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Le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin s'est dit favorable à un isolement renforcé en détention «des 100 plus grands narcotrafiquants» et à la construction de nouvelles prisons pour l'exécution des peines de «quelques mois, semaines, voire jours», dans un entretien publié samedi soir sur le site du Parisien. Mais pour Béatrice Brugère, magistrate, «si on veut vraiment régler le problème, il va falloir changer le système».

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Transcription
00:00Je dis les choses parce que moi j'aime bien les annonces, mais c'est bien de les remettre en perspective.
00:04Aujourd'hui c'est quoi la situation ? La situation c'est qu'en fait ce que notre ministre annonce, à savoir nettoyer,
00:12correspond à près de 80 000 saisies de téléphones en détention.
00:18Donc c'est phénomène là, c'est-à-dire que tout le monde a un téléphone.
00:20Mais tout le monde a un téléphone, c'est pas que pour les narcotrafiques, vous êtes dans une procédure.
00:25Vous allez, j'ai eu encore cet écho très récemment, vous êtes dans une procédure, vous allez passer à l'audience,
00:33vous menacez la victime parce qu'elle a déposé plainte contre elle de représailles, etc.
00:38Donc en fait ça met en danger pas que les narcotrafiques, ça met en danger tout le monde, les victimes, les procédures, etc.
00:44Donc c'est un fléau sur lequel, je pense, on a baissé les bras.
00:50Ce qui est bien, c'est que Gérald Darmanin, notre ministre, dit on ne va pas baisser les bras.
00:55Maintenant, la question, c'est quelles sont les bonnes solutions, une fois qu'on a dit ça ?
00:58C'est-à-dire qu'est-ce qu'on a les bonnes solutions ?
01:00Par exemple, les brouilleurs ne servent à rien, il faut le dire, ça ne sert à rien les brouilleurs.
01:04Aujourd'hui, les téléphones portables fonctionnent sans les brouilleurs.
01:08Ce qui fonctionne, c'est ce qu'on n'a pas choisi, ce sont les détecteurs.
01:12Donc les détecteurs, c'est ce qui permet de faire justement ce qu'on pourrait appeler des fouilles placenets,
01:17c'est-à-dire arriver, saisir les téléphones.
01:20Faut-il encore que l'on fasse ça ?
01:23Qu'il y ait des sanctions ?
01:25Par exemple, la pénitentiaire demande des sanctions avec des amendes administratives.
01:30Donc il faut faire des sanctions, parce qu'en fait, aujourd'hui, il y en a tellement que ce n'est même plus sanctionné.
01:34Donc en fait, on s'en fait prendre un, mais on s'en fait recommander un immédiatement.
01:38Donc vous voyez, c'est un peu...
01:39Donc en fait, il faut repenser toute la sécurité en détention.
01:43Quant à la question de l'isolement, c'est aussi une fausse solution, en vrai.
01:49Parce que l'isolement, il faut savoir que quand même, depuis les années 2000,
01:54toute l'application des peines est devenue juridictionalisée.
01:58Ça veut dire quoi ?
01:59Ça veut dire que tout est susceptible d'appels et de recours en permanence.
02:03Donc si vous mettez, par exemple, à l'isolement, d'abord, c'est un temps très limité.
02:09C'est en fait un encellulement individuel.
02:11En vrai, c'est ce qui avait été voté en 1875, je rappelle, la Troisième République, pour ceux qui aiment l'histoire.
02:18Donc c'est quand même très loin.
02:19On n'est pas au niveau.
02:20C'est-à-dire qu'en fait, on n'a pas assez de places de prison et l'isolement, en fait, ne permettra pas de toute façon de régler le problème.
02:28Puisqu'en fait, tout le temps, on peut faire recours de cet isolement.
02:32On peut faire appel devant un juge d'instruction.
02:35On peut faire appel devant la Chambre d'instruction.
02:37On peut faire appel devant le tribunal administratif, etc.
02:41Regardez, pour ceux que ça intéresse, tous les recours qu'a fait Abdel Salem, vous vous souvenez, sur V13.
02:47C'est monter jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme pour être mis à l'isolement.
02:52Donc, en fait, la vraie, à mon avis, la vraie solution, ce n'est pas ces demi-solutions qui peuvent avoir un intérêt dans un temps très, très court.
03:02C'est de faire ce que font depuis très longtemps les Italiens ou les Espagnols et d'autres, c'est-à-dire construire des établissements de haute sécurité
03:10dédiés aux profils, à ces profils.
03:14Parce que sinon, on va rentrer dans une technique de recours de droit, etc.
03:18Donc, il faut penser autrement la sécurité pour des gens dangereux, y compris les terroristes.
03:23On l'avait déjà dit aussi pour les terroristes, c'est-à-dire des quartiers de haute sécurité, des établissements de haute sécurité
03:29sur lesquels on ne puisse pas faire en permanence des recours qui ne permettent pas d'avoir une solution pérenne.
03:37Pourquoi les Italiens l'ont fait ? Ils l'ont fait parce qu'ils ont eu un magistrat qui a été assassiné, qui était le juge Falcone.
03:43Et quand le juge Falcone a été assassiné, ils ont eu une espèce de prise de conscience.
03:47Nous, on aurait pu avoir cette prise de conscience.
03:49Je rappelle qu'il n'y a pas longtemps, on a eu une affaire épouvantable que vous avez largement commenté sur ces plateaux,
03:55qui est l'affaire AMRA. L'affaire AMRA aurait dû être ce traumatisme.
04:01J'allais dire, il l'a été d'ailleurs pour la pénitentiaire.
04:04Ils sont encore traumatisés, mais aurait dû être ce traumatisme de dire attendez, là, on est au pays des bisounours.
04:09Là, ce n'est plus possible.
04:11Il faut arrêter avec ce logiciel qui est celui d'une forme de naïveté et de mettre des solutions qui sont des sparadraps sur des jambes de bois.
04:19Aujourd'hui, si on veut vraiment, et je pense qu'il en a la volonté, si on veut vraiment régler le problème, il va falloir aussi changer le système.

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