"Bradley Cooper, Amy Winehouse ou encore Matthew Perry, tous ont été concernés."
Déstigmatiser la question des addictions grâce à la pop culture, c'est ce que fait l'addictologue Jean-Victor Blanc. Et pour lui, nous ne sommes pas tous égaux face à la dépendance…
Déstigmatiser la question des addictions grâce à la pop culture, c'est ce que fait l'addictologue Jean-Victor Blanc. Et pour lui, nous ne sommes pas tous égaux face à la dépendance…
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00:00Bradley Cooper, Naomi Campbell, Avicii, Amy Winehouse ou encore Matthew Perry,
00:04tous ont été concernés par une maladie addictive.
00:07Je parle des addictions avec la pop culture, avec des exemples de films et de séries.
00:11L'idée c'est de déstigmatiser, de désacraliser la question des addictions pour tout le monde,
00:17les personnes concernées mais aussi leur entourage.
00:19La pop culture ça permet d'illustrer de manière assez facile, par exemple,
00:23comprendre l'itinéraire de la dépendance avec Roux de Euphoria,
00:27ou au contraire, des exemples de rétablissement comme Bradley Cooper ou Naomi Campbell
00:31qui ont arrêté leur consommation de cocaïne il y a bien des années.
00:34L'acteur Matthew Perry qui a passé sa vie à lutter contre ses addictions,
00:38qui en a parlé, il avait expliqué que s'il avait ouvert une structure d'accueil
00:41pour les hommes en sevrage et écrit une pièce de théâtre sur son alcoolisme,
00:44c'est parce qu'il avait des choses importantes à dire à des personnes telles que lui
00:47et aux gens qui aiment les personnes telles que lui.
00:49J'ai été marquée par le « telles que lui » puisque ça veut dire quoi cette phrase finalement ?
00:52Est-ce que ça veut dire qu'il y a deux types de personnes face aux addictions ?
00:54Nous ne sommes pas tous égaux face aux addictions.
00:56En psychiatrie, on a un certain nombre de critères qui vont nous aider à définir
01:01la différence entre un usage simple d'une substance et l'addiction.
01:05Tout usage de substance n'est pas une addiction.
01:08C'est vraiment des critères précis, par exemple le fait de perdre le contrôle
01:13vis-à-vis de la quantité et du temps consacré à la consommation,
01:16le fait de maintenir cette consommation malgré les problèmes physiques que cela va engendrer,
01:21le fait que le corps va s'habituer à certaines doses et donc on va devoir prendre plus de substances
01:26pour avoir le même effet, tout ça c'est des critères de la maladie addictive.
01:29En tant que médecin, pour nous, il n'y a aucune différence entre être addict
01:33à une substance autorisée ou une substance illégale, ça c'est important.
01:37On ne fait pas de distinction entre drogue dure ou drogue douce.
01:40Pourquoi il y a des gens qui sont plus prédisposés à être addicts que d'autres ?
01:44Il va y avoir des critères individuels, par exemple le fait d'être anxieux ou très impulsif
01:49va faire qu'on va être plus à risque de développer une addiction.
01:52Donc ça c'est vraiment lié à notre trait de caractère finalement, à notre personnalité ?
01:56Oui.
01:56Et donc après il y a quoi d'autre comme facteur ?
01:58Il va y avoir des facteurs héréditaires et génétiques.
02:01C'est-à-dire que si on est dans une famille où il y a beaucoup d'addicts,
02:05comme par exemple Drew Barrymore, l'actrice américaine, en a beaucoup parlé,
02:08on va être soi-même plus à risque, on va naître avec une vulnérabilité vis-à-vis des addictions.
02:12Il va y avoir une part génétique mais aussi une part liée à l'éducation.
02:16Enfin, l'environnement social va avoir un rôle.
02:19On sait que les personnes précaires vont être beaucoup plus à risque de développer également une addiction
02:24et aussi d'avoir plus de mal à se faire prendre en charge lorsqu'ils sont concernés par l'addiction.
02:28Il y a également un rôle du genre vis-à-vis du risque de développer une addiction.
02:32Là-dessus, les stéréotypes de genre ont encore la peau dure
02:35puisque par exemple un homme qui va consommer, on va considérer que c'est un bon vivant
02:39là où une femme va être plus stigmatisée.
02:41Aujourd'hui encore, la plupart des personnes en situation d'addiction sont des hommes.
02:45Ceci dit, on sait qu'il y a une augmentation de la consommation du tabac
02:49mais aussi d'alcool chez les femmes.
02:51Pour les femmes concernées, c'est la double peine
02:53puisqu'on sait qu'elles ont plus de mal à accéder aux soins
02:55notamment car elles se sentent stigmatisées vis-à-vis de leur consommation.
02:58Il existe également des addictions comportementales.
03:01Par exemple, l'addiction aux jeux de hasard ou l'addiction à l'activité sexuelle.
03:06Et les réseaux sociaux, c'est un vrai truc ou c'est un peu un fantasme de journaliste et de parent ?
03:12L'addiction aux réseaux sociaux est plus compliqué à définir
03:15puisqu'aujourd'hui, être addict à l'écran,
03:18il y a plein de choses derrière l'usage des écrans et des réseaux sociaux.
03:23Ça va être un moyen de divertissement, de communication, d'information.
03:27Pour l'instant, on n'a pas de critère psychiatrique pour définir une addiction aux réseaux sociaux.
03:31Mais la recherche continue et peut-être qu'un jour on le définira.
03:34Il n'y a aucune fatalité vis-à-vis des addictions.
03:37Il est important de savoir qu'à toutes les étapes de la maladie addictive,
03:41on peut accéder à des soins et aller mieux.
03:43C'est une question qui reste globalement mal comprise avec beaucoup de stéréotypes.
03:47On a fait par exemple un sondage qui montre que pour la moitié des Français,
03:51pensent encore que l'addiction, c'est uniquement une question de volonté.
03:53Heureusement, on a de plus en plus de personnes qui acceptent de parler de leur addiction
03:58et surtout de la prise en charge de ce qui a pu les aider sur leur chemin.
04:03Dans mon livre Addict, à chaque fin de chapitre, je développe des red flags
04:07qui sont autant d'indices de questions pour amener à s'interroger vis-à-vis de sa consommation.
04:12Évidemment, ça ne remplace pas un entretien médical professionnel.
04:17Ceci dit, c'est important de s'interroger un moment sur sa consommation.
04:20Par exemple, se dire si j'essaie pendant le dry januari de ne pas boire d'alcool pendant un mois,
04:25qu'est-ce que ça fait ?
04:26Qu'est-ce que ça me fait au corps ?
04:27Qu'est-ce que ça me fait dans mon environnement social ?
04:29Est-ce que c'est facile ?
04:30Est-ce que c'est compliqué ?
04:31Est-ce que c'est quelque chose que j'ai envie de prolonger ou au contraire qui est insupportable ?
04:35Aujourd'hui, les personnes qui font le choix d'être sobres, de ne pas consommer une substance,
04:39sont encore pointées du doigt.
04:41Notamment pour mes patients, c'est extrêmement compliqué
04:43lorsqu'on leur demande de se justifier sur le fait qu'ils ne consomment pas.
04:47Or, pour eux, ça nécessite énormément d'efforts pour ne pas consommer.
04:50Là, on parle notamment surtout de l'alcool, j'imagine, en France.
04:53Oui.
04:54Le « pourquoi tu ne bois pas ? »
04:56« Allez, juste un verre. »
04:58Il y a encore beaucoup de stéréotypes sur le fait que la personne qui ne va pas consommer d'alcool
05:01va être quelqu'un d'ennuyant, de pas festif, voire un rabat-joie.
05:05Tout ça, c'est des clichés qui sont vraiment à déconstruire.