Alors que le verdict est attendu le 20 décembre au plus tard. En cette fin de procès des viols de Mazan, c’est désormais la question de l’emprise qui est avancée. L’emprise, la contrainte morale, est évidemment une notion que l’on retrouve dans de très nombreux dossiers de violences conjugales. Une contrainte que l’on pourrait définir comme la combinaison de violence physique, sexuelle avec des méthodes moins visibles comme l’isolement ou l’intimidation. Peut-on réellement parler d’emprise pour une femme qui a été sédatée, soumise chimiquement, pendant près de dix ans au point de ne se souvenir de rien? L’emprise est-elle une notion retenue par le code pénal? Et au final, tous les moyens de défense sont-ils bons dans un procès? Philippe Gaudin et Justine Chevalier reçoivent Maitre Maude Beckers, avocate, spécialisée dans l'accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles, et plus particulièrement lorsque ces violences ont lieu dans le milieu professionnel
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00:00Le procès Pellicot s'est achevé cette semaine à Avignon.
00:03Une phrase a notamment retenu l'attention, celle de l'avocate d'un des 50 accusés.
00:07Elle a affirmé que Gisèle Pellicot était, en plus d'être victime, sous emprise.
00:12Sous l'emprise très forte de son mari Dominique Pellicot.
00:16L'emprise, la contrainte morale est évidemment une notion que l'on retrouve dans de très nombreux dossiers de violence conjugale.
00:21Une contrainte que l'on pourrait définir comme la combinaison de violences physiques, sexuelles,
00:26avec des méthodes moins visibles comme l'isolement ou l'intimidation.
00:29Alors peut-on réellement parler d'emprise pour une femme qui a été sédatée, soumise chimiquement pendant près de 10 ans,
00:36au point de ne se souvenir de rien ?
00:38L'emprise est-elle une notion retenue par le code pénal ?
00:41Et au final, tous les moyens de défense sont-ils bons dans un procès ?
00:44On va se poser toutes ces questions.
00:45Je suis Philippe Godin et vous écoutez un nouvel épisode d'Affaires suivantes, le podcast Inédit.
00:55Bonjour Justine Chevalier.
00:56Bonjour.
00:56Vous êtes journaliste polyjustice à BFMTV.com et vous suivez depuis le 2 septembre ce procès absolument hors norme.
01:02Et on va évoquer avec vous évidemment cet échange qui pose beaucoup de questions sur cette notion d'emprise.
01:07Bonjour Maître Maud Beckerz.
01:08Bonjour.
01:09Merci d'être avec nous.
01:10Vous êtes avocate, vous accompagnez les victimes de violences sexistes et sexuelles,
01:13et plus particulièrement lorsque ces violences ont lieu dans le milieu professionnel.
01:17On va essayer avec vous de dénouer tous les fils, de tirer tous les fils de cette notion d'emprise.
01:21Mais d'abord Justine, reprenons les faits.
01:24Cet échange que j'ai évoqué brièvement, échange pour le moins tendu, avec de l'agressivité,
01:30entre cette avocate de la défense, Nadia Elbouroumi, qui s'adressait à Gisèle Pellicot,
01:35et qui tente de lui faire reconnaître que son mari l'a manipulée pendant près de 50 ans,
01:40au point qu'elle n'arrive pas à lui pardonner, à l'accuser complètement plus tôt.
01:46Alors, on était le 19 novembre.
01:48Gisèle Pellicot, elle accepte, ce jour-là, de répondre une dernière fois aux questions de la défense.
01:55La défense, depuis le début du procès, ne l'a pas épargnée.
02:00On sait que les questions ont été assez virulentes à son encontre.
02:05On lui a demandé si elle ne buvait pas un peu trop d'alcool,
02:08ce qui aurait pu contribuer à son état d'inconscience.
02:11On lui a demandé si elle n'était pas, finalement, exhibitionniste,
02:14parce qu'on a retrouvé des photos d'elle, peut-être en sous-vêtement,
02:19en train d'étendre son linge, ou alors parce qu'elle a fréquenté une plage naturiste.
02:23Mais ce jour-là, c'est Nadia Elbouroumi.
02:26Nadia Elbouroumi, c'est une avocate de la défense.
02:29Elle défend deux accusés.
02:31Elle a déjà fait parler d'elle au début du procès.
02:35Souvenez-vous, elle se filme beaucoup sur les réseaux sociaux.
02:39Elle s'était notamment filmée sur la musique de WAM, Wake Me Up.
02:43Donc, Nadia Elbouroumi, elle prend la parole en premier.
02:48Et de son ton habituellement virulent, elle questionne Gisèle Pellicot.
02:54Vous avez fait savoir que vous n'assisteriez pas aux audiences quand Dominique Pellicot était absent.
02:59Vous n'avez pleuré qu'une seule fois quand a été évoqué l'enfance de votre mari.
03:05Ça, c'est toutes les questions qu'elle lui pose.
03:06Et à chaque fois, Gisèle Pellicot, elle doit répondre.
03:08Elle ne flanche pas.
03:10Elle a assisté à toutes les audiences, à l'exception des lundis où elle avait rendez-vous avec sa psychiatre.
03:17Elle a été émue à d'autres moments pendant le procès.
03:20Nous, journalistes, on l'a vu plusieurs fois remettre ses lunettes fumées qu'elle arborait au début du procès
03:26pendant l'audience submergée par l'émotion.
03:30L'avocate l'assure, elle n'est pas là pour dire que Gisèle Pellicot est complice de son mari
03:35comme ça a pu être avancé à un moment par les avocats et notamment surtout par certains accusés.
03:42Mais elle cherche surtout à démontrer devant la cour que Gisèle Pellicot est toujours sous la coupe de son mari
03:50malgré les faits qu'on lui reproche.
03:53Que Gisèle Pellicot, elle, est plus clémente envers Dominique Pellicot qu'envers les autres,
03:57les cinquante co-accusées qu'elle a qualifiées un jour sous la colère de dégénérer.
04:03Que finalement elle a pardonné à Dominique Pellicot malgré le fait qu'il l'a droguée, qu'il l'a violée,
04:08qu'il l'a livrée à soixante-douze inconnues au total.
04:12Et donc que finalement Gisèle Pellicot est sous emprise de son mari.
04:18Alors évidemment ces propos sont très violents pour Gisèle Pellicot, elle s'en défend totalement,
04:23elle rejette toute forme d'emprise, de manipulation qui aurait duré comme ça tout au long de sa vie.
04:27Elle flanche pas, Gisèle Pellicot, comme depuis le début de ce procès,
04:33finalement elle dit à quel moment j'aurais été manipulée,
04:37elle dit il n'y avait pas de vie anormale.
04:40Pendant ces cinquante ans il n'y a pas eu de vie anormale,
04:43ils se sont mariés au début des années soixante-dix,
04:45ils ont eu trois enfants, ils ont eu sept petits-enfants,
04:48et au quotidien, en tout cas les moments où elle n'était pas droguée,
04:52il n'y avait pas d'emprise.
04:55Et elle dit justement, j'aurais été manipulée pendant cinquante ans et je serais restée.
05:00Donc elle reconnaît, elle consent qu'il y ait eu cette emprise chimique,
05:05mais pas de manipulation au quotidien.
05:08Et d'ailleurs ses proches, ses enfants la décrivent comme une femme indépendante,
05:13c'était elle la personne sociable dans le couple,
05:17c'était elle qui allait vers les autres,
05:19c'est elle qui prenait le train quand elle est devenue grand-mère
05:23pour aller s'occuper de ses petits-enfants qui vivaient en région parisienne.
05:26D'ailleurs ça c'est un élément qui a été avancé par la défense de Dominique Pellicot,
05:31de dire qu'elle s'était peut-être trop impliquée dans ce rôle de grand-mère
05:36et donc finalement il voulait la garder sous sa coupe.
05:40Et d'ailleurs même Dominique Pellicot,
05:42même si on ne peut évidemment pas prendre ses déclarations pour argent comptant,
05:46il dit, je la cite, par ce schéma criminel, par cette soumission chimique,
05:50je voulais soumettre une femme insoumise.
05:53C'est intéressant parce que l'avocat de Gisèle Pellicot,
05:56Maître Antoine Camus, lors de sa plaidoirie a répondu finalement à cette question d'emprise
06:00avec un autre mot, il a cité la philosophe Claire Marin,
06:03il parle de désamour.
06:04En gros ce couple qui fonctionne bien en apparence,
06:07un coup dans lequel il y a des enfants, des petits-enfants, une vie normale
06:10et puis surgit l'impensable et l'horreur.
06:12Et on essaye de désaimer.
06:14C'est exactement ça.
06:16Qui oserait lui dire en face que ses 50 ans de vie commune n'ont été qu'un mensonge ?
06:21C'est les mots d'Antoine Camus lors de sa plaidoirie.
06:25Il dit que oui, Gisèle Pellicot, elle n'est pas dans la haine,
06:29elle n'est pas dans la colère,
06:31mais aujourd'hui, lors de ce procès,
06:34on lui demanderait donc de balayer ses 50 ans de vie commune,
06:38ce mariage, ses enfants, ses petits-enfants,
06:40ces moments joyeux qu'elle a partagés avec son mari
06:44et finalement de dire
06:46toute ma vie est une tromperie, un mensonge.
06:49Elle a 72 ans.
06:51Donc 50 ans, c'est la très grande majorité de sa vie.
06:54Donc évidemment, c'est compliqué pour elle de tout balayer.
06:57D'un point de vue psychologique,
06:59on peut aussi penser que si elle oublie tous ses moments joyeux,
07:03il y aurait un effondrement psychologique immédiat.
07:07Je pense que c'est le travail qu'elle fait avec sa psychiatre.
07:12En plus, comment pourrait-elle imaginer
07:15que le danger venait de l'homme
07:17aux côtés duquel elle se réveillait tous les jours ?
07:21Cet homme qui n'a jamais été violent.
07:24Peut-être que là, c'est un cliché un petit peu de violences conjugales,
07:28mais là, lui n'a jamais été violent.
07:30Il n'y a jamais eu d'indices qui lui ont montré
07:32que Dominique Pellicot aurait pu exercer cette emprise.
07:38Antoine Camus ajoute,
07:40nous avons entendu un confrère s'insurger
07:42de ce que Gisèle Pellicot serait incapable de reconnaître
07:45qu'elle aurait vécu 50 ans dans le mensonge et la tromperie.
07:48Et quand bien même, cette femme,
07:50ça lui permet aussi de tenir debout aujourd'hui
07:52et de devenir cette image de la lutte
07:55contre les violences faites aux femmes.
07:57Comment expliquer que la défense, que cet avocat en l'occurrence,
08:01ait évoqué cette notion d'emprise concernant Gisèle Pellicot ?
08:04Il faut y voir une stratégie de défense.
08:06Oui, clairement, puisque les avocats de la défense,
08:09et d'une certaine manière, c'est normal.
08:11Leur travail, c'est de défendre les accusés,
08:13pas Gisèle Pellicot.
08:14Mais donc, pour les avocats de la défense,
08:16ils sont moins préoccupés par le déni supposé de Gisèle Pellicot
08:20que par le sort de ces 50 co-accusés.
08:23Certains, en plus, veulent plaider l'acquittement.
08:27Pendant l'instruction, à la barre, comme une traînée de poudre,
08:30on a entendu cette défense de ces hommes dire,
08:32non, je n'ai pas violé Gisèle Pellicot,
08:35parce que je n'en avais pas l'intention.
08:38L'intention, ça va être aussi l'un des critères déterminants dans ce verdict.
08:42Mais donc, eux, ils disent, voilà,
08:44j'ignorais qu'elle était droguée, violée,
08:47droguée, pardon, et donc je ne l'ai pas violée.
08:51Certains disent, certes, je n'ai pas eu son consentement,
08:54mais le mari était là.
08:55Donc, finalement, d'une certaine manière,
08:57ce consentement, je l'avais.
08:59Et d'autres encore disent la peur qu'ils ont eue face à Dominique Pellicot,
09:04une fois la porte de la chambre fermée.
09:07L'avocate de Dominique Pellicot,
09:09elle a répondu à tous ces arguments en disant,
09:11non, il n'y a jamais eu de violence.
09:15Il n'y a pas de contraintes.
09:17Il n'y a pas de menaces.
09:19Et la porte de la chambre n'était pas fermée à clé.
09:21Donc, si ces hommes voulaient sortir, ils l'auraient pu.
09:23Mais en tout cas, faire reconnaître l'emprise de Gisèle Pellicot
09:27par Dominique Pellicot,
09:29c'est avant tout montrer ce caractère manipulateur
09:32que cet homme peut avoir et aurait pu avoir sur les accusés.
09:37Et d'ailleurs, certains ont demandé,
09:40certains avocats, enfin la grande majorité,
09:42que la question de l'altération du discernement
09:44soit posée à la Cour,
09:46qui devra répondre dans son verdict d'ici le 20 décembre.
09:50Est-ce que ces hommes ont été manipulés
09:53au point qu'ils n'avaient plus tous leurs moyens
09:55pour discerner la situation ?
09:59Merci Justine.
10:01Maître Maude Bécard, je rappelle que vous êtes avocate.
10:03Vous défendez notamment des victimes de violences sexistes et sexuelles.
10:07C'est très intéressant de s'interroger sur tout cela
10:09parce qu'il y a évidemment l'horreur qui a été commise,
10:12vécue par Gisèle Pellicot.
10:14Et puis, il y a tous les fils
10:16pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
10:18D'abord, vous qui connaissez ça parfaitement,
10:20comment définit-on l'emprise ?
10:22C'est quoi l'emprise ?
10:24L'emprise, déjà, il faut savoir
10:26que c'est un terme qui n'existe pas dans le Code pénal.
10:30Il a été introduit très récemment
10:33dans d'autres violences,
10:35qui sont celles des violences conjugales,
10:37où dans le Code civil et le Code pénal,
10:39le mot « emprise » apparaît à certains moments.
10:42Notamment, si un médecin considère
10:46qu'une femme victime de violences conjugales est sous emprise,
10:49il a le droit de signaler au procureur de la République
10:51ce qui s'est passé, outre le secret professionnel.
10:54Les médiations qui peuvent être mises en place
10:56dans le cadre des violences conjugales
10:58ne peuvent pas être mises en place quand il y a une emprise.
11:00Il apparaît une deuxième fois dans le texte à ce moment-là.
11:02Et puis, il y a le suicide sous emprise
11:06poussé par le conjoint,
11:08qui est une circonstance aggravante.
11:10L'emprise est arrivée dans la législation,
11:13le terme apparaît,
11:15mais pas sur les violences sexuelles.
11:18Donc, l'emprise,
11:20elle est définie, en règle générale, par les psychiatres,
11:22les psychologues.
11:24Marie-France Irigoyenne, par exemple,
11:26qui est spécialisée dans la souffrance morale
11:29et notamment au travail,
11:31dit que l'emprise, c'est en fait
11:33une histoire de domination
11:35entre un individu et un autre
11:37qui va priver
11:40la personne soumise à l'emprise
11:42de son libre-arbitre et qui va être sous un lien
11:44de subordination.
11:46Très concrètement, ça passe par quoi ?
11:48Des humiliations ? De l'isolement ?
11:50En fait, tout dépend des situations
11:52où l'emprise a lieu.
11:54Les situations vont être différentes en fonction du lieu.
11:56Si c'est un lieu familial, si c'est un milieu professionnel,
11:58ça ne va pas être le même système d'emprise.
12:00Comme l'emprise va pouvoir
12:03ne pouvoir s'installer qu'au bout d'un certain temps
12:05dans certaines relations,
12:07comme elle va pouvoir exister très rapidement
12:09dans d'autres. Par exemple,
12:11il peut y avoir dans une relation amoureuse
12:13une emprise, c'est-à-dire
12:15une domination qui, petit à petit,
12:17va s'établir au point que la victime
12:19de l'emprise va finir par perdre
12:21son libre-arbitre.
12:23En effet, ça va passer
12:25souvent par des
12:27moments où la victime va être
12:29mise sur un piédestal, où elle va
12:31se sentir aimée, elle va se sentir
12:33mise en valeur et puis
12:35soudainement, complètement dévalorisée
12:37sans bien comprendre pourquoi.
12:39Ou alors, elle va faire l'objet
12:41d'une attention très particulière
12:43et après, tout ce qu'elle va dire
12:45va être oublié. On va lui dire
12:47« Non, ce que tu dis est faux, tu as oublié ».
12:49Il va y avoir des fois des systèmes d'emprise
12:51qui vont se mettre petit à petit en place
12:53et qui vont nécessiter un certain
12:55temps.
12:57Sur le milieu du professionnel,
12:59ça peut être beaucoup plus rapide. Vous êtes recruté
13:01en tant que comédienne, jeune comédienne,
13:03vous êtes victime
13:05d'un comédien ultra puissant, ultra
13:07connu, l'emprise n'a pas
13:09besoin de s'installer longtemps. L'emprise existe
13:11du fait de la notoriété de cette personne
13:13et donc la personne va tout de suite être mise sous emprise.
13:15Et les conséquences de l'emprise
13:17en matière de
13:19violence sexuelle, il y en a
13:21deux majoritaires. C'est que
13:23on va avoir du mal
13:25à se rendre compte qu'on est victime de
13:27violence sexuelle, on va avoir
13:29du mal à les dénoncer
13:31et on va avoir
13:33du mal à aller les porter devant
13:35un tribunal. Et donc, quand j'entends
13:37qu'on dit que Gisèle Pellicot
13:39est sous emprise, je trouve que
13:41c'est extrêmement
13:43choquant. Alors, pourquoi ? Expliquez-nous justement,
13:45on rappelle que vous n'êtes évidemment pas avocate dans
13:47ce dossier, mais votre regard est intéressant.
13:49Est-ce que, comme le disait Justine,
13:51Gisèle Pellicot pourrait être
13:53victime d'emprise de la part de Dominique Pellicot ?
13:55Alors, comme je vous le disais,
13:57une femme sous emprise,
13:59elle met du temps et c'est normal
14:01et on ne peut pas lui en vouloir. Déjà, moi,
14:03ce que je veux rappeler, c'est qu'en l'accusant
14:05d'être sous emprise, c'est comme si l'emprise
14:07était quelque chose
14:09qu'on pouvait critiquer chez une victime.
14:11Déjà, ça, c'est un problème
14:13parce que l'emprise, si on peut la critiquer, c'est de la part
14:15de l'auteur. Et
14:17finalement, pour déculpabiliser
14:19l'auteur, les avocats en viennent
14:21à s'en prendre à la victime, ce qui arrive très
14:23systématiquement, d'ailleurs, sur d'autres problématiques que
14:25des accusations d'emprise.
14:27Donc, l'emprise, si elle était sous emprise,
14:29de toute façon, on ne pourrait pas lui en vouloir.
14:31Première précision.
14:33Deuxièmement, elle est tout sauf
14:35sous emprise. Je ne suis pas son avocate.
14:37Mais je vois comment elle a réagi.
14:39Elle a appris
14:41les faits soudainement, parce que
14:43des policiers lui montrent des vidéos,
14:45elle ne s'y attendait pas du tout. Elle a réagi immédiatement.
14:47Elle se constitue partie civile.
14:49Elle dénonce
14:51les faits. Elle va au procès.
14:53Elle se bat
14:55contre des réquisitions de huis clos
14:57alors même
14:59que vont être exposées
15:01dans cette audience des images
15:03qui atteignent sa dignité
15:05profondément.
15:07Ce n'est pas une femme sous emprise.
15:09Qu'elle ait été sous l'emprise
15:11de produits chimiques
15:13qui l'ont endormie et qui l'ont rendue
15:15inerte et qui l'ont rendue proie
15:17pour des prédateurs,
15:19oui, mais elle, elle n'était
15:21visiblement pas sous l'emprise
15:23de son mari.
15:25Tout de suite, elle a réagi, ce qui est
15:27extrêmement difficile psychologiquement.
15:29On voit très bien,
15:31Justine l'évoquait à l'instant,
15:33la stratégie de la défense qui a été de dire
15:35les 51 autres accusés
15:37étaient sous l'emprise de Dominique Pellicot
15:39donc ils ne sont pas responsables
15:41des viols, c'est pour ça qu'ils sont jugés,
15:43en tout cas de ces soupçons de viols
15:45sur Gisèle Pellicot et donc
15:47si Gisèle Pellicot était sous emprise, ça veut bien dire
15:49que Dominique Pellicot était capable de mettre ses hommes sous emprise.
15:51C'est ça la mécanique qui est défendue par la défense.
15:53Pour vous ça tient la route ou pas ?
15:55Ces hommes qui sont venus violer Gisèle Pellicot
15:57la nuit, alors on verra ce que dira la justice,
15:59c'est encore des accusations
16:01et on verra le verdict,
16:03mais est-ce que ça tient la route ?
16:05Alors déjà,
16:07ça ne tient pas la route.
16:09Je trouve que c'est un système de défense complètement inefficace
16:11et en plus c'est un système de défense
16:13extrêmement violent et choquant
16:15et qui continue
16:17à exister
16:19en 2024
16:21devant les tribunaux,
16:23donc j'essaye de m'expliquer sans être trop en colère.
16:25On peut très bien défendre
16:27à l'heure actuelle
16:29des personnes accusées de viol
16:31sans pour autant
16:33reporter la responsabilité
16:35sur la victime.
16:37J'assiste, moi,
16:39dans des procès à des défenses
16:41dignes de personnes
16:43qui sont des agresseurs sexuels.
16:45Les avocats, on peut avoir
16:47dans ces dossiers des défenses dignes
16:49qui ne me remettent pas en cause
16:51le comportement de la victime
16:53surtout
16:55quand on est face à des faits
16:57aussi évidents que cette victime
16:59subissait des faits atroces
17:01alors qu'elle était droguée.
17:05Si les avocats de Gisèle Pellicot
17:07et je ne veux pas non plus m'émisser,
17:09les débats vont avoir lieu
17:11dans les jours qui viennent,
17:13mais il y a d'autres moyens,
17:15si leur système de défense est de dire
17:17que Dominique Pellicot est un homme
17:19qui a un pouvoir complètement dingue
17:21qui est supposé sous emprise,
17:23qu'ils viennent démontrer
17:25l'emprise de ces hommes.
17:27Ils n'ont pas besoin de passer
17:29par l'emprise supposée
17:31de l'épouse qui a montré tout
17:33sauf le fait qu'elle était sous emprise.
17:35Et en faisant ça, c'est extrêmement violent.
17:37Pourquoi ? Parce que,
17:39sous prétexte de défendre leur client
17:41sur ce système de défense
17:43de l'emprise qu'ils pourraient défendre autrement,
17:45comme je le disais tout à l'heure,
17:47qu'est-ce qu'ils viennent dire à Gisèle Pellicot ?
17:49Vous avez été pendant 50 ans
17:51trompée, enfin pendant les 10 ans
17:53de viol, trompée. Vous avez vécu pendant
17:5550 ans avec un homme que vous
17:57finalement vous ne connaissez pas.
17:59Vous vous reconstruisez
18:01parce que vous avez une place dans ce procès.
18:03Vous la prenez entièrement.
18:05Vous êtes extrêmement digne. Vous demandez
18:07à ce qu'il n'y ait pas de huis clos, etc.
18:09Donc, en fait, la force
18:11que vous êtes en train de démontrer, on est en train
18:13de la dénier en disant
18:15que vous n'êtes qu'une femme sous emprise.
18:17Et je trouve que c'est extrêmement
18:19violent parce que dans la reconstruction de Gisèle Pellicot,
18:21sans doute que passe aussi
18:23le fait d'avoir cette force
18:25et d'être...
18:27J'ai entendu des gens dire attention de ne pas me faire
18:29de Gisèle Pellicot une icône, il n'en demeure pas moins
18:31qu'une icône, c'est une représentante
18:33d'un mouvement, qu'on est dans un mouvement de libération
18:35de la parole des femmes, qu'on est dans un mouvement
18:37où on se rend compte de la violence quotidienne
18:39subie par les femmes et de
18:41la masse de violence
18:43qui existe et que
18:45il ne s'agit pas d'en faire une star, peut-être,
18:47mais c'est une icône. Moi, je suis désolée.
18:49Gisèle Pellicot, elle tient ce rôle-là.
18:51Et on vient lui dire mais non, en fait,
18:53vous n'êtes qu'une femme sous emprise. Tout ça pour
18:55pouvoir défendre des accusés
18:57où on verra bien s'ils réussissent
18:59à démontrer qu'ils étaient sous emprise ou pas.
19:01D'ailleurs Justine, il faut peut-être reconnaître au moins
19:03ça à Dominique Pellicot, c'est que
19:05à aucun moment il n'a repris cette idée-là.
19:07Qu'il l'assume et qu'il n'a jamais dit
19:09que Gisèle Pellicot, que sa femme était sous emprise.
19:11Son avocat a totalement reconnu
19:13l'horreur de ce qui a été fait
19:15sans à aucun moment remettre
19:17une quelconque faute, qu'elle soit morale ou effective,
19:19sur Gisèle Pellicot.
19:21On a eu l'impression dans ce procès
19:23qui n'est pas terminé
19:25mais on a eu l'impression qu'il y avait
19:27en fait que
19:29Béatrice Zavarro et son client
19:31l'avocat de Dominique Pellicot
19:33ils étaient donc ensemble
19:35mais ils étaient plutôt du côté
19:37de Gisèle Pellicot et d'ailleurs il y a un avocat
19:39de la Défense qui a
19:41qui a qualifié
19:43Béatrice Zavarro
19:45d'avocate générale bis
19:47c'est-à-dire que l'avocate générale c'est celle
19:49qui a porté l'accusation
19:51dans ce procès donc en fait
19:53on lui a même reproché
19:55d'épargner
19:57Gisèle Pellicot
19:59parce que Dominique Pellicot, lui,
20:01dès qu'on découvre ses vidéos
20:03c'est vrai qu'on peut lui reconnaître ça
20:05il ne nie pas, en même temps
20:07compliqué de nier l'évidence
20:09mais il ne nie pas
20:11et il va même essayer
20:13de
20:15faire identifier le maximum
20:17d'hommes
20:19et pendant tout le procès
20:21à chaque fois qu'il était interrogé
20:23sur la version d'un de ses
20:25co-accusés, à chaque fois
20:27il disait non je ne l'ai pas manipulé
20:29oui il
20:31savait que ma femme
20:33serait droguée
20:35il savait qu'elle serait inconsciente
20:37il n'avait pas son consentement
20:39ça c'est quelque chose de constant
20:41dans la défense, dans la parole de Dominique Pellicot
20:43au moins sur ce point là il a parlé
20:45oui et puis si je peux ajouter quelque chose
20:47il a même ajouté que dans ses mobiles
20:49il y avait la volonté de soumettre une femme insoumise
20:51donc une femme insoumise n'est pas une femme sous emprise
20:53merci beaucoup maître Emmaude Becker
20:55merci beaucoup Justine Chevalier
20:57évidemment affaire suivante, le podcast Inédit
20:59c'est à retrouver sur le site de BFMTV.com
21:01et sur toutes les plateformes de streaming, à la semaine prochaine