Louise Courvoisier, la réalisatrice du film “Vingt dieux”, est l'invitée de Léa Salamé.
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00:00Et Léa, ce matin, vous recevez une jeune réalisatrice.
00:03Très talentueuse.
00:04Bonjour Louise Courvoisier.
00:05Bonjour.
00:06Merci d'être avec nous ce matin.
00:08Si vous étiez un personnage historique, un réalisateur anglo-saxon et une émotion,
00:13vous seriez qui ? Vous seriez quoi ? Alors, un personnage historique d'abord.
00:15Alors, je vais choisir Calamity Jane, je crois, parce que je la trouve, bon déjà,
00:20parce qu'elle a une grande classe quand même et parce que j'aime bien qu'elle ait complètement
00:23réinventé son histoire, qu'on ne sait pas ce qui est vrai, ce qui est faux.
00:25Elle a plein de défauts, mais en même temps, elle a du cran.
00:27Ouais, un réalisateur anglo-saxon.
00:30Je dirais Steven Soderbergh, parce que j'aurais aimé avoir l'idée de faire Magic Mike.
00:35Ah ouais, Steven Soderbergh, c'est bien.
00:37Et une émotion ? Là, je peux dire l'excitation, je crois, parce que demain, il y a mon premier
00:42film qui sort, donc on est dans un moment un peu excitant, je dois dire.
00:46Agnès Varda disait « si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages, moi, si
00:50on m'ouvrait, on trouverait des plages », disait-elle.
00:53Et vous, Louise Courvoisier, si on vous ouvrait, on trouverait quoi comme paysages ?
00:56On trouverait plutôt des montagnes, je pense, de mon côté.
00:59Et en fait, quand on voit mon film, en effet, on comprend tout de suite quel paysage il
01:03y a à l'intérieur de moi et j'aime bien cette phrase, en tout cas.
01:06Votre Jura natal, c'est ça qu'on voit dans le film.
01:08Votre Jura natal, votre Jura où vous habitez toujours, vous le filmez magnifiquement et
01:13authentiquement dans « Vingt dieux », votre premier long métrage qui a remporté le prix
01:17jeunesse à Cannes, le grand prix du Festival d'Angoulême, le prestigieux prix du film
01:21Jean Vigo.
01:22C'est un film d'initiation, une histoire d'amour et de fromage au pays du Jura où
01:27le comté est un personnage central et je vais le dire tout de suite, ce film est une
01:32pépite d'une justesse incroyable.
01:35C'est un film généreux.
01:36Moi, j'ai pensé à Billy Elliot, Le Monde vous appelle la Ken Loach jurassienne, Le
01:43Figaro, Madame, vous êtes le futur du cinéma français, ce film vous fera fondre, écrit
01:48Télérama.
01:49Moi, pour moi, c'est Billy Elliot, c'est un film plus populaire que les Ken Loach et
01:53les Bruno Dumont, mais c'est vraiment un film qui fait du bien, c'est un film qui
01:59rend heureux.
02:00Et si ça ne marche pas, je rembourse.
02:03C'est la première fois que je le dis, mais je le dis clairement aux auditeurs.
02:06Comment vous recevez cet accueil qui est vraiment très bon pour un premier film ?
02:11C'est complètement inattendu parce que c'est un film qui s'est tellement fait autour
02:15de chez moi, dans un environnement tellement intime, je l'ai tourné dans les 20 kilomètres
02:18autour de chez moi en essayant de parler de ce que je connais bien mais on ne sait jamais
02:22si ça va résonner, si ça va parler aux gens.
02:24Et en fait, je ne le fais même pas pour ça, je le fais pour être le plus sincère possible
02:28dans mon projet et ça fait toujours plaisir quand cette sincérité, elle se sent ou elle
02:33transpire et j'ai l'impression que c'est ça qui se passe et c'est super.
02:36C'est l'histoire de Totten, 18 ans, qui perd son père agriculteur dans un accident, il
02:40n'y a pas de mer et il se retrouve sans argent à devoir s'occuper de sa petite sœur de
02:447 ans.
02:45Alors il a une idée, gagner le concours du meilleur comté de la région pour pouvoir
02:49empocher les 30 000 euros.
02:51C'est un récit initiatique, c'est l'histoire d'un gamin perdu, en deuil mais qui ne peut
02:55pas vraiment l'exprimer et qui va grandir, qui va grandir tout au long du film grâce
02:59à cet objectif fou qu'il se fixe avec sa petite sœur de 7 ans et ses potes, du Jura.
03:04Oui, justement j'avais envie de raconter cette jeunesse-là qui est en effet un peu
03:08abîmée, un peu chargée, c'est pas facile mais je n'avais pas envie de faire un film
03:12écrasant, j'avais envie de faire un film généreux, un film populaire, un film lumineux
03:17et que ces personnages qui n'ont pas grand-chose dans la vie au début du film, en fait finalement
03:21ils ont plein de ressources, ils ont plein de vitalité et on est embarqués dans cette
03:25aventure de fromage qui paraît improbable mais qui finalement nous embarque.
03:29Ils ont plein de vitalité, vous avez raison de le dire, c'est pas du tout un film misérabiliste.
03:32Ils sont pleins de vie, ils sont bruts, ils sont rugueux et pleins de vie.
03:36Avec eux on danse dans les balles de village, on fait des courses de stock-car, j'ai appris
03:39ce que c'est moi, on conduit des poids lourds sans permis et surtout on sillonne les routes
03:43de campagne en moto pétaradante.
03:45C'est important le mouvement, la danse, la vitesse, la mobilette qui roule très vite,
03:51qu'on essaye de faire rouler au plus vite, ce mouvement qui permet de s'échapper, qui
03:55donne de la liberté ?
03:56En fait je m'en suis même rendue compte je crois au tournage, je me suis dit mais
03:59on a tout le temps des déplacements, on est tout le temps en moto, ils ont plein de moyens
04:03de déplacement, les camions, les motos, à pied, enfin ils sont tout le temps en mouvement
04:07et c'est vrai que je crois que c'est comme ça que moi je vois cette ruralité que je
04:11connais bien, c'est qu'on a tout le temps besoin de se déplacer, c'est vaste, c'est
04:14une manière aussi de raconter ces paysages et de les faire exister et j'avais envie
04:18d'un film justement, un élan en fait, j'avais pas envie d'un film trop contemplatif et
04:22qui prenne trop son temps, j'avais envie d'un film qui nous embarque et qui va vite en fait.
04:27Oui, qui va vite.
04:28Alors, vos acteurs, je dis acteurs mais ils ne sont pas acteurs, tous sont des non-professionnels.
04:33Vous les avez trouvés dans des castings sauvages, je vais en citer quelques-uns, Maïwenn Barthélémy,
04:38Luna Garay, la petite jeune de 7 ans et alors Clément Favaud.
04:43Alors ce garçon est absolument incroyable, il m'a fait penser à Benoît Magimel-Jeune
04:48tout le film.
04:49Il travaille aujourd'hui dans une exploitation de volailles, il est agriculteur, vous l'avez
04:54rencontré devant un lycée agricole et il fumait une clope avec ses potes, vous dites
04:58qu'il avait une petite attitude, vous êtes allé lui proposer de participer au casting
05:02et il vous a répondu « non merci, ça ne m'intéresse pas du tout ».
05:05Oui, c'était souvent ça le casting, on s'est beaucoup confronté à des noms et
05:09en fait assez vite on s'est rendu compte que ce n'est pas parce qu'il disait non
05:11que ça ne pouvait pas changer et que c'est normal aussi qu'on doive gagner leur confiance
05:17d'une certaine manière, qu'il fallait s'apprivoiser un petit peu et le cinéma
05:21fait tellement pas partie de leur vie qu'ils n'avaient aucune raison d'être intéressés
05:23de faire ça.
05:24Donc ça s'est fait petit à petit.
05:26Et donc il a changé d'avis, vous avez réussi à le convaincre ?
05:28Mais en fait ce n'est même pas moi qui ai réussi à le convaincre, je lui ai juste
05:30dit « tu réfléchis, si tu changes d'avis, on se voit pour un casting ». Il a changé
05:34d'avis mais il voulait juste faire une ou deux journées de figuration grand maximum
05:39donc ce n'était pas gagné non plus.
05:41Mais j'ai compris que ça allait se faire petit à petit donc après on s'est vu pour
05:45un troisième casting et à chaque fois, il avait envie de faire finalement pourquoi
05:48pas deux ou trois mois de tournage et on a fait finalement le film ensemble et quand
05:52je lui ai en effet proposé « est-ce que tu veux être le rôle principal dans mon film
05:55? » il m'a dit « oh ben j'y vois pas d'inconvénients ».
05:58Oui, il a vu le film ?
05:59Oui, il a vu le film.
06:00Qu'est-ce qu'il vous a dit après ?
06:02Au festival de Cannes et non c'était très émouvant parce qu'il a dit « ça parle
06:07de nous, c'est un film sur nous ». Il se sentait vraiment représenté et il avait
06:12l'impression que le film lui ressemblait et c'était le cas pour les autres comédiens
06:14aussi.
06:15Mais ce qui est fou, c'est qu'il veut s'arrêter là.
06:16Il a refusé d'être dans la liste des acteurs présélectionnés pour Les Espoirs au César.
06:19Il a dit « non je veux pas, je veux continuer à faire mes poulets ».
06:22Non mais parce qu'il est bien dans sa vie, il est très ancré dans son territoire, il
06:26est content d'être agriculteur donc je pense qu'il est quand même intéressé.
06:30Il aura sûrement d'autres propositions et il va peut-être les accepter mais il n'avait
06:34pas envie de changer de vie du jour au lendemain et je trouve que c'est bien aussi pour lui
06:38qu'il sache se protéger de ce bouleversement qui n'est pas forcément facile à vivre.
06:44Donc je trouve ça bien qu'il ait un ancrage et qu'il sache d'où il vient quand même.
06:47Et quand vous lui dites qu'il faut peut-être répondre à quelques interviews, il vous dit
06:50« non, pas là ».
06:51Alors ça dépend.
06:52Des fois il se laisse un peu aller mais des fois il dit « oh, j'en ai déjà eu trois
06:54aujourd'hui ».
06:55Et il vous dit « j'ai mes poulets ».
06:57Et voilà, il est trop occupé.
06:59En plus le mois de décembre, comme c'est les fêtes qui arrivent et tout ça, quand
07:02on travaille, les éleveurs de volailles sont très occupés en ce moment.
07:05Oui, donc il n'a pas le temps.
07:06Écoutez Raymond Depardon qui parlait des paysans qu'il a tellement souvent filmés
07:10et qui sont selon lui, par leur indépendance, par leur liberté farouche, pas faciles à
07:14tourner.
07:15La Taviste est là.
07:16C'est-à-dire que la bourgeoisie et les paysans, c'est des gens qui sont difficiles à diriger.
07:23Je ne pourrais pas aller travailler à la Défense tous les matins avec un chef de service.
07:26Je suis trop orgueilleux, je suis indépendant.
07:33Donc j'ai besoin d'être un espace de liberté devant moi.
07:38Et je pense que c'est ce que je vois, parce que comme je fais des films sur le monde rural,
07:43c'est ça qui est la force, l'originalité et la particularité, parce que nous sommes
07:49des gens qui viennent des fermes et bon voilà, la ruralité, c'est cette liberté.
07:57Et quand on voit des films par exemple dans les années 60 sur les paysans, notamment
08:01les Inconnus de la Terre de Russe-Poly, c'est marrant parce que je l'ai vu il n'y a pas
08:05très longtemps et ils disent tous qu'on ne veut pas aller travailler à l'usine parce
08:09qu'on ne peut pas aller travailler à l'usine.
08:11Donc moi, je ne pouvais pas aller travailler à l'usine.
08:14Ils ne sont pas faciles à filmer ?
08:16Alors moi, je trouve qu'ils sont justement très intéressants à filmer, très beaux,
08:20mais c'est vrai qu'il y a un côté un peu sauvage au premier abord et c'est pour ça
08:24que j'ai mis du temps à trouver ce casting, à réussir à les convaincre et à travailler
08:29avec eux parce qu'au début il y a une petite réserve, un petit côté sauvage qu'en travaillant
08:36en fait après ça devient le contraire, ça devient très familier et c'est ça que moi
08:40j'aime avec ces gens que je filme, c'est qu'une fois qu'on est liés, on est liés
08:44à vie et quand on les connaît bien, on sait comment les filmer et moi j'avais envie de
08:48les rendre beaux en fait.
08:49Tous ces gens que je filme, j'avais envie qu'ils soient beaux, j'avais envie de les
08:51magnifier, que ça devienne des héros de cinéma.
08:53J'avais justement pas envie qu'on les regarde un peu de haut, j'avais envie qu'on soit complètement
08:57à leur hauteur.
08:58Et puis il y a un acteur que vous n'avez pas dû convaincre, c'est le fromage, c'est
09:02le comté qui est un personnage central du film, cet aliment odorant, pas très glamour
09:06a priori.
09:07Les odeurs sont très importantes dans votre film, on sent, on sent la vache, on ressent
09:14la vache, la paille, l'odeur de la paille arrosée et on sent l'odeur du comté évidemment.
09:18Vous dites dans le dossier de presse, il fallait rendre le fromage cinégénique, comment vous
09:22avez fait ?
09:23Ça a été compliqué et ça a été compliqué aussi de convaincre nos partenaires que ça
09:27allait pouvoir faire du cinéma cette histoire de fromage, parce qu'à l'écriture ça marchait,
09:32on arrivait à croire à toute cette histoire, mais après comment on allait filmer ce fromage
09:35et ça a été beaucoup de travail avec le chef opérateur de comment presque rendre
09:39cette matière presque sensuelle, on avait envie d'une sensualité dans la manière de
09:42filmer cette matière, ses gestes, tout ce savoir-faire en fait, et on sentait qu'il
09:47y avait un potentiel et on a travaillé à la lumière, à la matière et on a fait vraiment
09:51du fromage et c'est aussi pour ça qu'on arrive à le sentir un peu comme vous dites, parce
09:56que oui les odeurs c'est très important pour moi dans ma manière d'écrire le film,
10:00je trouve que c'est toujours ça qui manque, on a envie de pouvoir sentir les odeurs et
10:04c'est tellement présent dans tous ces lieux que je filme que je voulais trouver des manières
10:08de le faire.
10:09Et alors comment on fait du bon comté ? Vous préférez le comté jeune, le comté vieux ?
10:13Alors moi j'aime tous les comtés et je trouve que tous sont très bons, après le comté
10:17jeune ça permet de le manger un peu plus quotidiennement, ce qui est mon cas.
10:21Tous les jours on mange un petit bout de comté.
10:22En tout cas chez nous il y a toujours du comté.
10:24Toutes les étapes d'affinage et de fabrication du comté deviennent les étapes du deuil de
10:28ces deux gamins, de ce frère et de cette sœur, ce comté que fabriquait leur père
10:32qui va être un instrument de faire leur deuil, d'autant qu'il y a beaucoup de silence dans
10:37cette jeunesse, de pudeur, on ne parle pas de ses sentiments, on ne pleure pas, on ne
10:40va pas chez le psy.
10:41Non c'est pas du tout, culturellement ça ne se fait pas du tout et en fait j'aurais
10:45trahi mes personnages en allant dans cette direction, si j'étais partie dans le drame
10:49autour de ce deuil, je sentais que je n'étais pas juste avec ces personnages qui vont en
10:53effet verrouiller, ne pas forcément s'exprimer, ne pas avoir les clés à ce moment-là de
10:56savoir comment gérer toutes ces émotions et donc ça va peut-être sortir à d'autres
11:01endroits en fait.
11:02On peut verrouiller un moment dramatique et tout d'un coup s'effondrer pour une peine
11:08de cœur et c'est ça que je trouve beau dans ces personnages, c'est que la fragilité
11:11elle n'est pas là où on l'attend parce qu'il y a une tendance à cette pudeur et
11:15moi je ne voulais jamais aller trop loin par rapport aux personnages, je voulais rester
11:18toujours à sa hauteur et justement être fidèle à eux.
11:22Et puis il y a l'amour, Louise Courvoisier, on s'embrasse sur cette chanson de Jimmy
11:26Rogers, Kisses Sweeter Than Wine, traduction, le baiser est plus doux que le vin.
11:51Tutton embrasse Maryline sur cette chanson, il découvre l'amour et la sensualité avec
12:05cette jeune agricultrice, Marylise, qui gère toute seule une exploitation laitière de
12:10120 hectares, elle va lui apprendre à faire l'amour, elle va lui apprendre les gestes
12:15de l'amour et c'est bouleversant.
12:18Rarement j'ai vu les ratés amoureux ou les maladresses de l'amour aussi bien filmées.
12:24Oui, moi je ne voulais pas forcément raconter cette naissance d'histoire d'amour comme
12:27on a l'habitude de sensualiser un peu ce moment-là, de le fantasmer, de faire des
12:32ralentis sur les corps et de montrer que le désir monte.
12:36Moi je voulais raconter une histoire d'amour qui justement naît à partir de ces maladresses
12:38qu'on connaît tous, qui existent et qui font partie un peu de la naissance des sentiments
12:42amoureux aussi.
12:43Et je trouvais que c'était intéressant que ce soit elle qui soit un peu à l'initiative
12:47et qui soit sûre d'elle, elle n'a pas de complexe, elle sait très bien ce qu'elle
12:50veut et elle l'embarque.
12:51Elle lui dit « tu dois faire ça ! » et il lui dit « je ne veux pas faire ça, c'est
12:54dégueulasse ! ». Et bien il y va.
12:56Les corps, j'aime les filmer car par leur gestuelle, leur démarche, ils disent beaucoup
13:00de mes personnages, ce qui les habite en profondeur.
13:02Qu'est-ce qu'ils disent les corps de vos personnages ? Pourquoi vous aimez les filmer ?
13:06Alors moi je pense qu'aussi parce que j'ai fait un court-métrage avant sur le milieu
13:10du cirque.
13:11Donc j'avais déjà un petit peu expérimenté le langage du corps filmé et je trouve que
13:17c'est intéressant parce qu'on peut avoir deux langages, le langage justement des mots
13:20qui dans leur cas ne vont pas être là où ils vont dire tout ce qu'ils ressentent,
13:23tout ce qu'ils pensent, comment ils se sentent mais par contre le corps va les trahir à
13:26plein de moments.
13:27Donc ça nous permet de travailler un peu deux scènes en même temps, deux langages
13:31en même temps et ça je trouve ça très intéressant.
13:33Et puis à l'accent de vos personnages, leur argot, leur juron, « Vin Dieu » le titre
13:37du film c'est un juron francontois, on vous a trouvé un influenceur sur les réseaux
13:41sociaux, il s'appelle Luca le francontoise parce que vous le connaissez, qui explique
13:44à ses abonnés la définition des mots.
13:46Écoutez.
13:47Salut les crevures, si vous ne parlez pas francontois et que vous habitez près de chez
13:50moi, aujourd'hui je vais vous apprendre quelques expressions.
13:52Alors un truc super connu qu'on utilise tout le temps, « je suis gaugé », ça veut dire
13:56« je suis mouillé » en langage francontois, super courant ça, tout le monde le connaît,
13:59je suis sûre même une partie des citadins, « vin Dieu », il y en a qui diraient « merde
14:03», maintenant on dit « vin Dieu » et tout ça.
14:05Un truc super courant aussi, on met le houlà devant tous les prénoms, on nous crédit
14:09la Charlotte, le Luca, la Pauline et voilà.
14:12La Louise.
14:13La Louise.
14:14Le Jura c'est la région où vous avez grandi donc, dans un village de 300 habitants, une
14:18famille d'agriculteurs, céréaliers qui reprennent une ferme sans eau ni électricité quand vous
14:22avez 6 mois, c'est vos parents, qui étaient à l'origine musiciens baroques, ils se reconvertissent
14:28en agriculteurs.
14:29Vous dites, ils m'ont donné, c'est un exemple de liberté absolue mes parents, ils nous
14:33ont montré que tout était possible, à la maison on avait toujours un pied ancré
14:36dans la terre et un autre dans l'art.
14:38Charlotte.
14:39Oui, j'ai eu de la chance pour ça, parce que j'ai toujours eu l'impression que tout
14:44était possible, que je pouvais envisager n'importe quel métier et plusieurs métiers
14:48en même temps et ça c'est vraiment leur expérience qui m'a montré ça et ça nous
14:52a permis aussi d'avoir l'idée de partir, dans mon cas, faire du cinéma quand même.
14:56La Louise.
14:57Oui, par hasard vous dites le cinéma, vous choisissez l'option le cinéma au lycée juste
14:59pour pouvoir partir en fait.
15:01Charlotte.
15:02Oui c'est ça, parce qu'en fait j'avais quand même toujours eu envie de voir un peu autre
15:05chose, d'aller dans la grande ville parce que Besançon pour moi à ce moment-là c'était
15:08vraiment la grande ville et ça m'a permis de m'intéresser à autre chose que juste
15:13le milieu agricole.
15:14J'ai toujours eu cette richesse culturelle grâce à eux.
15:16La Louise.
15:17Mais cette jeunesse agricole, comme vous dites, c'est ma force, c'est pas ma zone de vulnérabilité
15:22et puis être en marge du système donne une grande liberté quand on n'a pas les codes,
15:25quand on n'a pas les règles, et bien on se sent pas obligé de les respecter.
15:28Oui et j'ai en plus vraiment eu la chance de faire une super école qui s'appelle la
15:31Cinéfabrique qui n'est pas à Paris donc qui est à Lyon, un peu loin de tout, puis
15:35je suis revenue vivre dans le Jura donc j'étais tellement loin de tous ces codes-là, de toutes
15:39les attentes, que j'ai l'impression que j'ai fait le film le moins attendu possible, le
15:43plus décalé de ce qu'il se passe et en même temps c'est pas pour ça que ça peut pas
15:49avoir un impact sur les gens finalement.
15:50En fait je me sentis très très libre.
15:52Et vous habitez toujours dans la ferme familiale avec vos frères et soeurs, leurs conjoints ?
15:55Oui, oui tout à fait.
15:58Vous allez traire les vaches ?
15:59Alors on n'a pas de vaches nous, du coup on fait des céréales et on travaille avec
16:02les chevaux, on fait de l'attraction animale, donc oui je suis très investie dans la ferme
16:06en parallèle.
16:07Et vous voulez continuer ?
16:08Oui, je trouve que c'est important de faire un peu les deux, pour moi c'est un équilibre
16:12important.
16:13Oui, alors que vous êtes allergique aux chevaux.
16:15Alors que je suis allergique aux chevaux, vous êtes bien renseignée.
16:17Voilà, je suis bien renseignée.
16:18Les impromptus pour terminer, vous répondez rapidement sans trop réfléchir, Bruno Dumont
16:22ou les frères Dardenne ?
16:23Aïe aïe aïe aïe aïe, ça commence fort.
16:26Bon, Bruno Dumont.
16:28Scorsese ou Spielberg ?
16:30Scorsese.
16:31Le son ou l'image ?
16:33Aïe aïe aïe aïe, c'est encore très difficile.
16:35Le son.
16:36Votre quartier préféré à Paris ?
16:38Je vais dire Belleville.
16:41Vous aimez Paris ?
16:42Oui, j'aime Paris, surtout depuis que je n'y vis plus, parce que j'y ai vécu trois
16:46ans et c'était plus difficile d'y vivre que ponctuellement, maintenant je redécouvre.
16:50Pourquoi c'est difficile d'y vivre ?
16:52C'est tellement pas habitué, c'est tellement pas mon paysage, il y a une espèce d'effervescence
16:56en continu, que quand on n'a pas l'habitude, c'est un petit peu difficile à vivre.
17:00Vous avez passé quelques mois à Los Angeles aussi ?
17:02Oui.
17:03Hollywood, ça vous fait rêver ?
17:04Ça me faisait rêver.
17:06Maintenant que j'y suis allée, ça me fait un peu moins rêver.
17:08Mais par contre, j'ai trouvé ça fascinant et très intéressant à vivre.
17:11From Jura to Los Angeles.
17:12Voilà.
17:13Tout simplement.
17:14Qu'est-ce qui vous indigne ?
17:15Qu'est-ce qui m'indigne ?
17:17Les injustices, globalement, partout.
17:19Vous votez ?
17:20Oui.
17:21Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:24Liberté.
17:25Et Dieu dans tout ça ?
17:27Ouh, trop grosse question là.
17:30Le film s'appelle « Vingt dieux » et on a envie de rester avec vos personnages,
17:34de rester dans votre Jura longtemps, longtemps après.
17:37Je crois qu'on a compris que j'avais aimé Nicolas.
17:41Ne le loupez pas, ça sort demain en salle.
17:43Bravo et bonne route, vraiment.
17:45Et n'arrêtez pas le cinéma.
17:47Merci Léa.