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Alertée il y a un mois par ses homologues européens, l'Agence du médicament ordonne à trois entreprises de suspendre leur publicité illégale en France. Elle a pris cette mesure de police sanitaire à l'encontre des sociétés irlandaises Immucura et Immunyo, et de la suisse Iaso Health GmbH. Ces entreprises "présentent de manière infondée leur traitement comme une solution efficace contre le cancer et comme ayant un profil de sécurité très favorable et non invasif" puisqu'"il serait dépourvu d'effets indésirables" annonce ANSM. Pr Steven Le Gouill, directeur de l'Ensemble Hospitalier de l'Institut Curie est l'invité pour tout comprendre de RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 28 novembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Bonsoir Stéphane Le Gouille, vous dirigez l'Institut Curie, notre plus gros centre de recherche français contre le cancer.
00:10L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament lance donc une procédure judiciaire à l'encontre de trois entreprises
00:16accusées de commercialiser des traitements soi-disant miraculeux contre le cancer,
00:20sauf que ces traitements ne sont absolument pas validés scientifiquement.
00:23Bonsoir Agathe Landais, vous êtes notre spécialiste santé sur RTL, de quoi parle-t-on exactement et de quels traitements parlons-nous ?
00:29Alors il s'agit d'un traitement injectable, en fait il y a un médecin qui prélève le sang du patient,
00:34il le modifie en laboratoire pour booster le système immunitaire puis réinjecte ce sang au patient quelques jours plus tard.
00:40L'entreprise promet des résultats exceptionnels, le corps des malades serait alors en capacité de combattre tout seul naturellement les cellules cancéreuses.
00:48Sur leur site internet ces entreprises restent très vagues en fait sur le fonctionnement de ce traitement,
00:54pas de lien vers des études scientifiques, leur communication repose essentiellement sur des témoignages de patients.
01:00Sur leur site on voit des vidéos de malades du cancer dans le monde entier qui affirment que ce traitement les a guéris.
01:06Résultat, on en parle de plus en plus de ces traitements sur des forums de discussion entre patients et de plus en plus de malades sautent le pas.
01:14C'est le cas de Christian que j'ai pu joindre ce matin.
01:17Christian il a 68 ans, il est atteint d'un cancer colorectal au stade 4, c'est la phase terminale.
01:22Ses médecins n'avaient plus de solution pour lui, il est donc parti en Allemagne pour recevoir le traitement.
01:27J'ai trouvé ça en cherchant sur internet, parce qu'on a des chimios qui prolongent la vie mais on sait qu'à un moment ils ne vont plus marcher.
01:35Donc on réfléchit pour bénéficier des progrès médicaux.
01:39Alors je commence à voir les effets et je suis en pleine forme.
01:43Est-ce que vous en aviez parlé avec votre oncologue en France de ce traitement et qu'est-ce qu'il vous avait dit ?
01:47Il m'avait dit que pour l'instant il n'y avait pas d'éléments probants et vu le coût, c'était pour moi un déplacement inutile et fatigant.
01:54Vous parlez du coût justement, combien ça vous a coûté ?
01:5618 250 euros plus le séjour en Allemagne, ça fait à peu près 21 000 euros.
02:02Ça pouvait ne pas marcher mais bon, vous savez, la vie n'a pas de prix.
02:06Quand vous êtes sans solution et qu'on vous dit que vous allez passer en soins périodiques et que vous dites qu'il ne reste que six mois, vous réfléchissez à deux fois.
02:13Vous vous êtes dit que ça vaut le coup de tenter en fait ?
02:15Ça vaut le coup de tenter, voilà.
02:17Christian affirme qu'il se sent mieux aujourd'hui grâce à ce traitement malgré le scepticisme de ses oncologues en France.
02:24Merci beaucoup Agathe Landais. On se tourne à nouveau vers vous Professeur Leguil.
02:27Que pensez-vous de ces produits et peut-on parler oui ou non de médicaments ?
02:31Je pense que ce que vous avez dit est très illustratif.
02:35Pas de démonstration scientifique, pas de publication, des sites internet, en tout cas pour les trois entreprises qui sont citées sur la NSM,
02:41qui vendent des résultats qui ne peuvent pas être démontrés autrement que par des témoignages ponctuels
02:45et une technologie qui essaie de manipuler des cellules qu'on appelle les cellules dendritiques pour les faire booster le système immunitaire.
02:53Ce n'est pas une idée nouvelle.
02:55Ça fait plus de 20 ans qu'on fait des recherches sur ce type de cellules.
02:58Je pense que derrière, clairement, il y a aussi une démarche commerciale, comme l'a dit votre témoignage et qu'on retrouve sur le site.
03:06Je pense qu'il faut savoir être prudent dans ce type d'annonce et d'abord essayer de comprendre de quoi on est en train de parler comme type de traitement.
03:12Est-ce que vous êtes choqué de leur utilisation ? En tout cas, visiblement, le patient que l'on vient d'entendre ne l'est pas.
03:17Sur un témoignage, on ne peut évidemment pas se prononcer.
03:20Tout oncologue, hématologue ou personne qui prend en charge des cancers sait qu'il y a des phases où on est mieux et des phases où on est moins bien.
03:27Les attribuer particulièrement à un traitement ou à un autre, est-ce qu'il avait continué son traitement ou pas, je ne prononcerai pas sur un seul cas.
03:34Ce qu'il faut avoir en tête, c'est derrière le raisonnement et ce qui est fait en termes de médicaments.
03:40On ne peut pas parler de médicaments puisqu'on n'a pas suivi une phase de validation.
03:44Pas d'études cliniques, pas de process qui ont été mis en place et validés, qui ont été reproduits ailleurs.
03:49Donc, on ne peut pas parler de médicaments.
03:51Vous le disiez, professeur, la manipulation de ces cellules dendritiques, si je le dis bien, cela existe depuis des années.
03:59Ça semble assez logique. Est-ce qu'on est sûr que ça ne marche pas ?
04:03Déjà, il faut savoir qu'il n'y a pas un type de cellules dendritiques, mais des types de cellules dendritiques.
04:08Ce sont des cellules issues du système hématopoïétique, donc des cellules sanguines, qui ont pour fonction de présenter des antigènes.
04:14On parle de CPA, de cellules présentatrices d'antigènes.
04:17Elles vont donc présenter des séquences de protéines à des cellules du système immunitaire pour entraîner une réaction s'il y a besoin d'une réaction.
04:24En l'occurrence, dans le cas du cancer, il s'agit de présenter une séquence de protéines cancéreuses pour booster le système immunitaire.
04:30Cela fait déjà plus de 20 ans qu'on a fait ce type de recherche.
04:33Actuellement, les études n'ont pas réussi à démontrer qu'il y avait une efficacité.
04:37Que l'idée derrière de booster le système immunitaire soit une mauvaise idée, ce n'est pas la question.
04:42Il faudrait savoir de quel type de cellules dendritiques on parle, de quel type d'antigènes elles ont reconnu, à quel type de cellules elles les ont présentées.
04:48Tout cela peut paraître un peu abscondant quand on parle à des patients, mais derrière, vous avez vu, il y a un traitement à 18 250 euros.
04:56Vous avez une réflexion derrière qui, dans un des deux sites, vous parle d'un traitement complet et qui guérit même l'âme.
05:02Il faut savoir être prudent, prendre du recul, c'est le rôle des oncologues.
05:06Je comprends aussi que pour les patients, ce soit des stratégies attractives, le témoignage le dit,
05:11mais finalement, derrière, on profite de quoi ? De la science ou, malheureusement pour certains patients, d'une position de faiblesse ?
05:17Vous nous dites ce soir que le patient que l'on vient d'entendre, Christian, a tort d'espérer ?
05:22Non, je ne dis sûrement pas ça et je ne dis pas qu'il a tort d'espérer, je ne dis pas qu'il a tort d'aller voir ailleurs ou de chercher une réponse.
05:30Je dis attention, on est à un moment donné, nous, fragiles dans ce type de position.
05:34Quand vous avez un traitement qui ne marche pas, même dès l'annonce du cancer, vous devenez fragile.
05:38Et pour certains, une fragilité, c'est aussi une cible.
05:40Là, en l'occurrence, il n'y a pas de preuves scientifiques et il n'y a pas de démonstration.
05:44Ces équipes, comme vous l'avez dit vous-même, n'expliquent rien sur leur site.
05:47Prendre des cellules du sang, les faire pousser, leur mettre des antigènes, présenter, on ne sait pas trop comment, et réinjecter, techniquement, ce n'est pas très compliqué.
05:55La question, c'est qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
05:57Et pourtant, professeur Agatlanday nous expliquait qu'une patiente victime d'un cancer du sein, stade 3, avait pris un traitement qui fait débat, en plus de son traitement classique.
06:04Elle est maintenant en rémission et elle est, elle, convaincue que c'est le traitement qui suscite cette polémique qui la guérit.
06:10Il y a peut-être des personnes qui nous écoutent ce soir et qui sont dans cette situation.
06:14Qu'avez-vous envie de leur dire ?
06:16J'aurais vraiment envie de leur dire que les traitements sur le cancer n'ont jamais autant et aussi vite progressé.
06:22Qu'ils ne progressent pas assez, c'est une évidence.
06:24À l'Institut Curie, des centres de recherche d'immunothérapie, nos équipes travaillent sur ces types de techniques.
06:30Et l'immunothérapie est un axe majeur de progrès.
06:33Pour bien avancer, il faut d'abord comprendre comment fonctionne ce système immunitaire.
06:37Et c'est tout l'enjeu des équipes, comme celles qui travaillent à l'Institut Curie, de pouvoir manipuler ce système immunitaire.
06:43Et c'est ce que tout le monde cherche à faire.
06:44Les cellules dendritiques, celles qui sont utilisées dans ce dont on parle là, sont un axe de travail.
06:49Mais on ne peut pas dire qu'il y a une cellule dendritique.
06:51Il y en a plein différents.
06:52Lesquelles sont efficaces ? Quels antigènes elles reconnaissent ?
06:54C'est tout ça auquel il faut répondre.
06:56Sinon, on va trop vite, on fera des erreurs, il y aura des effets secondaires.
06:59Et il y aura des patients qui, malheureusement, recevront des traitements qui ne servent à rien et qui, bizarrement, coûtent souvent très cher.
07:05Merci beaucoup Stéphane Leguille, à la tête de notre plus gros centre de recherche français contre le cancer, l'Institut Curie.
07:11Dans un instant, nous serons avec Marc-Antoine Honnelebrey pour le Breaking News.

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