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"En Belgique, l’extrême droite ne peut pas propager ses idées en direct dans les médias francophones".

Jim Nejman, rédacteur en chef du journal LN24, nous explique le principe du "cordon sanitaire médiatique". Il revient sur l’histoire de cette règle adoptée à l’échelle politique, la raison pour laquelle elle a été mise en place et s’il n'est pas trop tard aujourd’hui pour l'implémenter en France.

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Transcription
00:00Vous avez peut-être vu passer cette séquence.
00:01Mais en fait, il faut donner la parole à tout le monde.
00:03Chez nous pas, nous on a ce qu'on appelle un cordon sanitaire,
00:05on donne pas la parole à l'extrême droite ici en Belgique francophone.
00:07Et du coup dans les Unes ça donne quoi ?
00:08Justement, en Belgique francophone, on n'a pas l'extrême droite.
00:10En Belgique, l'extrême droite ne peut pas propager ses idées en direct
00:13dans les médias francophones et je vais vous expliquer pourquoi.
00:16Avec le buzz de cette vidéo, on a dit
00:17ah ben Jim Nesman ne donne pas la parole à l'extrême droite
00:19et les N24 refusent de donner la parole à l'extrême droite.
00:22Non, c'est un accord entre les différents médias.
00:24Le but évidemment de préserver les citoyens de ces idées-là
00:27qui sont dites non démocratiques.
00:29Donc ce n'est pas ma décision,
00:30c'est une décision collégiale entre les différents partis.
00:33Et puis il y a une décision qui est prise aussi au niveau politique,
00:35de ne pas collaborer avec ces partis-là.
00:37La raison elle est simple,
00:38ces partis ont très souvent des programmes
00:41qui tournent autour de la xénophobie, de la discrimination et du racisme.
00:44Et ça donc pour nous, médias, c'est totalement impossible
00:47de donner écho à ces idées-là,
00:48au vu du danger que ça peut justement représenter.
00:51Il y a une règle très simple chez nous
00:52qui s'appelle le cordon sanitaire médiatique.
00:54C'est une règle pour ne pas laisser la parole à l'extrême droite en direct.
00:57Donc vous ne verrez jamais ces gens-là s'exprimer
00:59dans les débats ici en Belgique.
01:01Par contre, c'est vrai qu'on a l'autorisation
01:03de passer des extraits en différé
01:05pour bien pouvoir mettre en contexte justement ce qui est dit.
01:07On a eu l'occasion, nous, d'interviewer Marine Le Pen, Eric Zemmour,
01:10ce qu'on a toujours refusé par exemple.
01:12Si un jour on était amené à le faire,
01:13ça n'arrivera pas de sitôt je vous le dis,
01:15mais si on devait le faire effectivement,
01:16on devrait couper des bouts d'interview,
01:18expliquer les questions qui ont été posées,
01:20expliquer les réponses et venir aussi avec des éléments chiffrés
01:23pour parfois aussi contrecarrer ce discours
01:25qui souvent est basé sur des mensonges.
01:27En tout cas, tout ce que je vous dis, c'est factuel.
01:28Je ne suis pas en train de dire qu'il y a le bien et le mal.
01:30C'est une règle qui a été mise au point dans les années 90,
01:33qui a aussi évolué avec le temps,
01:35avec certaines questions qui émergent aujourd'hui.
01:36Il n'y a pas de loi qui stipule qu'on ne peut pas collaborer
01:39politiquement avec l'extrême droite.
01:40Il n'y a pas de loi qui nous interdit de donner la parole
01:43justement aux membres d'extrême droite,
01:44mais c'est vraiment un accord tacite entre différents médias
01:46et puis entre différentes formations politiques.
01:48Il n'y a pas vraiment de sentiment d'appartenance nationale.
01:51On n'a pas un côté très nationaliste du côté francophone.
01:53On n'a pas eu non plus une personnalité capable aujourd'hui
01:56de légitimer aussi, de crédibiliser un petit peu cette extrême droite.
01:59C'est la grande différence entre chez nous, en Belgique francophone,
02:02en Belgique flamande, où là, ce sentiment est beaucoup plus présent.
02:05Et puis chez vous en France, on n'en parle même pas.
02:06Donc le candon sanitaire politique, il a commencé en 91.
02:09C'est ce qu'on a appelé chez nous le dimanche noir.
02:11C'est donc la première vraie percée du parti d'extrême droite
02:14qui à l'époque s'appelait le Vlaamsblok,
02:15qui s'appelle aujourd'hui le Vlaamsbelang.
02:17On est donc en novembre 91.
02:18Ce parti-là fait près de 10% des voix du côté flamand,
02:21parvient à faire entrer 12 députés à la Chambre des représentants.
02:24Et c'est là que les autres partis, donc cinq autres grands partis dits démocratiques,
02:28ont décidé de former un accord justement pour empêcher
02:31toute collaboration politique avec ces partis-là.
02:34Parce que chez nous, en Belgique, on travaille avec ce qu'on appelle des coalitions,
02:36des consensus.
02:37On doit se mettre autour de la table entre différents partis
02:40pour arriver à un programme commun.
02:41Donc ça a commencé par ce candon sanitaire politique du côté flamand.
02:44Ça a été très vite suivi du côté francophone.
02:46C'est encore plus simple parce que chez nous,
02:47l'extrême droite est encore moins présente que du côté flamand.
02:50Et puis par la suite, ce sont les médias qui ont décidé,
02:53pour éviter tout dérapage en direct, toute insulte,
02:56tout appel à la haine raciale, à la discrimination et au racisme,
02:59d'interdire de donner la parole aux membres d'extrême droite en direct.
03:02Alors en période électorale, on est d'autant plus prudents.
03:04En fait, c'est très simple, on n'y pense même pas tellement c'est naturel chez nous
03:07de ne pas donner la parole à l'extrême droite.
03:08On fait partie d'un grand groupe qui a aussi la presse quotidienne,
03:11une radio, des magazines aussi.
03:14Pour la faire très court, on serait une sorte de mélange
03:15entre LCI, BFM et France 5.
03:18C'est un petit peu ce qu'est justement LN24 aujourd'hui.
03:20Il y a évidemment certaines discussions qui s'opèrent parfois en rédaction.
03:23On a eu par exemple un parti qui est dit nationaliste flamand,
03:27qui est plutôt à droite, où ils ont eu justement un représentant côté francophone.
03:31Et on a dû décider, nous, au sein de la rédaction,
03:33si on désirait ou pas lui donner la parole à cette personnalité-là.
03:35Et on a décidé, avec la concertation des autres rédactions,
03:38de ne pas le faire parce qu'on estimait que cette personnalité
03:40pouvait justement dépasser ses limites dites démocratiques
03:43avec de la xénophobie, de la discrimination ou encore du racisme.
03:46Est-ce qu'il est trop tard aujourd'hui pour l'implémenter chez vous ?
03:48Je pense que oui.
03:49Vous êtes tellement habitués à voir des Marine Le Pen, des Éric Zemmour
03:52émerger dans le débat public, les voir débattre,
03:55les voir exprimer leurs idées, que je pense qu'il est trop tard.
03:57Maintenant, dans le reste de l'Europe,
03:58je pense qu'il y a certains pays, peut-être nordiques,
04:01qui pourraient encore le faire aujourd'hui.
04:02Maintenant, c'est vrai que nous, on l'a fait en 91,
04:05au moment où justement on était conscient de ce danger-là.
04:07Là, je pense malheureusement que pour vous, Français, c'est déjà trop tard.

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