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Avez-vous peur d'un conflit mondial ? Dites-nous en commentaire !


Aujourd'hui, nous recevons Emmanuel Chiva, délégué général pour l’Armement.
Il nous a annoncé en exclusivité la suite de la Red Team Defense : le programme Radar.
Ça commence le 7 novembre 2024 à la Maison de la Radio avec la première journée de prospective et d’anticipation stratégique de défense.

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Transcription
00:00Les dépenses militaires mondiales sont en hausse.
00:02Vrai.
00:03Le futur de la guerre, c'est dans l'espace.
00:05Aussi. Emmanuel Kiva, je suis le délégué général pour l'armement.
00:08Le futur de la guerre, c'est sur internet.
00:10Aussi.
00:11Le futur de la guerre, ce n'est pas sur le terrain.
00:13Faux.
00:14La France vend des armes à des dictatures.
00:15Je nuance.
00:16L'armée française agit toujours pour la défense du peuple français.
00:19Vrai.
00:20La guerre de demain a déjà lieu.
00:21Vrai et faux.
00:22Il est impossible de prévoir les conflits de demain.
00:24Vrai et faux.
00:25Nos sociétés actuelles, c'est l'âge de pierre.
00:27Faux.
00:28Les militaires n'ont pas d'imagination.
00:29Vous êtes délégué général à la DGA.
00:32C'est ça.
00:33Est-ce que vous pouvez expliquer ce que c'est la DGA pour qu'on comprenne un peu ?
00:36C'est vrai que c'est une entité qui est un petit peu méconnue.
00:38Pourtant, on est à peu près 10 600.
00:41La DGA, c'est l'entité qui est placée sous la responsabilité du ministre des armées.
00:46Je suis l'un des trois grands subordonnés du ministre des armées avec le chef d'état-major des armées
00:50et le secrétaire général pour l'administration.
00:53Cette administration, la DGA, c'est une administration qui a été créée en 1961 par le général de Gaulle
00:58par et pour la diffusion et pour garantir à la France son autonomie stratégique.
01:02Donc, sa mission, c'est d'équiper les forces et de préparer le futur de notre système de défense.
01:07Et nous avons pour cela à peu près 80% de civils, 20% de militaires.
01:11Ça va du technicien à l'ingénieur, à l'officier.
01:1518 sites en France, notamment des sites d'essai, des centres d'essai.
01:19Et pour vous donner un exemple, les pilotes d'essai en France, ils ne sont pas à l'armée de l'air et de l'espace.
01:24Ils sont à la DGA pendant qu'ils sont pilotes d'essai.
01:26Vous avez travaillé avec la DGA sur un projet, la Red Team.
01:31C'était une équipe qui mêlait des scientifiques, si je ne dis pas de bêtises, des auteurs aussi de science-fiction.
01:37C'est assez atypique.
01:38Le but, pour prévoir les sociétés de demain et anticiper les différentes menaces qu'il peut y avoir.
01:43Est-ce que c'est parce que les militaires sont en manque d'imagination que vous avez fait ça ?
01:47Ce n'est pas manque d'imagination.
01:49En fait, ce qui se passe, et c'est une expérimentation qu'on avait lancée
01:51quand j'étais le directeur de l'agence de l'innovation de défense qui est rattachée à la DGA.
01:56La difficulté de se dire quelles seront les menaces qu'elle sera la société en 2060,
02:02c'est que si je le demande à un militaire, si je le demande à un scientifique, si je le demande à un ingénieur,
02:07on est tous inféodés par notre formation et par notre manière de penser.
02:11Donc on fera toujours la même chose.
02:13Il y a des gens dont la profession est de penser hors du cadre.
02:15Et donc les auteurs de science-fiction, leur but, c'est de penser les sociétés de demain.
02:21C'est finalement la seule forme de littérature qui va nous permettre de penser les sociétés telles qu'elles pourraient être.
02:32Et la réponse de l'être humain au progrès de la science et la technologie, ça c'était Isaac Asimov qui le disait.
02:37Autrement dit, le but, ce n'est pas, comme nous pourrions le faire comme militaires ou scientifiques,
02:42de prévoir le sabre laser ou la voiture volante, c'est de prévoir les embouteillages.
02:47Donc quelles sont les conséquences d'un progrès, d'une innovation, d'un futur sur la société ?
02:53Quelles sont les menaces qui en découlent ?
02:54Et partant, voir comment aujourd'hui on pourrait s'en prémunir.
02:58Donc comme vous dites, pas d'histoire de sabre laser, pas d'histoire de...
03:01Ça peut venir dans des scénarios.
03:03Alors sabre laser, non, je vous rassure.
03:05Dans une ville de l'Atarique de Paris, pour alimenter ne serait-ce qu'une seconde un truc comme ça.
03:09Et en plus, ça ne s'arrêterait pas.
03:11Il y a des gens qui essaient de le reproduire sur YouTube, qui essaient de faire des sabres laser.
03:15Mais par exemple, prenez, dans un des premiers scénarios, il y avait l'ascenseur spatial.
03:19L'ascenseur spatial, c'est pas...
03:22Enfin, c'est une imagination aujourd'hui qui est crédible.
03:26Ce sont des gens qui se sont dit, est-ce que pour mettre des satellites en orbite,
03:29on ne construirait pas un ascenseur ?
03:32On tire le concept jusqu'au bout,
03:34et on imagine les conséquences géopolitiques qui peuvent arriver.
03:37Et ils nous ont fait tout un scénario autour de la piraterie,
03:40avec la prise en otage justement de cet ascenseur spatial.
03:43Vous voyez, on est dans un cône de vraisemblance.
03:45On essaye de rester crédible.
03:47On ne va pas inventer le voyage dans le temps.
03:49Ça n'a pas de sens pour nous, ça ne nous sert à rien.
03:51Parce que le but de la Red Team, c'est d'avoir en face d'elle,
03:54une équipe composée de militaires, de scientifiques, de prospectivistes,
03:58du ministère des armées,
04:00qui reçoit les menaces et trouve les moyens de s'en prémunir.
04:05Donc le but de la Red Team, c'est de nous empêcher de dormir.
04:08Je peux vous assurer qu'ils feront un très bon boulot.
04:10Et quand vous avez eu cette idée, je ne sais pas si c'est vous qui avez eu l'idée,
04:12qui a eu l'idée ?
04:13C'est moi qui ai eu l'idée, parce que j'ai une femme qui est fan de science-fiction,
04:16que je me suis déplacé, tiens on va faire un peu de pub,
04:19à un festival qui s'appelle les Utopiales à Nantes.
04:23Excellent festival de science-fiction.
04:25Et je me dis, ces gens-là, ils savent faire de la fiction avec de la science dedans,
04:28pourquoi ils n'utilisent pas leur talent pour nous aider dans les défis qui sont les nôtres ?
04:32Et on ne s'est pas moqué de vous au début quand vous vous êtes dit,
04:34on va mettre des auteurs de science-fiction pour prévoir les menaces futures ?
04:37J'ai à peu près tout eu de, on n'est pas là pour faire des Mickey,
04:41on ne gaspille pas l'argent du contribuable,
04:44force est de constater qu'à la fin de l'expérimentation Red Team,
04:47toutes les armées voulaient en être.
04:49Et toutes les structures du ministère des armées voulaient rejoindre la Red Team.
04:53Donc on a juste montré que c'était utile.
04:55Mais c'est normal.
04:56Et c'est une première mondiale ?
04:57C'est une première mondiale.
04:59Il y a eu des auteurs de science-fiction qui ont été embauchés par exemple par le Pentagone,
05:03pour faire des, donc Isaac Asimov fait partie,
05:06pour faire des scénarios très ponctuels,
05:09mais faire travailler ces gens en groupe avec des designers,
05:13avec des dessinateurs,
05:15pour collaborer en équipe.
05:17Cette forme-là, ça n'a jamais été fait.
05:19Et d'ailleurs, aujourd'hui, j'ai des demandes des Etats-Unis et d'autres pays
05:23de faire des opérations communes de type Red Team.
05:26Et c'est ce que vous allez faire ?
05:27Et c'est ce qu'on va faire.
05:28C'est ce qu'on a déjà fait d'ailleurs.
05:29Vous n'avez pas communiqué dessus ?
05:31On n'a pas communiqué parce qu'une grande partie des travaux de la Red Team sont classifiés.
05:34Ça c'est intéressant parce qu'il y a certains travaux qui ont été publics.
05:39Donc on peut considérer que ces scénarios,
05:41c'est des scénarios qui n'arriveront pas de toute manière.
05:43Les scénarios qui ont été...
05:44Ah non, non, les scénarios publics...
05:47Pourquoi il y en a qui sont classifiés et certains qui sont publics ?
05:50Alors il y en a qui sont classifiés parce que globalement,
05:52ils dévoilent trop de vulnérabilité, ils sont trop sensibles.
05:54Et ça pourrait donner des idées,
05:56et je ne suis pas là pour donner des idées à nos compétiteurs.
05:59En revanche,
06:00ceux qui ont été publiés ont été expurgés
06:02des choses qui étaient un peu à la limite
06:04ou qui pouvaient susciter des tensions géopolitiques.
06:07Par exemple, parce qu'on citerait un pays plutôt qu'un autre.
06:10Mais je vous donne un exemple.
06:11Il y a un scénario
06:13qui s'appelait la chronique d'une mort culturelle annoncée.
06:16Dans lequel on avait imaginé...
06:19Ça, c'est pas secret défense.
06:20Non, non, non.
06:21Ça a même fait l'objet de livres à un grand public.
06:23On avait imaginé que vous étiez dans une société
06:26où tout le monde verrait la réalité par le prisme de ses intérêts.
06:29Par des techniques de réalité augmentée, par exemple.
06:32Et donc, je vous donne un exemple.
06:33Vous êtes vegan.
06:34Bon, moi pas.
06:35Mais vous êtes vegan, vous vous baladez dans la rue.
06:37Vous ne verrez pas de viande sur les états des bouchers.
06:40Et dans ce contexte-là,
06:42où chacun a sa propre réalité,
06:44on déclenche une catastrophe naturelle
06:46et une attaque bioterroriste.
06:48Et on doit évacuer nos ressortissants d'un pays étranger.
06:51Sauf que chacun a sa propre vision de la réalité.
06:54La parole nationale, la parole officielle ne compte plus.
06:58Donc, on a ce qu'on appelle la balkanisation du réel.
07:00Et en fait, en tirant tout ça,
07:02ils ont inventé ce que Mark Zuckerberg a annoncé juste derrière.
07:07Oui, exactement.
07:08Ça fait penser à certains épisodes de Black Mirror aussi.
07:10Exactement.
07:12Les écrivains ou les auteurs qui ont participé à cette Red Team,
07:16ils ont fait des scénarios qui sont aujourd'hui confidentiels.
07:21Est-ce que moi, je peux aller en interroger un
07:23et lui demander quel scénario est confidentiel ?
07:25Ils sont habilités, donc de toute manière...
07:27Habilité, secret, défense ?
07:28Habilité, secret, défense.
07:29Pourquoi ? Parce qu'on a voulu leur montrer la réalité.
07:31On ne peut pas leur demander de travailler sur le futur,
07:34le futur de l'évacuation,
07:35s'ils ne sont pas allés dans un sous-marin nucléaire dans un sort d'engin.
07:38Ils l'ont fait.
07:39On les a emmenés sur le terrain.
07:40On les a emmenés faire du parachutisme.
07:42On les a emmenés visiter des centres d'essais de la DGA.
07:46Donc, tout cela nécessitait qu'ils soient habilités.
07:48Et ça permet aussi de les responsabiliser,
07:50justement, si un talentueux journaliste vient les interroger,
07:55ils sauront où s'arrêter, quoi révéler et quoi ne pas révéler.
07:58Si ce n'est pas un talentueux journaliste,
07:59mais que c'est un espion chinois ou russe ?
08:01La même chose, bien sûr.
08:02Ils sont sous protection policière aujourd'hui ?
08:04Aujourd'hui, les auteurs savent ne pas dévoiler
08:08les sujets sur lesquels ils ont travaillé et qui sont classifiés.
08:11Mais ils n'ont pas d'escorte policière ou autre qui les protégerait ?
08:14Non, il n'y a pas de risque sur leur vie.
08:17Il n'y a pas de risque d'agression.
08:19Ce sont des auteurs de science-fiction.
08:21Je pense que les services ont mieux à faire.
08:23Vous ne pensez pas qu'il y ait des espions qui risquent de les interroger ?
08:26Je pense que c'est plutôt au détour d'une conversation
08:28que ça risque de se produire.
08:30Et là, pour le coup, ils sont préparés.
08:32Et comment on les prépare à ça ?
08:34On a des séances de préparation.
08:36On leur explique comment réagir lorsqu'on leur pose telle ou telle question.
08:40Mais encore une fois,
08:41ils ne sont pas dans le cœur du cœur du réacteur nucléaire de la DGA.
08:45Ce n'est pas eux qui conçoivent la défense de demain.
08:47Encore une fois, ils conçoivent des menaces.
08:50Et ce sont nos équipes qui sont chargées de trouver les réponses.
08:53Ce sont les réponses à ces menaces qui sont vraiment classifiées.
08:55Mais c'est des menaces potentielles.
08:57Et après, c'est vous qui faites vraiment les tri-relations.
08:59Le président de la République, et même de manière générale,
09:02on entend beaucoup le mot guerre revenir, l'économie de guerre.
09:06Sur les réseaux sociaux, on entend parler potentiellement d'une troisième guerre mondiale.
09:11Est-ce que vous qui travaillez à la DGA, l'armée de manière plus générale,
09:15est-ce que vous pensez qu'une guerre est proche ?
09:18Alors, ce n'est pas mon travail d'abord.
09:20C'est plutôt le travail de l'état-major des armées
09:22que de prévoir ce qu'on appelle le besoin militaire prévisible
09:25et ce qui peut arriver à trois ou cinq ans.
09:27Maintenant, la période qu'on vit est quand même particulière.
09:31D'abord, la guerre contre le terrorisme armé,
09:34on appelle ça des guerres asymétriques,
09:36parce qu'on a une force qui, elle, est organisée en face de groupements terroristes.
09:42Elle continue.
09:43Elle continue.
09:44Elle ne s'est pas arrêtée avec l'invasion de l'Ukraine.
09:46Donc, on continue à lutter contre le terrorisme.
09:49Et en même temps, on a une superposition d'autres crises,
09:52dont par exemple les conflits de haute intensité symétriques
09:55que l'on voit aujourd'hui entre l'Ukraine et la Russie,
09:58qui peuvent nous amener à faire partie d'une coalition dans les prochaines années
10:04pour, le cas échéant, neutraliser cette menace-là.
10:07Et pendant des travaux, la vente continue.
10:09En même temps, il y a toutes les opérations de défense du territoire,
10:13les opérations de maintien de nos capacités,
10:15notamment dans le domaine de la dissuasion,
10:17et la préparation de l'avenir pour ne pas rater une rupture technologique.
10:21Tout ceci pour dire que le contexte géopolitique aujourd'hui est très dense.
10:25Moi, je ne crois pas à une seconde guerre mondiale.
10:28Troisième guerre mondiale, pardon.
10:29Je crois plutôt qu'il va y avoir une superposition,
10:32une accumulation, une accélération des crises
10:34auxquelles il faudra savoir répondre.
10:36Et donc, c'est pour ça qu'on s'y prépare.
10:38Est-ce qu'aujourd'hui, on est en guerre ?
10:40Aujourd'hui, on est en guerre contre le terrorisme.
10:43Très clairement, oui.
10:44Par contre, on n'est pas en guerre contre la Russie.
10:47On soutient simplement des alliés contre une agression,
10:50mais nous ne sommes pas belligérants.
10:53Est-ce qu'on a peur d'être en guerre ?
10:55Est-ce qu'on n'ose pas rentrer en guerre ?
10:57Ça, c'est des questions géopolitiques qui regardent le président de la République,
11:00qui regardent les choix politiques qui sont faits.
11:03Moi, mon métier, c'est de donner les capacités nécessaires
11:06pour remplir ces mandats opérationnels.
11:07Donc, les équipements arrivent, pour nous, pour les autres.
11:11Et puis, je rappellerai quand même aussi autre chose,
11:13le territoire français est protégé par la voûte de la dissuasion nucléaire.
11:18On est quand même un État particulier en Europe.
11:21Donc, effectivement, quand on nous dit
11:23« Oh là là, on n'a pas assez de chars, on n'a pas d'avions,
11:25si les Russes débarquent sur la place de l'étoile »,
11:27ils ne vont pas débarquer sur la place de l'étoile,
11:29parce que justement, on a cette dissuasion nucléaire qui nous protège.
11:32Est-ce qu'aujourd'hui, justement, la France a encore un poids international
11:36d'un point de vue militaire ?
11:37Je pense aux États-Unis ou à d'autres puissances aujourd'hui qui...
11:40Alors, la France a une armée d'emplois.
11:42Et la France est reconnue parce qu'elle sait se battre.
11:45Et donc, dans toute la lutte qu'il a pu y avoir en Syrie, en Irak, au Mali,
11:50la France avait une place reconnue et reconnue par les autres États.
11:54Et comme je viens de le dire, elle a une place singulière aussi
11:56dans le concert des nations, tout particulièrement en Europe,
11:59parce que c'est un État doté.
12:01Nous avons notre autonomie stratégique
12:03et elle passe par la dissuasion nucléaire.
12:05Je le répète beaucoup, mais c'est quelque chose dont on ne parlait pas avant,
12:08qui est redevenue au premier plan avec l'agression de la Russie contre l'Ukraine.
12:13Il y a une espèce de grammaire nucléaire qui est en train de se remettre en place.
12:18Il faut bien comprendre que c'est quand même la clé de voûte de notre défense.
12:21Et c'est quelque chose d'assez remarquable.
12:23Donc, pour répondre très clairement à la question,
12:26oui, je pense que la France, quand elle parle, on l'écoute.
12:28On n'est pas dépendant de l'OTAN, selon vous, aujourd'hui ?
12:30On n'est pas dépendant... Non, non, on a notre autonomie stratégique.
12:33On fait partie de l'OTAN.
12:35Mais par contre, on n'est pas dépendant de l'OTAN pour défendre nos territoires français.
12:39Je vous demandais tout à l'heure, dans le VFO, s'il était possible de prévoir les conflits de demain.
12:43Ça faisait référence aux travaux que vous avez eus avec la RACI.
12:46Mais j'ai dit VFO.
12:47Oui, exactement. Et du coup, est-ce que vous pouvez développer là-dessus ?
12:50Vrai, parce qu'effectivement, un certain nombre de choses qu'on anticipait depuis un certain temps
12:55se sont avérées justes.
12:57Le fait qu'il n'y ait plus de conflits uniquement naval, terrestre ou aérien,
13:02mais qu'on se batte dans l'espace,
13:04qu'on se batte sous les mers,
13:06qu'on se batte dans les champs cyber et informationnels,
13:08ça, c'est des choses...
13:09Ça fait quelques années qu'on a mis en place ces prédictions
13:14et donc les moyens capacitaires permettant d'y répondre.
13:17Donc oui, on peut prévoir la forme d'un conflit.
13:20Par contre, il y aura toujours ce qu'on appelle des signes noirs,
13:23des scénarios qu'on ne peut pas prévoir.
13:25Et surtout, la guerre en Ukraine, c'est la guerre d'aujourd'hui,
13:27ce n'est pas la guerre de demain.
13:28Et donc justement, il faut prêter attention à ne pas utiliser
13:31ce que l'on a comme retour d'expérience en Ukraine
13:34pour dire que les prochaines guerres, ça sera ça.
13:36Parce que peut-être qu'on se battra plutôt vers le pôle nord,
13:39peut-être qu'on se battra plutôt dans l'espace ou sous les mers,
13:41tout ça en même temps, et ça, on ne sait pas le produire.
13:44C'est pour ça que j'ai dit vrai et faux.
13:47Qu'est-ce qui vous fait peur à vous ?
13:49Alors moi, ce qui me fait peur véritablement, c'est le champ informationnel.
13:52Le fait qu'avec les progrès de l'intelligence artificielle,
13:57notamment, on est capable d'influencer la cognition humaine,
14:02d'influencer le raisonnement, les émotions.
14:05Alors il se trouve qu'on a mis en place un projet,
14:08à la suite de Red Team d'ailleurs, classifié complètement,
14:11celui-là, donc je ne vous en parlerai pas,
14:13justement pour répondre à cette guerre cognitive,
14:15mais en vrai, les missiles hypersoniques,
14:19oui, c'est une réalité, c'est important,
14:21mais encore une fois, je vous l'ai dit, on a une voûte qui nous protège.
14:24Par contre, le caractère insidieux de la désinformation,
14:29donc ce qu'on appelle la guerre hybride,
14:31et puis combiné à des actions dans le cyberespace,
14:35si vous voulez mettre à terre un pays,
14:38plutôt que de lui envoyer un missile,
14:40vous empêchez les gens de retirer de l'argent,
14:42vous les empêchez d'avoir accès au système de santé,
14:45vous coupez les infrastructures énergétiques, etc.,
14:47tout ça en même temps, et avec donc la désinformation qui accompagne.
14:51C'est évidemment ce qu'essaye de faire Poutine en Ukraine.
14:54Oui, très concrètement, la désinformation, c'est des vidéos sur les réseaux sociaux
14:57qui font besoin d'importe quoi,
14:59mais qui ont une apparence légitime.
15:03Ça, ça existe tous les jours, il y a des faux sites,
15:05il y en a des centaines,
15:07qui soient pilotés par la Russie,
15:10pilotés par la Chine, qui en a fait une doctrine,
15:12qui ne s'en cache pas,
15:14notamment pour les compétitions en termes de guerre économique,
15:17mais vous avez aussi des actions très concrètes.
15:20Au début de l'invasion en Ukraine,
15:22il y a eu une attaque des stations de diffusion de télévision,
15:27où les Russes ont injecté ce qu'on appelle un deepfake.
15:29Un deepfake, c'est une imitation par intelligence artificielle,
15:33en l'occurrence du président Zelensky,
15:35qui appelait à déposer les armes.
15:36C'était très mal fait.
15:37Un deepfake, c'est comme si vous étiez là,
15:39mais en fait vous n'étiez pas là.
15:40Alors je suis là.
15:41Oui, mais ce n'est pas un deepfake.
15:43Effectivement, pas encore.
15:46On en est où aujourd'hui dans la cyberguerre, justement ?
15:48Parce que vous parlez de cyberespace,
15:50des attaques sur le fait qu'on puisse retirer ou pas de l'argent, etc.
15:54Tout ça, ça relève du monde cyber, d'Internet,
15:57de ce qui se passe, on va dire, sur Internet.
16:00Aujourd'hui, on en est où dans la cyberguerre ?
16:01Est-ce qu'aujourd'hui, il y a des attaques quotidiennes ?
16:03Ou pas du tout ?
16:05Il y a des attaques quotidiennes, incessantes et en augmentation.
16:09À la fois sur les entités, j'allais dire régaliennes,
16:13mais aussi beaucoup sur ce qu'on appelle la BITD.
16:17Je n'ai pas envie de ne pas faire d'acronyme.
16:18Base industrielle et technologique de défense.
16:20Les dix grands Thalès, Safran, Dassault, etc.
16:24Et les 4500 PME derrière.
16:26Dans ces 4500 PME, une centaine sont attaquées,
16:30mais tous les mois, pour voler leurs données,
16:33pour les empêcher de fonctionner.
16:36On a aujourd'hui un ciblage par les services,
16:43et notamment des services chinois,
16:46qui sont en train de viser des entreprises
16:50qui sont par exemple dans le spatial ou dans le naval.
16:53Parce que ce sont des thèmes qui sont aujourd'hui
16:55des thèmes d'innovation,
16:57et qu'il y a une guerre économique autour de ça.
16:59Alors, il n'y a pas que la Chine, il n'y a pas que la Russie,
17:01il y a beaucoup d'attaques.
17:03Il se trouve qu'on a structuré la réponse
17:06du ministère des armées à tout cela.
17:07On a un com cyber, donc ça, ça ne dépend pas de la DGA,
17:09mais bien de l'état-major des armées.
17:11On a des nouvelles écoles d'ailleurs sur le cyber.
17:14Il y en a une qui vient s'ouvrir à Vannes.
17:16Écoles militaires ?
17:17Des écoles pour la cyber défense, absolument.
17:21Nous, on a un centre qui s'appelle DGA Maîtrise de l'information,
17:24où on a des gens qui sont des experts du cyber,
17:26et qui participent avec les services de renseignement
17:28à la lutte pour la résilience cyber de la France,
17:31et la résilience cyber de la base industrielle et technologique de la défense.
17:35Très concrètement, les attaques, vous disiez,
17:37ça vise des sites stratégiques, notamment dans la défense,
17:40mais est-ce qu'il y a des hôpitaux, des banques ?
17:43Oui, ça ne dépend pas de nous.
17:49Nous, on est vraiment sur la défense militaire,
17:52la lutte dans le cyberespace.
17:54Mais bien évidemment, on prête notre concours
17:56en cas de besoin, tant en termes d'expertise,
17:59tant en termes opérationnels.
18:00Ça relève du privé ?
18:01Non, ça relève d'autres entités au sein de l'état.
18:04Et puis vous avez l'ANSI aussi,
18:06qui joue un rôle dans ce domaine-là,
18:08qui est l'agence pour la sécurité des systèmes d'information,
18:10qui est quelque part le garant du fait
18:13d'avoir une certaine résistance et résilience
18:16dans l'ensemble des entités qui pourraient être ciblées.
18:18Est-ce que vous avez du mal à recruter, justement,
18:21dans le cyber, des gens qui vont aider à contrer des attaques
18:26ou même, potentiellement, faire des attaques ?
18:28Je ne sais pas si vous êtes dans la défense ou dans l'attaque aussi ?
18:30On est les deux.
18:31Il y a une doctrine de cyber offensive
18:33qui a été édité il y a à peu près 6-7 ans, je pense,
18:37qui est une nouveauté d'ailleurs,
18:39parce qu'auparavant, on était plutôt uniquement sur les défensifs.
18:42Je vous demande ça parce que je pense à une scène,
18:44peut-être que vous la connaissez,
18:46je crois que c'est le film « Will Hunting »
18:48où il y a un génie, un mec qui est absolument génial,
18:52et on lui demande pourquoi il ne veut pas travailler pour l'ANSA,
18:54et il explique pourquoi il ne veut pas contribuer
18:57à un gouvernement qui tuerait des personnes à l'étranger, etc.
19:01Pourquoi je ne travaillerai pas pour l'ANSA ?
19:03Ça, c'est une conne.
19:05J'ai essayé d'y répondre.
19:07Est-ce que des scènes comme ça,
19:09ou cet imaginaire-là qu'on peut avoir sur l'armement, sur l'armée,
19:14c'est des choses qui peuvent nuire justement au fait de recruter des gens ?
19:17Ça a sans doute été le cas,
19:19je pense que ça l'est de moins en moins.
19:21D'abord parce que les gens savent faire,
19:23et surtout les développeurs qui pourraient être intéressés à nous rejoindre,
19:25savent faire la différence entre un film et les réalités.
19:28Il ne reste que, par exemple,
19:31ce ne sont que des militaires qui peuvent faire des attaques létales.
19:35Donc ça, j'allais dire,
19:38c'est la responsabilité du Comcyber, de l'état-major de l'armée.
19:41Nous, en tant qu'entité qui allons recruter des ingénieurs,
19:45des experts pour pouvoir détecter,
19:47contrer, élaborer effectivement des armes cyber,
19:50il n'y a pas cette résistance-là.
19:52Au contraire, je pense qu'il y a une motivation
19:54des jeunes de nous rejoindre,
19:56ce qui est bien d'ailleurs parce qu'il y a une grosse concurrence avec le privé.
19:59Donc si on n'avait pas cette motivation et ce sens de la mission,
20:02on n'arriverait pas à recruter.
20:03Mais justement, pour nous rejoindre et participer à cette mission de protection.
20:07Ce qui est la réalité.
20:09Aujourd'hui, la France n'est pas un état
20:12qui cherche à attaquer d'autres états en cyber.
20:15Elle cherche à se protéger contre les attaques qu'on lui fait.
20:18On ne riposte pas contre la Chine, contre la Russie.
20:21Je n'ai pas dit ça.
20:22Bien sûr que si.
20:23Il y a un moment où il faut montrer les dents.
20:25Donc on attaque un petit peu.
20:26On ne va pas attaquer en premier.
20:28On n'a pas cette doctrine d'aller attaquer d'autres pays.
20:31Mais bien évidemment, je déconseille aux autres de nous attaquer.
20:35Il y aura forcément des conséquences.
20:36Est-ce qu'il y a une coordination à l'échelle européenne ?
20:38Absolument.
20:39Oui, à l'échelle nationale et à l'échelle européenne.
20:42Plus qu'à l'échelle même de l'OTAN, par exemple ?
20:44Non, il y a également une coordination à l'OTAN.
20:47Il y a beaucoup de comités.
20:48Il y a toute une communauté qui s'est structurée autour du cyber.
20:52Parce que justement, je me demande, vu qu'il n'y a pas d'armée européenne,
20:55comment on arrive à coopérer et avoir des réponses ciblées,
20:59des attaques potentiellement ciblées ?
21:01En se coordonnant.
21:03Et ça fonctionne bien ?
21:04Et ça fonctionne.
21:05Par rapport à la technologie qui se développe de plus en plus,
21:08il y a des drones notamment qui se développent, des armes autonomes.
21:11Est-ce qu'aujourd'hui, on va de plus en plus vers un usage déshumanisé de la force ?
21:17Alors, déshumanisé, on peut l'entendre dans plusieurs sens du terme.
21:22Pas philosophique, mais vraiment très concret.
21:24Est-ce qu'il n'y aura plus d'humains sur le terrain ?
21:27Si, il y aura toujours des humains sur le terrain.
21:29Ne serait-ce que parce que, même si on parle d'armes létales autonomes
21:32ou intégrantes de l'autonomie, il faudra un contrôle humain dans la boucle.
21:36Et il y a une notion qu'on appelle la permanence de la responsabilité du commandement.
21:39A savoir qu'on ne peut pas et on ne doit pas faire en sorte
21:44qu'une machine puisse elle-même définir sa mission
21:47ou modifier la mission qu'on lui a confiée.
21:50Donc, de toute manière, il y aura toujours des humains.
21:52Maintenant, à quoi ça sert ces armes-là ?
21:54Ça sert aussi à éloigner l'homme du danger.
21:56Et donc, effectivement, moi je préfère écrire une lettre de félicitation
22:01à un fabricant de drones qui a été détruit, mais bon, c'est pas grave,
22:04qui a fait sa mission, plutôt qu'une lettre de condamnance à la famille d'un pilote.
22:08Et donc, oui, il y a forcément une évolution
22:11vers le fait qu'il y aura des armes robotisées,
22:14qu'il y aura des systèmes qui seront autonomes,
22:17parce que ça nous permet aussi d'éloigner l'homme du danger.
22:20Un exemple très concret est la guerre des mines.
22:23Aujourd'hui, ce sont des plongeurs qui vont neutraliser les mines sous l'eau.
22:26Demain, et vous en verrez quelques exemples,
22:29il y a un salon qui s'appelle Euronaval, qui a lieu en novembre,
22:32et donc je vous encourage à le visiter,
22:34parce que vous allez voir des systèmes concrets.
22:36On a des programmes, on a un programme qui s'appelle SLAM-F, par exemple,
22:39qui vise à doter la marine nationale de moyens dronisés
22:43pour détecter les mines d'une part et pour les neutraliser de l'autre part.
22:46Ce qui permet de ne pas mettre des plongeurs à l'eau,
22:48c'est quand même pas un sport de masse de neutraliser une mine sous-marine.
22:52Je pense à des scènes de films, encore une fois, quand je parle de ça.
22:56Je pense à des scènes où on voit des pilotes de drones dans des box.
23:00Oui, je ne sais pas bien le film auquel vous faites,
23:02dont le nom m'échappe, mais je vois très bien.
23:04On le retrouvera, mais ils larguent des bombes,
23:07alors qu'ils sont très loin de là où ils larguent des bombes.
23:09Ce n'est pas la doctrine française.
23:11Et il y a ce côté où ils ne sont pas sur le terrain,
23:13ils ont tué des gens, mais ils sont très très loin,
23:15des dizaines de milliers de kilomètres de là où ils ont largué des bombes.
23:18Et du coup, d'un point de vue même plus philosophique,
23:20du coup, il y a vraiment ce côté déshumanisant,
23:23mais en même temps qui est profondément...
23:25Détrompez-vous, parce que justement,
23:27ce sont les premiers à avoir des syndromes de stress post-traumatiques,
23:30justement parce qu'ils ont l'impression de faire quelque chose d'inhumain.
23:32Et la différence aussi avec la France,
23:34c'est que la France, elle n'a pas des bases.
23:36Ici, on pilote des drones sur des théâtres d'opération.
23:39Quand on était à Barkhane, quand on était au Mali,
23:41les box, enfin effectivement,
23:44les shelters qui nous permettent de piloter les drones,
23:47puisqu'on avait des drones armés sur le terrain,
23:50ils étaient sur le terrain.
23:51C'est-à-dire qu'on était une base des bouloyers avancés au Mali,
23:54les pilotes, ils voyaient les drones,
23:56ils étaient sur le terrain, ils étaient au contact de la population,
23:59ils allaient simplement dans les shelters pour piloter.
24:01Ce n'est pas du tout le même contexte.
24:02Et c'est important pour eux qu'ils soient sur le terrain ?
24:04Absolument.
24:05Et ils sont avec leurs frères d'armes, si j'ose dire,
24:08leurs collègues combattants.
24:09Et donc, il y a des échanges entre les pilotes de drones,
24:11les pilotes d'avions de chasse qui ont la réalité du terrain,
24:15les fantassins.
24:16Et je pense que c'est très important, effectivement.
24:18Maintenant, là, je sors un peu de mon couloir de l'âge,
24:20puisque c'est une doctrine d'emploi qui relève, là aussi,
24:23l'état-major des armes.
24:24Oui, bien sûr.
24:25Et d'un point de vue, pour imaginer le futur aussi,
24:27est-ce qu'on se destine pas vers des robots
24:29qui vont faire la guerre à d'autres robots,
24:31pendant que les humains piloteront ces robots ?
24:33Et quel sens aura encore la guerre à ce moment-là ?
24:37Là, je suis très lointain et je suis très dans la science-fiction.
24:40Oui, on avait même imaginé qu'il y aurait des guerres zéro-morts
24:43avec que des robots qui se battraient entre eux.
24:46Regardez s'il se passe en Ukraine, on a 14-18.
24:49En fait, oui, on pourrait avoir cette vision-là,
24:52mais en vrai, ça ne se produit jamais.
24:53Parce qu'il y a les populations,
24:55parce que ça lutte aussi dans le champ de la peur.
24:58C'était le général Patton qui disait,
25:00le but de la guerre, ce n'est pas de mourir pour sa patrine,
25:02mais de faire en sorte que vos ennemis meurent pour la leur.
25:04Donc, ça, ça restera toujours.
25:06Et donc, il va toujours y avoir des incursions sur les terrains,
25:09des actions militaires humaines.
25:12Est-ce que les gens seront prêts à se battre pour leur pays ?
25:16On voit qu'en Ukraine, c'est le cas.
25:18La force de l'âme, la volonté,
25:20c'est ce qui est aujourd'hui le plus critique
25:24pour que les gens prennent la défense de leur pays.
25:27En Ukraine, effectivement, il y a eu cette force d'âme.
25:29Il y a eu cette force d'âme, même si les hommes
25:31sont interdits de quitter le territoire ukrainien
25:33et certains Russes aussi ne souhaitent pas forcément aller sur le front.
25:37Est-ce qu'il y a toujours cette main d'œuvre-là ?
25:40Quand on imagine des scénarios futurs,
25:42est-ce qu'on se dit, comme vous disiez,
25:44chacun est dans sa réalité, plus personne n'a envie de...
25:46Je ne sais pas répondre à cette question,
25:48parce que je pense que personne ne le sait.
25:50Il est indispensable d'avoir une volonté humaine,
25:52malheureusement, pour pouvoir faire la guerre
25:54et pour pouvoir défendre son pays.
25:56Nous, à la DGA, notre rôle,
25:58c'est de fournir les moyens les plus sûrs
26:00permettant de le faire.
26:03Il y a un domaine dont vous parlez beaucoup aussi,
26:05c'est le quantique.
26:07L'émission va être très longue.
26:12Comment le quantique...
26:14Déjà, c'est une notion très complexe.
26:16Il faudrait déjà une heure pour expliquer
26:18ce que c'est le quantique de manière générale.
26:20Mais comment le quantique peut révolutionner
26:22l'armement et la manière dont, aujourd'hui,
26:24vous faites la guerre ?
26:26Il y a différents domaines dans le quantique.
26:29Je ne vais évidemment pas rentrer dans les détails,
26:31mais vous avez le domaine des capteurs quantiques,
26:34vous avez le domaine de l'ordinateur quantique,
26:36capable, en quelques dizaines de secondes,
26:39de, pour certains algorithmes,
26:43de déchiffrer des choses qui prendraient l'âge de l'univers
26:45à l'ensemble des ordinateurs actuels.
26:47On parle bien de ça.
26:49Il y a les communications quantiques,
26:51et il y a le post-quantique,
26:53qui n'est pas une technologie quantique,
26:55mais qui sont des maths.
26:57Si je prends les choses dans l'ordre,
26:59nous, Ministère des Armées,
27:01on investit directement sur les capteurs quantiques.
27:03C'est, par exemple, ce qu'on appelle
27:05les gravimètres quantiques à atomes froids.
27:07Vous avez prévenu, hein ?
27:09Très simplement,
27:11dans le principe,
27:13mais pas du tout dans la réalisation,
27:15le but, c'est de refroidir des atomes
27:17avec des lasers,
27:19de les laisser tomber, de regarder la vitesse à laquelle ils tombent,
27:21parce que ça vous permet de mesurer
27:23le champ magnétique terrestre,
27:25le champ gravitationnel terrestre.
27:27Et si vous arrivez à faire une cartographie
27:29de ce champ gravitationnel terrestre,
27:31vous pouvez le situer n'importe où,
27:33sur l'eau, sous l'eau,
27:35sans avoir besoin de communication,
27:37de GPS, de liens satellitaires.
27:39C'est une avancée majeure.
27:41Qui existe aujourd'hui ?
27:43Qui existe aujourd'hui.
27:45On est en phase terminale
27:47d'expérimentation.
27:49On a embarqué des gravimètres quantiques.
27:51On adore les acronymes
27:53à la DGA, celui-là s'appelle Girafe.
27:55Vous ne me demandez pas ce que ça veut dire,
27:57mais ça veut dire quelque chose, avec deux F.
27:59On fait ça avec l'ONERA,
28:01l'Office National de Recherche en Aéronautique
28:03et en Spatiale,
28:05et ce gravimètre quantique a été
28:07embarqué dans un avion, et a été embarqué
28:09dans un bateau, et normalement, d'ici la fin
28:11de l'année, la marine française devrait
28:13être la première marine au monde à être dotée de gravimètres quantiques.
28:15Concrètement, c'est un boîtier qui...
28:17Alors, boîtier, vous y allez un peu fort,
28:19c'est un gros, gros boîtier, c'est un petit pare-bras.
28:21Voilà, parce qu'il faut
28:23du froid, il faut des lasers,
28:25etc. Mais concrètement, oui, c'est ça,
28:27c'est embarqué. D'ici quelques
28:29années, ça sera une carte électronique, voire une puce.
28:31Mais aujourd'hui, on a
28:33déjà développé, et là, on finance,
28:35on accélère, et directement, l'argent
28:37de la loi de programmation militaire est
28:39injecté pour accélérer dans le quantique.
28:41Ensuite, vous avez l'ordinateur
28:43quantique, dont je viens de parler, qui est important
28:45parce que ça nous permet aussi
28:47de décrypter des secrets
28:49de nos compétiteurs,
28:51là aussi, de manière
28:53quasi instantanée.
28:55C'est la stratégie que la Chine a employée. Elle cherche
28:57à développer un ordinateur quantique, et en attendant, elle fait
28:59une stratégie qui s'appelle Store Now, Decrypt Later.
29:01C'est-à-dire, j'expire tout,
29:03toutes les données que je peux. Je sais pas
29:05les lire, je sais pas les décrypter,
29:07mais le jour où j'aurai un ordinateur quantique, j'aurai
29:09tout sous la main. D'où
29:11l'importance du post-quantique, c'est-à-dire
29:13de concevoir des systèmes de chiffrement
29:15résistants au quantique. Et ça, on sait le faire
29:17parce que ce sont des maths, on n'a pas
29:19besoin d'attendre un ordinateur
29:21quantique pour le faire,
29:23et qu'on a des simulateurs et des émulateurs quantiques.
29:25Donc ça, on sait le faire. Et juste pour
29:27conclure, je vous ai dit que ça serait long.
29:29Pour revenir à l'ordinateur quantique, on ne sait pas
29:31quelle est la technologie qui
29:33permettra de l'avoir. Est-ce que c'est
29:35une technologie à base de photons ?
29:37Photons, c'est la lumière.
29:39Je vous ai dit, je vais pas rentrer dans les types.
29:41Je vais vous parler du tressage du fermillon de Majorana
29:43et c'est dans ce cas-là qu'on va perdre tout le monde.
29:45Mais il y a 5 technologies
29:47qui sont concurrentes.
29:49Finalement, on sait pas laquelle va marcher. Donc, on a
29:515 startups que l'on finance
29:53en ce moment, sous la forme de ce qu'on appelle
29:55un partenariat d'innovation. C'est-à-dire que, dans 2 ans,
29:57rendez-vous, on voit où elles en sont.
29:59Les technologies les moins probables,
30:01on arrête. Les autres, on continue
30:03jusqu'à pouvoir accélérer le développement.
30:05C'est un projet qui est porté
30:07par France 2030, donc pas
30:09par le ministère des Armées, puisque c'est de la technologie
30:11civile, quelque part.
30:13C'est 430 millions d'euros.
30:15Ça s'appelle Proxima, mais par contre, c'est la DGA
30:17qui opère ce projet au profit de France 2030.
30:19Donc, quand est-ce qu'on aura
30:21un ordinateur quantique ? Le but, c'est de l'avoir dans moins de 10 ans.
30:23Dans moins de 10 ans ?
30:25Et les Américains, par exemple, Google
30:27avait communiqué sur le fait qu'ils avaient potentiellement un ordinateur quantique.
30:29Oui, mais tout le monde communique sur le fait.
30:31Un ordinateur quantique
30:33à qubit parfait et
30:35avec correction d'erreur.
30:37Aujourd'hui, les ordinateurs quantiques sont pas fiables.
30:39Ce sont des preuves technologiques que ça peut
30:41marcher. Et on est devant nous par rapport à Google ?
30:43On est dans la course. On me dit souvent
30:45la puissance de Google par rapport
30:47à une start-up française.
30:49Oui, mais la start-up française avec 160 personnes, c'est la même taille
30:51que l'équipe de Google
30:53qui fait du quantique.
30:55C'est de la physique et des maths. C'est pas forcément
30:57des énormes quantités d'argent.
30:59C'est beaucoup de réflexion
31:01et de cerveau. Et la France, c'est une
31:03nation qui est bonne en physique et en maths.
31:05Je rappelle que les Médiaphiles, ce qui sont les prix Nobel de mathématiques,
31:07on a plus de 13 médailles. Je sais plus
31:09à combien on a. C'est vrai que Villani, notamment.
31:11Voilà, c'est vrai que Villani, par exemple.
31:13Et donc, aujourd'hui, on est dans la course
31:15et on doit être dans la course
31:17parce qu'il y aura un avant et un après.
31:19C'est une rupture technologique qui va
31:21engendrer une rupture géostratégique
31:23et ce d'autant plus que, si vous êtes capable de
31:25déchiffrer tous les secrets, vous n'avez aucun intérêt à le dire au monde.
31:27Donc, le premier qui l'aura ne le dira pas.
31:29Donc là, il y a peut-être des gens
31:31qui ont un ordinateur quantique et ne le disent pas.
31:33Je ne pense pas, compte tenu de l'avancement
31:35des technologies, puis on a quand même
31:37des services de renseignement qui sont actifs,
31:39mais celui
31:41qui y arrivera ne le dira pas.
31:43J'ai entendu parler d'un programme Yoda.
31:45Vous voyez, on est très très très bons en acronyme.
31:47« Lieux en orbite pour un démonstrateur agile ».
31:49Vous l'avez trouvé.
31:51Yoda, c'est un programme qui
31:53vise à
31:55protéger nos satellites.
31:57En fait, on s'est rendu compte que dans l'espace,
31:59il se passait beaucoup de choses. Il y a quelques années,
32:01Françoise Parly, quand elle avait annoncé
32:03la stratégie spatiale de défense,
32:05c'était en 2019, avait révélé
32:07une rencontre qui avait
32:09lieu entre un satellite franco-italien
32:11qui s'appelle
32:13« Athénaphidus » et un satellite
32:15russe qui s'appelle « Luch Olympe ».
32:17En gros, on a un satellite géostationnaire.
32:19Je rappelle, tout le monde parle des satellites, du
32:21« New Space », tout ça. Ça, c'est à 600 km.
32:23Ensuite, vous avez différents espaces.
32:25L'espace géostationnaire,
32:27c'est à 36 000 km.
32:29Donc, ce n'est pas du tout la même chose. Il n'y a pas de start-up
32:31qui peut aujourd'hui
32:33faire du géostationnaire tout seul.
32:35Vous pensez à SpaceX ou d'autres ?
32:37SpaceX fait du géostationnaire, si.
32:39Ils ont les lanceurs qui permettraient
32:41de le faire.
32:43Le géostationnaire, là aussi, pour reprendre
32:45l'expression, ce n'est pas un sport de masse.
32:47Il se trouve que c'est très dangereux, d'abord, d'avoir
32:49des satellites qui croisent des orbites géostationnaires,
32:51mais aussi que,
32:53pourquoi ils le font ? Ils le font pour
32:55nous espionner, pour nous écouter.
32:57Et le caisson, peut-être, pour nous neutraliser.
32:59Et donc, Yoda, c'est quoi ?
33:01Ça fait partie d'un
33:03programme qui s'appelle « Action dans l'espace », le programme
33:05ARES, dans lequel
33:07on essaye de se
33:09prémunir de ce type de menaces-là. Et donc,
33:11là, ce seront des micro-satellites
33:13qui vont être
33:15gardes du corps d'un satellite géostationnaire.
33:17Capables de
33:19surveiller les abords,
33:21voire de neutraliser une menace,
33:23par exemple, en éblouissant le capteur d'un satellite
33:25qui viendrait trop près.
33:27C'est pas un maître Jedi avec un sabre laseré.
33:29L'aspiration vient de là, quand même.
33:31C'est petit,
33:33c'est dans l'espace, et ça neutralise les menaces.
33:35Justement.
33:37Quand on
33:39pense à guerre dans l'espace,
33:41moi, je suis un fan de Star Wars,
33:43donc je pense directement à Star Wars, avec
33:45les rayons lasers
33:47qui vont tirer sur les vaisseaux,
33:49avec des protections. Bref, on imagine
33:51des guerres entre vaisseaux. Est-ce que, concrètement,
33:53c'est ce qui va se passer ? Est-ce qu'on va tirer des faisceaux
33:55lasers dans l'espace ?
33:57On a des programmes très concrets
33:59aujourd'hui, de neutralisation
34:01de satellites par faisceaux lasers.
34:03Accessoirement, on tire déjà des faisceaux lasers
34:05dans l'espace, mais pas pour détruire l'autre,
34:07mais pour communiquer. On a lancé
34:09une expérimentation, c'est parue dans la presse il y a quelques jours,
34:11qui s'appelait Kéronos.
34:13Donc, c'est deux
34:15start-up françaises, Enceel Labs et
34:17Keil Labs, qui sont
34:19deux bretons, d'ailleurs, qui se sont
34:21rapprochés. On a financé, nous,
34:23le lancement de nanosatellites
34:25capables de faire une communication
34:27par laser, entre
34:29l'espace et le sol,
34:31sans optique adaptative.
34:33Vous avez choisi de m'inviter, donc on va parler un peu péplo.
34:35Ça veut dire quoi ? Ça veut dire
34:37que, normalement, pour communiquer par la lumière
34:39entre l'espace et le sol, il faut corriger
34:41les variations de l'atmosphère,
34:43parce que ça fait effet
34:45loupe, brouillard, etc.
34:47Le laser n'est pas le même arrivé avec l'espace.
34:49Là, ils ont trouvé une technologie qui permet
34:51de le faire sans correction.
34:53Or, la différence entre une correction et
34:55pas de correction, c'est que, soit vous avez
34:57une station sol qui reçoit
34:59le signal et qui est, en gros, un petit
35:01bâtiment, soit vous pouvez le mettre
35:03dans un véhicule. Et si vous n'avez pas
35:05d'optique adaptative, vous pouvez le mettre dans un véhicule.
35:07Et ça, on a montré, il y a quelques jours, que ça marchait. C'était une première
35:09mondiale. — Mais là, le laser que vous parlez,
35:11c'est surtout la communication. — Ça, c'est la communication.
35:13Mais j'ai bien compris que vous vouliez parler de tirer sur les
35:15autres avec des lasers. — Oui, mais parce que
35:17j'ai parlé avec un ami physicien
35:19qui m'expliquait que, justement,
35:21les lasers qu'on pouvait voir dans Star Wars, c'était assez
35:23utopique ou dystopique.
35:25Ça n'existerait jamais et qu'il serait bien plus
35:27efficace de lancer des petits projectiles
35:29avec une très grande vitesse et que ça
35:31détruirait... — Le laser, je vous dis,
35:33c'est plutôt pour éblouir une optique.
35:35Mais effectivement,
35:37dans l'espace, vu la
35:39vitesse des objets, il
35:41vaut mieux envoyer
35:43même des liquides qui
35:45contamineraient les optiques
35:47d'un satellite adversaire. Évidemment,
35:49il y a beaucoup de programmes de recherche là-dessus,
35:51faits à la DGA, faits à l'ONERA,
35:53parce qu'on anticipe
35:55malheureusement le fait que
35:57l'espace est devenu un nouveau Far West.
35:59— Dans
36:01le vrai faux, tout à l'heure, je vous demandais si
36:03la France vendait des armes à des dictatures.
36:05Est-ce qu'il y a des
36:07régimes,
36:09des pays
36:11auxquels vous, même la France
36:13de manière générale, n'est pas trop fier ?
36:15On le fait par accord géostratégique,
36:17mais on n'est pas trop fier de le faire.
36:19— Alors, il faut décorréler vraiment ce qui est question
36:21politique, qui n'est pas du tout de ma responsabilité.
36:23Ma responsabilité plutôt, d'ailleurs, du président de la République.
36:25Et ce qui est
36:27partenariat et vente d'armes. D'abord,
36:29première chose, pourquoi on vend des armes ?
36:31C'est pas...
36:33En premier lieu,
36:35parce que notre modèle repose là-dessus.
36:37Si on veut être autonome,
36:39si on veut que la France ait son autonomie stratégique
36:41et soit capable toujours de faire ses propres
36:43bateaux, ses propres avions, ses propres satellites,
36:45etc., eh bien,
36:47le marché français intérieur n'est pas suffisant
36:49pour alimenter les industries.
36:51Et donc, on est obligé d'exporter.
36:53Ensuite, je rappelle que
36:55l'exportation de matériel de guerre est interdite.
36:57Et que donc, quand on veut vendre un matériel de guerre
36:59à un autre pays,
37:01il y a une dérogation. Cette dérogation, ça s'appelle
37:03la CIEMGE, c'est une
37:05licence d'exportation de matériel de guerre,
37:07et elle est accordée par une commission
37:09qui dépend des services du Premier
37:11ministre, en particulier du SGDSM,
37:13le Secrétaire général de la Défense
37:15et de la Sécurité Nationale,
37:17qui accorde ces licences à des conditions.
37:19Ça peut être des conditions de non-réexportation,
37:21par exemple. On ne va pas
37:23donner des armes à un pays qui va les exporter
37:25vers un autre pays auquel on ne souhaite
37:27pas vendre. Ça peut être
37:29des conditions d'emploi,
37:31pas d'utilisation létale
37:33ou pas d'utilisation contre les populations, etc.
37:35Donc, on a des garde-fous.
37:37Ensuite, les autres choix, ils sont politiques,
37:39mais prenez l'exemple
37:41de l'Inde, si on vend des rafales
37:43en Inde, ce n'est pas uniquement pour
37:45vendre des rafales, je l'ai dit, c'est important pour nous,
37:47mais c'est aussi pour avoir des partenaires
37:49dans certaines parties du monde
37:51qui sont des partenaires des pays
37:53qui sont, on va dire, alliés, non alignés,
37:55comme le disait le général De Gaulle, à savoir
37:57qui souhaitent disposer, par exemple, d'armements
37:59qui n'aient pas d'adhérence avec
38:01les États-Unis. Parce que,
38:03et on ne va pas rentrer dans les détails, l'armement américain,
38:05vous avez une norme qui s'appelle
38:07ITAR, qui est contaminante. Les États-Unis
38:09peuvent empêcher l'utilisation
38:11d'un matériel qui contiendrait
38:13des composants américains
38:15utilisés. Et donc,
38:17la France vend des armes à des pays qui souhaitent
38:19rester autonomes en matière de défense,
38:21et à des conditions politiques négociées, avec des licences
38:23négociées.
38:25Par exemple, ces pays ne peuvent pas vendre
38:27les armes qu'on a vendues
38:29à d'autres personnes où ça doit être
38:31réglementé. Ça dépend, c'est spécifié dans la licence.
38:35Par exemple, il y a des composants
38:37de systèmes d'armes, alors le sujet Israël,
38:39je sais bien,
38:41je préfère anticiper. Je pense à l'Arabie saoudite
38:43aussi. Oui, mais je préfère
38:45anticiper le sujet d'Israël, par exemple.
38:47On ne vend pas d'armes létales utilisées
38:49par Israël contre la bande de Gaza.
38:51On vend des composants qui peuvent être
38:53utilisés dans le dôme de fer. On vend très
38:55peu, en plus. Et l'essentiel
38:57de ce qu'on vend aussi, c'est pour la réexportation
38:59d'armes par Israël vers des clients
39:01qui sont autorisés.
39:03Donc, l'Allemagne,
39:05les États-Unis, etc.
39:07Encore une fois, cette licence
39:09nous permet de contrôler assez finement
39:11le devenir des systèmes
39:13coloniaux. Merci beaucoup. Avec plaisir.

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