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LA GRANDE HISTOIRE. Pendant 30 ans, il a agressé et violé en toute impunité plusieurs dizaines de femmes dans le nord de la France. Cette semaine dans La grande histoire, Hugo raconte l'affaire Dino Scala, "le violeur de la Sambre", qui a sévi de la fin des années 1980 jusqu'à son arrestation en 2018.

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Transcription
00:00Avec un couteau sur la gorge, il m'a coupé la respiration.
00:02Si tu cries, je te tue.
00:03Pendant 30 ans, il a agressé et violé en toute impunité.
00:07Voici l'histoire de Dino Scala, surnommé le violeur de la sombre.
00:14Comment le suspect a-t-il pu échapper à la police ?
00:17Décrit comme un homme affable, serviable, apprécié de tous.
00:20Comment a-t-il pu dissimuler sa vraie nature et pendant si longtemps ?
00:24Ce qui lui permet d'agir pendant 30 ans, c'est le silence qu'il y a autour.
00:26C'est comme si rien ne se passait, en fait.
00:28C'était une obsession.
00:29Je ne voulais pas quitter la police avec cet échec-là.
00:36Bonjour à tous.
00:37Cette semaine, je vous parle d'une histoire sans précédent en France.
00:40En 2018, un père de famille de 56 ans est arrêté par la police.
00:45Il reconnaît avoir violé et agressé des dizaines de femmes pendant 30 ans.
00:49Mais au-delà du fait divers,
00:50cette histoire raconte le manque de considération des victimes
00:53et soulève de nombreuses questions sur la responsabilité de la police,
00:57de la justice, des médias, mais aussi de l'ensemble de la société.
01:03Vers 6 heures du matin,
01:05une jeune fille est agressée sexuellement
01:07dans cette petite ville belge située à la frontière.
01:10Grâce à la vidéosurveillance,
01:12la police belge relève une plaque d'immatriculation partielle
01:15et la transmet à la police française.
01:17En charge de l'affaire dite du violeur de la sombre depuis une dizaine d'années,
01:21le commandant Martins envoie une équipe sur place.
01:24La voiture est repérée sur le parking d'une entreprise
01:27à quelques kilomètres des lieux de l'agression.
01:29« Pendant 30 ans, je me suis fait une idée de ce qu'il était,
01:33de la tête qu'il avait, de sa physionomie, de sa bonhomie,
01:37de sa corpulence, même de son odeur.
01:40Quand je vois l'image, je sais que c'est lui. »
01:45À la fin des années 80,
01:47plusieurs femmes sont agressées sexuellement à proximité de la sombre.
01:51« Il agresse d'octobre à mars, autour de 5 à 8 heures le matin,
01:54dans des lieux un petit peu isolés et toujours avec une approche par l'arrière.
01:59Il ceinture, il étrangle, il prend au niveau du cou. »
02:03« D'un seul coup, on m'a attrapée par derrière, par ma queue de cheval.
02:07Et puis, il m'a vendu les yeux, il m'a traînée la menace d'un couteau
02:11et il m'a attachée mes mains.
02:13Ensuite, il a commencé à me déshabiller,
02:17il m'a touchée la poitrine et puis ensuite, le pantalon. »
02:22« En allant rencontrer les premières victimes,
02:24j'ai compris qu'on n'était pas vraiment dans un fait divers,
02:28mais très clairement, elle racontait quelque chose de notre société.
02:31Elle me raconte leur agression sexuelle ou leur viol
02:33comme s'il s'était déroulé la veille,
02:35alors qu'il s'était déroulé il y a 10, 20, 30 ans.
02:38Et je comprends qu'une partie de leur vie s'est arrêtée un matin sur le bord de cette route. »
02:44« Il y a quelqu'un qui m'a sauté dans le dos,
02:47m'a coupé la respiration et mis le couteau sur la gorge.
02:50Et il m'a dit tout bas mon œil, si tu parles, je te tue. »
02:53« Elles ont toute l'impression d'avoir été soit pas écoutées,
03:00pas entendues, parfois pas crues, notamment pour les plus jeunes,
03:03maltraitées et souvent oubliées en fait par la police,
03:08puis par la justice et peut-être plus globalement par notre société. »
03:11« On est dans les années fin des années 80, début des années 90.
03:15Ici, une femme vient de se faire agresser sexuellement.
03:18Elle arrive dans un commissariat.
03:21Bon, alors voilà, pourquoi vous êtes passée par là ?
03:25Est-ce que vous n'avez pas pris de risque ?
03:26Bientôt, elle en est à devoir se justifier
03:30de s'être retrouvée dans une situation où elle a été agressée.
03:33Je veux dire, c'est surréaliste, mais c'était très réaliste à l'époque.
03:37« J'ai effectivement constaté qu'entre le récit qu'on faisait ces femmes
03:41et le récit qui était sur les procès-verbaux de prise de plainte,
03:45il y avait un gouffre.
03:46C'était une autre histoire qui était racontée.
03:48La plupart du temps, il y a eu une minimisation des faits,
03:53des délits et des crimes sexuels.
03:55« On a d'ailleurs des exemples de faits où il a agressé des femmes
04:00et où l'agression a été qualifiée de tentative de vol à l'arraché par exemple
04:05et non pas tentative d'agression sexuelle.
04:07Donc, ça passait à travers les mailles du filet en fait.
04:10« Dans cette affaire, un tiers des victimes étaient des adolescentes de 13 à 18 ans.
04:13Après, il y a eu des femmes jusqu'à l'âge de 48 ans.
04:16La question de la crédibilité de la victime,
04:18elle est posée quasi systématiquement et presque exclusivement
04:22quand il s'agit d'adolescentes. »
04:24Alors que des plaintes similaires s'accumulent dans le Val-de-Sambre,
04:28la police ne soupçonne pas encore un criminel en série.
04:31« Pendant très longtemps, en France, on ne reconnaît pas l'existence
04:33d'une criminalité en série.
04:35Les criminels en série, c'est un truc d'américain.
04:39On a pourtant parfois des femmes qui déposent plainte
04:42pour exactement les mêmes faits, dans le même commissariat,
04:44parfois auprès du même policier, à quelques jours d'intervalle.
04:47On en a même qui déposent plainte à Maubeuge un matin
04:50dans deux salles du même commissariat.
04:51En fait, on connaît mal cette criminalité-là parce qu'on s'en fiche en fait. »
04:57Près de dix ans après la première agression,
05:00la police de Maubeuge fait le lien entre différentes affaires.
05:03La police judiciaire de Lille ouvre une enquête.
05:06« La première fois où j'ai eu un rapport au violeur de la Sambre,
05:09c'était dans ces années-là, au milieu des années 90.
05:15On avait été sollicité par la brigade criminelle
05:17de la police judiciaire de Lille, à cette époque,
05:20pour faire des surveillances aux abords d'entreprises
05:23de la région du Val-de-Sambre.
05:25Il a une odeur un peu métallique,
05:28qu'à chaque fois toutes les victimes le signalent,
05:29qui fait qu'on pense que c'est quelqu'un qui manipule
05:32de l'outillage sinon industriel, mais au moins de maintenance.
05:35Un délinquant sexuel connu qui est sur un chantier
05:38à proximité d'un lieu d'agression,
05:40on le met en garde à vue, on l'interroge,
05:42alibi, machin, enfin voilà, une enquête classique.
05:45Et tout ça, tout ça, tout ça, tout ça,
05:46ce ne sont malheureusement que des coups d'épée dans l'eau. »
05:49Les enquêteurs étudient la piste d'une Renault 21 blanche
05:52décrite par les victimes, sans succès.
05:54« On devait avoir 13 000 véhicules pouvant correspondre,
05:59vérifier, c'est un travail de titan.
06:01Et ce qui nous faisait croire que c'était un peu monsieur tout le monde,
06:03c'est que malgré les 4-5 fois où son ADN avait été prélevé
06:07sur des scènes de crime, ça ne matchait pas au FNAG.
06:09Ça veut dire qu'il ne commettait pas d'autres infractions. »
06:12Grâce au témoignage des victimes, un portrait robot est réalisé.
06:16Il sera diffusé en Belgique, mais pas en France.
06:19« On a pris pour parti de ne pas diffuser ces portraits robots,
06:22mais il y a quand même eu des appels dans la presse.
06:24J'ai lu la presse locale pendant 30 ans,
06:26parce que je me demandais comment toutes ces agressions
06:28et tout ça avait été restitué dans le récit médiatique.
06:31Et là, j'ai été extrêmement surprise
06:32parce qu'on n'en parle quasiment jamais. »
06:36Réunion de crise cet après-midi à la mairie de Louvroille.
06:38Madame le maire s'entretient avec la police municipale,
06:41car en un peu plus d'un mois,
06:42la ville a été le théâtre de trois agressions sexuelles.
06:45« Je préfère donner l'information telle qu'elle est,
06:48à partir de la vérité, du concret,
06:50et ça va peut-être éliminer une forme de psychose. »
06:54La région avait connu une vingtaine de viols non élucidés,
06:57mais selon la police, il est trop tôt pour établir un lien entre les deux affaires.
07:03À la fin des années 2000, la police judiciaire de Lille
07:06ouvre une cellule Colcaise pour tenter d'élucider d'anciennes affaires,
07:10dont celle du violeur de la Sambre.
07:12« On repart de zéro, c'est-à-dire on recommence tout de A à Z.
07:16Ça consiste par une étude documentaire des actes qui ont déjà été faits,
07:20c'est-à-dire regarder, relire les PV, voir ce qui a été mal fait.
07:23Et ensuite, ça consiste aussi, et c'est le volet le plus lourd,
07:28le plus émotionnellement, le plus important pour moi à mes yeux,
07:32c'est de reprendre contact avec toutes les victimes
07:35et de leur faire à nouveau raconter leur histoire. »
07:38Alors que l'enquête patine, les agressions continuent,
07:41notamment du côté d'Herculene, en Belgique.
07:44Entre 2012 et 2018, plus aucune agression n'est attribuée au violeur de la Sambre.
07:49« C'était une obsession, c'est-à-dire j'avais moi des amis,
07:54des enquêteurs, des chefs de groupe, des policiers,
07:57et de très bons policiers qui s'y étaient cassés les dents sur ce dossier.
08:01Je ne voulais pas partir, quitter la police avec, moi aussi, cet échec-là. »
08:08Une jeune fille a été violée près de la gare d'Herculene, en Belgique.
08:12Mais pour la première fois, le suspect a commis une erreur.
08:14Les policiers ont pu repérer sa plaque d'immatriculation.
08:17« Quelques jours après avoir identifié celui qui pourrait être le violeur de la Sambre,
08:22le commandant Martins et ses équipes surveillent de près son domicile. »
08:25« On met une souricière en place, dans plusieurs véhicules autour du domicile,
08:29et effectivement, un peu avant 6h, il prend sa voiture, il taille la route. »
08:33Les policiers prennent en filature la voiture du suspect sur quelques kilomètres
08:37avant de l'interpeller.
08:38« Lorsqu'on l'interpelle, il a quand même sur lui, et tous les attributs,
08:43du parfait violeur de la Sambre.
08:45Il a un couteau, il a des liens, il a tout ce qu'il faut.
08:47Alors, on ne saura jamais s'il avait une victime en tête,
08:52s'il allait commettre une agression, on ne le saura jamais.
08:55Mon idée personnelle, c'est que s'il avait eu l'opportunité,
08:58il aurait pu passer à l'acte. »
08:59Alors que Dino Scala est conduit à son domicile pour une perquisition,
09:03le commandant Martins en profite pour le confronter.
09:06« Je lui dis, mais combien ?
09:09Et là, d'un seul coup, il me dit, au moins 10. »
09:13« Ça fait un choc, parce qu'on a confiance en la personne.
09:16Il a été entraîneur de foot à mon fils, donc on était vraiment confiants. »
09:22« C'est quelqu'un d'agréable, de sociable, d'autrement en service.
09:28Jamais on n'aurait pu penser ça. »
09:31« C'est quelqu'un qui n'a jamais été condamné, qui travaillait.
09:34Pardonnez-moi cette expression, mais un peu tout le monde. »
09:37Dino Scala n'est pas un homme sans histoire.
09:39Dino Scala, effectivement, a une vie banale,
09:41mais comme nombre de délinquants sexuels.
09:44Lors de son premier mariage, au début des années 80,
09:47les sœurs de sa première épouse, qui sont adolescentes,
09:50vont, tour à tour, se plaindre d'agression sexuelle de la part de Dino Scala.
09:54Qu'est-ce qu'on fait ? On ne fait rien, en fait.
09:56Et donc, le message qu'on envoie à Dino Scala,
09:59c'est qu'on peut agresser sexuellement des femmes,
10:01on peut même être dénoncée, il ne se passera rien.
10:10L'ensemble de la cour, président, assesseur, juré, avocat,
10:15personne n'est resté indifférent au sort de ces femmes
10:18et au courage qu'elles avaient de venir témoigner des années plus tard à cette barre.
10:23Surtout pouvoir lui dire ce que j'allais lui dire
10:26et pouvoir me reconstruire après.
10:28Dino Scala est reconnu coupable de 54 viols et agressions sexuelles.
10:33Il est condamné à 20 ans de réclusion criminelle,
10:36assorti de deux tiers de sûreté,
10:38soit la peine maximale pour les viols aggravés.
10:40Je sais qu'il est en prison, je sais que je suis tranquille pour quelques années,
10:45mais ce n'est pas assez.
10:46Oui, pour tout le mal qu'il a fait,
10:48de toute façon, n'importe quelle peine, ça ne peut pas changer.
10:51On veut juste être en sécurité, qu'il ne fasse plus de mal.
10:55Et ça ne réparera pas, lui il n'a pris que 20 ans,
10:58nous on a pris perpétuité.
10:59La peine est indifférente au nombre de victimes,
11:01c'est-à-dire qu'on ait violé deux femmes ou 56,
11:04c'est le même tarif pénal.
11:05Elles ont fait un calcul, elles se sont dit
11:07ça fait 4 mois et demi par victime.
11:09En mai 2023, une nouvelle enquête portant sur 14 autres affaires est ouverte.
11:13Dino Scala pourrait donc se retrouver à nouveau
11:16devant une cour d'assises.
11:17Dans ce genre d'affaires, sur autant d'années,
11:22avec autant de victimes,
11:23c'est impossible que la personne ait tout raconté.
11:31Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo,
11:33j'espère qu'elle vous a plu.
11:34Si vous voulez creuser un peu plus cette histoire,
11:37je vous conseille de lire Sambre d'Alice Géraud.
11:39Elle est également scénariste de la série du même nom sur France 2.
11:42Je voudrais également remercier toutes les équipes de Brut
11:45qui font un travail incroyable pour qu'on puisse vous proposer ce genre de vidéos.
11:49Et sur ce, je vous dis à la semaine prochaine pour une nouvelle grande histoire.

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