Bienvenue dans le premier épisode du podcast intitulé "Mon Père, ce macro" en 5 épisodes en collaboration avec Cyriel Mercier. Le podcast "Mon père ce macro" est né suite à une interview que nous avons faite avec Cyriel. Découvrez les épisodes en intégralité sur les plateformes de podcast : linktr.ee/temoignage
Elle était désireuse de dévoiler son secret et d’en faire un podcast, cela faisait longtemps que cela mûrissait en elle et cette belle collaboration est née. Aujourd’hui, nous vous invitons à plonger dans l'histoire de Cyriel, une histoire complexe pour certains, hors normes pour d’autres. Une histoire façonnée par le parcours de vie peu commun de son père. Imaginez grandir aux côtés d’un homme marginal, tour à tour cascadeur, magicien, pompier, ambulancier, vendeur de voiture, commissaire priseur et tenancier de maisons closes.
Ce passé atypique a profondément influencé sa vision de la normalité, son rapport aux autres et son besoin de protéger ses proches. Dans cet épisode, Cyriel nous partage comment elle a navigué entre l’admiration, les doutes, ainsi que la nécessité de se construire une identité malgré le regard des autres. Ensemble, nous explorons cette quête pour trouver sa place et surmonter les défis de cet héritage.
Elle était désireuse de dévoiler son secret et d’en faire un podcast, cela faisait longtemps que cela mûrissait en elle et cette belle collaboration est née. Aujourd’hui, nous vous invitons à plonger dans l'histoire de Cyriel, une histoire complexe pour certains, hors normes pour d’autres. Une histoire façonnée par le parcours de vie peu commun de son père. Imaginez grandir aux côtés d’un homme marginal, tour à tour cascadeur, magicien, pompier, ambulancier, vendeur de voiture, commissaire priseur et tenancier de maisons closes.
Ce passé atypique a profondément influencé sa vision de la normalité, son rapport aux autres et son besoin de protéger ses proches. Dans cet épisode, Cyriel nous partage comment elle a navigué entre l’admiration, les doutes, ainsi que la nécessité de se construire une identité malgré le regard des autres. Ensemble, nous explorons cette quête pour trouver sa place et surmonter les défis de cet héritage.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Mon père m'a eu très jeune, il m'a eu à 24 ans, il a rencontré ma mère à 23.
00:04Très entreprenant, à fond dans ses projets, donc il avait commencé par être magicien tout simplement,
00:10cascadeur, magicien, pompier, ambulancier, et puis vendeur de voitures, il avait son garage
00:16parce que dans la famille on était tous dans les voitures et il avait déjà fait beaucoup de spectacles de cascades.
00:23Et puis il rencontre ma mère qui chantait à l'époque et il tombe fou amoureux d'elle.
00:28Et donc ma mère elle a eu un accident de voiture, elle est allée chez mon grand-père et bim elle est tombée sans mon père.
00:34Et du coup ils ne se sont plus quittés, puis ils se sont mariés, et puis un an après il m'avait.
00:40Et très vite le couple a tourné au vinaigre parce que mon père c'était un fou furieux,
00:48mais dans le bon sens du terme c'est quelqu'un qui croquait la vie à pleines dents,
00:51c'est quelqu'un qui aimait la nuit, c'est quelqu'un qui aimait sortir, c'est quelqu'un qui n'avait pas peur du danger,
00:55qui aimait la vitesse dans tous les sens du terme.
00:57Et ma mère, bon voilà quoi, c'est quelqu'un qui est très excentrique, mais qui aspire à une espèce de sagesse.
01:10Elle aime la sécurité et mon père mettait sa ceinture de sécurité, mais il roulait à 180.
01:17Donc très vite mes parents, le couple bat de l'aile et tout ça,
01:22donc il arrête ses garages du jour au lendemain, ma mère du coup ne travaille plus avec lui et on déménage.
01:30Et mon père décide de vivre une vie qu'il a toujours voulu vivre,
01:35sauf qu'il y avait ma mère à l'époque donc c'était pas possible,
01:38et il se dit bah écoute maintenant je vais vivre ce que j'ai vraiment envie de vivre,
01:42et il commence à faire des spectacles de cascades itinérants.
01:45Donc on vit en caravane, on vit avec des gitans et ça se passe bien.
01:51Et là il se lance encore un défi, il décide de devenir cascadeur et record du monde,
01:57donc il fait 410 kilomètres en Zorou pour le Télévis, c'est un peu comme le Téléthon France,
02:05c'est pour les enfants qui sont atteints d'hallucinations.
02:08Et l'hiver ça marche pas les cascades, donc il faut bien vivre.
02:14Il décide d'animer des festivals érotiques.
02:16Et il m'explique un peu ce que c'est quand même,
02:19enfin moi j'ai tout à fait, on me cache jamais ce qu'il faisait.
02:23Du coup tu vis quand tes parents se séparent, tu vis avec ton père dans la majorité du temps ?
02:29Alors ça, ça a été une très longue histoire, c'est que mon père m'aimait profondément,
02:34même s'il m'a eu très très jeune et que je pense qu'il aurait préféré m'avoir un peu plus tard,
02:39je me voulais avec lui, donc mes parents se sont beaucoup beaucoup disputés ma garde.
02:45Et puis il faut dire aussi que mon père a très mal vécu le fait que ma mère s'en aille,
02:50parce que même s'il était très très difficile à vivre,
02:54parce qu'ils n'avaient pas la même façon de voir les choses, il l'aimait.
02:59Après ils se disputaient pas mal évidemment,
03:02donc j'étais quand même souvent chez mon père et puis j'étais chez ma maman.
03:08Donc tu raillis entre deux, jusqu'à justement on en revient à ces périodes d'hiver
03:14où ton père doit avoir un travail autre que ce qu'il faisait l'été avec ses cascades.
03:20Du coup qu'est-ce qui se passe ?
03:22Eh bien ce qui se passe c'est que moi je vais chez lui, il m'expliquait toujours tout.
03:28En fait mes pères je pense que fondamentalement, quand je suis née évidemment j'étais un bébé,
03:32donc je pense pas qu'ils m'aimaient parce que j'étais le fruit d'un amour,
03:37j'étais voulue, il était super fier d'avoir une petite fille,
03:41mais il m'a jamais considérée ni comme un bébé, ni comme un enfant.
03:46J'ai tout de suite eu avec lui des conversations d'adultes.
03:52Je pense qu'il pesait ses mots, mais j'ai tout de suite été une acolyte.
03:57Il me disait tout le temps, toi et moi c'est un duo,
04:01il faut pas mentir, il faut que tu me rappelles, il faut que tu me dises.
04:07Moi j'avais quand même un père qui m'appelait tous les soirs à huit heures
04:09et j'allais me coucher à huit heures et demie, après les Simpsons.
04:12Donc j'ai eu un père très très présent qui venait aux réunions de parents,
04:18d'ailleurs il disait à mes profs, non alors moi vous savez je suis cascadeur,
04:23mais d'hiver j'anime des festivals érotiques.
04:27Donc c'est vrai que moi quand j'arrivais à l'école,
04:31et j'avais déjà changé pas mal de fois l'école,
04:33après je précise quand même parce qu'on est dans les années 90,
04:39alors aujourd'hui ça peut paraître un peu facile,
04:43parce que moi je savais que l'homosexualité existait,
04:46je savais qu'il y avait les travestis,
04:49mon père m'expliquait déjà tout ça,
04:51mais c'est vrai que quand on est dans les années 90,
04:54c'est pas quelque chose qui était très commun.
05:00Est-ce que tu sentais ce décalage que tu avais avec les autres élèves de ton âge à l'univers ?
05:05Oui quand même, on me prenait un peu pour une toc-toc,
05:08mais déjà c'est très marrant,
05:10après j'étais dans une petite ville en Belgique,
05:12donc je pense que c'était pas pareil qu'une capitale,
05:14mais quand je suis arrivée dans cette nouvelle école,
05:16et je changeais en cours d'année,
05:18j'étais une des seules élèves issues d'un couple séparé.
05:22Quand j'arrivais le vendredi avec mon petit sac et mes affaires,
05:25ah mais tu vas où, ah mais c'est bizarre tes parents sont séparés,
05:29puis j'étais la nouvelle parce qu'on m'avait changé en cours d'année,
05:32donc pour se faire des copains c'était compliqué,
05:35et puis après il y avait,
05:36ah ouais et ton père il fait quoi ?
05:37Ben mon père il est cascadeur d'abord,
05:39ouais mais c'est quoi cascadeur ?
05:41Ben mon père il casse des voitures !
05:43Et tu fais quoi avec ton père ?
05:44Ben on vit en caravane !
05:48Tu le disais de façon naturelle,
05:50c'était quelque chose à l'époque où tu étais dans une logique d'intégration,
05:54étant donné que tu changeais beaucoup d'école,
05:56est-ce que tu avais cette obsession de te faire des nouveaux amis ?
05:59Comment c'était ?
06:00Alors toute petite j'étais hyper croyante,
06:03je priais tous les soirs pour que 1 mes parents se remettent ensemble,
06:062 que j'ai des copains à l'école,
06:08et 3 que je travaille bien à l'école.
06:09C'était vraiment ma ligne de mire,
06:13ce que je voulais vraiment atteindre,
06:15et je ne sais plus comment je disais ça à mes copains,
06:21ou mes copines,
06:23ben comme des enfants quoi,
06:24ah ton papa il fait quoi ?
06:26Vous savez c'est plus quand la professeure demande,
06:32ah et vos parents ils font quoi ?
06:33Ben moi mon papa il est instituteur,
06:36et toi Cyrille ?
06:37Ben mon papa il est cascadeur.
06:38Ben oui parce que j'étais un peu différente je crois,
06:43donc ma mère m'a d'ailleurs emmenée chez le psy plus petite,
06:47j'avais pareil 6-7 ans,
06:49et j'avais compris que le psy racontait ce que je lui disais à ma mère,
06:55et du coup j'avais compris la chose,
06:57et je lui racontais plus rien,
06:59et je lui avais dit à ma mère écoutez on va arrêter,
07:01parce que votre petite fille là,
07:04elle a très bien compris notre petit manège,
07:07et on n'en dira rien,
07:09et donc ça c'est vrai que j'ai tout de suite été quand même assez muette,
07:16je voulais protéger mon père,
07:18j'avais vraiment le complexe de l'hype à 100%,
07:22parce que j'étais une petite fille qui était vraiment amoureuse de son papa,
07:25et comme je voyais mes parents se déchirer,
07:29et qu'au plus profond de moi-même je voulais qu'ils se remettent ensemble,
07:32du coup je ne voulais pas raconter aux psychologues ce que je voyais,
07:36et ce que j'entendais,
07:38et comme je n'avais pas de frères et sœurs,
07:40et je n'en ai toujours pas,
07:42c'était très compliqué d'avoir un compagnon de jeu en dehors de l'école,
07:46ce qui fait que j'étais vraiment cette espèce de balle de ping-pong,
07:52entre mes parents,
07:53et ça c'était très douloureux.
07:55Te sentir exclue un petit peu, c'était pour toi une forme de hantise,
07:58quand tu étais jeune ?
08:00Oui, complètement.
08:01Maintenant moins, parce que j'ai mûri, heureusement.
08:04J'aime bien être toute seule, j'aime mon univers,
08:06et petite, très vite j'ai eu mon univers,
08:08parce qu'il fallait que je me fabrique un monde un peu plus sympa.
08:14Très vite j'ai fait du théâtre et de la danse classique,
08:16la danse classique m'a apporté la rigueur,
08:18et le théâtre, le fait d'avoir...
08:21L'extravagance.
08:22Oui, l'extravagance.
08:23Tu tiens pas ça de ta mère,
08:24qui était un peu plus artiste justement,
08:26un peu plus...
08:27Mon père aussi.
08:28Ton père aussi.
08:29Mon père c'était un grand comédien quand même.
08:31C'était quelqu'un, comédien dans la vie quoi.
08:34Déjà il était magicien,
08:36quand j'étais petite, pour mes 4 ans,
08:38il avait fait des spectacles de magie,
08:40il faisait le fakir.
08:41C'était quelqu'un qui était capable du meilleur comme du pire,
08:44quelqu'un avec un caractère très très fort,
08:46c'est quelqu'un qu'on n'oubliait pas.
08:47Si vous étiez,
08:48mon père parfois se faisait virer d'un restaurant
08:50parce qu'avec une grande tablée il se faisait virer
08:53parce que la tablée faisait trop de bruit.
08:55Et c'était clairement de par sa faute.
08:57Je ne me suis pas trop identifiée à mes parents,
09:00mais après mes parents me laissaient beaucoup de liberté
09:02parce que moi j'étais une petite fille.
09:04Je m'en souviens pas, c'est ce qu'on m'a dit,
09:06mais apparemment j'étais un peu fantasque.
09:08C'était souvent des gens, des amis de mes parents,
09:11qui me disaient que j'étais assez fantasque.
09:13Par exemple ils venaient dîner à la maison,
09:15je disparaissais pendant une demi-heure,
09:17et je revenais, j'étais déguisée,
09:18j'avais préparé un spectacle.
09:20Moi je pense que plein d'enfants font ça,
09:22mais c'est vrai que, à ce qu'il paraît,
09:25j'étais rigolote.
09:26Mon père en fait a tout fait pour réaliser ses rêves.
09:29Il faisait tout pour arriver à ses fins.
09:32Quels étaient ses rêves par exemple ?
09:34Il était très entrepreneur.
09:35Donc si il se levait un matin,
09:37typiquement le record du monde en cascade,
09:39il se levait un matin et il s'est dit
09:43moi je veux faire un record du monde.
09:45Et il a tout fait pour avoir son record du monde.
09:47Et il avait un mental de sportif je pense.
09:52Et du coup son record du monde,
09:55il a bien galéré parce que je m'étais entraînée avec lui.
09:58Donc on a fait des petits tonneaux quand même.
10:01C'était drôle.
10:02Donc on s'entraînait,
10:04moi je me mettais derrière,
10:05ceinture de sécurité et tout ça.
10:07Je me disais bon allez, on y va.
10:10La voiture tombait,
10:11donc j'étais sur le capot,
10:14enfin sur le toit plutôt.
10:16Et puis il me disait bon bouge pas.
10:18Donc il sortait de la voiture,
10:19il la remettait droite et on était repartis.
10:21Et je sais que cette voiture,
10:24il a galéré parce que c'était une marque
10:28qu'il avait sponsorisée.
10:29Il a galéré.
10:30Et aujourd'hui il y en a 19 qui ont voulu battre.
10:33Et toujours pas battu.
10:36Donc voilà.
10:39Il voulait toujours arriver à ses fins
10:42et c'est ce qu'il a réussi à faire.
10:44Est-ce que son entrain,
10:46c'était de vouloir entreprendre
10:48pour une indépendance financière
10:50ou c'est parce qu'il ne se sentait exister
10:53qu'au travers de la prise de risque ?
10:55Est-ce que c'était pas une forme de finambule
10:58de l'entreprise de finaliser ?
11:00De toujours vouloir se sentir en risque ?
11:03Il avait un peu les deux.
11:06Et je pense que lui, dans sa mentalité,
11:09c'était, tu peux pas...
11:12Effectivement, il voulait bien gagner sa vie.
11:14Il avait des rêves,
11:17qui avaient quand même un certain coût.
11:20De fait, il fallait se battre pour les avoir.
11:22Et du coup, il se disait,
11:24si je ne me bats pas pour les avoir,
11:26ça n'ira pas.
11:28Il adorait le risque.
11:29Il adorait rencontrer des gens.
11:31Un prof, ça l'emmerde.
11:33Un comptable, ça l'emmerde.
11:35Comment il est devenu comme ça ?
11:37Est-ce qu'il a eu une enfance atypique ?
11:40Je crois qu'eux se posent la question.
11:43C'est vrai ?
11:44À un moment donné, je crois qu'ils ont dit,
11:47qu'est-ce qu'on a fait pour avoir un fils comme ça ?
11:49Mon grand-père avait un garage de voiture.
11:52Ma grand-mère, une famille tout à fait classique.
11:55C'était une fratrie.
11:56Ils ont tous été dans les voitures.
11:58Ils étaient tous indépendants.
12:00Ils avaient des cousins.
12:01Ils avaient une vie plutôt normale.
12:04Mais mon père est l'aîné.
12:06Et c'est vrai que ça a été très vite
12:08un petit garçon pourri gâté.
12:10C'est-à-dire qu'il a été très malin.
12:13C'est ce que, quand ma grand-mère disait non,
12:15il allait voir sa grand-mère,
12:18donc mon arrière-grand-mère,
12:20et il arrivait toujours assez fin.
12:22Et du coup, très vite,
12:24il a été entreprenant,
12:26il a été indépendant.
12:27Quand il est devenu magicien,
12:28il est devenu magicien pour une belle chose.
12:31C'est qu'il voulait une veste en cuir.
12:34Ma grand-mère ne voulait pas lui offrir.
12:35Elle dit, ce n'est pas grave,
12:36je vais me le payer moi-même.
12:37Donc il s'est toujours démerdé.
12:38Il est devenu ambulancier
12:40parce qu'il roulait très bien en voiture.
12:42Les pieds.
12:43Parce que dans ma famille,
12:46tout le monde avait été pompier volontaire,
12:47donc il l'a fait.
12:48Et garage de voiture,
12:50ça s'est un peu dans la lignée.
12:51Cascadeur, parce qu'il y avait des voitures
12:55chez mon grand-père.
12:56C'est mon grand-père qui s'est amusé.
12:57A 12 ans, il roulait déjà en voiture, etc.
13:00Et puis tout ce qui touche à la sexualité,
13:03bon, ça, ce n'est pas mes grands-parents
13:06qui l'ont initié.
13:07Et je n'ai pas la réponse.
13:09Il ne supportait pas que quelqu'un soit au-dessus de lui.
13:11Ça, c'est quelque chose qu'il ne supportait pas.
13:13Il aimait être maître de ses actions
13:15et de ses affaires.
13:17Ensuite, il a eu un autre garage de voiture
13:19qui a très bien marché.
13:20Et mon père était quelqu'un d'impulsif
13:23et qui fonctionnait vachement sur les coups de tête.
13:25Un jour, il va au marché de Saint-Ouen à Paris
13:28et il se balade.
13:29Et il trouve un marteau.
13:31Il l'achète.
13:33Il regarde le marteau et il se dit
13:36« Tiens, je fondais un hôtel des ventes
13:43et vente des voitures aux enchères. »
13:45Donc, ça commence comme ça.
13:47Il en ouvre une et puis il voit toujours plus grand.
13:49Une deuxième.
13:50Malheureusement, il avait...
13:52Alors, c'était marrant parce que c'était quelqu'un
13:54qui sentait les choses bien en amont.
13:56Et il avait prédit que les voitures
14:00n'allaient plus avoir la côte pendant très longtemps.
14:03Et là, on est juste avant les années 2000.
14:06On est en 99.
14:08Et du coup, malheureusement,
14:10l'entreprise est victime de plusieurs hold-up.
14:13Ça le fout un peu dans la mouise.
14:16Il devient commissaire-priseur.
14:18Et là, pendant qu'il est commissaire-priseur,
14:21il avait acheté une maison.
14:24Sur la broche Steinway.
14:26Et cette maison galère.
14:28Il veut faire des travaux.
14:30Ça ne marche pas.
14:32Il n'y a rien qui va dans cette maison.
14:34Et il se dit « Mais qu'est-ce que je vais en faire ? »
14:36Et à la base, lui, il voulait...
14:38Son idée première était simple.
14:39C'était « Je vais y habiter.
14:41Je vais mettre quelques voitures
14:44un peu de luxe devant. »
14:46Et voilà.
14:48C'était comme ça.
14:49En plus de ce qu'il faisait...
14:51La broche Steinway, c'est une route
14:53qui relie Courtre et Bruges.
14:55Et sur cette route, il n'y avait
14:57effectivement que des marchands de voitures
14:58et des bordels.
14:59Son entreprise marche moyen.
15:02Les travaux marchent moyens.
15:05Et là, il voit qu'à côté,
15:07il y a une baraque à frites.
15:08Il s'y attend.
15:09Le matin, je vais me lever.
15:10Ça va sentir les frites.
15:11Je vais me coucher.
15:12Ça va sentir les frites.
15:15Qu'est-ce que je vais faire ?
15:16Il regarde à gauche.
15:17Il regarde à droite.
15:18Il se dit « Je vais ouvrir un bordel. »
15:20Dans sa tête, ça s'est vraiment fait comme ça.
15:23Ce n'était pas quelque chose
15:26qu'il avait toujours rêvé de faire.
15:28Et donc, il s'est lancé dans cette aventure
15:30qui a duré pas mal d'années quand même.
15:33Qui a duré une dizaine d'années.
15:34Comment on arrive à vouloir faire un bordel,
15:37à le faire, à l'entretenir
15:39et à avoir le succès qu'il a eu ?
15:41Ça, c'est une sacrée entreprise.
15:43Je pense que la première attraction
15:47par rapport au bordel,
15:49c'était avant tout un business rémunérateur.
15:52Parce qu'avec ses salles de vente,
15:54vu qu'il y avait eu des hold-up,
15:58ça ne marchait plus.
16:00Donc, je pense qu'il s'est dit
16:01« Première chose, il faut que je me refasse.
16:03Il faut me refaire. »
16:04Parce que mon père s'est retrouvé à zéro plusieurs fois.
16:07Quand il s'est séparé de ma mère
16:08et qu'il n'avait plus ses garages,
16:10il n'avait plus qu'un euro en poche.
16:12C'était un franc belge à l'époque.
16:14Ça, il me laisse souvent raconter.
16:15C'est qu'un jour, son repas préféré,
16:18c'était café, tartine, gouda.
16:21Très sain.
16:22Et un jour, il vivait en caravane et tout ça,
16:24et il avait sa voiture.
16:26Et le 1er janvier, il y a les paguettes de pain,
16:29le pain qui augmente.
16:31Et il lui manquait un franc belge.
16:34Et ce jour-là, il n'a pas mangé.
16:36Et ça, il me l'a toujours dit.
16:38Mais il s'est toujours refait.
16:39Et d'ailleurs, ma mère s'est toujours amusée à le dire.
16:42« Il peut vendre du sable dans le désert. »
16:45C'était quelqu'un qui renaissait tout le temps de ses sangles.
16:49Et je pense que quand il a vraiment eu cette idée
16:52de faire son premier bordel,
16:54la première chose qu'il s'est dit,
16:56c'est « un, je me refais ».
16:57Et puis là, il pouvait vraiment tout gérer.
17:00Il pouvait gérer la pub.
17:02C'était quand même une sacrée organisation.
17:05Et puis comme il s'était cassé la gueule plusieurs fois,
17:07un jour, je lui ai dit,
17:08parce qu'il était beaucoup plus discipliné,
17:10c'était quelqu'un qui avait tendance,
17:14la fâcheuse tendance,
17:16à fonder quelque chose.
17:19Et après, comme un vilain petit garçon,
17:21il cassait tout son jeu de cartes.
17:23Et un jour, je me souviens,
17:24j'étais dans sa voiture,
17:25et il allait chercher les caisses.
17:28Et je lui ai dit,
17:29« Papa, c'est marrant,
17:30mais t'es beaucoup plus discipliné qu'avant. »
17:32Et là, il m'a dit,
17:33« Tu sais, je me suis cassé la gueule plusieurs fois,
17:35et là, j'ai plus envie de me casser la gueule. »
17:37Il a atteint sa maturité.
17:39Il était devenu mature.
17:40Mais ça, il me l'avait toujours dit.
17:42Les hommes, ils sont matures à 40 ans.
17:44Je sais pas si c'est vrai,
17:45mais en tout cas, c'est ce qu'il me disait.
17:46Et cette forme de maturité émotionnelle
17:48qui lui permet de se canaliser,
17:50elle est directement corrélée à ce que tu dis.
17:53C'est ce moment où on peut arriver
17:56à retomber souvent à zéro et se relever.
17:59Mais il y a cette fois de trop
18:01où on ne dit plus jamais.
18:02Il ne s'est plus retrouvé à zéro comme ça.
18:04En fait, je pense que c'est venu graduellement.
18:06Il est tombé très bas,
18:08et puis il est retombé un peu plus bas,
18:10et puis il s'est refait comme ça.
18:12Quand il a été avec ma mère,
18:13puis après moi,
18:14et puis après quand il a eu...
18:17Quand il était commissaire priseur, etc.
18:19Ouais, beaucoup plus.
18:20Beaucoup plus, on va dire show-off.
18:23Et puis ça l'a très vite emmerdé.
18:25Et en fait, c'est ça.
18:26C'est tout l'arrière des bordels.
18:29C'est marrant parce qu'il a eu des maisons closed.
18:32Et du coup, sa vie de facto est devenue closed.
18:36C'est qu'il ne pouvait plus être dans la lumière.
18:39Il ne pouvait plus se montrer.
18:42Parce qu'à partir du moment où vous choisissez cette vie-là,
18:46même si vous n'avez pas envie d'être caché, on vous cache.
18:49Parce que vous faites quelque chose
18:51qui n'est pas bien perçu par les yeux de la société,
18:54même si beaucoup de gens y vont.
18:58Mais comme ces gens qui y vont ne le disent pas,
19:02il ne faut surtout pas que les gens
19:04qui sont dans la maison closed
19:06et qui sont à l'initiative de cette maison le sachent.
19:11Donc, ces gens-là ne peuvent plus se rencontrer.
19:14Ce n'est plus possible.
19:15Et même si mon père assumait,
19:17parce que mon père, ça c'est vrai, c'était une de ses qualités,
19:20il a toujours assumé ce qu'il faisait de A à Z,
19:23c'est rencontrer des nouvelles personnes.
19:26Parfois, ça passait et parfois ça ne passait pas.
19:29Mon père, lui, il s'en foutait.
19:31Mais c'est sûr qu'il s'est vachement renfermé.
19:37Quelque part, il a trouvé un épanouissement
19:40dans ses affaires et tout ça.
19:42Mais de l'autre, il y avait quand même
19:45une certaine vie un peu d'ermite, un peu closed.