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Transcription
00:00On retrouve Marc Pierrini, ancien ambassadeur de l'Union européenne en Syrie et en Turquie.
00:04Bonjour.
00:05Personne ne s'attendait à cette offensive des rebelles islamistes syriens.
00:09En effet, c'est une surprise, surtout la vitesse avec laquelle ils ont enfoncé les
00:17lignes de l'armée du régime d'Assad.
00:20La situation reste extrêmement complexe puisque, vous venez de l'expliquer, il y a cinq acteurs
00:26principaux, les forces d'Assad, Hayat Tahrir al-Sham et ses alliés, et puis les Kurdes
00:32syriens, parce qu'il y a une petite poche de Kurdes syriens dans la région d'Alep.
00:36Et puis, il y a les acteurs étrangers, la Russie qui est fortement impliquée avec une
00:39énorme base aérienne près de l'Attaqué, donc au sud-ouest d'Alep, et la Turquie qui
00:46a plusieurs zones où elle défend sa frontière.
00:51Donc, c'est extrêmement complexe.
00:54La meilleure source, vous l'avez citée, c'est l'Observatoire syrien des droits de l'homme,
00:59qui est basé à Londres, mais qui a un grand réseau d'informateurs.
01:04Reste à voir si ce succès de HTS va perdurer.
01:11La réalité sur le terrain, c'est que le régime n'a pas rétabli la force de l'État
01:18dans la province d'Alep depuis 2016 et n'a pas surtout rétabli la normalité de la vie
01:23quotidienne.
01:24Donc, il y a une sorte de ras-le-bol généralisé qui, bien sûr, favorise l'action de groupes
01:31rebelles bien organisés comme HTS.
01:33Oui, ça prouve que le régime de Bachar Al-Assad est plus faible qu'il n'y paraît.
01:37Encore une question sur ces rebelles, de quels moyens technologiques ils disposent ? Vous
01:42avez parlé d'alliés, quelles sont les puissances qui les aident à obtenir le matériel et
01:46est-ce qu'ils ont les moyens de tenir ?
01:49HTS a été soutenu en matériel par la Turquie, c'est aussi un affilé des mouvances islamistes.
02:00Leur grand problème, si je puis dire, c'est qu'ils sont très mobiles sur le terrain,
02:06ils ont des véhicules, ils ont une puissance de feu, ils ont des chars, mais ils n'ont
02:11pas d'aviation.
02:12Le ciel est évidemment totalement contrôlé par la Russie essentiellement et l'armée
02:18de l'air syrienne.
02:19Donc, si la Russie décide de défendre à trop prix le régime dans la région d'Alep,
02:27il va y avoir des bombardements massifs.
02:29Ce n'est pas très bienvenu pour la Russie parce qu'elle a, bien sûr, d'autres préoccupations
02:35en Ukraine.
02:36Mais elle a les moyens d'intervenir alors qu'elle est déjà mobilisée, justement,
02:39sur le front ukrainien ?
02:41Oui, elle a les moyens parce qu'elle a transformé un petit aéroport civil, il y a de cela des
02:47années, à côté de l'Atakié et elle y maintient une puissance de feu assez importante.
02:55Donc, elle a les moyens.
02:56Là, il y a un coup d'opportunité, si je puis dire, parce que la Russie ne peut pas
03:02se permettre que le régime d'Assad s'effondre pour deux raisons.
03:07La première, c'est qu'au fond, c'est son seul succès diplomatique dans les pays qui
03:14l'entourent.
03:15Donc, la Russie soutient, tient à bout de bras le régime d'Assad.
03:21Et la deuxième raison, elle est militaire et plus lointaine, c'est que la base aérienne
03:26à côté de l'Atakié sert de tremplin aux opérations russes en Afrique, dans le Sahel
03:33et en Centrafrique, etc. parce que la distance est très longue et donc, avoir un aéroport
03:39à mi-distance, c'est extrêmement important.
03:42Donc, je doute fort que la Russie laisse tomber le régime d'Assad très facilement
03:49pour ses propres raisons, disons.
03:51Et quel rôle joue la Turquie dans tout cela ? Quelle est la position du gouvernement turc ?
03:57Alors, la Turquie est là pour priorité absolue de maintenir une zone tampon sur toute sa
04:06frontière avec le nord de la Syrie.
04:09Alors, il y a des régions beaucoup plus à l'est d'Alep où elle est implantée militairement
04:16avec l'assentiment de la Russie, d'autres régions où elle ne l'est pas et la Russie
04:21et le régime d'Assad sont prépondérants.
04:24Et puis, il y a la province d'Idlib, immédiatement à l'ouest d'Alep, où il y a des postes
04:29d'observation turcs mêlés à des forces russes.
04:33Ça a plus ou moins fonctionné, mais il y a eu des incidents majeurs chaque fois que
04:41les forces turques faisaient quelque chose qui déplaisait à la Russie.
04:45Donc, c'est une situation très fragile pour la Turquie qui a historiquement essayé de
04:53démanteler ou d'abattre directement ou indirectement le régime d'Assad et qui
04:58maintenant voudrait bien se rabibocher avec Bachar al-Assad.
05:04Mais évidemment, Bachar al-Assad y met comme condition première le départ de toutes les
05:09troupes turques du nord de la Syrie, ce qui n'est pas évidemment la position d'Ankara.
05:14Et malgré le soutien de l'Iran, ça montre quand même que le régime de Bachar al-Assad
05:19est affaibli aujourd'hui.
05:21Oui, absolument.
05:22Il est affaibli parce que le pays est en ruine.
05:23Quand on est aidé par la Russie et l'Iran, on peut rester au pouvoir, mais sur un tas
05:30de ruines.
05:31Et là, il y a un ras-le-bol de la population qui est considérable.
05:36Il y a aussi le fait que la Turquie, qui abrite un grand nombre de réfugiés syriens
05:43qui sont installés, mais qu'elle souhaite à plus ou moins court terme renvoyer en Syrie.
05:51Les gens veulent retourner, mais ils ne veulent pas être forcés à retourner.
05:55Que vont-ils trouver sur place ? Quel sera leur sort du point de vue juridique et pénal,
06:01puisque le régime de Damas les considère comme des traîtres ? Tout cela est extrêmement
06:07compliqué.
06:08Dans cette situation complètement bloquée, HTS a trouvé une sorte de moment d'opportunité
06:18qui ne fait que compliquer les affaires.
06:20Merci beaucoup Marc Pirenny pour votre analyse sur France 24.

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