Bienvenue dans le troisième épisode du podcast intitulé "Mon Père, ce macro" en 5 épisodes en collaboration avec Cyriel Mercier. Le podcast "Mon père ce macro" est né suite à une interview que nous avons faite avec Cyriel.
Découvrez les épisodes en intégralité sur les plateformes de podcast : linktr.ee/temoignage
Dans cet épisode, Cyriel nous partage une partie de son histoire, celle d’un parcours façonné par le métier de mon père et ses répercussions sur sa propre perception de la sexualité et de la normalité. Vous allez découvrir comment elle a navigué entre les attentes des autres et ses propres questionnements, les barrières qu'elle a dû poser pour se protéger et, surtout, les obstacles qu'elle a fini par franchir. C’est une plongée intime dans ses souvenirs et ses réflexions, là où se mêlent le doute, la recherche de soi et la résilience.
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Dans cet épisode, Cyriel nous partage une partie de son histoire, celle d’un parcours façonné par le métier de mon père et ses répercussions sur sa propre perception de la sexualité et de la normalité. Vous allez découvrir comment elle a navigué entre les attentes des autres et ses propres questionnements, les barrières qu'elle a dû poser pour se protéger et, surtout, les obstacles qu'elle a fini par franchir. C’est une plongée intime dans ses souvenirs et ses réflexions, là où se mêlent le doute, la recherche de soi et la résilience.
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00:00Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ce que le business de ton père a eu comme conséquence dans ton développement et dans la compréhension de la sexualité ?
00:08Je ne savais pas ce qui se faisait et ce qui ne se faisait pas.
00:12Ça c'était quelque chose dont j'étais complètement perdue.
00:20J'avais à la fois des codes extrêmes d'un côté et d'autres codes de mes copines de l'autre.
00:30Et du coup j'étais paumée quoi ! Avec qui ? Quoi ? Comment ?
00:39En plus de ça comme j'habitais une petite ville en Belgique, tout le monde savait donc je me disais, je réfléchissais beaucoup.
00:47Et peut-être qu'avec le recul, je me dis mais Cyril peut-être que c'est toi qui te faisais des films.
00:53Mais à l'époque en tout cas, ça me perturbait énormément et je me disais mais peut-être qu'on va me manquer de respect parce que mon père a ça et du coup je n'avais pas de...
01:11Oui il y avait plein de choses où je ne savais pas si c'était possible ou pas.
01:16Et là on en vient à une question, qu'est-ce que la normalité ?
01:20Est-ce qu'il y en a une ? Parce que la normalité de certaines personnes n'est pas la normalité d'autres en fait.
01:31Et moi je ne trouvais pas ma normalité.
01:37Et parce que ce que j'entendais, en fait pour moi dans ma tête c'était ce qui se passe dans le bordel ne peut pas se passer dans la vie.
01:44Ce n'est pas possible.
01:45Parce que pour moi c'était des hommes qui venaient uniquement à souligner un fantasme qu'ils ne pouvaient pas réaliser chez eux.
01:53Sauf que pas forcément.
01:56Parfois on a juste un homme, je vous donne un exemple parmi tant d'autres, c'est pas du tout ça mais on a un homme qui a une soif énorme de sexe et qui n'est jamais contenté.
02:10Mais les positions et les actes sexuels restent les mêmes.
02:17Ce n'est pas pour autant, parce que souvent on a tendance à se dire qu'il se passe tout et n'importe quoi dans une maison close,
02:22mais parfois c'est juste un missionnaire.
02:28Et ça moi, je me disais mais attends donc si on fait ça dans un bordel, est-ce que ça se fait dans la vraie vie ?
02:35Je ne savais pas.
02:36Et les gens qui m'ont éduquée sexuellement, ce ne sont pas mes hommes, mais ce sont mes copines.
02:46Parce qu'elles se confiaient à moi tout le temps.
02:50Et du coup je me disais ah ouais tu fais ça toi, ah ouais ça se fait.
02:56Et de fait je me suis dit, ah d'accord donc en fait c'est possible.
03:03Parce qu'évidemment je n'allais pas parler de ça à mon père.
03:06Je n'allais pas dire papa, est-ce que telle position se fait ou pas ?
03:11Est-ce que telle chose se fait ?
03:12Et en fait tout se fait dans le sexe, tout dépend avec le consentement.
03:16En fait c'est ça, tout est une question de consentement.
03:19Et c'est pour ça que la normalité, elle n'existe pas.
03:23Et donc c'est mes copines qui m'ont vraiment formée.
03:27Alors que c'est marrant parce que mes copines ne savaient pas que mon père avait des maisons.
03:34Et encore aujourd'hui, maintenant je l'assume et donc elles le savent,
03:39mais encore aujourd'hui j'ai beaucoup de gens qui se confient à moi sur leur sexualité.
03:45J'adorais être sexologue d'ailleurs.
03:47Et je ne sais pas pourquoi, elles avaient envie de se confier à moi par rapport à ça,
03:54vraiment spécifiquement quoi.
03:57Et j'ai appris grâce à elles et puis après ça s'est fait sûrement, lentement mais sûrement.
04:06Qu'est-ce qui te freine à avoir cette première relation ?
04:09Est-ce que c'est parce que tu veux trouver le bon ? Qu'est-ce qui se passe ?
04:12Il y avait plusieurs choses.
04:13C'est que j'avais peur, encore une fois, on était dans une petite ville en Belgique et tout ça,
04:19tout le monde savait, mais comme moi j'allais se croire que je ne savais pas,
04:22les gens ne me confrontaient pas.
04:25Et s'ils me confrontaient, je disais mais de quoi tu parles ?
04:30Et du coup, et si je savais que ces personnes-là savaient, j'avais mes armes.
04:35Mais j'avais toujours peur de ne pas être acceptée, j'avais peur du rejet en fait.
04:44J'avais déjà peur qu'on me manque de respect et je me disais mais si en plus je ne sais pas comment faire,
04:49et si en plus on me manque de respect, en fait je me protégeais énormément.
04:55Je me protégeais énormément.
04:57Et j'avais pas envie, mais c'est peut-être très naïf de ma part,
05:02mais j'avais pas envie qu'on se dise ah ben, elle on va la tester,
05:07et puis après, une fois qu'on aura eu ce qu'on voulait, on va la larguer parce que...
05:13Et donc je mettais toujours un mur et si on me draguait vraiment de manière mentale,
05:28je me carapatais illico presto.
05:32Et après j'ai eu mon premier copain à 21 ans.
05:38C'était très bien parce qu'il habitait au sud de la France, il connaissait pas mon père, il savait pas d'où je venais.
05:43Et là j'ai été confrontée à quelque chose d'autre auquel je n'avais jamais pensé.
05:51C'était un homme beaucoup plus âgé que moi, il avait 13 ans de plus que moi,
05:54donc en termes de maturité je pense que ça devait le faire.
05:58Et en fait, je lui ai dit ce que mon père faisait.
06:04Et en fait il le détestait.
06:07Et là je me suis dit, c'était vraiment ma première relation sérieuse,
06:10et là je me suis dit, ouais mais mon père ok il fait ça,
06:15mais vous savez, c'est un peu comme, ouais mais moi je peux le critiquer mais les autres peuvent pas le critiquer.
06:23Et j'étais consciente que ouais c'était un seul caractère, mais il avait ses défauts et ses qualités.
06:31Mais le fait que lui ne questionne absolument pas sa profession et son activité,
06:37même si je le comprends, moi ça me plaisait pas.
06:41Et du coup je me voyais pas avec lui à long terme pour une de ces réunions là,
06:50parce que je me disais, mais vous les deux là, vous les présentez ça va faire un feu d'artifice,
06:56mais ouais ça restait mon père.
06:58Et parce que, ce n'est pas parce que vous ne cautionnez pas l'activité de quelqu'un que vous ne pouvez pas l'aimer.
07:06Et moi, je considère que mon père ne m'a pas maltraité, j'entends une maltraitance physique,
07:13alors peut-être que des gens diront oui mais il y a eu une maltraitance morale.
07:18Alors oui et non, parce que c'est ce qu'on disait dans l'épisode précédent,
07:24peut-être que pour certaines personnes c'est une maltraitance morale, mais qu'est-ce qui est mieux ?
07:29C'est-à-dire qu'on était quelque part, lui comme moi, nous étions pris de cariboncilla.
07:35Je le dis pas, c'est problématique parce qu'elle risque de la prendre par quelqu'un d'autre et on risque de se disputer.
07:42Je lui dis, ok, en fait dans les deux cas j'allais souffrir.
07:46Dans les deux cas, ça allait être problématique pour une jeune fille qui découvre la sexualité.
07:49Et je dirais même plus, ça serait problématique également pour un mec.
07:55S'il avait eu un garçon, je pense que le problème aurait été différent, mais le résultat aurait été le même.
08:04Parce qu'alors quoi ? Ça veut dire que s'il avait eu un garçon, c'est le fils du tueur d'anciens du bordel ?
08:13Ça veut dire qu'il manque de respect aux femmes ? Pas forcément. C'est le fils d'eux.
08:20Donc le fils peut croire ça, mais la fille peut croire qu'on va la traiter comme une prostituée.
08:28Et les filles peuvent croire qu'on va traiter les filles comme des prostituées.
08:33C'est un peu le serpent qui se prend la queue.
08:36Et donc tout ça pour dire que c'est vrai que j'avais aussi peur d'avoir des relations comme ça parce que j'avais peur du regard des autres.
08:47Et aussi je me disais, si ça devient sérieux, il va falloir que je le présente à mon père.
08:51Mais alors du coup, c'est pas dit qu'ils aiment le personnage, parce qu'au-delà du fait qu'on perd une activité, il fallait aimer le personnage.
08:59C'était un personnage. Et à 18 ans, je suis sortie avec quelqu'un qui m'a larguée d'ailleurs.
09:04Parce que je ne l'avais jamais fait d'ailleurs, parce que j'étais vierge.
09:09Et lui, il m'a fendu le cœur quand même.
09:12Et il avait une vie que j'adorais parce qu'il avait eu tout ce que j'avais rêvé, tout ce que je n'avais jamais eu.
09:25A savoir, il avait un frère, une soeur, des parents ensemble.
09:30Son père était je ne sais plus quoi et sa mère était prof.
09:34Il avait une maison, il manquait le chien.
09:38Il manquait le golden retriever au tableau.
09:43Il était beau, il était sportif, il parlait je ne sais pas combien de langues, il réussissait tout alors qu'il n'étudiait pas.
09:50Le mec est énervant au final.
09:54Et donc j'étais folle de lui.
09:58Et un jour il m'a dit, il me prend la main.
10:02Et en fait, là j'avais commencé à très bien mentir parce que comme il venait de ma ville, il connaissait mon nom de famille.
10:12Et mon nom de famille était connu dans les environs pour les voitures.
10:16Donc il pensait que mon père avait un garage aux voitures.
10:18Il n'avait pas trop identifié lequel des cousins c'était, mais j'avais noyé le poisson comme ça.
10:24Et un jour il m'envoie un texto, il était moniteur de tennis aussi, à 16 heures perdue.
10:30Et il était parti faire une colo, il était parti à Euro Disney.
10:34Et moi je revenais d'un bordel, je n'arrivais pas à dormir.
10:40Et là il m'envoie un message du genre, je suis allée à Euro Disney, il y avait toutes les princesses sauf la mienne.
10:50Et ça, je me souviens que c'est un épisode qui m'a vachement marquée, qui m'a fait pleurer parce que je me disais,
10:56punaise, on est tellement dans un autre monde.
11:01Moi je revenais d'un bordel où j'avais vu des filles qui mangeaient leurs plats de pâtes, qui allaient servir une pipe et qui revenaient finir leurs plats de pâtes.
11:09L'histoire du pain charmant, elle revient là.
11:11Bah ouais, non, en fait.
11:13Et là je sentais un décalage.
11:17Et un jour, du coup, il m'a pris la main et il m'a dit, alors qu'à l'époque, je ne savais pas ce que mon père faisait.
11:25Je n'avais pas eu tout ce que j'avais vécu, j'avais 18 ans à peine.
11:30Et il m'avait dit, j'espère que tu auras plus de chance après dans ta vie.
11:35Et en fait, moi je n'ai jamais dit que je n'avais pas de chance.
11:39Et d'ailleurs, je ne crois pas trop en la chance, je pense qu'on la crée.
11:42Mais c'est surtout que c'est comme ça.
11:46On ne vous demande pas votre avis.
11:49On ne vous demande pas votre avis si vous avez envie de faire ça ou pas.
11:53Vous êtes parfois les acteurs de la vie de quelqu'un.
11:57Et c'est ce qui s'est passé avec mon père, j'étais actrice de sa vie.
12:01Enfin, j'avais un second rôle, lui était le rôle principal de sa vie.
12:06Mais en aucun cas, je n'ai demandé d'être dans ce truc là.
12:10Mais si c'est arrivé dans ma vie, c'est que je suis capable de le vivre en fait.
12:17Mais en aucun cas, c'est de la malchance.
12:20Je ne prends pas ça comme de la malchance.
12:22Quand il m'a dit ça, eh bien c'est bizarre, non ?
12:26Ça s'est fini peu de temps après, parce que je me suis dit, ça ne pourra pas continuer.
12:30Est-ce que tu aurais voulu fracasser cette barrière-là avec lui ?
12:36Quelque part oui, et quelque part non.
12:39Parce que je pense qu'il ne l'aurait jamais encaissé.
12:41C'est-à-dire que vous avez un truc complètement rongé de A à Z, tic-tac, toup-tac.
12:48On fait ça, on fait des études, on finit.
12:52Mais il va reproduire ce schéma-là et c'est très bien.
12:55Il n'y a aucun problème.
12:57Mais moi, déjà, en lui racontant un quart de ma vie,
13:02il me souhaitait déjà bonne chance.
13:05Alors on était quand même un peu mal barrés.
13:08On était mal barrés et je pense qu'il n'était pas prêt à ce choc thermique.
13:14C'est un complexe, quelque part, pour toi, de répondre à les trois autres cas.
13:18Quand il te souhaite bonne chance, est-ce que tu sens une forme de mépris ?
13:22Pas de mépris, mais de...
13:24De pitié, peut-être ?
13:25Ouais, un peu.
13:27C'est, oh la pauvre, je déteste qu'on dit ça, oh la pauvre.
13:30Un jour, j'ai un mec qui m'a dit, avec tout ce que tu as vécu,
13:34moi, je pense que je n'aurais pas pu le surmonter.
13:39Et là, je lui ai répondu, on ne demande pas notre avis.
13:42Et tu n'as pas le choix.
13:43On va arriver justement à ce moment où tu rentres au conservatoire.
13:48Ouais.
13:48Tu as des textes et justement, tu as cette peur de jouer des scènes intimes.
13:53Ah ouais.
13:54Est-ce que tu peux m'en parler ?
13:55Moi, toute petite, à 7 ans, quand on me disait,
13:58plus tard, tu feras quoi ?
14:00Plus tard, je serai actrice, j'habiterai Paris,
14:03j'aurai un Saint-Bernard et je roulerai en Porsche.
14:07Tu me disais presque.
14:09J'ai un Dalmatien, j'ai pas de voiture.
14:12Et j'habite pas.
14:13Et du coup, comme je me suis vachement mis dans ça,
14:19mes parents m'ont mis au théâtre, m'ont mis à la danse classique,
14:24bah apparemment, ça se passait plutôt bien.
14:26Donc, on m'a préparée au conservatoire.
14:28Et là, je me rends compte que je ne suis plus du tout en confiance
14:31parce que les profs que j'avais eus avant,
14:35ils me suivaient depuis que j'étais toute petite
14:37et il y en avait un qui me suivait
14:39et qui m'avait préparée au conservatoire et tout ça,
14:43qui savait...
14:44Ah bah ça, lui, c'était la seule personne qui savait ce que mon père faisait.
14:48Parce qu'il voyait que j'allais pas bien.
14:52Et c'est le seul avec qui il me disait,
14:54« Mais pleure, Cyriel ! »
14:55Il m'appelait Cyrielita.
14:57« Pleure, Cyrielita, pleure ! »
14:58Et du coup, je pleurais.
15:00Et il m'avait dit,
15:03« Mais tu sais, un jour, il y aura des gens intelligents
15:07et ils feront la différence. »
15:09C'est une phrase que je comprenais,
15:11mais que je n'arrivais pas à comprendre.
15:15Enfin, à mettre en tout cas en application.
15:18Et je disais, « Ouais, mais bon, comme tout le monde est con,
15:21on est mal barré. »
15:22Il me disait, « Non, faut que tu y crois, faut que tu y crois, faut que tu y crois. »
15:25Et il avait raison, d'ailleurs.
15:27Et je pense que le tout de ça, c'est de s'en foutre.
15:31En fait, au plus tu t'en fous, au plus ça glisse sur toi.
15:35Mais à cette époque-là, ce n'était pas facile.
15:37Et donc, je rentre au conservatoire et tout ça.
15:39Et là, je me retrouve dans un milieu un peu où je suis en danger.
15:44Parce que je n'avais plus mon confort,
15:45je n'avais plus les profs que je connaissais.
15:47Les élèves, je ne les connaissais pas.
15:50On était au mois de septembre.
15:52Et là, je lis les scènes.
15:55Donc, j'ai fait une sélection.
15:57« Ah non, mais là, on embrasse machin.
15:59Là, je dois me déshabiller.
16:00Là, ce n'est pas possible. »
16:02Et on est amenés à étudier Brecht.
16:06Et il y a une scène qui s'appelait « Têtes rondes et têtes pointues ».
16:09Donc, il y a une petite nana qui avait lu cette scène,
16:15« Têtes rondes et têtes pointues »,
16:16et qui vient nous voir.
16:18On était trois copines.
16:20Et elle dit, « Toi, Cyrielle, tu vas faire la bonne sœur.
16:23Et toi, tu vas faire la remarqueraide. »
16:26Donc, on lit la scène.
16:27Et en fait, c'était trop marrant, parce que c'est ma vie.
16:32Ça se passe pendant la guerre 39-45.
16:35Et il y a la bonne sœur.
16:40La bonne sœur a un frère.
16:41Et le frère est résistant.
16:44Et il est prisonnier par les Allemands.
16:47Et du coup, la bonne sœur va voir l'ASS.
16:52Le mec de l'ASS en disant,
16:54« S'il vous plaît, libérez mon frère, patati, patata. »
16:56Et le mec de l'ASS lui dit, « Oui, mais ça a un prix. »
17:03Une bonne sœur, évidemment.
17:05On est d'accord, elle n'a jamais vu le loup.
17:10Du coup, elle se dit, « Je vais aller à la source. »
17:14Et elle va dans un bordel.
17:15Et là, les prostituées, « Oh mon Dieu, une bonne sœur ! »
17:19Et tout ça.
17:20Donc, elles disent comment il faut faire.
17:21Donc, il y a tout un changement.
17:24Et je fais cette scène une fois, deux fois, trois fois, quatre fois.
17:30Et là, la prof me prend.
17:32On ne s'appréciait pas trop.
17:34Bon.
17:35Et elle me dit, « Cyrielle, ça ne va pas du tout. »
17:42On ne se comporte pas comme ça quand on n'est jamais allé dans un bordel.
17:48Et là, comment dire ?
17:53J'y allais toutes les semaines, au bordel.
17:55Donc, je savais mieux qu'elle comment jouer cette scène, en fait.
18:03Et là, effectivement, elle m'insolente.
18:08Et me rattrape.
18:10Parce que je ne peux pas lui dire, « Bah si, en fait.
18:14Bah si.
18:15Viens, on va y aller, on va aller voir.
18:17Je vais t'expliquer un peu comment ça se passe.
18:21Et du coup, c'est dommage parce qu'au final, j'aurais pu, un, la remettre à sa place.
18:26Et deux, lui expliquer comment ça se passait vraiment dans un bordel.
18:31Et c'est moi, au final, qui aurais pu aider à la mise en scène.
18:36Parce que je faisais ce que je faisais au bordel.
18:41C'est-à-dire en muette.
18:45Je ne faisais pas la gêner quand j'allais au bordel.
18:52J'étais plutôt normale.
18:53Vous ne montrez pas une gêne.
18:58Justement, parfois, vous allez contrer cette gêne en étant plutôt très, très avenant.
19:04Et moi, c'est ce que je faisais.
19:05Je ne leur parlais pas beaucoup, mais je disais, « Ah, bonjour ! ».
19:09Je faisais, à mon appel, les banalités.
19:13« Ah, tu m'aimes bien ? Ça te l'avait la dernière fois ? »
19:17Voilà, j'étais polie.
19:19Et du coup, il y a eu cette scène qui était très, très marrante.
19:24Avec le recul, ça me fait beaucoup rire.
19:27Et après, il y a eu aussi, au conservatoire, c'était pas facile.
19:31Là, je me suis rendu compte que je ne me laissais pas faire.
19:34Et là, j'ai remercié ma mère.
19:37Mais j'ai aussi remercié, maintenant, avec le recul, je n'avais pas pris conscience de ça,
19:42j'ai remercié les filles parce que j'ai appris une chose, c'était à dire non.
19:47Et ma mère m'avait toujours enseigné le non.
19:49« Si t'as pas envie, c'est simple, en fait, c'est non. »
19:53Elle me l'a enseigné très, très tôt.
19:56Et donc, au conservatoire, il y avait un prof qui aimait bien les jeunes filles.
20:03Et il arrivait toujours à les mettre mal à l'aise.
20:09Genre, moi, je m'habillais toujours très classique, machin.
20:15Et j'avais souvent des petits polos.
20:17Et il regardait sur ma poitrine et il demandait la marque de mon polo.
20:22Donc là, je lui disais, « Vous avez le même, en fait, mais vous mettez un polo aussi. »
20:25Et ça m'énervait parce que toutes les filles de ma classe s'amusaient à aller sur ses genoux.
20:32Et moi, pour être bien vue.
20:36Moi, c'est quelque chose qui me mettait hors de moi, ça.
20:39J'aimerais attendre, mais non, quoi.
20:42Il avait l'âge de notre grand-père.
20:46Ça m'énervait.
20:47Et un jour, je fais une scène.
20:50C'était Andromaque, ses fils, je m'en souviens de toute ma vie.
20:52Et il chronométrait.
20:53Et moi, ça m'énervait qu'il chronomètre, mais bon.
20:57Et il commence à tousser, à tousser, à tousser.
20:59Et je lui dis, « Alors, monsieur, vous comptez combien de temps il vous reste à vivre ? »
21:04Et ça a choqué, évidemment, tout le monde.
21:06Mais je pense que c'était évidemment pas du tout approprié.
21:10Mais c'était ma façon à moi d'être rebelle et de condamner déjà tout ça.
21:18Et de trouver ces gestes déplacés, qu'il demandait à ses élèves de s'asseoir sur ses genoux.
21:25Bon, qu'elle y allait, c'était autre chose.
21:28Mais voilà, c'était toute une ambiance que je dénonçais déjà à l'époque.
21:36Est-ce que du coup, le fait qu'on te trouve séduisante ou sexy, c'était quelque chose qui te terrifiait ?
21:42Ah oui, complètement.
21:45Donc ce rapport-là, c'est-à-dire même avec le prof qui désirait entraîner toutes les élèves,
21:51le fait que ça puisse arriver à toi, c'était quelque chose qui ne devait pas arriver ?
21:55Ah ben, je leur mettais à sa place.
21:57Ah ben lui, il a été mis au parfum direct.
22:00Et d'ailleurs, il me détestait à la longue.
22:02Parce que quand j'ai passé le concours, il m'avait prise à part en me disant
22:07« J'ai beaucoup aimé ton concours, tu m'as beaucoup fait rire, etc. »
22:12Donc au début, il m'aimait beaucoup.
22:15Mais le fait qu'il me trouve séduisante et qu'il regarde ma poitrine et qu'il regarde mes jambes,
22:23alors que ça me rendait folle parce que je faisais tout pour éviter ça.
22:28Mais comme je vous disais, j'ai été prise à mon propre jeu, dans mon style en fait.
22:35Le fait de vouloir être cette espèce de petite nana « Annie aime les sucettes à l'Annie »,
22:43ben en fait, ça a un côté, pour certains hommes, séduisant.
22:47Est-ce que ça a eu une incidence forcément sur ton rêve de devenir actrice
22:51que tu n'aies toujours refusé des scènes où il y avait de la proximité, du baiser en passant par la tenue ?
22:58Vraiment, si tu peux développer sur cette partie-là, ça m'intéresserait.
23:03En fait, on devait choisir nos scènes, donc on nous donnait un auteur.
23:08Et on étudiait par auteur, en tout cas au conservatoire.
23:11Excuse-moi, je dis bon, on ne t'imposait pas de scène. Donc c'est toi qui es vraiment glottée dans l'idéologie.
23:16Est-ce que tu as eu une situation où on t'a imposé une scène ?
23:20Non.
23:20Non, d'accord.
23:22On ne m'a jamais imposé de scène.
23:24Mais du coup, je m'arrangeais pour faire des scènes de servante ou de comique, quoi.
23:34Je me cachais.
23:36En fait, ma plus grande force, ma carapace, c'était « tout va bien ».
23:41Donc je souriais tout le temps.
23:43On ne pouvait pas croire qu'en fait, je vivais ça.
23:52Parce que la scène de tête ronde et tête pointue, c'est très drôle.
23:56Parce que la prostituée se déguise en bonne sœur et la bonne sœur se déguise en prostituée.
24:02Le fond est tragique, mais la forme est super drôle.
24:07Visuellement, c'est super marrant.
24:10Après, quand je suis venue étudier à Paris et tout ça, j'ai eu un prof qui m'a donné
24:17des scènes beaucoup plus…
24:20Lui, ça vait.
24:22Lui, ça vait, je ne sais plus comment.
24:24Parce qu'il était très excentrique et que je lui avais dit « mon père, voilà ».
24:29Et du coup, il avait cerné chez moi.
24:32En fait, certaines personnes comprenaient que je n'étais pas si drôle que ça.
24:39Parce que souvent, au début, on a tendance à croire que je suis quelqu'un…
24:43Je pense que beaucoup de gens ont cru que j'étais très superficielle.
24:48En rigolant tout le temps, en parlant tout le temps à tout le monde.
24:52En fait, c'est très facile de parler.
24:55Très facile.
24:57Mais vous pouvez parler de tout et de rien.
24:59Mais de sujets très profonds, très longuement.
25:04On me dit « mais Cériel, tu parles beaucoup ».
25:07Ah oui, je parle beaucoup.
25:09Mais je ne parle pas forcément de…
25:14En fait, c'est ça, c'est que j'ai toujours fait croire que je parlais de ma vie.
25:18Parce que c'est facile de…
25:21C'est ça où je suis vraiment très bien rentrée dans ce mensonge.
25:25C'est que j'ai toujours parlé beaucoup,
25:29mais je ne disais pas les choses importantes.
25:30J'ai réussi quand même à tout le temps brouiller les pistes par rapport à ça.
25:36Est-ce que ce mal-être déjà, cet inconfort que tu avais,
25:42tu as pu en parler à ton père un moment ou un autre ?
25:45Est-ce que tu as pu avoir une conversation franche avec lui en lui disant
25:48« écoute, mais tu sais, à cause de ça, je ne sais pas faire ça, je ne sais pas jouer ça ».
25:53Ah oui, on s'est pris plein de fois la tête.
25:55Mais plein, plein de fois.
25:57Mais il ne comprenait pas.
25:59« Qu'est-ce que tu t'en fous, moi ? »
26:01Oui, ça c'était sa phrase favorite.
26:05Parce que lui ne voyait pas du tout le mal.
26:10Et parce qu'il disait que...
26:12Parce que comme il avait une autre vision du monde et que...
26:19Les gens parfois aiment bien occulter ce monde-là, mais pas que celui-là.
26:24C'est vrai qu'on préfère voir un truc...
26:29Parfois on préfère ne pas voir les coulisses.
26:32Mon père voulait mettre en lumière quelque chose que beaucoup de gens veulent occulter.
26:39Mais pourtant, ça existe.
26:41Et il voulait le mettre en lumière, je pense aussi, parce qu'il voulait que...
26:48Parce que c'était différent d'un réseau aussi.
26:54Oui.
26:55Parce que là...
26:56À ne pas confondre, oui.
26:57À ne pas confondre, c'est tout à fait différent.
27:00Moi, mon père mettait à disposition une maison où les filles pouvaient rester en sécurité.
27:07Où la porte d'entrée était filmée.
27:10Donc si c'était quelqu'un qu'on ne voulait pas voir, c'est simple, on ne le laisse pas rentrer.
27:14Il fournissait les préservatifs.
27:16Elles pouvaient dormir sur place.
27:19Il a parfois mis des maisons à disposition quand elles habitaient loin.
27:24Ou qu'elles ne pouvaient pas rentrer chez elles, parce que parfois elles viennent de loin.
27:26Elles viennent de loin, pourquoi ?
27:29Parce qu'elles ne peuvent pas se faire repérer par leur famille ou des amis.
27:33Ou potentiellement quelqu'un qui pourrait répéter quelque machin.
27:35Et il y avait aussi une femme, malheureusement, qui avait des problèmes avec son conjoint.
27:42Qui avait des violences sur elle.
27:45Et ça a peiné mon père.
27:47Et du coup, il l'avait mis dans une maison...
27:53Pas une maison, un logement quoi.
27:56Où elle pouvait se mettre en sécurité pendant un petit temps.
28:00Donc lui, il voulait mettre en lumière le fait que ce soit possible de le faire de manière...
28:12Saine, entre guillemets.
28:15Et dans une légalité totale.
28:19Le consentement il est là, il est partout.
28:21Oui.
28:23Le client est consentant, la fille est consentante et la prostituée est là pour travailler de manière tout à fait consentante.
28:32Est-ce que ce mal-être t'a pu l'exprimer ?
28:34Que ce soit à ton père, à ta mère, mais est-ce qu'au final, t'as pu valider quelque chose ?
28:39Par principe, quand tu vas expliquer à ton père que cette enfance que tu as eue a des incidences dans ta vie professionnelle, dans tes relations sexuelles, dans ta vie de couple.
28:49Est-ce qu'il l'entend ?
28:51Est-ce que t'as pu trouver une forme d'écoute compréhensive là-dessus ou t'as toujours été confronté à...
28:56En fait, c'est toi qui n'es pas normal.
28:58Est-ce que t'as trouvé une issue, une conclusion là-dessus ?
29:00Pour après arriver justement à ces crises d'épilepsie qui ont permis d'apaiser ces tensions.
29:05Alors comme je l'avais déjà dit au tout départ, il ne m'a jamais considéré comme un bébé.
29:12Comme un enfant.
29:14Et la phrase de t'occupe pas, ça c'est des affaires de grande personne, j'y ai jamais eu droit.
29:19Sauf peut-être cette fois-là.
29:23Tu comprendras plus tard.
29:25Tu comprendras plus tard, ça voulait dire, quand je lui disais, mais ouais, mais tu te rends compte, comment tous faire ça, c'est dégueulasse.
29:37Et il avait beau m'expliquer, mais Cyrielle, tu sais, la vie, c'est pas comme ça.
29:43Ben non, t'sais, de toute façon, quand vous avez 16 ans, vous savez mieux que tout le monde.
29:47Et après, il m'a dit aussi, ne crache pas dans la soupe.
29:50Et au final, je leur dois beaucoup à ces filles-là.
29:55En plus du fait qu'elles m'aient appris des choses, mais de manière complètement inconsciente.
30:01Parce que, enfin, j'allais pas boire de café avec elles, mais à force de les voir, de les regarder, etc.
30:08Elles m'ont appris beaucoup de choses et tout ça.
30:11Mais, ben oui, quand j'étais mineure, j'étais encore sous l'autorité parentale.
30:17Et moi, je n'avais pas envie de dire ciao à mon père et de dire allez, ciao, goodbye à mon père.
30:25Parce qu'il faisait ça, parce que je l'aimais.
30:28Je l'ai toujours aimé.
30:29Je sais qu'en tant que petite fille, mon papa, c'était...
30:34Ton idole.
30:35Ah, c'était mon roi.
30:37Mais comme un garçon avec sa maman.
30:39C'était le vrai complexe de type.
30:40Ah ouais, moi j'adorais mon père.
30:42T'étais admirative de ton père.
30:44Donc, ça reste ton père.
30:45Il y a des tensions.
30:46Et pour conclure, si tu veux, pour arriver justement à ce qui se passe après,
30:51c'est quand tu es un petit peu dans une période de crise que ces tensions-là s'apaisent au final,
30:56dès que tu retrouves une relation un petit peu plus fusionnelle, on va dire,
31:00où tout s'efface pour justement qu'ils puissent t'assister.
31:04L'épilepsie, c'est venu de manière...
31:07Je sentais que j'allais être malade.
31:09Est-ce que c'était un pressentiment ?
31:12Je sentais que tout ce que je voyais, tout ce que j'entendais,
31:17c'était trop pour moi.
31:19Et j'avais beau lui dire non, on était trop opposés.
31:24Enfin, on se confrontait.
31:29Et là, je me suis dit, il faut que je trouve un moyen de dire stop.
31:34Et je sentais que ça allait trop.
31:37Et pour mes 18 ans, il m'a offert des cours de conduite.
31:45Et à la 19e heure, je venais de quitter l'autoroute,
31:53je me suis garée, j'ai fait un créneau avec mon moniteur,
31:56je me suis réveillée en me disant, t'as fait une crise d'épilepsie,
32:01t'as fait une crise d'épilepsie, pardon.
32:04Et là, c'était marrant parce que...
32:07Enfin, marrant, non ?
32:08Mais on me dit, madame, madame, madame, vous êtes sûre que vous n'êtes pas enceinte ?
32:12Oui, je suis sûre.
32:14Non, mais est-ce que vous êtes sûre ?
32:15Ah oui, oui, j'en suis sûre, sûre, sûre, sûre.
32:17Vu qu'on venait de me larguer pour ça.
32:20Alors oui, oui, j'étais sûre que je n'étais pas enceinte.
32:22Ça, c'est évident.
32:25Donc, ça aussi, pour en revenir à ça,
32:28le fait qu'on m'ait larguée parce que j'étais vierge,
32:35ça a été très, très, très compliqué, ça.
32:39Parce que j'allais justement dans les bordels
32:43et que justement cette sexualité était complètement exacerbée, etc.
32:48Et le fait qu'on me quitte pour ça,
32:53ça a été un très gros choc.
32:55Et là, du coup, j'ai encore perdu des codes d'avantage, quoi.
33:00Je me suis dit, merde,
33:03mademoiselle-là, on ne me l'avait pas encore fait.
33:05Et j'en ai parlé à ma mère parce que ma mère voyait que j'étais triste quand même.
33:09Et j'en ai parlé et elle m'a dit,
33:13il ne sait pas la chance qu'il rate.
33:17Oui, elle a eu une belle réponse.
33:19J'en ai pas parlé à mon père.
33:21Mon père a été épargné de ça.
33:24Et donc l'épilepsie,
33:27au début, on ne l'a pas trop pris au sérieux.
33:30Enfin, si, on l'a pris au sérieux,
33:32mais vous n'êtes épileptique qu'à la deuxième crise.
33:37Et du coup, j'ai refait une deuxième crise un mois plus tard.
33:41C'est ce qui a permis de te rapprocher de ton père ?
33:43Au fur et à mesure, oui.
33:45Parce qu'il était là, il avait repris son rôle de père.
33:48Au début, il a...
33:50Sans dire qu'il avait échappé.
33:54Donc là, du coup, on n'est plus dans le père qui a un bordel,
33:57le père cascadeur.
33:59Là, c'est le père...
34:01Ah ouais.
34:02Là, c'est vraiment le père qui est soucieux, quoi.
34:07C'est une merde !
34:09Mais c'est quoi ce bordel ?
34:11Sans mauvais jeu de mots,
34:13parce qu'en fait, l'épilepsie,
34:15il y a 0,5% de la population qui est atteinte de l'épilepsie.
34:20C'est quelque chose qui est là,
34:22mais qu'on ne connaît pas.
34:23Et il y a une très très grosse frustration,
34:25c'est que moi, quand j'allais voir les neurologues,
34:28j'en ai dit, c'est quoi une crise d'épilepsie ?
34:30Ils me répondaient, c'est une déconnexion
34:32entre le cerveau gauche et le cerveau droit.
34:34Oui, mais pourquoi ?
34:36Alors, ils vont vous dire, parce que vous droguez.
34:39Non.
34:40Parce que vous buvez.
34:41Alors au début, c'est vrai que je buvais pas mal.
34:43Et après, j'ai plus bu.
34:45Vous avez bu ?
34:46Non.
34:47Vous êtes drogué ?
34:48Non.
34:49Alors là, c'était hyper chiant,
34:50parce que ma mère me disait,
34:51mais tu peux le dire si tu drogues, Cyril.
34:52Mais tu peux le dire ?
34:53Je ne me drogue pas.
34:54Et ça, c'était hyper chiant.
34:56Vous dormez ?
34:59Ah.
35:01Dormez, sinon vous allez...
35:03Bon.
35:04Donc après, vous êtes irréprochable,
35:05vous ne droguez pas,
35:06vous ne buvez pas,
35:07vous dormez,
35:08et vous refaites des crises.
35:10Ah ben là, il...
35:13Là, les neurones, ils calent, quoi.
35:15Et du coup, mon père,
35:17ça le faisait péter un plomb.
35:19Il disait plein de trucs.
35:20Il était même parti...
35:21Encore une fois,
35:22toujours dans l'extrême.
35:24Tu sais qu'il y a des chiens
35:25qui repèrent des crises d'épilepsie.
35:27Moi, je suis prêt à ton fournir un...
35:31On peut opérer...
35:33Il passait, il a passé des nuits entières
35:36à lire des choses sur l'épilepsie.
35:38Est-ce qu'il l'a culpabilisé, tu sais ?
35:40Après.
35:41C'est-à-dire qu'au début,
35:42il ne l'a pas pris au sérieux.
35:43Il a cru que c'était un peu...
35:45Et puis, mon père aussi,
35:46il ne faut pas oublier,
35:48il a été ambulancier.
35:49Et il a eu une fois
35:52une anecdote
35:53qu'il a souvent racontée,
35:55qu'il a eu une jeune fille de 18 ans
35:59qui était morte d'un accident de voiture
36:02et qui est morte dans ses bras.
36:03Qu'il a regardé,
36:04qu'il a fait...
36:05Et qu'il est décédé.
36:06Et un autre,
36:07qu'il a ramassé à la pelle.
36:09Donc, il avait ce côté un peu...
36:13Voilà, il savait faire les premiers secours.
36:16Et c'est ça,
36:17faire les premiers secours.
36:18Et ce qu'il a vraiment...
36:20Au début, il ne le réalisait pas
36:21parce qu'il ne me voyait pas
36:22en post-crise, en fait.
36:24Et un jour,
36:25on est allé dans un de ses bordels.
36:32Et je vois un panneau
36:34où il y notait bon secours.
36:36Et j'ai dit,
36:37ah, c'est marrant
36:38que ça s'écrive comme ça.
36:39Il me dit, bah oui, oui.
36:40Et il me dépose à la maison,
36:42donc chez ma mère.
36:44Et je fais une crise.
36:45Et là, ma mère l'appelle.
36:47Et là, elle lui dit,
36:48viens la voir.
36:50Et donc, je suis allongée.
36:52Je suis complètement à l'ouest.
36:56Et là, il réalise.
36:58Parce que
37:00je reste à l'ouest
37:01environ une ou deux heures.
37:02Donc, il fallait se dépêcher, quoi.
37:06Et là, il me pose plein de questions.
37:10Je le reconnais.
37:11Je reconnais ma mère.
37:12La personne avec qui
37:13j'étais au téléphone,
37:14je ne savais pas qui c'était.
37:16Et là, il me dit,
37:17ça s'écrit comment,
37:18il me faut un secours.
37:20Et là, je lui dis.
37:22Et là, elle me dit,
37:23non, pas possible.
37:25Et là,
37:27mes parents ont vraiment eu
37:29une conversation.
37:31Et là, ma mère lui a dit,
37:32t'as vu,
37:33t'as vu ce qu'on vit depuis,
37:35ça faisait six mois, un an.
37:38T'as vu ce que j'ai
37:39tout fait.
37:40T'as vu ce que j'ai
37:41tous les mois
37:43à vivre.
37:45Et tu la vois dans des états,
37:47tu la retrouves dans sa bouche,
37:49tu la retrouves en haut des escaliers,
37:51elle t'attend,
37:52complètement perdue dans la maison.
37:56Elle se fait mal,
37:57parce que j'avais eu des chutes
37:58quand même violentes.
38:01Et là, il réalise, ouais.
38:04Et là, elle lui dit,
38:05mais tu sais,
38:06Cyrille, elle souffre beaucoup
38:07de ce que tu fais.
38:09Ouais,
38:11je fais rien.
38:14Elle travaille pas avec moi.
38:17Ouais, mais psychologiquement,
38:19ça a un impact sur elle.
38:22Là, il commence à réfléchir.
38:24Et là,
38:25il trouve plein de,
38:27plein d'astuces, quoi.
38:28Ouais, on va lui trouver un chien.
38:32Et puis,
38:34pas une fois,
38:35il se remet en cause.
38:36Et pas une fois,
38:37il dit, je vais arrêter.
38:39Alors, après,
38:41une fois,
38:42il m'a réamenée dans un bar.
38:44Et après,
38:45en fait,
38:46c'était marrant,
38:47parce que les crises d'épilepsie,
38:48au début,
38:49c'était vachement espacé.
38:50Et après,
38:51chaque fois qu'il m'emmenait
38:52dans un bordel,
38:53je faisais systématiquement
38:54une crise.
38:55Et la dernière fois
38:56que je suis rentrée
38:57dans un bordel,
38:58c'est parce que
38:59j'ai fait une crise
39:00dans son bordel.
39:01Il est allé aux toilettes,
39:02il a déposé
39:03sa coupe de champagne.
39:05J'ai regardé les filles
39:06et j'ai fait,
39:07et je suis tombée.
39:09Et là,
39:11elles l'ont appelée.
39:12Lui, il arrive,
39:14il a mis
39:15son doigt
39:17dans ma bouche.
39:19Ce qu'il ne fallait pas faire,
39:20d'ailleurs.
39:21Mais il ne savait pas quoi faire.
39:22Et puis,
39:23il m'a portée,
39:24il m'a mise dans sa voiture.
39:26J'en ai refaite une
39:27dans sa voiture.
39:28Du coup,
39:29il a été sur la bande
39:30d'arrêt d'urgence.
39:31Et là,
39:33il se dit,
39:34ah ouais,
39:35ah ouais.
39:36Et à partir de ce moment-là,
39:37je ne suis plus jamais rentrée.
39:40Ça,
39:41ça a été le point final.
39:42Donc,
39:43l'épilepsie m'a sauvée.