Les sous-performances de notre système d'enseignement sont cruellement mises en évidence par les classements internationaux. On peut légitimement incriminer les structures d’un système monopolistique centralisé dont l’expérience a suffisamment montré qu’en raison de sa taille, et parce qu’il est paralysé par le statut de la fonction publique et la cogestion syndicale, il ne peut plus fonctionner. On doit aussi mettre en cause les idéologies qui le dominent depuis des années : rejet de l’entreprise, égalitarisme, pédagogisme, inexplicable réticence à transmettre les savoirs.
Si l’on veut remonter la pente, il faut repenser tant les structures que les contenus d’enseignement. Il est indispensable d’instaurer un pluralisme permettant autonomie, émulation et responsabilité. Cette liberté retrouvée permettra de mettre sur pied un enseignement secondaire diversifié, un secondaire académique rompant avec le non-sens du "collège unique". Ainsi pourront être formés les scientifiques, ingénieurs, médecins, administrateurs, experts en tous domaines dont la France a évidemment besoin si elle veut tenir son rang. Philippe Nemo, philosophe spécialiste des idées politique, présente son ouvrage "Repenser l'enseignement", publié aux Presses universitaires de France
Si l’on veut remonter la pente, il faut repenser tant les structures que les contenus d’enseignement. Il est indispensable d’instaurer un pluralisme permettant autonomie, émulation et responsabilité. Cette liberté retrouvée permettra de mettre sur pied un enseignement secondaire diversifié, un secondaire académique rompant avec le non-sens du "collège unique". Ainsi pourront être formés les scientifiques, ingénieurs, médecins, administrateurs, experts en tous domaines dont la France a évidemment besoin si elle veut tenir son rang. Philippe Nemo, philosophe spécialiste des idées politique, présente son ouvrage "Repenser l'enseignement", publié aux Presses universitaires de France
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00:00En France, TVL a démontré que l'on pouvait contourner les médias officiels
00:04de la propagande et du mensonge engraissés avec l'argent de vos impôts.
00:08En 2025, TVL va innover, s'adresser à de nouveaux publics.
00:12On se prépare à surprendre, à renouveler, à avoir de l'ambition,
00:16à faire toujours preuve d'audace.
00:18TVL prépare la chute de l'ancien monde médiatique.
00:21Alors aidez-nous à le faire vite et fort.
00:24Rejoignez par un simple don la communauté des amis de TVL,
00:27les amis de la liberté à tout prix.
00:57– Bonjour à tous et bienvenue dans notre Zoom,
01:11aujourd'hui en compagnie de Philippe Némeau.
01:13Bonjour Monsieur. – Bonjour.
01:15– Philippe Némeau, philosophe, spécialiste des idées politiques
01:18et vous dirigez l'école professorale de Paris que vous avez fondée
01:22et vous publiez cet ouvrage aux presses universitaires françaises
01:27de France, excusez-moi, repensez l'enseignement,
01:31à retrouver comme d'habitude sur la boutique en ligne de TVL.
01:35Alors peut-être pour commencer avec vous Philippe Némeau
01:37et parler enseignement, on peut commencer par s'intéresser
01:41au niveau des élèves français dans les classements internationaux.
01:45Où en sommes-nous ?
01:47– Vous savez, les fameux classements PISA où en 2023 on était 26ème,
01:55très loin derrière évidemment les pays asiatiques
01:58mais aussi très loin devant beaucoup de pays d'Europe.
02:00Et puis dans le classement TIMSS on est dernier,
02:04le TIMSS c'est pour les mathématiques et dans le classement…
02:08– On est dernier ? – Dernier.
02:09– Dernier sur combien ?
02:10– Alors attendez, parce que ces tests sont passés tous les 3 ou 4 ans.
02:15– D'accord.
02:16– Il y en a un où on était dernier.
02:18– D'accord.
02:19– Et puis pour le test PIRLS qui vérifie la compréhension de l'écrit,
02:24on était 32ème, voilà.
02:26– Sur ?
02:28– Sur, je ne sais pas, c'est toujours 80 pays
02:33mais c'est tous les pays du monde s'il vous plaît.
02:36Donc ce qui est frappant c'est qu'on soit 32ème parmi les pays
02:39les plus scolarisés depuis le plus longtemps au monde.
02:42Donc c'est bien la preuve qu'il y a un sujet grave.
02:45Et puis d'ailleurs il faut ajouter le classement des universités mondiales
02:48par Shanghai où péniblement la France a quelques universités dans les 50 premiers
02:57mais après il y a jusqu'à 1000 universités qui sont testées
03:04et il y a 67 universités je crois en France, ou 70,
03:08elles sont presque toutes dans le trou, au fond du trou.
03:12Donc tout ça est très vexant et très fâcheux.
03:15– Alors, vous dites que si l'enseignement s'est dégradé à compter des années 60,
03:20en gros c'est à cause de politiques conçues et mises en œuvre par des forces partisanes.
03:26Alors c'est quoi l'idéologie de ces forces ?
03:30– L'égalitarisme, mais aussi, c'est une très longue histoire s'il vous plaît,
03:40je suis en train d'écrire un autre livre qui s'appellera,
03:42je vous dis le titre parce que le titre est frappant en lui-même,
03:46je l'ai appelé l'éducation nationale de point origine, au pluriel,
03:51virgule, apogée et déclin d'un concept.
03:56Car je crois que la France ne se sortira de cette mauvaise passe,
04:02et par parenthèse, ce n'est pas une affaire de nostalgie pour l'école de papa,
04:08ou de confort parce que mes petits-enfants sont des plutôt moins bons professeurs,
04:13tout ça joue un rôle, mais le plus important c'est le destin du pays tout simplement.
04:18La France a été un des cerveaux du monde pendant très longtemps,
04:22alors maintenant elle est 30ème, ça veut dire que le niveau,
04:28que la France ne produit plus tout le contingent de gens très bien éduqués
04:33qu'elle pourrait produire, parce qu'il y a tout un humus culturel évidemment,
04:36plein de familles, très cultivées, donc c'est vraiment l'école qui a fait baisser le niveau.
04:42Et à propos de la baisse du niveau, je dis dans le livre
04:46que j'en ai une expérience très précise et que peu de gens peuvent avoir,
04:51c'est que pendant 33 ans, je pense, j'ai été au jury d'HEC et de l'ESCP pour les matières littéraires.
04:59– L'ESCP c'est l'école supérieure de commerce de Paris.
05:01– Oui, c'est ça, et il se trouve qu'elles appartiennent toutes les deux à la chambre de commerce de Paris,
05:04donc elles ont des concours en commun, et comme j'étais un des rares littéraires,
05:09professeur permanent dans ces écoles, j'étais chargé des preuves littéraires.
05:14Alors il y avait des écrits et des oraux, mais pendant 30 ans j'ai vu à l'oral des candidats
05:22qu'on pouvait cuisiner… – Non, ils vont te les fondrer.
05:23– Oui, parce que si vous voulez, à l'oral, l'examinateur, s'il est un peu sadique, peut cuisiner…
05:30– C'est pas votre cas.
05:31– Non, pas du tout sadique, mais j'étais quand même très curieux, si vous voulez.
05:36Si un élève, on lui pose une question et puis qu'il répond à n'importe quoi,
05:40on a envie de voir s'il pense vraiment à n'importe quoi.
05:44On a le droit de le faire, mais le malheureux élève, il est bien obligé de tester.
05:47Et alors ce qui était effrayant avec mes collègues, c'est qu'on constatait d'année en année une baisse de niveau.
05:53Les élèves savaient de moins en moins de choses.
05:57Alors évidemment, comme c'était un concours, on mettait des bonnes notes aux meilleurs,
06:00donc les meilleurs finissaient par rentrer dans les écoles.
06:03Mais enfin, quand même, on avait des candidats titulaires des plus hauts diplômes,
06:07diplôme de Sciences Po, maîtrise de lettres, agrégation.
06:14Et on était absolument stupéfaits qu'ils ignorent toutes les choses que parfois
06:20des élèves de l'école primaire savaient jadis quand ils avaient réussi le certificat, si vous voulez.
06:24Donc voilà, c'est la raison pour laquelle je me suis intéressé à ces histoires d'école,
06:28alors que ce n'est pas du tout ma spécialité.
06:29Moi, je suis spécialiste d'histoire des idées politiques et j'ai fait un certain nombre de travaux dans ce domaine-là.
06:34Mais cette expérience des jurys, si vous voulez, m'a mis face à un phénomène...
06:40– Oui, au phénomène de l'écroulement du niveau. – Voilà, voilà.
06:43– Mais ces forces partisanes, alors, leur idéologie, est-ce que vous en parlez dans votre livre ?
06:48– Écoutez, tout ça relève de l'éducation nationale.
06:52Et le livre que je suis en train d'écrire, il fait l'histoire de cette notion d'éducation nationale.
06:58Alors, tout le monde croit que c'est l'école de Jules Ferry, pas du tout.
07:01L'éducation nationale s'appelle ainsi depuis le second cartel des gauches de 1932.
07:10Et en effet, entre la Première Guerre mondiale et cette date, et le Front populaire,
07:16ce qui s'était passé, c'est que l'enseignement public créé, en effet,
07:19pas seulement par Jules Ferry, mais c'était antérieurement à lui,
07:22enfin, bien développé par Jules Ferry avec les lois d'obligation,
07:25cet enseignement public a été pris par des forces socialistes et communistes.
07:34On a le droit d'être communiste et socialiste, c'est un bel idéal, évidemment.
07:38Mais qui étaient absolument... Il y a le faux sur le plan scientifique.
07:42Mais moralement, c'est digne, si vous voulez.
07:44C'est des gens qui pensaient que tout allait mal, qu'il y avait plein de misère,
07:48et qu'il fallait faire une révolution pour changer la société.
07:52Et ils prenaient la suite de certains actes faits pendant la Révolution française
07:58par les jacobins, vous savez, que Robespierre a fait voter par la Convention.
08:05Le plan de l'opéltie de Saint-Fargeau, qui voulait mettre tous les enfants de France
08:09dans des camps de 5 à 12 ans, où d'ailleurs, on apprendrait à lire et à écrire
08:14un très petit nombre d'entre eux, parce que l'essentiel, c'était de forger un homme nouveau.
08:18Il fallait régénérer un peuple dégradé par l'Ancien Régime.
08:25Et si on changeait le peuple en ayant la main sur toute la...
08:31Alors évidemment, cette idée a impliqué le monopole, puisque ça ne sert à rien
08:35de régénérer le peuple si vous avez toujours des poisons qui se reproduisent par ailleurs.
08:40Et dans les années 1920-1930, ces mêmes forces politiques ont repris ce modèle.
08:49Et du coup, comme les instituteurs étaient de loin majoritaires,
08:54ils étaient 80% des enseignants vers 1920 justement, mais ils étaient encore 65% en 1960.
09:03Donc dans les forces syndicales qui sont à l'éducation nationale,
09:06c'est toujours l'instituteur qui donnait le la, si vous voulez,
09:09au sein de la fameuse FED, la Fédération d'Education Nationale.
09:12Le syndicat principal, c'était le SNI, le Syndicat National des Instituteurs.
09:16Et alors ces gens-là ont changé l'école autant qu'ils ont pu.
09:22– Et ils se sont en plus affranchis des divers gouvernements.
09:26C'était une sorte d'État dans l'État, en fait, ce qu'ils ont fait avec l'éducation nationale, non ?
09:31– C'était une église dans l'État.
09:32C'est pour ça que l'histoire est très longue à raconter.
09:38Si vous voulez, pendant des siècles, vous avez eu en Europe, l'Europe était chrétienne.
09:42Et le pouvoir spirituel est détenu par l'église,
09:46qui ne détenait pas le pouvoir temporel, sauf dans quelques régions de l'Empire Germanique,
09:53et sauf évidemment dans les États du centre de l'Italie qui appartenaient au pape.
09:57Mais sinon l'église avait un pouvoir spirituel.
09:59Or quand on parle d'école, on met en jeu des réalités spirituelles,
10:05puisqu'on enseigne à chaque génération qui arrive ce qui est vrai, ce qui est bien et ce qui est beau.
10:12Mais qui est-ce qui sait ce qui est vrai, ce qui est bien, ce qui est beau ?
10:15Les gens qui sont spécialistes de ça.
10:18Alors c'est un pouvoir spirituel.
10:20– Oui, il faut une vérité révélée pour qu'on sache ce qui est vrai et beau.
10:24– Attendez, là on peut en discuter, mais en tout cas pendant des siècles,
10:28tout le monde a cru, l'église la première, qu'elle était la seule à savoir ce qui était vrai, beau et bien.
10:32D'ailleurs elle avait reçu l'Esprit à la Pentecôte.
10:35Donc elle était le pouvoir spirituel.
10:37Et puis les États, les seigneuries féodales, les villes, eux, pour toutes les écoles et les universités,
10:44quand elles sont apparues au XIIe siècle, au XIIe, XIIIe, géraient la tendance, si vous voulez.
10:51Donc il y avait un partage entre pouvoirs temporels et pouvoirs spirituels.
10:53Elles géraient d'ailleurs aussi la police, les règlements internes pour éviter les bagarres.
10:59Ça c'était l'affaire des puissances temporelles.
11:02Mais pour ce qui est de ce qu'on enseigne, et pour décerner les grades de maître, de docteur,
11:10il fallait l'autorisation de l'église.
11:12D'ailleurs ce qu'on appelle la licence aujourd'hui, qui est un diplôme d'enseignement,
11:15ça vient de licentia docendi, autorisation d'enseigner,
11:19qui est ce que l'évêque donnait à Paris comme autorisation aux maîtres d'écoles
11:25qui étaient trop nombreux pour être sur les lieux de la cité et qui commençaient à aller s'installer au quartier latin.
11:29Mais ils ne pouvaient le faire qu'en ayant l'autorisation d'enseigner donnée par l'évêque.
11:33Et d'ailleurs, encore une anecdote, mais c'est une chose amusante,
11:36vous savez que le lycée Henri IV occupe les locaux de l'ancienne abbaye de Sainte-Geneviève.
11:41Et bien les gens qui font visiter le lycée Henri IV sont très fiers de montrer la salle
11:46où le chancelier de l'abbaye de Sainte-Geneviève décernait les grades.
11:53Parce qu'on était en dehors, enfin il était indépendant de l'évêque de Paris si vous voulez.
11:57Donc c'était l'église.
11:58Et puis voilà qu'au XVIIIe siècle, le progrès des sciences a rendu un peu problématique et même dangereux
12:06qu'on enseigne aux enfants et aux jeunes que le catéchisme et puis le latin, le grec,
12:13à faire des vers latins, à faire des thèmes latins, et qu'on néglige la nouvelle science
12:20qui était apparue depuis Descartes, Galilée, tout ce que vous voulez,
12:23et qui s'était développée beaucoup au XVIIIe siècle.
12:25Alors à ce moment-là, vous avez des gens qui ont dit qu'il faut arracher,
12:28enfin il faut mettre fin au monopole que l'église a sur l'éducation de la jeunesse.
12:33Mais ils n'avaient pas trop d'idées de par quoi les remplacer.
12:38En tout cas, il fallait exclure les religieux réguliers comme les jésuites ou les oratoriens.
12:44Mais eux ils n'étaient pas contre, ils n'étaient pas anti-clericaux du tout.
12:46Mais ils voulaient qu'on enseigne les sciences, l'histoire, la géographie.
12:50Et là-dessus est arrivée la Révolution française et les jacobins dont on parlait à l'instant
12:56ont voulu créer une école monopolistique d'États sur le modèle spartiate.
13:03D'ailleurs le président de Saint-Fargeau était un admirateur de Sparte.
13:07Et puis les jacobins ont échoué, comme vous savez, c'est à ce moment-là même,
13:11et les termidoriens, la première chose qu'ils ont faite dans la constitution de l'an III,
13:15c'est d'affirmer la liberté d'enseignement dans la constitution.
13:19Puis là-dessus, le désordre de la Révolution continue et arrive Napoléon qui siffle la fin de la récréation si vous voulez,
13:25et qui institue lui le monopole de l'Université de France,
13:29l'université impériale ancêtre de l'actuelle éducation nationale.
13:34Voilà, donc cette longue histoire se poursuit.
13:36– Oui, alors il faut aussi qu'on parle du collège unique sur lequel vous tirez à boulet rouge
13:41parce que vous dites que c'est les raisons de l'échec de notre système éducatif.
13:45– Oui, parce que si vous voulez, ces forces partisanes ayant pris le pouvoir,
13:48alors là aussi, c'est une histoire très passionnante à explorer,
13:51entre les deux guerres, vous aviez une théorie corporative.
13:55Donc l'idée c'était que l'État était un État bourgeois illégitime
14:00parce qu'il représente les intérêts de la classe bourgeoise,
14:02et donc si on veut libérer et émanciper le peuple,
14:05il faut que l'éducation échappe au gouvernement tout simplement,
14:09même si le gouvernement est démocratiquement élu,
14:11mais vous savez, les socialistes et les communistes,
14:13les communistes en tout cas n'ont jamais cru aux livres d'élections,
14:15puisque le peuple est aliéné.
14:17Donc il fallait que les différents ministères s'auto-gèrent,
14:20il y a toute une notion de gestion tripartite.
14:24Alors, après la guerre, comme le corporatisme avait été la doctrine de Mussolini et de Vichy,
14:33il était un peu passé de mode après la guerre, si vous voulez,
14:36mais il en est resté la co-gestion.
14:38Et vous avez un ministère, c'est-à-dire pas le seul,
14:41mais c'est celui où c'est le plus grave,
14:42où les affaires administratives sont co-gérées par les syndicats et par le gouvernement.
14:50Et quand on dit co-gérer, c'est un mot trompeur,
14:53parce que vous avez une table avec d'un côté les syndicalistes
14:56et de l'autre les représentants du ministère.
14:58Mais si les représentants du ministère sont eux-mêmes syndiqués,
15:00pour la plupart dans les mêmes syndicats,
15:02vous n'avez pas de co-gestion, vous avez une unigestion.
15:05Et comme ces gens ont une idéologie égalitariste,
15:08c'est eux qui ont conçu et exécuté toutes les réformes scolaires
15:14depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui,
15:16qui ont abouti à la situation actuelle que, comme vous le savez,
15:21Jean-Paul Brighelli a appelée la fabrique du crétin.
15:23– Oui, qu'on a reçue pour son ouvrage.
15:25– Voilà, pour ses ouvrages. – Exactement.
15:29– Donc si vous voulez, ce sont des choix.
15:32Il a fallu faire le collège unique, enfin l'école unique.
15:35– Mais c'est des choix qui sont faits dans quelle orientation ?
15:38Il y a une volonté de nuire réelle.
15:40– Non, pas de nuire.
15:42– Mais de fabriquer des crétins.
15:44– Non, pas du tout.
15:46Je vous dis que c'était un homme idéal.
15:48– Pour eux, l'homme idéal devient un crétin.
15:52– Non, mais c'est ce qu'ils appellent un effet pervers.
15:54De la même façon qu'ils ont voulu réduire les inégalités par le collège unique,
15:58alors qu'ils ont abouti à les augmenter.
16:00C'est encore un effet pervers.
16:02Mais évidemment, ils n'ont pas voulu fabriquer des crétins.
16:06Si vous voulez, ce qui s'est passé…
16:08– Mais ils constatent bien, eux, les pédagogistes
16:10qui ont mis en place cette idéologie,
16:12que le niveau s'écroule, ou pas ?
16:14– Oui, le nid.
16:16– Ils sont dans le déni, quoi.
16:18– Vous avez le fameux livre des disciples de Bourdieu,
16:20qui s'appelle Baudelot et Establé,
16:22ils avaient écrit un livre qui s'appelle
16:24Le niveau monte.
16:26Avec l'idée que le niveau baisse est une vieille idée de vieux.
16:30Je ne me souviens de rien.
16:33Mais c'était un déni qu'on pouvait encore faire à l'époque.
16:37Mais parce que, précisément, par parenthèse,
16:39il n'y avait pas encore les classements PISA et TIMS et PIRS.
16:42Là, si vous voulez, ça a joué un rôle,
16:44la mondialisation a joué un petit rôle positif.
16:46Parce qu'il n'a plus été possible de faire régner l'OMERTA, si vous voulez.
16:51À partir du moment où la France est 30ème dans les classements,
16:54derrière les pays les plus surprenants,
16:56plus personne ne peignait qu'il y a un problème.
17:00Mais je vous explique pourquoi ça fabrique des crétins.
17:03Si vous avez le collège unique,
17:05c'est l'idée qu'on met tous les élèves ensemble,
17:09sans sélection, sans orientation.
17:11– Peu importe le niveau.
17:13– Peu importe le niveau.
17:15Et non seulement peu importe le niveau,
17:17mais on se réjouit que les classes soient hétérogènes.
17:19– Oui, pas de discrimination.
17:21– Oui, et si vous voulez, si vous faites une sélection,
17:24vous aboutissez à des classes homogènes,
17:27puisque tous les élèves qui rentrent en début d'année
17:29ont passé des examens auparavant,
17:31et c'est la preuve qu'ils n'ont pas tous le même niveau,
17:33mais ils ont à peu près le même niveau.
17:35Si vous voulez supprimer les filières,
17:40vous avez forcément des classes avec des gens de niveau différent.
17:42Et on appelle ça classe hétérogène.
17:45Alors, avec ces classes hétérogènes,
17:47on ne peut pas faire véritablement cours.
17:50Parce que ce qu'on appelle traditionnellement un cours,
17:52c'est un propos rationnel.
17:54– Il y en a qui s'ennuient, il y en a d'autres qui comprennent rien.
17:56– Il y en a trois qui pigent parfaitement,
17:58il y en a trois autres qui pigent à moitié,
18:00il y en a trois autres qui s'ennuient,
18:02il y en a trois autres qui se révoltent.
18:04Et donc, on ne peut pas faire vivre ces classes hétérogènes
18:09avec le cours didactique traditionnel.
18:13Je précise ce point, c'est la notion même de programme et de cours.
18:17Vous avez un programme de la 6ème au bac,
18:19dans chaque discipline,
18:21et pour chaque année, vous avez un programme précis
18:25qui est présent en histoire,
18:27vous avez des périodes,
18:29en mathématiques, vous avez les questions du 1er degré,
18:31puis du 2ème degré,
18:33qui se suit rationnellement.
18:35Et normalement, des professeurs compétents
18:37enseignent cela à des gens
18:39qui sont capables de le comprendre.
18:41Et du coup, tout le monde progresse
18:43de mois en mois et d'année en année.
18:45Avec des classes hétérogènes, c'est impossible.
18:47Parce que si vous le faites avec des classes hétérogènes,
18:49si vous continuez la même pédagogie traditionnelle
18:51avec les classes hétérogènes,
18:53vous allez aboutir à une double catastrophe.
18:55Premièrement, c'est toujours les mêmes
18:57qui vont comprendre,
18:59mais deuxièmement,
19:01comme tout le monde aura été dans la même école,
19:03ceux qui ne réussiront pas
19:05n'auront pas l'excuse
19:07d'avoir été dans des écoles
19:09de moins bonne qualité.
19:11Autrement dit,
19:13la hiérarchie sociale,
19:15si tant est qu'elle dépend
19:17vraiment des diplômes
19:19qu'on obtient,
19:21non seulement ne sera pas changée,
19:23mais elle sera justifiée.
19:25Ce qui est une double catastrophe
19:27pour les réformateurs.
19:29– Alors Philippe Nemo, j'aimerais qu'on avance.
19:31En 2017, vous avez publié un livre
19:33collectif sur ce que pourrait être
19:35ce que vous appelez le lycée idéal
19:37du 21ème siècle.
19:39Alors,
19:41les contours de ce lycée idéal,
19:43ça serait quoi ?
19:45– D'abord, lycée idéal, ça veut dire…
19:47– C'est entre guillemets.
19:49– C'est que, dans ce livre,
19:51on fait le plan de ce que devrait être
19:53le lycée. Et on ne s'inquiète pas
19:55de la question de savoir si c'est possible
19:57ou pas possible, si c'est politiquement acceptable
19:59ou pas acceptable. – C'est utopiste,
20:01on va dire. – Oui, j'aime pas le mot
20:03utopie. – Je vous provoque.
20:05– C'est un idéal.
20:07Et deuxièmement, lycée idéal,
20:09ça ne veut pas dire
20:11le enseignement secondaire idéal.
20:13Parce qu'il faut distinguer, justement,
20:15dans l'enseignement secondaire, plusieurs filières.
20:17Tous les pays qui sont nos voisins
20:19ont un secondaire.
20:21Tout le monde va à l'école au moins jusqu'à 16 ans,
20:23et très souvent plus.
20:25Et personne n'est relégué
20:27dans des écoles
20:29dans la troisième zone.
20:31Tout le monde va à l'école primaire
20:33et tout le monde va dans une école secondaire.
20:35Mais pas dans une école secondaire unique.
20:37Il y a des filières.
20:39Il y a même des groupes de niveaux
20:41en Suisse.
20:43Les fameux groupes de niveaux
20:46en France existent en Suisse.
20:48Mais surtout, c'est des filières.
20:50Les unes sont axées
20:52sur des disciplines scientifiques abstraites.
20:54Et donc,
20:56si on suit cette filière jusqu'au bout,
20:58on va à l'université.
21:00Et d'autres sont axées
21:02sur un mélange de savoir abstrait
21:04et de savoir concret, professionnel ou technique.
21:06Donc, si vous voulez,
21:08le lycée idéal, c'était seulement
21:10pour la filière en question,
21:12pour la filière qui prépare aux universités
21:14et qui est indispensable si on veut avoir
21:16ensuite des universités de haut niveau,
21:18si on veut avoir des prix Nobel,
21:20si on veut avoir des experts,
21:22si on veut avoir des juges qui comprennent quelque chose.
21:24Alors que moi, j'ai connu des juges actuels
21:26qui sont de vrais illettrés.
21:28C'est absolument incroyable.
21:30C'est terrible d'être jugé...
21:32– Qui sont au tribunal de la magistrature, non ?
21:34– Je fais allusion au tribunal administratif.
21:36C'est terrible d'être jugé par des juges impartiaux,
21:38par des juges partiaux.
21:40Mais c'est encore pire d'être jugé par des crétins.
21:42Parce qu'à ce moment-là,
21:44il n'y a aucun moyen de s'entendre.
21:46– De se défendre.
21:48– Oui, de se défendre, c'est ça.
21:50Vous avez...
21:52– Mais parlez-nous des programmes, Philippe Némo.
21:54Vous dites que les programmes pourraient être
21:56un validité permanente.
21:58Il faut remettre d'urgence en place
22:00certains programmes.
22:02– Oui, il faut étudier l'histoire,
22:04il faut étudier la littérature,
22:06il faut étudier la géographie,
22:08il faut étudier les mathématiques,
22:10– Vous dites qu'il faut partir
22:12d'un enseignement littéraire pour
22:14correctement interpréter les chiffres.
22:16– Non, attendez, je vais vous dire.
22:18C'est pas qu'il faut partir d'un enseignement littéraire.
22:20C'est que la grande idée du secondaire
22:22qui a été détruite par nos amis les pédagogistes,
22:24ça remonte à l'Antiquité.
22:26Ça s'appelait le trivium et le quadrivium.
22:28Le trivium, c'est les lettres,
22:30grammaire, rhétorique, dialectique.
22:32Et le quadrivium, c'est les sciences,
22:34arithmétiques, mathématiques.
22:36Et le quadrivium, c'est les sciences,
22:38arithmétiques, géométrie,
22:40musique, c'est-à-dire physique,
22:42et astronomie.
22:44Lettres et sciences.
22:46Et à la fin de l'Antiquité païenne,
22:48dans toutes les écoles,
22:50on enseignait tout ça.
22:52Pas toujours toutes les disciplines du quadrivium,
22:54on ne rentre pas dans les détails.
22:56Et quand les invasions barbares
22:58ont détruit la civilisation romaine,
23:00il se trouve que l'Église,
23:02de manière prophétique,
23:04a repris à son compte l'enseignement
23:06des arts libéraux.
23:08Grâce à Saint-Augustin,
23:10qui dans un livre qui s'appelle
23:12Le De Doctrina Christiana,
23:14avait dit que la christianisme
23:16est une religion du livre,
23:18donc les clercs qui vont prêcher
23:20cette religion doivent savoir lire.
23:22Et pas seulement lire,
23:24mais bien comprendre la Bible,
23:26apprendre de l'hébreu,
23:28apprendre du grec,
23:30être conscient des problèmes
23:32de traduction,
23:34donc avant d'enseigner la théologie
23:36aux jeunes moines
23:38ou aux jeunes futurs prêtres,
23:40puisque Saint-Augustin était évêque,
23:42donc il avait des jeunes autour de lui,
23:44avant de leur apprendre la théologie,
23:46il faut leur apprendre les arts libéraux.
23:48Pendant des siècles,
23:50c'est des écoles ecclésiastiques
23:52qui ont enseigné les arts libéraux
23:54comme propédustique à la vie spirituelle.
23:56Et puis quand les universités
23:58se sont créées au XIIe ou XIIIe siècle,
24:00il y a eu des facultés des arts.
24:02C'est celle où on apprend ces arts libéraux
24:04et elle précédait les facultés supérieures
24:06de théologie, de droit canon,
24:08de droit romain ou de médecine.
24:10Et donc ce sont ces facultés des arts
24:12qui sont l'ancêtre de notre enseignement secondaire.
24:14Alors, je réponds à votre question,
24:16excusez-moi d'avoir fait un détour.
24:18Dans cette tradition,
24:20cette vieille tradition,
24:22l'étude du trivium et du quadrivium
24:24n'est pas une spécialisation.
24:26Il faut apprendre les deux.
24:28Ce sont les deux hémisphères du cerveau,
24:30on ne peut pas faire des lettres
24:32sans s'accoutumer
24:34au raisonnement rigoureux
24:36des mathématiques.
24:38Et inversement, on ne peut pas faire
24:40de mathématiques sans avoir le sens du complexe
24:42qu'on acquiert par les études littéraires.
24:44– Mais qu'est-ce que vous pensez
24:46de ces matières, sciences, informatiques,
24:48anglais, économies ?
24:50– Mais elles sont excellentes.
24:52Simplement, elles ne doivent pas remplacer le trivium et le quadrivium.
24:54C'est toujours pareil,
24:56vous avez des enthousiastes de la modernité
24:58qui disent, enfin,
25:00toutes ces vieilles choses,
25:02le thème latin, tout ça,
25:04en voyant ça promener,
25:06puis en remplaçant ça par des cours d'informatique,
25:08de coding.
25:10– On comprendra en tout cas ce qu'est
25:12votre lycée idéal en lisant
25:14votre ouvrage, Philippe Nemo,
25:16mais vous dites que ce lycée idéal ne pourra
25:18jamais être pensé, réalisé
25:20dans les structures actuelles
25:22de l'éducation nationale.
25:24Vous rêvez de faire sauter l'éducation nationale ?
25:26– Non, enfin, oui et non.
25:28– Il faut dire oui.
25:30– Mais non, parce que faire sauter,
25:32c'est une...
25:34La catastrophe est déjà assez grande,
25:36on ne va pas en plus créer un...
25:38– Vous n'êtes pas pour la taboue à rasard.
25:40– Non, mais je suis pour des corrections raisonnables.
25:44Et comme je vous ai dit que l'éducation nationale,
25:46sous sa forme actuelle,
25:48n'est pas du tout ancienne,
25:50ça date des années 20-30.
25:52Il suffit de revenir
25:54à des formules plus rationnelles
25:56où il puisse y avoir,
25:58où précisément cette emprise
26:00de certaines idéologies sur les politiques scolaires
26:02ne puisse pas avoir lieu.
26:04Et de ce point de vue-là,
26:06je suis en train d'étudier les systèmes scolaires
26:08de nos voisins,
26:10dont aucun n'a l'éducation nationale.
26:12Les systèmes peuvent être
26:14publics ou privés,
26:16ou privés sous contrat,
26:18ou privés avec subvention.
26:20Ils peuvent être
26:22nationaux ou locaux,
26:24comme les cantons suisses
26:26ou les länders allemands.
26:28– C'est qu'il est libéral chez nos voisins, alors.
26:30– Attendez, et ils peuvent être aussi...
26:38Ils peuvent avoir une idéologie
26:40égalitariste ou pas égalitariste.
26:42Alors, ceux qui réussissent dans les classements PISA,
26:44comme par hasard,
26:46c'est des pays où il n'y a pas
26:48quelque chose d'équivalent à l'éducation nationale française.
26:50– Et les écoles ?
26:52– Ça peut être entièrement public.
26:54Par exemple, Singapour, qui est en tête,
26:56c'est une école entièrement publique,
26:58mais dans un petit pays de 5 millions d'habitants
27:00qui est une ville, en fait,
27:02et où règne l'idéologie de la compétition,
27:04justement, et la reconnaissance des différences
27:06d'aspiration et de talent.
27:08C'est public, mais il n'y a pas de collège unique.
27:10Et puis, vous avez des cas
27:12comme la Suède, très intéressant,
27:14ou comme l'Amérique,
27:16où vous avez des écoles libres
27:18fonctionnées par l'État.
27:20Les charter schools aux États-Unis,
27:22qui sont une grande réussite,
27:24qui scolarisent 7%
27:26des étudiants américains,
27:28des élèves américains,
27:30et les écoles indépendantes suédoises,
27:32j'y suis allé, je les ai vues,
27:34ça fonctionne, ça serait un peu long à raconter,
27:36mais si vous voulez, et la Suisse, évidemment,
27:38où vous avez 26 cantons
27:40et qui se regardent.
27:42Donc, s'il y en a un qui fait une bêtise,
27:44les autres ne vont pas l'imiter.
27:46S'il y en a un qui fait un truc formidable,
27:48les autres vont l'imiter, si vous voulez.
27:50Mais il n'y a pas cette décision irrévocable,
27:52prise d'en haut, une bonne fois pour toutes.
27:54– Oui, elles ont une autonomie les unes par rapport aux autres.
27:56– Oui, il y a un pluralisme.
27:58– Et de la concurrence, du coup.
28:00– Civilisée. – Oui, bien sûr.
28:02– Feutrée, mais bien réelle.
28:04Parce que quand vous avez 26 cantons,
28:06si vous n'êtes pas content de l'école du canton,
28:08il vous suffit de déménager de quelques kilomètres
28:10pour aller habiter ailleurs.
28:12– Philippe Nemo, votre ouvrage s'appelle
28:14« Aux presses universitaires de France »
28:16à retrouver sur la boutique en ligne de TVL.
28:18Merci monsieur.
28:20– Merci.
28:21– Sous-titrage ST' 501