Gisèle Pelicot était auditionnée par la cour criminelle départementale du Vaucluse ce mercredi 23 octobre. Il s'agit de la deuxième prise de parole de la septuagénaire depuis l'ouverture du procès en septembre dernier. Son avocat, maître Stéphane Babonneau, était l'invité du Live sur BFMTV.
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00:00Maître Stéphane Babonneau, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes l'avocat de Gisèle Pellicot, merci de prendre quelques minutes.
00:06Bonjour.
00:07On pense évidemment à Gisèle Pellicot, on a suivi hier tout ce qu'elle a dit, et elle a cette phrase
00:12« Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça, à bientôt 72 ans, je ne sais pas si ma vie me suffira pour me relever ».
00:21Elle est troublante cette phrase, parce qu'on voit le courage et la dignité dont elle fait preuve au quotidien, et hier elle a montré aussi toute sa fragilité.
00:31Oui, c'est vraiment le sens du message de Gisèle Pellicot, elle ne cherche pas à ce qu'on l'admire, elle ne cherche pas à ce qu'on pense qu'elle est exceptionnelle,
00:37parce que ça serait aussi d'une certaine manière faire insulte à toutes les victimes qui traversent les mêmes épreuves, en disant qu'il n'y a qu'une seule manière de se comporter.
00:46En réalité, ce qu'elle cherche à montrer, c'est qu'on est évidemment profondément détruit quand on subit pour une femme un viol, et pour un homme aussi,
00:55même si numériquement, évidemment, ce phénomène est moins répandu, mais il existe également.
01:00Et quand on est victime de faits de nature sexuelle, on peut être effectivement détruit, mais c'est aussi un message d'espoir, ce qu'elle a souhaité donner,
01:08en montrant qu'on peut faire face si on trouve les ressources autour de soi, parce qu'elle le dit aussi, elle a bénéficié d'énormément d'aides,
01:16elle bénéficie aussi d'un soutien aujourd'hui qui est exceptionnel, je pense que ça n'est jamais arrivé, mais elle a en permanence,
01:22elle nous le dit fréquemment, une pensée pour toutes les victimes qui, à l'heure à laquelle nous parlons, dans les cours d'assises, les cours criminels de France,
01:28font face à la même épreuve, sans nécessairement avoir des gens qui viennent les applaudir à la sortie, mais qu'elles sachent que Gisèle Pellicot pense à elle,
01:35parce qu'elle traverse les mêmes épreuves.
01:37L'avocate de Dominique Pellicot a regretté qu'il ne puisse pas répondre hier à Gisèle Pellicot, espérant qu'il puisse peut-être livrer plus de réponses.
01:45Est-ce que vous auriez aimé qu'il parle ? Est-ce que vous pensez qu'à mi-parcours, il peut enfin essayer de livrer des réponses ?
01:52Écoutez, c'est la décision de la cour criminelle de ne pas instaurer à ce stade un dialogue, parce que c'est un procès, avant tout,
02:01ça n'est pas un forum de discussion entre Gisèle Pellicot et Dominique Pellicot, et je pense que le Président a estimé hier qu'il n'était pas opportun
02:10qu'il s'instaure ce dialogue, parce que ça n'était pas le moment, et que M. Pellicot avait eu l'opportunité de s'exprimer vendredi dernier.
02:17Lorsqu'il s'est exprimé, Mme Pellicot n'a pas demandé à lui répondre, et elle a attendu son tour de parole.
02:23Et c'est ça la difficulté d'une audience de cour criminelle, c'est que chacun doit parler au moment où la cour le décide.
02:28Gisèle Pellicot a attendu huit semaines pendant lesquelles elle a dû encaisser des explications qui étaient pour le moins baroques,
02:35des choses contradictoires, parfois insultantes pour elle, et à aucun moment elle n'a dit « il faut que je réponde immédiatement ».
02:41Donc c'est le sens d'une audience de cour criminelle, que chacun parle au moment où la cour le décide.
02:48Puisque vous évoquez les témoignages et les auditions des autres accusés, des autres co-accusés, il y a eu un expert psychiatre notamment
02:55qui a pris la parole ces dernières heures, François Halmic, qui a expertisé quelques-uns de ces co-accusés,
03:01qui a expliqué qu'ils étaient sous l'emprise de Dominique Pellicot, qu'en fait ils avaient été manipulés,
03:07qu'en fait Dominique Pellicot savait choisir des dupes, qu'en fait il savait utiliser des gens pour les utiliser,
03:12que finalement ces co-accusés n'étaient pas vraiment responsables. Ça vous choque cette analyse ?
03:19Écoutez, ce que Gisèle Pellicot a souhaité en permettant que ce procès se tienne de manière publique et qu'il n'y ait pas d'ouïe-clos,
03:26c'est que chacun puisse faire sa propre opinion sur les arguments qui sont les arguments habituellement utilisés pour se défendre,
03:33pour essayer de se justifier pour des faits de viol. Là, on en a un qui est effectivement mis en avant par beaucoup d'accusés,
03:39c'est le viol accidentel. J'ai commis un viol, mais je ne me suis pas rendu compte que je commettais un viol.
03:45Chacun pourra se faire un avis sur cette position. Évidemment, pour Gisèle Pellicot, c'est absolument inaudible.
03:50Pour sa défense, que je représente avec mon confrère Antoine Camus, c'est absolument inaudible.
03:55Et je pense qu'on voit aujourd'hui que pour la société, c'est entièrement inaudible.
03:59Mais c'est le sens d'un débat judiciaire et ça sera à la cour de trancher.
04:02Il y a ce que disent les accusés. Là, c'était une expertise de quelqu'un d'extérieur, à priori, qui n'est pas partie prenante.
04:11Oui, mais c'est pour ça que je vous dis qu'effectivement, c'est une position.
04:17Il y a beaucoup de positions qu'on entend dans ce procès qui ne sont pas nouvelles.
04:21Et moi, je ne fais aucun procès d'intention à un expert en particulier.
04:24Je dis simplement que dans le cadre de ce procès, c'est vraiment à la racine de la volonté de Gisèle Pellicot d'ouvrir ce procès qui, pour elle, est une souffrance.
04:33C'est une souffrance qui est inimaginable de devoir faire face à ces individus que, pour la majeure partie, la quasi-totalité, d'ailleurs, à l'exception de son mari, elle n'avait jamais vu de sa vie.
04:43De voir ces vidéos, d'entendre ces arguments des heures durant dans cette salle d'audience sans, comme on l'a dit, pouvoir répondre à chaque fois.
04:50Elle voulait qu'à travers cela, chacun puisse entendre ses arguments et se faire un avis, y compris un expert, y compris un témoin.
04:57Vous savez, il y a beaucoup de témoins qui sont venus pour dire « moi, je connais cet homme, tel ou tel accusé », alors que nous avons des vidéos qui les représentent en train de commettre un viol,
05:05pour dire « c'est impossible qu'il ait commis un viol parce que c'est un bon ami, un bon père, un bon collègue ».
05:10Et ça aussi, c'est quelque chose que Gisèle Pellicot a souhaité voir déconstruit dans le cadre de ce procès.
05:16Il n'existe pas une forme de viol, il n'existe pas un type de violeur, et dès qu'on s'écarte de la norme, on n'est plus dans le cadre de viol.
05:24Elle a souhaité montrer que le viol peut être partout.
05:27Oui, Gisèle Pellicot qui disait hier « il n'y a pas viol et viol, ces hommes ont violé, ces hommes violent ».
05:33Vous vous rappelez toute la souffrance qu'endure Gisèle Pellicot durant ce procès, évidemment, toute la difficulté. Est-ce qu'elle vous impressionne, Gisèle Pellicot ?
05:41Elle nous impressionne par sa volonté, mais encore une fois, elle a effectivement cette souffrance,
05:48mais qui est une souffrance partagée par toutes les victimes qui ont à faire face à ce type de procès, qui sont des procès nécessaires, il faut le dire.
05:57Personne ne dit que c'est une souffrance gratuite.
05:59Il y a des peines de prison très lourdes qui sont encourues, on a des peines de 20 années de réclusion criminelle qui sont encourues.
06:05Il est normal que les gens puissent se défendre, d'ailleurs ça ne pourrait être autrement.
06:09Donc c'est une souffrance qui est nécessaire, mais qui doit être aussi prise en compte.
06:12Et je pense que dans le cadre de ce procès, il y a un certain nombre de souffrances qui ont été des souffrances qui étaient inutiles, superflues,
06:19qui ont été imposées à Gisèle Pellicot.
06:21Et il faut aussi le savoir, parce qu'il faut peut-être repenser la manière dont ces procès se tiennent, la manière dont les victimes peuvent être traitées.
06:30Je pense qu'on peut faire valoir tous les arguments nécessaires à une défense dans une cour d'assises, sans nécessairement imposer à la victime ou à la partie civile,
06:38même lorsqu'on conteste les faits, une souffrance qui est inutile.
06:41– Merci beaucoup Maître, merci d'avoir pris ces minutes pour être avec nous ce matin en direct dans le live BFM.