Le comédien est seul en scène sur les planches des Bouffes Parisiens dans la pièce "Sens dessus dessous" ,à partir du 3 décembre.
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00:009h40 sur RTL, nous sommes ensemble jusqu'à 10h et on a l'immense plaisir d'accueillir André Dussolier, bonjour !
00:07Bonjour !
00:08Bienvenue !
00:08Et bienvenue sur RTL, vous êtes sur scène, vous serez sur scène à partir du 3 décembre prochain au Théâtre des bouffes parisiens à Paris
00:17pour un spectacle sans dessus dessous, c'est le titre. Pourquoi ce titre ?
00:21C'est le titre d'un sketch de Raymond Devos et en fait ça allait bien parce que c'est un spectacle qui est composé de textes tout à fait divers,
00:29drôles ou anciens appartenant à toutes les époques et donc c'est un peu sans dessus dessous, c'est un homme qui rentre chez lui comme ça,
00:35harcelé par le bruit de la ville et qui d'un coup se dit en rentrant chez lui qu'il n'a jamais été aussi libre que lorsqu'il est enfermé.
00:42Et donc il se laisse aller à sa rêverie et il passe d'un texte à l'autre et ça permet de dire des textes qu'on n'a pas l'habitude d'entendre.
00:49Proust avait une très jolie définition, il disait tous ses livres, tous ses amis qui sont sur les étagères en parlant des livres qui sont là
00:55et il y a des textes vraiment qui sont très précieux, qui sont très drôles et très inattendus.
00:58Ce qui est étonnant c'est que sans dessus dessous la formule aujourd'hui marche avec tout, pour la vie personnelle, la vie sociale, la vie sociétale,
01:04tout est sans dessus dessous. Alors c'était un hommage à Raymond De Vos, vous le disiez, que vous reprenez d'ailleurs sur scène ? Petit extrait.
01:09Actuellement mon immeuble est sans dessus dessous. Tous les locataires du dessous voudraient habiter au-dessus.
01:14Tout ça parce que le locataire qui est au-dessus est allé raconter par en dessous que l'air que l'on respirait à l'étage au-dessus était meilleur
01:19que celui que l'on respirait à l'étage en dessous. Alors le locataire qui est en dessous a tendance à envier celui qui est au-dessus et à mépriser celui qui est en dessous.
01:27Moi je suis au-dessus de ça.
01:29C'est savoureux, c'est comme ça tout le long. André du Soulier, pour vous De Vos c'est Zidane, c'est Dieu, c'est le patron ?
01:35Oui, c'est vraiment un inventeur, il joue, il jongle avec les mots et puis c'est profond quelquefois.
01:41À certains moments il dit des choses, enfin c'est toujours d'actualité tout ce qu'il a, tous les sketches.
01:46Alors il n'y a pas que De Vos, ce n'est pas un hommage à De Vos, François Morel l'avait fait, mais il y a aussi d'autres textes drôles, absurdes
01:53comme ceux de Roland Lumière.
01:56Il y a du Guitry, Aragon, Hugo, Baudelaire. Comment vous les avez choisis d'ailleurs ces textes ?
02:04C'est des textes que vous, vous aimez tout particulièrement ?
02:06Oui, c'est le plaisir de les avoir découverts comme ça il y a longtemps.
02:09Ça commence à faire un petit chapelet de belles perles, de trésors comme ça et qui fait qu'on ne les entend pas souvent.
02:16On a pu les lire ou les croiser, c'est des poèmes qu'on entend et puis ça fout le camp, ça se perd dans la mémoire.
02:22Mais c'est bien de les faire ressurgir, de les faire entendre, de les partager.
02:25Ça se perd dans la mémoire, mais ça ne se périme pas. Comment vous l'expliquez ? Il y en a quelques-uns qui sont complètement d'actualité.
02:30À qualité, oui c'est vrai. Il y a même un texte qui a été écrit en 1752 par l'abbé de La Taignan.
02:36« Madame, quel est votre mot ? Et sur le mot, et sur la chose. On vous a dit souvent le mot, on vous a fait souvent la chose.
02:41Et si la chose est du mot, vous pouvez dire quelque chose. Et je gagerais que le mot vous plaît beaucoup moins que la chose. »
02:46On dirait que c'était écrit par un guitrier.
02:50Et donc c'est la qualité des auteurs et de ces textes-là qui fait que c'est éternel.
02:55Comment vous faites pour retenir ça ? Moi je vous ai écoutés, je vous ai regardés, je suis admiratif.
03:00Pour retenir ça, comment vous travaillez votre mémoire ?
03:03Ça ne se travaille pas. Alex est là, juste à côté.
03:07La mémoire, il y a plusieurs mémoires qui fonctionnent.
03:10Il y a déjà la mémoire scolaire qu'on a besoin pour apprendre.
03:16C'est la première qui est utile.
03:21Et puis après, quand on est sur scène, il y en a plusieurs qui fonctionnent.
03:24Il y a le repère, l'endroit où vous allez dire des choses.
03:26Il y a l'émotion aussi qui vous fait dire quelque chose.
03:29On s'appuie sur plusieurs mémoires affectives, automatiques.
03:36Avec l'amour des mots, c'est parce qu'on les aime qu'on les retient aussi, non ?
03:40Oui, c'est bien de pouvoir les faire partager, de les dire.
03:45Moi, je suis sensible à ça.
03:47Je dis ça parce que je suis entouré de personnalités qui vont être...
03:51C'est un argument qui m'avait frappé.
03:53J'avais 14 ans, c'était en 1960.
03:55J'avais un oncle prêtre qui avait construit son église et qui disait
03:59le fossé se creuse énormément entre l'élite et la périphérie.
04:03Et quand on est aujourd'hui, on voit que les mots...
04:051960 ?
04:06Oui, 1960.
04:07Et ça n'a fait que s'accentuer, évidemment.
04:08Et tous ceux qui n'ont pas les mots, n'ont pas la possibilité d'exprimer leurs sentiments,
04:11de vivre dans la vie sociale.
04:13Et donc, quelquefois, je suis privilégié de pouvoir jouer dans un théâtre
04:16avec des gens qui aiment les mots et qui viennent les entendre.
04:19Mais quelquefois, j'aimerais bien faire partager ou faire découvrir
04:22d'autres de ces auteurs-là, comme ça, comme Hugo,
04:25à d'autres qui connaissent et qui ont leur vocabulaire et leur texte à eux.
04:30Mais vraiment, il y a des auteurs qui sont d'une telle modernité,
04:34comme Hugo, par exemple, le crapaud, c'est vraiment très fort et très puissant.
04:38On apprend en tout cas que Philippe Martinez est votre oncle, c'est important déjà.
04:41À l'époque, déjà, il vous avait alerté.
04:43Comment vous avez choisi de les articuler, ces textes, en fait ?
04:46Parce que ce n'est pas simple.
04:48Et quand on regarde, nous, on a vu le spectacle,
04:50tout ça coule de source, mais ce n'est pas si simple que ça, quand vous prenez la...
04:53Il fallait que je trouve une espèce de cohérence, là, où il n'y en a pas.
04:56Parce qu'en effet, c'est des textes de toutes les époques, de tous les styles.
04:59Mais enfin, disons que je me suis appuyé sur ce premier texte de Guitry.
05:02Moi, je suis né dans la Haute-Savoie, j'aime bien le silence et la montagne.
05:06Et donc...
05:07Votre côté Michel Barnier.
05:09Un peu, c'est vrai.
05:11J'étais là, à présent, au moment des Jeux Olympiques, en 92.
05:13À Albertville ?
05:14À Albertville, bien sûr.
05:15Et c'était magnifiquement réussi.
05:17Donc, en effet.
05:19Et pour ne pas froisser la Haute-Savoie, je faisais partie du comité olympique.
05:24Je m'y mettais très longtemps, moi.
05:25Enfin, bon, bref.
05:27Mais parce que...
05:28Enfin, bon, bref.
05:29Donc, je l'ai connu à ce moment-là.
05:31Mais oui...
05:33C'est de l'articulation.
05:34Comment vous les articuliez ?
05:35Ah oui, oui.
05:37Ce texte de Guitry,
05:39« Un soir quand on est seul », c'est tiré de cette pièce en un acte,
05:42qui fait que cet homme rentre chez lui.
05:44Et le fait que quand on est chez soi,
05:46on pense à tout.
05:48On passe du coca à l'âne.
05:50Et donc, du coup, ces textes-là se sont
05:52enclenchés ou ajoutés les uns aux autres
05:55de façon naturelle.
05:57Ou du moins, j'ai essayé de faire croire
05:59que c'était une pièce unique,
06:01alors qu'elle est fabriquée de diverses petites pièces.
06:04Est-ce que vous vous souvenez du premier texte
06:07qui vous a ému, marqué ?
06:10Il y en a...
06:11Il y en a beaucoup, évidemment.
06:13Du premier texte, je ne m'en souviens plus trop bien.
06:15Mais enfin, il y en a quand même...
06:17Non, mais je pourrais dire...
06:19Je vais faire mon savant.
06:20Mais il y en a un que j'aime beaucoup,
06:22qui date de 1856.
06:24Genre, prenez garde aux choses que vous dites.
06:26« Tout peut sortir d'un mot,
06:28qu'en passant vous perdiez de tout la haine et le deuil.
06:31Et ne m'objectez pas que vos amis sont sûrs que vous parlez...
06:33Bah, écoutez bien ceci. »
06:34Ça, c'est un texte de Hugo.
06:361856, c'est très vif.
06:37On a appris ça au conservatoire,
06:39parce qu'il s'était enseigné à Gérard Philippe,
06:41à Belmond, à tout ça,
06:42par un grand professeur qui s'appelait Georges Leroy.
06:44Mais c'est...
06:45Voilà, il y a des textes comme ça.
06:47Ce texte-là est sur la rumeur.
06:49Et quand j'ai eu l'occasion de le lire un jour à la télévision,
06:52comme ça, tout le monde se l'est approprié,
06:55parce que ça parlait à tout le monde.
06:57C'était sur le thème un peu commun de la rumeur,
07:00dont on parle beaucoup.
07:02Moi, vous m'impressionnez.
07:04Non, mais c'est vrai.
07:05Il paraît que malgré ça, vous avez toujours le trac.
07:08C'est vrai, ça ?
07:09Oui, c'est ça.
07:10Et aussi fort qu'avant.
07:11J'avais dit que ça ne s'arrangeait pas avec l'âge.
07:13Donc, en effet, j'en ai encore un.
07:14Mais je ne sais pas si je vais continuer à pouvoir faire du théâtre.
07:16Mais c'est inquiétant.
07:17On ne sait pas.
07:18Il y a une très jolie phrase de Roland Dubillard,
07:20que j'aime bien, qui est un auteur absurde,
07:21et qui dit...
07:22C'est valable pour toutes les professions,
07:23mais enfin, pour nous, comédiens, c'est parlant.
07:25Il dit qu'il faut se lancer dans le vide sans réfléchir.
07:27Si vous apercevez ensuite que vous avez oublié votre parachute,
07:29tant mieux.
07:30C'est alors que vous ferez vos preuves.
07:32C'est génial.
07:33Et c'est ça qui fait que vous y allez quand même ?
07:35On y va, on y va, on y va.
07:37Alors, du coup, on a le trac.
07:38Évidemment, tout est possible, bien sûr.
07:40Pour l'instant, je n'ai pas eu l'occasion d'aller chercher mon parachute
07:43en disant mon texte.
07:45Vous, André, qui avez beaucoup joué avec d'autres comédiens,
07:47d'être seul, c'est quoi la différence ?
07:49Parce que là, il n'y en a pas un autre qui a un parachute
07:51auquel vous pouvez vous rattraper.
07:52Oui, c'est vrai.
07:54Alors, en fait, on joue avec le public.
07:56C'est-à-dire que les monologues, ce ne sont pas des monologues.
07:59Ce sont vraiment des dialogues avec des gens qui sont là à vous écouter.
08:02Et quelques fois, moi, j'aime beaucoup les silences.
08:05Et tout d'un coup, vous avez remarqué ça dans la vie,
08:07quand tout d'un coup, quelqu'un s'arrête et ne dit plus rien.
08:12Ah ben là, il faut parler.
08:14Là, c'est dangereux.
08:15C'est dangereux à la radio parce qu'on va balancer un morceau de musique.
08:18Le disque de secours va partir là.
08:20Le silence crée une espèce d'angoisse.
08:22D'attention immédiate.
08:24Donc du coup, on ne peut pas en jouer de façon artificielle,
08:27mais quand même, c'est important.