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00:0011h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien préfet de Mayotte, Jean-Jacques Braud.
00:05Bonjour Jean-Jacques Braud.
00:06Bonjour monsieur.
00:08Bienvenue sur Europe 1, le gouvernement a donc déclaré pour Mayotte dévaster l'état de calamité naturelle exceptionnelle.
00:14Alors qu'Emmanuel Macron doit arriver d'ici 8h30 du matin dans l'archipel avec les soutes pleines de 4 tonnes de matériel, de vivres ainsi que de secouristes.
00:24Le président va aussi décréter un deuil national pour Mayotte et c'est la première fois qu'un deuil national est décrété pour une catastrophe naturelle.
00:33Alors Mayotte, vous connaissez bien Jean-Jacques Braud, rarement, on pourra le noter quand même, l'archipel aura fait l'objet d'autant d'attention.
00:39Oui, effectivement, depuis les grands débats de la décolonisation, je mets cela entre guillemets bien entendu, et de la départementalisation dans la fin des années 2010,
00:51on n'avait jamais autant parlé de Mayotte et bien entendu, j'éprouve comme vos auditeurs, comme vous-même, une immense compassion pour cette population tranquille, pacifique, qui cherche à survivre.
01:06Maintenant, après avoir cherché son destin, l'avoir arrimé, celui de la République française, après de longs combats,
01:14et c'est vraiment une pitié de voir cette misère qui s'est abattue, qui s'est ajoutée aux difficultés évidemment structurelles et intrinsèques de l'archipel.
01:23Oui, c'est un des départements, un des territoires les plus en difficulté de France, Jean-Jacques Braud. C'est quoi la liste des plaies dont souffre Mayotte ?
01:34D'abord, je dirais qu'il y a... c'est un archipel qui de prime abord apparaît comme beau, pacifique, attrayant, mais terriblement vulnérable.
01:46Il y a une vulnérabilité évidente qui éclate, c'est celle d'une économie encore très en retard, une société très marquée par une grande pauvreté,
01:59l'illettrisme, plus de 40% de nos compatriotes et des personnes qui vivent à Mayotte, parce que c'est aussi un autre sujet dont on parlera après, sont illettrés.
02:09Le système de santé, en dépit d'un hôpital tout à fait remarquable à Mamoudzou, mais qui a été extrêmement frappé, est évidemment très fragile lui aussi.
02:19L'école, j'ai eu l'occasion de faire une mission d'expertise à la demande d'Edouard Philippe en 2018, en rentrant je lui ai dit qu'il faudrait immédiatement construire, mais c'est impossible, 600 écoles.
02:30Mais c'est ça, il y a combien d'enfants à Mayotte ? Et je crois qu'il y a à peine 8000 places d'école, on est obligé de faire des rotations d'enfants dans les écoles.
02:38Bien sûr, c'est ce qui m'a le plus marqué en arrivant en juillet 2002, c'est d'une part, à l'époque, le système cholère était quasi déjà débordé par les enfants,
02:47et non pas seulement par une démographie interne, mais aussi par l'apport migratoire.
02:51Mais en plus, une grande partie des instituteurs, pardon de le rappeler, à l'époque, il y a 20 ans, ne parlaient pas notre langue.
02:58Et ça, c'était la conséquence de l'évasion voulue par les Comores du temps du territoire, le départ des fonctionnaires vers Moroni et la Grande Comore au détriment de Mayotte.
03:11Vous voyez, juste avant, pendant la période de 1958 à 1975.
03:16Et donc, il y a une vulnérabilité structurelle de Mayotte qui est accrue, et c'était votre question, je le présume, par l'immigration clandestine.
03:27Venons-en, parce que c'est l'actualité, et il se trouve que la gauche reproche beaucoup à Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur,
03:33d'avoir dit qu'on ne pourra pas rebâtir Mayotte sans s'emparer du problème de l'immigration clandestine.
03:40Et il faut le dire, Jean-Jacques Brault, c'est une submersion démographique que subit Mayotte, de la part d'immigrants clandestins qui viennent des Comores.
03:47Bruno Retailleau a d'ailleurs accusé les Comores d'encourager les départs vers Mayotte.
03:52Écoutez, je pense que, si je reprends ce que j'ai dit à l'époque, il y a 22 ans, pardon de me citer,
03:58mais c'était un des sujets que j'ai eu la chance de pouvoir prendre à bras le corps,
04:03parce que pour agir à Mayotte, il faut un accord du Président de la République et un accord interministériel du Premier ministre.
04:14C'est pourquoi la démarche d'un Premier ministre est absolument indispensable.
04:19Mayotte, c'est d'abord un problème diplomatique avec les Comores, d'où découle l'immigration.
04:24Mais justement, comment elle pèse cette immigration clandestine sur le destin de Mayotte, sur les services publics notamment, Jean-Jacques Brault ?
04:32Eh bien, il faut savoir que nos auditeurs sachent bien que plus de 52 ou 53% de la population totale, qu'on ne connaît pas d'ailleurs,
04:42mais par échantillons, on voit à peu près, est clandestine.
04:47Et donc, la souveraineté française convoulue les Mahorais par quatre référendums successifs
04:54est battue en brèche par une submersion migratoire.
04:59Évidemment, c'est mal élevé de dire ces choses, mais c'est la réalité absolue.
05:03Et le ministre de l'Intérieur a parfaitement raison de mettre en exergue l'altération de l'efficacité des services publics par leur submersion.
05:14Hamamoudzou, première maternité d'Europe, 9000 naissantes de petits-enfants par an.
05:21Au moins les deux tiers sont des petits-enfants qui sont nés de mamans comoriennes,
05:27qui ont fui l'absence de système de santé aux Comores.
05:30Et elles, elles peuvent rester un tout petit peu plus qu'une journée ou deux,
05:34mais les mamans Mahoraises, puisqu'elles ont un logement quelque part à Mayotte,
05:39ne restent pas une journée autant que les autres mamans.
05:44Donc, ça c'est une discrimination.
05:46Le droit à l'école est de fait...
05:48Une discrimination au détriment des Français finalement, des Mahorais français.
05:52Alors, encore une fois, je ne suis pas pour dire qu'il faut supprimer les droits à la santé ou à l'école des uns ou des autres.
05:58Ce n'est pas du tout cela.
06:00Mais s'il n'y a pas régulation équitable du mouvement migratoire,
06:06il ne peut pas y avoir respect de la parole donnée à nos compatriotes Mahorais,
06:12de les intégrer dans l'ensemble français.
06:15Évidemment, l'échec a été de décréter la départementalisation après un vote en 2011
06:21et de ne pas prévoir les étapes nécessaires pour accompagner les élus Mahorais dans cette démarche.
06:28C'est ça qu'on peut éminemment regretter.
06:31Après la départementalisation, j'ai la tristesse de dire que les gouvernements n'ont pas mis les moyens
06:38pour accompagner la départementalisation de l'archipel qui est de plus en plus vulnérable aujourd'hui.
06:45Dernière question, Jean-Jacques Brault, vous dites qu'on n'a pas mis les moyens pour Mayotte.
06:49Est-ce qu'on y met aussi l'autorité nécessaire ?
06:51Je voudrais que vous me commentiez ce chiffre qui me trouve effarant.
06:54Le taux d'assurance habitation à Mayotte.
06:56En France, en métropole, dans l'hexagone, c'est 96%.
07:00À Mayotte, c'est 6%.
07:02Comment a-t-on pu tolérer cela ?
07:04Parce que la conséquence pratique, c'est que la reconstruction de Mayotte, c'est l'impôt qui va la payer Jean-Jacques Brault.
07:08Absolument.
07:09Évidemment, on ne peut pas obliger les gens à s'assurer, mais il peut y avoir des campagnes de convictions.
07:14Vous avez absolument raison.
07:16Le problème d'autorité de l'État à Mayotte est posé depuis de nombreuses années.
07:21La qualité des fonctionnaires qui y sont envoyés, leur motivation.
07:25Il faut des gens engagés, qui aiment les Mahorais, qui comprennent leurs revendications,
07:32d'abord de liberté politique et de souveraineté française,
07:36et pour les accompagner pas à pas.
07:39Et aussi, vous avez raison de les convaincre d'accomplir les actes civiques, dont l'assurance,
07:44qui sont absolument nécessaires à la pérennisation du statut de l'archipel.
07:49Merci beaucoup, Jean-Jacques Brault, d'avoir été en ligne avec nous sur Europe 1 ce matin, ancien préfet de Mayotte.
07:55Je n'ai pas cité tous vos états d'armes, mais vous connaissez extrêmement bien les Outre-mer,
07:59puisque vous avez été en poste en Guyane, en Guadeloupe, mais aussi en Nouvelle-Calédonie.
08:02On aura l'occasion de vous réinviter.
08:04Merci à vous, bonne journée.
08:05Merci beaucoup, monsieur.

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