"Ça me crève le coeur de le dire : on m'a poussé à faire sortir mes enfants de leur monde de Bisounours."
Elles sont mères de famille et la situation de leurs enfants les inquiète. On a rencontré les femmes du collectif Front de Mères pour discuter du quotidien et de l'avenir des jeunes dans les quartiers populaires.
Elles sont mères de famille et la situation de leurs enfants les inquiète. On a rencontré les femmes du collectif Front de Mères pour discuter du quotidien et de l'avenir des jeunes dans les quartiers populaires.
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00:00Nous en tant que mère, on se dit, purée, demain ça arrivera à nos enfants.
00:04Tu te dis, mais en fait cet enfant-là, demain ça peut être le mien aussi.
00:07Parce qu'il a la même tête que mon enfant, il a les mêmes vêtements, il a les mêmes petites bêtises.
00:13On sait que ces violences-là existent, on sait que cette répression, ces contrôles, etc. existent.
00:19On a même assisté à tout ça, certaines d'entre nous ont même déjà assisté à tout ça.
00:24Sauf qu'à chaque fois qu'on a des images, c'est le même choc.
00:28Parce qu'on peut pas s'habituer à ça.
00:29On peut pas s'habituer à ça.
00:31On refuse, surtout.
00:32On refuse et on se dit, c'est pas possible, c'est pas croyable.
00:35J'ai peur pour les enfants, j'ai peur pour mes enfants, j'ai peur pour les enfants des autres.
00:38Mais j'ai peur de la répétition et de l'assitude.
00:41C'est-à-dire, ça se passe là, on se bat, on fait des choses, ça passe à la télé,
00:47on met le sujet sur la table, enfin, on peut parler des quartiers populaires et tout.
00:52Mais on va passer à autre chose, ça va être comme en 2005.
00:55Quand Macron, Emmanuel Macron, dit la responsabilité des parents.
00:59Mais nous, on est bien placés ici pour dire, mais nous, oui,
01:01on parle de responsabilité collective des parents.
01:03On ne demande que ça, en fait.
01:04Que de s'auto-organiser pour faire en sorte que nos enfants aient une belle vie,
01:08soient heureux, heureuses.
01:10Parce que ça, par exemple, personne n'en parle,
01:11du bonheur et de la joie que peuvent avoir nos enfants.
01:13Du rêve.
01:14Personne n'en parle, en fait.
01:15Nous, on veut justement, uniquement, que nos enfants soient heureux.
01:20Moi, j'ai deux fils, c'est des Algériens, avec le faciès d'Algériens.
01:26Ils ont bientôt 9 ans et bientôt 11 ans.
01:30Il faut être réaliste à un moment donné.
01:31On se rend compte qu'aujourd'hui, nos enfants vont évoluer
01:34dans ce genre de situation, dans ce genre d'atmosphère.
01:38Donc, il faut leur donner les billes.
01:39Et nous, en tant que parents, on est là pour former nos enfants.
01:43Alors, d'un côté, tu dois les former.
01:45De l'autre côté, tu dois les sortir de leur monde de bison-ours.
01:48Parce que tu as envie de les garder le plus longtemps possible
01:49dans leur petite bulle d'enfants, en fait, tout simplement.
01:53Sauf que ce n'est pas leur an de service.
01:55Mais de l'autre côté, toi, en tant que maman ou en tant que papa,
01:57ça t'arrache le cœur.
01:58Tu dois vraiment leur expliquer la réalité des choses.
02:01Et ça me crève le cœur et ça me tord la gueule, vraiment,
02:05excusez-moi le terme, de le dire.
02:09On m'a poussée à faire sortir mes enfants de leur monde de bison-ours.
02:13Je suis désolée.
02:14À presque 9 ans et presque 11 ans de nain.
02:16D'un côté, tout ce qui a été dit, leur redonner confiance,
02:21leur donner l'envie de se battre et tout.
02:22Et en même temps, moi, j'ai une partie de moi qui dit
02:25baisse les yeux et ferme ta gueule.
02:27Et évite, enfin, c'est l'instant de préservation.
02:33Parce que le problème, c'est que parfois, ils baissent les yeux,
02:37ils ferment leur bouche et pourtant...
02:39Donc en fait, là, pour le coup, ce n'est pas la recette miracle.
02:42Pour moi, la seule recette miracle,
02:44et elle est validée, on va dire, par l'histoire, par l'expérience,
02:49c'est de s'organiser dans un quartier et d'occuper le quartier.
02:52Quand t'occupes le quartier, tu fais en sorte qu'il y ait
02:54moins de violences policières, moins de violences interquartiers,
02:58moins de violences sexuelles que subissent les enfants
03:01au sein même des foyers, parce que tu facilites la circulation
03:04entre l'intérieur et l'extérieur.
03:06Donc en fait, la seule solution, c'est nous qui l'avons, c'est nous.
03:09Ce n'est pas aux enfants de baisser la tête ou pas baisser la tête.
03:13Parce que là, tu les enfermes, eux, dans un dilemme.
03:16On exige de nous une perfection, alors qu'en face, en réalité,
03:21on n'a pas les moyens et ça n'existe pas.
03:23Ce sont des jeunes qui ont le droit de faire leurs erreurs,
03:26au même titre que nous, maintenant devenus adultes.
03:29C'est ce qui nous a forgés, c'est ce qui nous a construits.
03:32Et là, on a peur pour la génération d'après.
03:35Et on se dit, c'est de pire en pire.
03:38En fait, il n'y a personne qui se réjouit de ce qui se passe.
03:41Des dégradations, des violences.
03:42Même des personnes qui vont dire, on ne va pas appeler au calme,
03:44ne vont pas se dire, c'est une bonne chose.
03:47Pourquoi ? Parce que déjà, comme j'ai dit tout à l'heure,
03:49on sait que l'appareil répressif va se dérouler.
03:52Coupable ou pas coupable.
03:54Et ensuite, on sait qu'au vu du discours,
03:57on sait très bien qu'il n'y a aucune volonté politique derrière
04:02qu'il y ait un changement.
04:03Moi, je trouve que depuis la semaine dernière,
04:04et quand je vais comme ça dans les débats,
04:06dans les débats notamment télévisés,
04:08je sens moi un...
04:10Alors, j'allais dire un plafond de verre, non, mais une chape de plomb
04:12où je sens bien qu'il ne faut pas que je déborde.
04:14Il ne faudrait pas que je dise vraiment ce que je pense, en fait.
04:17Parce que, ah, tu es une maman irresponsable,
04:19tu ne te rends pas compte.
04:20Quoi ? Ça veut dire que tu te réjouis des émeutes ?
04:21Quoi ? Ça veut dire que tu considères que brûler des voitures,
04:25c'est secondaire ?
04:26Oui, brûler des voitures, c'est très, très, très secondaire.
04:29Ce qui compte, c'est la vie de Naël.
04:31Ce qui compte, c'est la vie humaine, en fait.
04:32J'espère, en fait, mon espoir, moi, depuis la semaine dernière,
04:34ce qui me tient, en fait, c'est ça.
04:35C'est de me dire, peut-être que cette fois, ça va être un vrai tournant
04:39et qu'enfin, on va s'organiser dans les quartiers populaires,
04:42on va s'auto-organiser et qu'on va, voilà, on va le faire ensemble
04:45et on va faire grandir nos enfants ensemble.