La France peine à s'opposer à l'accord Mercosur, malgré des préoccupations environnementales. Faute de leviers efficaces, elle risque de se retrouver isolée face à des partisans comme l'Allemagne. Une situation qui illustre la baisse d'influence de la France en Europe.
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00:00Mathieu, depuis tôt ce matin, il y a évidemment un mot qui revient à la chronique, qui revient beaucoup dans la voix des agriculteurs, c'est Mercosur.
00:07Le président de la République a dit, lorsqu'il est arrivé hier en Amérique du Sud, que l'accord de libre-change entre les pays d'Amérique du Sud et l'Union Européenne n'était pas applicable en l'État.
00:17Est-ce que la France a les moyens de faire capoter cet accord ?
00:20Non, elle n'en a pas les moyens en l'État, j'ai envie de dire. Il aurait fallu pour cela qu'elle dépasse une opposition de façade et qu'elle choisisse les bons leviers pour peser sur les négociations.
00:29On va d'abord rappeler que ce traité ne tombe pas du ciel, ça fait 25 ans qu'il est en discussion, c'est un long feuilleton, les discussions ont déjà été suspendues.
00:36Un accord a même été retoqué en 2019, une version finalisée d'un accord-principe avait été rejetée par la France pour des motifs essentiellement environnementaux.
00:43Ça, c'est la première chose. Deuxième chose, ce traité n'est pas seulement un traité de libre-échange.
00:47Il comporte un volet politique sur des questions d'immigration, d'éducation par exemple, ou de lutte contre la cybercriminalité, et un volet commercial.
00:54Troisième chose, ce volet commercial ne concerne pas seulement l'agriculture, mais aussi d'autres pans de l'économie, par exemple les voitures, les machines-outils, c'est pour ça que l'Allemagne veut y aller.
01:03Et puis, je pourrais même ajouter que dans le volet agricole, il y a des choses qui sont défavorables à la France, on le voit bien, les éleveurs, la viande bovine, les volailles,
01:11mais des choses plus positives, sur le vin par exemple, ou les produits laitiers.
01:14Si la France avait voulu s'y opposer, elle aurait d'abord pu réclamer qu'on retire ou qu'on modifie le mandat qui a été donné à la Commission européenne pour négocier ce traité.
01:22Ça, c'était en 1999, mais ça, la France ne l'a pas fait.
01:27Elle aurait aussi pu demander qu'on revoie le contenu de l'accord, mais elle ne l'a pas fait, elle s'est contentée pour l'instant de faire valoir des lignes rouges,
01:33il faut que les pays d'Amérique du Sud restent dans l'accord de Paris, qu'ils s'engagent à ne pas aggraver la déforestation, et puis la question des clauses miroirs, le Président en a parlé,
01:43mais le contenu même de l'accord n'a pas été revu, et à l'heure de la ratification, la France risque de se retrouver très isolée.
01:49Mais elle ne peut pas s'y opposer toute seule ?
01:52Non, alors elle le pourrait si le texte devait être ratifié à l'unanimité, comme c'est le cas en Europe pour les textes majeurs dans certains domaines,
01:58comme les affaires étrangères, la justice, l'élargissement de l'Union européenne ou la fiscalité par exemple,
02:02mais pour se faciliter la tâche ou contourner cet obstacle, la Commission pourrait choisir de couper le texte en deux,
02:08d'un côté le volet politique et de l'autre le volet commercial, parce que l'avantage de cette manip'
02:12c'est que les traités commerciaux, c'est une compétence exclusive de la Commission européenne et que l'unanimité n'est plus requise.
02:19La seule option qui resterait pour Paris serait de rallier à sa cause ce qu'on appelle une minorité de blocage,
02:24c'est-à-dire 4 États au minimum représentant 35% de la population européenne.
02:29En face, les partisans du Mercosur, l'Allemagne par exemple, n'ont besoin que d'une majorité qualifiée,
02:34c'est-à-dire au moins 15 États représentant 65%. Je vous dis ça pourquoi ?
02:38Parce que rien que l'Allemagne et l'Espagne qui sont pour, ça fait déjà 30%, donc ils ne sont déjà pas si loin.
02:42Vraiment d'un mot, ce qu'on perçoit Mathieu, c'est que la France a perdu son influence.
02:45Oui, c'est ce qui frappe le plus au fond, Mathieu Coache le disait tout à l'heure sur notre antenne,
02:48Emmanuel Macron explique qu'aujourd'hui il ne croit pas que l'Europe pourrait ratifier cet accord sans la France.
02:52Eh bien, on demande à voir. Le fait que la France soit contrainte de mobiliser une minorité de blocage pour s'opposer au Mercosur
02:57montre sa baisse d'audience d'une certaine façon, sa baisse d'influence.
03:00Alors c'est le cas depuis déjà plusieurs années, la France en Europe n'a plus la voix qu'elle avait
03:05et puis c'est le cas en particulier en ce moment avec un président particulièrement affaibli par la situation intérieure.
03:10Merci Mathieu.