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Aujourd'hui à 8h20, retour sur le procès des viols de Mazan, avec les avocats Me Stéphane Babonneau, avocat de Gisèle Pélicot, Me Béatrice Zavarro, avocate, en charge de la défense de Dominique Pelicot et Jean-Philippe Deniau, journaliste au service police-justice de France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-20-decembre-2024-8357190

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00:00Et un grand entretien ce matin consacré au procès des viols de Mazan, 3 ans et demi
00:12devant la cour criminelle du Vaucluse et donc nous sommes au lendemain du verdict de ce
00:17procès qui a vu 51 hommes condamnés pour avoir violé ou agressé Gisèle Pellicot.
00:24Pour en parler avec nous, l'avocat de Gisèle Pellicot, Stéphane Babonneau et l'avocate
00:29de Dominique Pellicot, Béatrice Zavarro, bonjour à tous les deux, et merci infiniment
00:34d'être les invités d'Inter ce matin, c'est la première fois que vous êtes réunis
00:38tous les deux sur un plateau et merci d'avoir accepté ce dialogue avec nous en direct depuis
00:44Avignon.
00:45Jean-Philippe Degnaud du service Police Justice, bonjour Jean-Philippe, vous avez suivi pour
00:52Inter l'ensemble de ce procès et on a besoin de votre expertise ce matin, je rappelle
00:58aux auditeurs qu'ils peuvent intervenir, poser leurs questions au 0145 24 7000 ou sur l'application
01:05France Inter.
01:06Il y a un sens de gravité ce matin au lendemain du verdict, j'aimerais vous poser une question
01:12toute simple, Dominique Pellicot a été condamnée à la peine maximale 20 ans de réclusion
01:18criminelle avec une période de sûreté de deux tiers, c'est une peine qui suit les
01:23réquisitions du parquet, aucun acquittement n'a été prononcé, mais malgré tout que
01:29pensent vos clients de ce verdict Stéphane Babonneau, Gisèle Pellicot comment est-ce
01:35qu'elle l'a reçue ?
01:36Je pense qu'elle a ressenti un sentiment de soulagement à l'énoncé de ce verdict
01:42puisque l'intégralité des accusés a été condamnée avec parfois certaines requalifications,
01:49certaines modifications juridiques des faits de la qualification pour lesquelles ils étaient
01:54condamnés, mais tous condamnés.
01:55S'agissant des peines, Gisèle Pellicot l'a dit hier en sortir de la salle d'audience,
02:01il faut respecter cette décision.
02:02Elle a eu beaucoup de respect pour le travail de la cour, elle a compris que c'était un
02:06travail qui était complexe, elle était venue pour que ce qui lui a été fait soit reconnu
02:11par la justice et elle a eu le sentiment que ça a été le cas.
02:13Elle a dit sa profonde émotion à l'issue de ces trois mois et demi de procès et du
02:18verdict de la cour.
02:20Il y a une photo magnifique dans la presse aujourd'hui où on la voit face à un mur
02:24où il y a une affiche qui dit tout simplement « Merci Gisèle, Maître Zavarro ». Votre
02:30client lui s'est dit ébêté, c'est le mot en tout cas qu'il est apparu dans votre
02:37bouche, moins par la peine que par la période de sûreté.
02:40Une question toute simple, est-ce qu'il exclut aujourd'hui un appel ?
02:43Pour l'heure, je ne peux pas répondre à votre question dans la mesure où je dois
02:47aller le rencontrer très prochainement à l'établissement pénitentiaire pour que
02:50nous puissions discuter des enjeux d'une procédure à venir.
02:53Il y a quand même des enjeux importants si nous devions faire appel.
02:56Je sais que deux appels ont d'ores et déjà été enregistrés par la cour criminelle
03:00mais en tout état de cause, pour l'heure, je crois que nous allons vraiment réfléchir
03:03avec Dominique Pellicot sur ces fameux enjeux.
03:06Je ne peux pas vous dire assurément quelle est sa décision à ce moment-là.
03:11Mais que lui conseillerez-vous ?
03:12Je suis dans une hésitation, je serais plus partisane de dire qu'on connaît, on sait
03:20la peine qui a été prononcée, on ignore l'avenir de fait et c'est toujours très
03:25important pour un homme de se projeter donc voilà, il faut que nous en discutions tous
03:32les deux.
03:33Alors en tout, le parquet avait requis 652 ans de prison pour l'ensemble des 51 co-accusés.
03:39Ce sont 428 années qui ont été prononcées, donc des peines en dessous des réquisitions.
03:46Jean-Philippe Donio, le juge n'a pas vraiment expliqué l'échelle des peines, donc 3 à
03:5115 ans de prison alors que le parquet avait réclamé 10 à 18 ans.
03:54Est-ce qu'on a tout de même des éléments pour comprendre ce verdict ?
03:58Oui tout à fait, on n'a pas encore les motivations de la cour criminelle mais en
04:02tout cas le verdict par l'échelle des peines est assez clair, c'est-à-dire qu'on
04:07distingue bien le groupe des accusés qui sont venus plusieurs fois au domicile des
04:13Pélico à Mazan, on distingue bien les accusés qui bénéficient en quelque sorte d'une
04:20atténuation dans la peine parce qu'ils ne se sont pas forcément rendus compte de
04:26tout, parce qu'il a été établi qu'ils avaient pu venir pour tout à fait d'autres
04:33raisons que d'avoir des relations avec Madame Pélico, donc il y a une certaine logique
04:41dans ce verdict et surtout un découpage très précis, ce que n'avait pas fait, il y avait
04:48une part d'incompréhension dans les réquisitions très lourdes du parquet général, on ne
04:53savait pas très bien comment l'échelle des peines avait été établie, alors là
04:57on arrive à des condamnations, je le dis souvent, mais qui ressemblent beaucoup à
05:04toutes celles qui sont prononcées tous les jours dans des affaires du même type, sans
05:09la particularité évidemment de la soumission chimique, mais des affaires de viol, ce sont
05:14des peines qui sont prononcées tous les jours dans les tribunaux et les cours criminels
05:18de France.
05:19Alors Béatrice Zavaro, ce qui apparaît quand même c'est que Dominique Pélico, qui est
05:23condamnée à 20 ans de réclusion, c'est largement au-dessus de son co-accusé qui
05:29est condamné à la peine la plus lourde, c'est-à-dire 15 ans, on le distingue vraiment
05:33des autres, ce n'est pas un violeur comme un autre.
05:35En fait il faut quand même se rappeler que Dominique Pélico était renvoyé devant la
05:39juridiction pour les viols qu'il avait organisés, enfin qui étaient commis avec les autres
05:45hommes qui ont été condamnés, mais il était aussi renvoyé devant la juridiction
05:48pour les viols qu'il avait commis tout seul à l'encontre de son épouse et donc ça
05:52faisait quand même un chiffre bien supérieur à certains dans cette salle d'audience.
05:56Donc je crois que la Cour a voulu surtout démarquer Dominique Pélico par rapport à
06:02ces faits-là et l'objet de la prévention.
06:04Un mot sur le procès et ce moment du verdict qui est extrêmement important que vous avez
06:12vécu l'un et l'autre, qu'est-ce que vous auriez envie de vous dire l'un à l'autre
06:17puisque vous représentez évidemment deux parties opposées, deux parties adverses.
06:22Stéphane Bobono, vous aviez salué la contradictrice très loyale qu'a été Maître Zavaro, expliquez-nous
06:29justement parce qu'en général c'est à couteau tiré que ça se passe dans une salle
06:33d'audience.
06:34Je pense que quand j'ai dit loyal c'est parce qu'il est important de savoir qu'on
06:39représente deux camps qui sont complètement opposés dans cette procédure et ça c'est
06:43quelque chose qui est essentiel, c'est-à-dire par essence on est sur deux bancs opposés
06:50mais ça n'empêche pas de se respecter et de respecter aussi la loyauté qui se doit
06:54l'un à l'autre.
06:55C'est-à-dire que quand Béatrice Zavaro disait quelque chose, je savais que c'était
06:58quelque chose qui était vrai notamment au début du procès quand elle disait que son
07:02client avait des problèmes de santé et qu'il ne faisait pas semblant pour éviter ce procès,
07:07c'était important de savoir qu'on pouvait faire confiance à l'avocat de Dominique
07:11Pélico.
07:12Qu'avez-vous dit à Dominique Pélico ce matin ? Parce que vous êtes face à face,
07:14vous pouvez vous regarder les yeux dans les yeux.
07:15Moi ? Oui.
07:16Je lui dis que j'ai toujours beaucoup de respect pour le travail qu'elle a fait et
07:21même je dirais une certaine admiration.
07:23Béatrice Zavaro ? Je vais retourner le compliment à Medbabono et puis je vais surtout vous
07:28dire que malgré la nature des faits Gisèle Pélico n'a jamais été mon adversaire.
07:34C'est important de le préciser.
07:36C'est important et c'est difficile à comprendre pourtant.
07:38Vous savez, Madame Pélico, je l'ai toujours soutenue et je l'ai même plaidée, Madame
07:43Pélico était à une place qu'elle n'a pas choisie, qu'on lui a imposée, que Dominique
07:47Pélico lui a imposée.
07:48Et le propos de Dominique Pélico depuis le départ et depuis l'instruction a été
07:52de dire « Ma femme n'a rien à se reprocher et je ne peux rien reprocher à mon épouse.
07:58» Donc je rentrais dans cette salle d'audience le 2 septembre et même pendant l'instruction
08:02en disant « Madame Pélico n'est pas mon adversaire et je ne peux pas venir chercher
08:06quelconque argument la concernant.
08:08» Et je pense que de ce côté-là, nous avons eu, le parti civil et défense de Dominique
08:13Pélico, un respect mutuel, pas une action commune de fait, mais un respect mutuel qui
08:19faisait qu'on ne pouvait pas avoir des contre-arguments et chercher à tirer la couverture à soi.
08:25Est-ce que je peux vous poser une question difficile ou délicate, Béatrice Zavarro,
08:29est-ce que vous aussi vous dites aujourd'hui « Merci Gisèle ».
08:32Bien sûr que je dis merci Gisèle.
08:35Bien sûr, d'abord je le dis parce que c'est l'expression de la voix de mon client.
08:38Je le dis aussi parce que je crois que par sa décision, qui est l'application de la
08:43loi en soi, c'est-à-dire refuser le huis clos qui pouvait lui être proposé, en tout
08:47cas qu'elle pouvait demander et qui aurait été de droit, elle a ouvert les portes de
08:51cette audience et elle a permis justement cet élan sociétal, cet élan politique, cette
08:56discussion sociétale sur le sujet du viol, une partie de ce sujet du viol que nous ne
09:00connaissons pas ou dont nous ignorons beaucoup les contours.
09:03Et bien sûr, je dis merci Gisèle, tout à fait.
09:05Jean-Philippe Degnaud, cette semaine à ce micro, on a entendu l'ancien garde d'Essoe
09:09Eric Dupond-Moretti qui se disait un peu circonspect sur les manifestations au sein du palais de
09:15justice, puis il y en avait aussi à l'extérieur des manifestations, il y a eu un important
09:19dispositif policier hier au moment du verdict, une très forte présence médiatique.
09:24Est-ce que vous avez l'impression que les juges étaient sous pression ?
09:28Non, je ne pense pas et je l'ai ressenti moi-même.
09:30Il y avait un décalage en fait dans mon cerveau, si j'ose dire, entre le moment où je rentrais
09:36dans la salle d'audience, et je pense que tous les protagonistes ont ressenti ça, et
09:40où tout le monde était concentré sur le dossier, sur ce qu'on débattait ce jour-là,
09:45et puis le moment où on sortait, où on se prenait en fait en pleine figure le débat
09:50sociétal qui est important, dont on doit tenir compte.
09:53Il faut bien faire, que l'on soit avocat, magistrat, et puis à notre petite place de
09:58journaliste, il faut bien faire la différence entre ce qu'on entend à l'intérieur de
10:02la salle d'audience, à ce que l'on traite au dossier, au pur, et aux arguments qui sont
10:07développés par tous les accusés, ils sont tous entendables.
10:12Il faut se concentrer là-dessus, et puis mettre de côté le débat de société qui
10:16est nécessaire, mais qui ne rentre pas dans le débat judiciaire et dans ce qui a été
10:21tranché hier.
10:22Maître Stéphane Babonneau, on parlait de l'appel tout à l'heure avec Maître Zavarro,
10:27de l'appel qui n'est pas exclu par Dominique Pellicot, et qui est déjà déposé par deux
10:32de ses co-accusés, ça veut dire qu'il va y avoir un deuxième procès Mazan, elle y
10:36est prête Gisèle Pellicot ?
10:38En tout cas, elle n'en a pas peur, c'est-à-dire que si cela devait se passer, elle nous a
10:43d'ores et déjà indiqué qu'elle y ferait face, si elle en a la santé évidemment,
10:48parce que c'est une dame qui a aujourd'hui 72 ans, mais qu'en tout cas ça ne lui fait
10:52pas peur, c'est ce qu'elle nous a indiqué.
10:54Parce qu'on l'a vue hyper solide, mais ça doit être éprouvant, elle doit être
10:58contente de rentrer chez elle.
10:59Elle est très heureuse de rentrer chez elle, elle est très soulagée, et ce qu'elle
11:02ne veut surtout pas, c'est que les autres victimes se disent, cette dame a une force
11:07qui est extraordinaire, moi je ne pourrais pas faire ça, Gisèle Pellicot l'a dit lors
11:10de sa seconde déclaration, je veux que tout le monde se dise, si Mme Pellicot l'a fait,
11:14je peux le faire.
11:15Elle ne veut pas être vue comme une icône, elle ne veut pas être vue comme quelqu'un
11:18d'extraordinaire, et en réalité, c'est quelqu'un qui reste très simple, et qui
11:23a décidé d'essayer de vivre sa vie de la manière la plus normale maintenant.
11:27Mais ça peut changer quoi ? Parce qu'un deuxième procès, ça veut dire avec un jury
11:30populaire cette fois, et non pas des magistrats, ça change quoi ?
11:32Ça change effectivement que cette fois-ci, on n'est plus devant des magistrats professionnels
11:36mais devant un jury composé de 9 citoyens tirés au sort, qui ont nécessairement une
11:42compréhension différente de la loi et des faits, et ça sera une audience, si jamais
11:47elle était appelée à se tenir, ce qui n'est pas certain à l'heure à laquelle on parle,
11:51c'est quelque chose en tout cas auquel elle est prête.
11:53Il y a une question qui a été posée, qui a été une sorte de fil rouge au cours de
11:58ce procès, c'est évidemment la question du consentement, on a eu l'occasion d'en
12:03parler régulièrement autour de ce plateau, c'était le procès de 51 hommes, les procès,
12:1051 procès, et non pas un procès comme on l'a dit, mais la question du consentement,
12:15elle revient avec insistance, est-ce que selon vous, Béatrice Zavarro, il faudrait vraiment
12:20l'inscrire dans le droit ?
12:21Je vais vous surprendre, mais je crois que pour moi, ce n'est pas nécessaire.
12:26Ce n'est pas nécessaire ?
12:27Non.
12:28Pour moi, je ne suis pas certaine que l'inscription du mot consentement dans la loi changerait
12:32quelque chose dans le sens où vous avez aujourd'hui une définition du viol qui sous-tend l'absence
12:37de consentement, et donc un acte de pénétration sexuelle buccogénitale réalisé sous la
12:43contrainte, la menace, la surprise ou la violence laisse entendre fatalement que le partenaire
12:47n'est pas consentant, et personnellement, je ne pense pas qu'on puisse mobiliser des
12:51travaux parlementaires pour inscrire un mot qui est déjà sous-tendu par la définition
12:55actuelle.
12:56Je comprends la position de ma consœur, je pense que ce n'est pas forcément nécessaire
13:02mais néanmoins, on voit bien que les gens ne comprennent pas pourquoi il n'y a pas
13:08ce mot.
13:09La loi doit parler aux gens, donc si cela peut être inclus sans nécessairement bouleverser
13:15l'équilibre actuel de cette loi, ça peut être une bonne chose.
13:18Ce n'est pas favorable, mais vous le seriez pour que le grand public comprenne ?
13:23La loi, c'est l'expression de la volonté populaire.
13:25Il faut que les gens comprennent la loi lorsqu'ils la lisent.
13:27Donc si aujourd'hui, une majorité de personnes ne comprend pas pourquoi ce mot n'est pas
13:31inclus, alors que comme l'a dit ma consœur et je partage tout à fait son avis, aujourd'hui
13:35l'absence de consentement est sous-entendue dans la définition, mais peut-être de manière
13:40peu claire, ça peut être une bonne chose, si tant est qu'en ajoutant ce mot, on ne
13:45crée pas un nouveau problème.
13:46L'ancienne ministre Isabelle Rohm parlait d'introduire une notion de non-consentement.
13:50C'est différent, ce n'est pas la même chose ?
13:51C'est un travail.
13:53En fait, le non-consentement est déjà inclus, c'est-à-dire que cette loi existe depuis
13:5640 ans et je pense que personne ne pense aujourd'hui que le viol soit autre chose qu'un rapport
14:00sexuel forcé avec absence de consentement.
14:03Mais si aujourd'hui, autant de personnes se posent la question de pourquoi le consentement
14:07ne figure pas dans cette loi, peut-être faut-il y inscrire pour que la loi soit plus claire.
14:11Bonjour Sophie et bienvenue sur France Inter.
14:14Vous avez une question pour nos invités ?
14:16Oui, bonjour.
14:17Je voulais savoir si l'avocat qui a insulté les femmes à l'extérieur du tribunal pouvait
14:23être poursuivi ?
14:24On parle de Maître Christophe Bruchy, je crois, qui a dit qu'elles étaient des tricoteuses,
14:30c'est ça dont vous parlez ?
14:31Oui, c'est ça.
14:32Mais même avant, il y a eu des propos qui m'ont choquée.
14:36J'avais les larmes aux yeux d'entendre insulter les femmes comme ça.
14:40C'est vrai que c'est très frappant.
14:43Merci Sophie pour votre question parce qu'il y a beaucoup de respect entre vous ce matin,
14:47comme au long des trois mois et demi de ce procès.
14:50Mais effectivement, est-ce que vous pensez qu'il devrait être poursuivi ?
14:53Est-ce que vous avez été choquée par l'attitude de certains des avocats, des accusés ?
14:57Vous savez, comme Gisèle Pellicot l'a fait, on ne participe pas à quelque polémique
15:03que ce soit.
15:04Ce que je peux dire, c'est que les avocats ont des instances représentatives, font partie
15:09d'ordre, qui comprennent des instances disciplinaires.
15:12Et si jamais il y a eu un manquement à la déontologie de l'avocat, ces instances vont
15:16s'en saisir.
15:17Mais le mot « les tricoteuses », c'est vrai qu'il est infâmant, il est absolument
15:21infâmant.
15:22Est-ce qu'on doit poursuivre ou est-ce qu'au fond, ça fait partie de la folie et de la
15:26vie d'un procès qui a mobilisé les passions, qui a déchaîné les passions et tous les
15:31coups sont permis quand on est l'avocat d'un accusé ?
15:34Non, tous les coups ne sont pas permis quand on est l'avocat d'un accusé.
15:37Je partage le point de vue de Stéphane Babouineau dans le sens où si effectivement l'ordre
15:42auquel appartient ce confrère devait considérer que l'attitude a été insultante ou provocatrice
15:47à l'égard de ses femmes, l'ordre s'en saisirait et des poursuites seraient exercées.
15:51Pour l'heure, malheureusement, nous ne pouvons pas préjuger de ce qui va se passer.
15:55En revanche, effectivement, le mot « tricoteuse » était à mon sens quelque peu maladroit.
15:59Ça c'est certain.
16:00Depuis hier, effectivement, on en parlait, Jean-Philippe Degnaud, on entend, on lit beaucoup
16:05des « merci Gisèle » ce matin encore dans un message d'Emmanuel Macron sur X, mais
16:10aussi de la part de Premiers Ministres, de chefs d'États de gouvernement étrangers.
16:13Jean-Philippe, vous comprenez, vous, pourquoi le Président de la République remercie Gisèle
16:18Pellicot ?
16:19C'est un tournant ce procès ?
16:21Oui, j'allais dire que c'était quasiment impossible d'y échapper.
16:26Le monde entier remercie Gisèle Pellicot.
16:30Maître Babineau disait tout à l'heure qu'elle ne souhaite pas être une icône.
16:35Je pense qu'elle l'est devenue malgré elle.
16:37Et il faut que son nom, il faut que son image, il faut que ses paroles, aujourd'hui, même
16:43si elle ne le souhaitait pas à la base, mais il faut que ça serve à faire bouger les
16:46choses.
16:47C'est la définition même de l'image qu'elle donne et du retentissement jusqu'aux plus
16:55hautes instances.
16:56C'est ça.
16:57C'est important parce que moi, je dis souvent que je suis surpris et désolé parfois de
17:03voir qu'il n'y a pas de public dans les tribunaux pour suivre les procès, pour comprendre la
17:09justice, pour voir comment la justice est rendue dans la difficulté et dans sa lucidité
17:16aussi tous les jours.
17:17Et là, on a eu un éclairage fantastique et il faut qu'il serve à quelque chose et
17:24il faut qu'il serve à quelque chose aussi pour que les victimes poussent les portes
17:27des commissariats et des tribunaux, des parquets pour déposer plainte, pour avoir le courage,
17:33la détermination.
17:34C'est le mot qu'elle a employé de Gisèle Pellicot.
17:36Alors justement, Maître Babineau, on parlait tout à l'heure de la notion de consentement
17:40à inscrire ou non dans le droit.
17:41Mais effectivement, il y a la question des enquêtes et des dépôts de plaintes parce
17:44qu'aujourd'hui, 94% des plaintes pour viol sont classées sans suite.
17:49Est-ce que ça, d'après vous, ça peut évoluer, être amélioré ? Est-ce que c'est un des
17:52objectifs de votre cliente ?
17:53Il y a toujours une piste d'amélioration.
17:56Gisèle Pellicot l'a dit et d'ailleurs, dans sa déclaration hier, elle a confiance
18:01en l'avenir.
18:02C'est-à-dire qu'elle voulait donner du sens à l'insensé.
18:04Elle voulait que cela ait des conséquences concrètes.
18:07Elle l'a dit.
18:08Mes petits-enfants, ce sont l'avenir.
18:10C'est une femme qui sait aujourd'hui que l'essentiel de sa vie est derrière elle.
18:14Et ce qu'elle fait, c'est un lec pour l'avenir.
18:17Donc, bien sûr qu'elle espère que cela puisse s'inspirer par la suite.
18:20Et elle a toujours dit que dans son malheur, elle avait une chance.
18:24C'était que les preuves concrètes de ce qu'elle avait vécu existaient et que dans
18:30d'autres dossiers, les choses sont très complexes.
18:32Et un dernier mot sur ce point, Gisèle Pellicot n'a pas cessé tout au long de ce procès
18:36de nous dire à Antoine Camus, à moi-même, j'ai eu une pensée quand elle sortait et
18:40qu'elle avait ce public incroyable.
18:41Elle disait j'ai une pensée pour toutes les femmes, pour tout les hommes qui, à ce
18:46moment-même, dans les cours criminels, devant les cours d'assises, font face, seules,
18:51quand ils sortent parfois à la fin de journée, rintantes, le soir, ne trouvent personne
18:55dehors et qu'elle voulait vraiment qu'ils sachent, qu'ils entendent que c'est aussi
18:59pour eux et pour elle qu'elle est allée au bout de ce marathon.
19:03Elle a parlé des invisibles hier.
19:04Elle a parlé des invisibles et cela fait directement référence à ce que vous venez
19:07de dire.
19:08Elle sait, elle ne veut pas que l'on les oublie et quand on dit qu'elle est devenue
19:12une icône, elle, elle le ressent différemment.
19:14Elle se dit je représente toutes ces personnes, qu'elles sachent que je pense à elles parce
19:18que c'est profondément ce qui est le cas.
19:21Béatrice Zavarro, vous avez eu souvent l'occasion de dire que vous étiez seule et que vous
19:25étiez face à une tâche à la limite impossible.
19:29Il y a de très nombreux auditeurs qui vous remercient pour le dialogue et l'échange
19:34et le respect dont vous témoignez ce matin.
19:37Il y a Yolande malgré tout qui vous pose une question qui revient régulièrement.
19:42Je l'avoue, Béatrice Zavarro en tant que femme demande Yolande, comment avez-vous pu
19:47défendre Monsieur Pellicot ?
19:49Je répondrai ce que j'ai déjà répondu parce qu'effectivement cette question m'a
19:53déjà été posée.
19:54Et elle revient.
19:55Elle revient sans cesse mais je réponds qu'un avocat n'est pas genré.
20:01Je suis avocat, je ne suis pas forcément une femme et quand Dominique Pellicot me demande
20:05de l'assister, il voit en moi l'avocat et pas la femme mais après j'y vais avec
20:10ma sensibilité de femme, avec mon expression de femme, avec ma façon d'être de femme
20:15mais ce n'est pas mon genre qui a pu interférer dans la défense de Dominique Pellicot.
20:22Après, je répète, j'ai une robe et on a tous la même robe et qu'on soit homme
20:26ou femme, on est dans notre mission et dans notre rôle.
20:28Il y a un mot extrêmement important que prononçait Gisèle Pellicot hier, c'est le mot « avenir
20:32». C'était stupéfiant de l'entendre prononcer
20:35ce mot-là et justement, on va essayer de se projeter avec vous Isabelle, bonjour et
20:40bienvenue sur France Inter.
20:41Oui, bonjour, je voulais apporter un témoignage, j'ai 67 ans, j'habite à côté d'Avignon
20:49et j'ai fait partie dans les années 70 de tout le grand mouvement des femmes à l'époque
20:57à Paris.
20:58J'ai travaillé avec le MLAC, j'ai été à l'initiative de toute la réflexion sur
21:02notre corps nous-mêmes, j'ai passé toute ma jeunesse à manifester dans la rue en chantant
21:08la fameuse chanson qui a été reprise hier à la sortie du tribunal et je me réjouis
21:14du fait que les jeunes femmes et les jeunes hommes se sont emparés du sujet, que ce procès
21:19a été extrêmement suivi et bon, c'est extrêmement triste pour Mazan, pour cette
21:24femme qui a été agressée pendant des années, mais bon c'est… voilà.
21:27Alors, il faut avancer sur la question de la culture du viol qui est une réalité,
21:31il faut avancer par rapport aux jeunes gens sur l'accès à la pornographie qui est
21:35catastrophique et voilà, et je félicite les deux avocats et franchement c'est extraordinaire
21:42le travail qu'ils ont fait, voilà.
21:43Merci infiniment Isabelle pour votre témoignage, ce sera le mot de la fin justement pour l'un
21:49et l'autre, Béatrice Zavarro, qu'est-ce que ça vous inspire ce témoignage d'Isabelle ?
21:53D'abord je la remercie énormément et puis ce que ça m'inspire c'est que nous ne
21:57sommes pas passés à côté de notre mission et que nous avons aujourd'hui la sensation
22:02du travail accompli, voilà, je pense que c'est important de souligner.
22:06Stéphane Babonnet ?
22:07Je pense que, comme l'a dit cette dame, ce combat n'est pas récent, il existe depuis
22:12très longtemps et c'est vrai que ce qui a été frappant c'est de voir les parallèles
22:16entre le procès de 1978 d'Aix-en-Provence où déjà se posait beaucoup de choses et
22:21de choses qu'on a entendues, réentendues en 2024 lors de ce procès, ce qui montre
22:24que finalement en 46 ans la société n'avait pas tellement que ça à évoluer et aujourd'hui
22:29il faut se tourner vers l'avenir et ce qu'a voulu Gisèle Pellicot c'est susciter le
22:33débat, éveiller les consciences et maintenant elle l'a dit, c'est à chacun de se saisir
22:37des enseignements de ce procès.
22:38Béatrice Zavarro, merci Jean-Philippe Deneux également d'avoir été avec nous, merci
22:44infiniment Stéphane Babonnet d'avoir été nos invités dans ce grand entretien ce matin.
22:48A suivre la revue de presse.

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