
25:35Bah oui,
25:36mais non,
25:37ça,
25:38mettre tes mains aux fesses
25:39à des meufs,
25:40nous humilier,
25:41nous traiter comme de la viande,
25:42non,
25:43ça,
25:44c'est pas mal aussi.
25:45Il faut peut-être
25:46leur parler comme ça.
25:47Il y a des choses
25:48que tu refuses de faire,
25:49justement,
25:50des scènes de nus
25:51ou de...
25:52Si ce n'est pas justifié,
25:53si ça me met moi
25:54mal à l'aise à la lecture
25:55et tout,
25:56je ne vais pas le faire.
25:57Après,
25:58je l'ai déjà fait,
25:59je l'ai fait dans
26:00Les papillons noirs,
26:01vraiment,
26:02c'est des scènes d'intimité,
26:03je ne m'étais jamais
26:04confrontée à ça.
26:05Mais c'était
26:06avec un ami,
26:07Nicolas Dufouchel,
26:08on se connaît très bien.
26:09Le Réal,
26:10je savais pourquoi il le faisait,
26:11que c'était justifié
26:12et je me suis mis
26:13un challenge,
26:14je l'ai fait,
26:15c'était assez challengeant
26:16parce que ce n'était pas facile
26:17à faire.
26:18Dans ton rapport au corps
26:19et tout,
26:20ça doit être...
26:21Oui, l'intimité,
26:22et puis,
26:23ce n'est pas très agréable
26:24de jouer des scènes
26:25comme ça,
26:26mais bon,
26:27le fait est que
26:28dans la fiction,
26:29ça te défonce
26:30et je suis très contente
26:31de l'avoir fait.
26:32Je ne suis pas du tout...
26:33Tu trouves que
26:34Me Too,
26:35ça a changé quelque chose
26:36au rapport amoureux ?
26:37Je ne sais pas.
26:38Je suis tellement nulle
26:39que je ne sais pas.
26:40Tu es nulle en amour ?
26:41Je ne sais pas.
26:42Ça, je ne sais pas.
26:43Peut-être.
26:44Il faudrait demander...
26:45C'est quoi ?
26:46C'est les mecs
26:47qui auraient pu...
26:48Dans ce cas-là,
26:49ils n'ont rien compris,
26:50en fait.
26:51Pour qui ça a changé des choses ?
26:52Parce qu'il y avait déjà
26:53un problème au départ,
26:54parce que normalement,
26:55ce n'est pas censé
26:56changer des choses.
26:57C'est juste
26:58respecter les femmes,
26:59en fait.
27:00Et puis, au-delà de ça,
27:01être payée au même salaire,
27:02au même poste,
27:03et oui,
27:04et ne pas avoir peur
27:05de se faire violer
27:06dans la rue.
27:07Ça va,
27:08on n'a pas non plus
27:09les revendications
27:10qu'il faut.
27:11En tout cas,
27:12toi, tu te sens bien.
27:13Tu te dirais même féministe
27:14aujourd'hui ?
27:15Être une femme,
27:16c'est être féministe.
27:17Et être un homme,
27:18ça peut être...
27:19Oui, j'espère qu'il y a
27:20une leçon.
27:21Mais c'est quand même...
27:22Moi, je ne suis pas du tout
27:23misandre.
27:24J'adore les hommes.
27:25J'adore nos différences,
27:26ce qui nous lie aussi.
27:27Mais je n'ai pas du tout
27:30envie d'être à leur place.
27:31En tout cas,
27:32c'est quoi la place
27:33que tu as aujourd'hui
27:34et la place que tu as
27:35envie de prendre ?
27:38J'ai envie d'être
27:40une super amie,
27:42une super fille pour mes parents,
27:44une super soeur ou tata.
27:47Déjà, être un humain...
27:51être un humain cool,
27:53sympa, gentil.
27:54Merci.
27:55Merci à toi.
27:56C'était très gentil.