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Xerfi Canal a reçu Valérie Moatti, professor, supply chain management & strategy, ESCP Business School, pour parler de la transformation plutôt que la relocalisation.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Valérie Moetti. Bonjour Jean-Philippe.
00:10Professeur de Supply Chain Management et Stratégie, ESCP Business School. Il faut
00:15arrêter de penser à la relocalisation comme on l'entend dans le débat politique sans arrêt,
00:18c'est beaucoup plus complexe que ça. Tout à fait. Alors c'est complexe pour plusieurs raisons,
00:26mais une de ces raisons c'est qu'on a perdu notamment les compétences nécessaires pour
00:31tout relocaliser. On a délocalisé depuis maintenant 20-25 ans, les choses ont changé,
00:37les compétences se sont développées ailleurs et chez nous on ne les a plus, on n'a pas non plus
00:42forcément l'échelle qu'il faut pour fabriquer. Les marchés se sont aussi transformés, c'est-à-dire
00:47qu'on a des zones de consommation un peu partout. Donc il faut penser différemment plutôt que
00:52d'imaginer qu'on va pouvoir simplement déplacer pour replacer, qu'on faire l'initiative d'Adidas
01:00avec sa Speed Factory qu'ils ont essayé d'ouvrir à la fois en Allemagne et aux Etats-Unis et après
01:052-3 ans ils ont décidé de fermer et d'envoyer les machines en Chine. Donc ça ne fonctionne pas
01:12comme tel. Effectivement il faut penser autrement. Il faut penser transformation, ça veut dire
01:18comprendre la question de la distance différemment. La distance ce n'est pas juste géographique,
01:22la distance c'est de la proximité organisationnelle aussi. Est-ce que vous pouvez nous développer ça ?
01:28Tout à fait. Il y a plusieurs aspects dans cette dimension de distance organisationnelle. Tout
01:35d'abord on a regardé effectivement les limites parmi certaines limites de la délocalisation et
01:43externalisation bien souvent. Il y a aussi une problématique liée à l'innovation parce qu'on
01:49voit dans certaines recherches et je pense notamment à un papier de Pisano et Chi qui date de 2012,
01:54que la coordination entre design et fabrication est clé pour maintenir vraiment son innovation,
02:01d'autant plus quand la modularité du design et de la fabrication sont très très faibles,
02:09c'est-à-dire qu'on est obligé de les penser ensemble. Donc partant de ce principe-là,
02:15on a regardé comment coordonner le design et la fabrication. Et pour ça on regarde la distance,
02:24donc la distance ça peut être distance lointaine, distance moyenne, distance proche voire co-localisée
02:30entre le design et la fabrication, mais aussi la question d'intégration verticale qui est
02:36très prégnante dans ce papier de Pisano et Chi que je citais, c'est-à-dire que pour toutes les
02:41industries innovantes dont la mode en particulier fait partie, il faudrait non seulement co-localiser
02:47la fabrication et la création, mais en plus l'intégrer verticalement. Or c'est absolument pas
02:53le cas. Si on regarde concrètement ce qui se passe dans les entreprises de mode, d'électronique,
02:57toutes ces entreprises innovantes, la plupart du temps ce n'est pas le cas. Alors en creusant un
03:03petit peu plus, on se rend compte que finalement la distance géographique ne fait pas tout. C'est
03:11une des dimensions de la distance organisationnelle, il y a déjà une interdépendance beaucoup plus
03:17forte que ce qu'on pensait entre la distance géographique et cette distance organisationnelle
03:24ou de gouvernance d'intégration verticale. C'est-à-dire que quand c'est la même entreprise,
03:29ça va être plus facile de localiser un petit peu à distance parce qu'il y a plus facilement des
03:36relations interpersonnelles, les mêmes systèmes d'information, la même culture, une communication
03:42aisée. Donc ça réduit cette distance géographique, le fait d'avoir une distance organisationnelle
03:47plus faible. Ça c'est déjà un premier élément. Et le deuxième élément, c'est que la distance
03:52géographique peut être aussi réduite par une certaine distance culturelle. Je pense notamment
03:57à des anciennes « colonies ». Ce n'est pas très politiquement correct, mais il peut y avoir une
04:04même langue ou une culture plus proche qui aide certaines entreprises, quand bien même la distance
04:11ne serait pas de la proximité directe, à être plus efficace. On voit par exemple qu'on a conduit
04:17une étude sur 20 entreprises de mode en Europe, que certaines entreprises allemandes ont plus
04:25tendance à utiliser des sous-traitants ou des fabricants en Europe de l'Est, en Pologne,
04:31que des entreprises françaises ou italiennes. À l'inverse, les entreprises françaises ont plus
04:36allé en Afrique du Nord, où par ailleurs il y a des liens historiques, culturels qui sont
04:41beaucoup plus forts. Merci Valérie. Merci Jean-Philippe.

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