Chaque jeudi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Charlotte d'Ornellas livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Charlotte d'Ornellas - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/charlotte-dornellas-les-signatures-deurope-1
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00:00Mais d'abord, comme tous les jeudis sur Europe, un Charlotte d'Ornella c'est avec nous, bonjour Charlotte.
00:04Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:05Des magistrats nous alertent encore, Charlotte, ce matin à Paris.
00:09Ils s'inquiètent au sujet des extractions judiciaires.
00:12Béatrice Brugère, la secrétaire générale du syndicat magistrats-forces ouvrières,
00:16parle même d'une situation intenable.
00:18Sur quoi reposent leurs inquiétudes ?
00:20Vous vous souvenez évidemment de l'évasion sanglante de Mohamed Hamra
00:23qui avait conduit à la mort de deux agents pénitentiaires.
00:26Depuis, l'autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires,
00:30c'est-à-dire les transferts de prisonniers depuis la prison jusqu'au tribunal,
00:34n'organisent plus ces déplacements sans le renforce des forces de l'ordre.
00:39Or, depuis quelques semaines, la cour d'appel de Paris remarque des refus d'extraction
00:43de plus en plus fréquents en raison d'un manque de personnel,
00:46surtout depuis la tenue du procès des bourreaux de Samuel Paty
00:49qui mobilise évidemment les forces de l'ordre en nombre,
00:52notamment pour organiser le transfert des suspects jusqu'au tribunal.
00:56Résultat, les autres extractions ne se font pas.
00:59Or, les délais de détention provisoire sont encadrés.
01:02Une fois dépassé, c'est la libération.
01:04Alors l'alternative, c'est la visioconférence.
01:07Mais là encore, les magistrats se confrontent à d'autres problèmes
01:10qui aboutissent parfois à la libération de suspects dangereux
01:13enfermés grâce à des mois ou des années d'enquête,
01:16de quoi décourager toute la chaîne pénale.
01:18Mais comment est-ce qu'une visioconférence entre un magistrat et un détenu
01:21peut aboutir à la libération du suspect contre le gré du magistrat lui-même ?
01:26Parce qu'il faut respecter des conditions pour organiser cette visioconférence.
01:30Le code de procédure pénale exige par exemple de recueillir l'assentiment du détenu
01:34quand il s'agit d'un placement en détention provisoire,
01:37de sa prolongation ou de l'examen d'un appel du détenu
01:41portant sur une décision de refus de remise en liberté.
01:45Si le détenu refuse, le magistrat peut forcer la visioconférence dans deux situations.
01:50Si le transport fait courir des risques graves de troubles à l'ordre public
01:53ou des risques d'évasion.
01:55Or c'est au magistrat de prouver que ce risque existe et de le motiver.
02:00Ce qui est souvent difficile à prévoir évidemment et très souvent matière à débat.
02:05Autre problème, le texte prévoit également que l'avocat du détenu doit recevoir un avis
02:10afin de choisir s'il veut assister son client auprès du magistrat ou auprès du détenu
02:15pour que la procédure lui soit transmise.
02:18Mais lorsque l'arpège prévient au dernier moment, comme c'est souvent le cas,
02:22de l'impossibilité du transfert, le recours à la visioconférence est décidé en urgence.
02:27Et c'est donc impossible de prévenir l'avocat dans les temps.
02:30Le résultat pour répondre à votre question est simple.
02:32Certains avocats conseillent à leurs clients de refuser la visioconférence
02:36et si le magistrat force la chose, le détenu conteste la légalité des motivations du magistrat
02:42et se retrouve parfois dehors grâce à ce que l'on appelle un vice de procédure.
02:46Vendredi par exemple, c'est un gros narcotrafiquant qui en a bénéficié et d'autres pourraient suivre.
02:51Ces procédés ne sont pas nouveaux. Est-ce qu'ils sont fréquents ? Récurrents ?
02:55Est-ce qu'on les prend suffisamment au sérieux ?
02:57En effet, les magistrats marseillais s'en étaient émus devant la commission du Sénat sur le narcotrafique
03:01sans grande réaction depuis.
03:03Parce que c'est un point très technique.
03:05Oui. Sur ce sujet, la chancellerie balaye l'avertissement récent
03:08en évoquant des chiffres lissés sur l'année qui font état d'une augmentation des visios
03:12sans évolution des refus.
03:14Ce qui ne dit rien de la situation dénoncée depuis quelques jours, évidemment.
03:18D'autant que le 26 novembre dernier, c'était au tour de l'administration pénitentiaire de s'en inquiéter.
03:23Elle a décelé sur les réseaux sociaux des messages de comptes attribués à des détenus
03:27incitant d'autres détenus à former des demandes de mise en liberté à une date précise,
03:33en l'occurrence le 10 décembre,
03:35et de faire appel des éventuels refus à une autre le 21 décembre.
03:39Avec un message très clair.
03:41Attends ton vice de procédure, comme tu l'as compris,
03:44ils n'auront pas assez de temps pour traiter toutes les demandes dans le délai imparti.
03:48Cette fois-ci, le ministère de la Justice reconnaît l'existence de ces méthodes,
03:52mais précise que ces demandes sont traitées même pendant les vacances.
03:56Mais la question demeure.
03:58Toutes en même temps, par des tribunaux débordés, dans les délais impartis,
04:01l'inquiétude est légitime.
04:03Le ministère répond d'un bloc que c'est au législateur de faire évoluer les textes,
04:07et il a raison.
04:08En informatique, on appelle ça une attaque en déni de service.
04:11Quand on dit attaquer tous au même moment, le serveur va exploser.
04:14Le serveur de la justice est en train d'exploser,
04:16coordonné par les détenus et le même staff.
04:18Ahurissant cette histoire.
04:20Merci beaucoup Charlotte Dornel à Signature Europe 1.