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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Stéphanie Demureux.
00:04Et j'accueille mes débatteurs de la deuxième heure, Jean-Michel Salvatore, Alexandre Malafaille.
00:10Bonsoir messieurs.
00:11Bonsoir Stéphanie Demureux.
00:12Merci d'être avec moi.
00:13On va parler de ces nouveaux développements aux Etats-Unis puisque vous l'avez sans doute entendu,
00:17le FBI a dévoilé donc des nouvelles informations.
00:20L'auteur présumé de cette attaque à la voiture Belly à la Nouvelle Orléans aurait agi seul.
00:25Il avait également posé deux bombes artisanales dans le quartier français de la ville
00:29Avant d'accueillir André Caspi, historien spécialiste de l'histoire des Etats-Unis,
00:34je voudrais vous faire écouter le haut responsable du FBI lors de sa conférence de presse tout à l'heure
00:40pour nous donner les nouvelles informations sur l'enquête.
00:43Les enquêteurs pensent que Shamsuddin Jabbar a récupéré le pick-up loué à Houston au Texas le 30 décembre.
00:50Il a ensuite conduit de Houston à la Nouvelle Orléans le soir du 31
00:54et il a posté plusieurs vidéos sur une plateforme en ligne proclamant son soutien à Daesh.
01:01Il y avait cinq vidéos postées sur son compte Facebook.
01:04Dans la première vidéo, Shamsuddin Jabbar explique qu'il avait initialement prévu de s'en prendre à sa famille et à ses amis.
01:10De plus, il a déclaré avoir rejoint Daesh avant cet été.
01:14Il a également fourni un testament et un témoignage.
01:18Bonsoir André Caspi, professeur émérite à l'université parisien,
01:22panthéon sorbonne, historien et spécialiste de l'histoire des Etats-Unis.
01:29Bonsoir.
01:30Que dit cette nouvelle attaque ?
01:33C'est vrai que les circonstances sont un peu floues,
01:35mais on apprend clairement que l'auteur de l'attaque avait exprimé son soutien à Daesh.
01:41Ça dit quoi de cette menace djihadiste aux Etats-Unis ?
01:44Ecoutez, d'abord, cette menace existe, ce n'est pas une invention.
01:49Mais d'un autre côté, ça ne signifie pas que Daesh est présent physiquement sur le sol américain.
01:55Daesh est présent par l'intermédiaire des réseaux sociaux.
01:59Et il suffit à telle ou telle personne de se brancher sur ces réseaux sociaux
02:05pour avoir toutes les informations nécessaires concernant Daesh
02:09et peut-être être convaincu par les arguments qu'il entend.
02:14Ce que je voudrais simplement souligner, c'est que des attentats aux Etats-Unis,
02:20il y en a, je ne dis pas tous les jours, mais très fréquemment.
02:24C'est-à-dire qu'on peut les classer, et ils sont d'ailleurs classés.
02:28Vous avez des attentats contre l'avortement,
02:31vous avez eu de nombreux attentats contre les juifs,
02:35c'est-à-dire des attentats antisémites qui ont été particulièrement semblants.
02:40C'est le cas, par exemple, en 2018 contre la synagogue de Pittsburgh.
02:45Et ça a été le cas aussi en 2019 contre une autre synagogue, cette fois-ci dans un autre État.
02:52Et puis, on pourrait continuer.
02:55Il y a eu des attentats provoqués par des nationalistes portorucains.
03:00Il y a eu des attentats de l'extrême droite.
03:03Il y a eu des attentats également un peu moins nombreux,
03:06mais de la gauche ou de l'extrême gauche, plus exactement.
03:10Donc, ça veut dire qu'au fond, la situation aux Etats-Unis n'est pas une situation parfaitement pacifique.
03:16Et tout ça, ça provient du fait qu'aux Etats-Unis,
03:21la disposition des armes à feu est quand même généralisée,
03:26c'est-à-dire que le deuxième amendement à la Constitution...
03:29C'est pas le cas, effectivement.
03:31C'est un modus opératoire qu'on retrouve d'ailleurs en Europe.
03:36La voiture bélier, c'est vrai que ça change effectivement de ces tueries de masse qu'on a vues avec des fusils.
03:44Oui, c'est-à-dire qu'en fait, c'est peut-être cela qui est le plus surprenant,
03:49c'est-à-dire que le terroriste, parce qu'il faut l'appeler par son nom,
03:55le terroriste a voulu frapper la Nouvelle-Orléans.
03:58La Nouvelle-Orléans, parce que c'est une ville qui était en fête,
04:02c'était la veille du 1er de l'an,
04:06c'était une ville qui attendait également un grand match de football américain
04:13entre une équipe de Georgie et une équipe de la Diana.
04:18Donc, c'est-à-dire qu'en fait, il a cherché un attentat spectaculaire.
04:22Et cet attentat spectaculaire, bien entendu, a réussi malheureusement.
04:27Et je crois qu'il faut bien souligner cela.
04:30Mais d'un autre côté, je le répète, ce n'est pas le premier attentat spectaculaire qui est eu lieu.
04:38Il y en a eu d'autres.
04:40Donc, ça signifie qu'aux États-Unis, tout n'est pas pacifique, tout n'est pas simple.
04:48Il y a en effet des groupes qui cherchent à obtenir satisfaction par la violence.
04:57Et je crois que cet attentat fait partie de la liste de ces violences.
05:06On va rester prudents sur les motivations.
05:09Parce que dans cinq vidéos publiées sur Facebook,
05:12l'auteur présumé expliquait avoir prévu au départ de s'en prendre à sa famille, ses amis,
05:16mais qu'il s'inquiétait des titres des journaux, qu'il se concentre sur, je cite,
05:21la guerre entre les fidèles et les infidèles.
05:23Donc, c'est assez nébuleux.
05:25Il y a Jean-Michel Salvatore qui voulait vous poser une question, André Caspi.
05:28Sur le risque islamiste, je voudrais savoir si vous considérez que les Américains
05:34ont le même niveau de vigilance qu'en Europe ou en France.
05:39Est-ce que ce risque-là est identifié de la même façon que chez nous ?
05:44Alors qu'on se souvient qu'évidemment, le 11 septembre reste quand même dans toutes les mémoires.
05:48Oui, vous avez raison de citer le 11 septembre.
05:51Mais ce qu'il faut aussi remarquer, c'est que le système américain est quand même décentralisé.
05:58Parce qu'il y a d'un côté, bien sûr, le FBI, les agences fédérales,
06:02mais il ne faut pas oublier que l'état de la situation dépend surtout des polices locales.
06:12Ça veut dire qu'il est extrêmement difficile de dire à l'avance que tel ou tel mouvement est surveillé,
06:18contrôlé et qu'il ne peut pas agir.
06:21Mais est-ce que ce n'est pas là le problème ? Pardonnez-moi de vous couper.
06:24Si vous le permettez, je vais citer un point qui me paraît essentiel.
06:27C'est qu'aujourd'hui, les informations circulent par l'intermédiaire des réseaux sociaux.
06:35Il n'est pas nécessaire, en somme, d'avoir une organisation établie sur le terrain.
06:41Il suffit de se brancher sur les réseaux sociaux.
06:44Justement, André Gaspi, vous parlez de la police locale.
06:47Mais est-ce que ce n'est pas là que le bas blesse ?
06:49On rappelle quand même que l'assaillant venait du Texas, qu'il agit à la Nouvelle-Orléans.
06:53Est-ce qu'il y a une vraie coopération entre les différents services ?
06:56Comme d'ailleurs c'est le cas, me semble-t-il, aujourd'hui en France.
06:59On a fait beaucoup de progrès de ce point de vue-là en France.
07:02Est-ce que c'est le cas aux États-Unis ?
07:04Oui, évidemment, vous avez raison.
07:07C'est-à-dire que les États ne coopèrent pas nécessairement entre eux,
07:12mais il y a quand même des liens étroits.
07:15Et d'autre part, ces liens étroits sont aussi destinés à permettre un meilleur contrôle de la situation
07:25de la part des organismes fédéraux.
07:28C'est-à-dire que c'est un système qui est très différent du système français.
07:32En France, nous avons un État centralisé.
07:35Aux États-Unis, ce sont des États qui ont malgré tout une sorte de coordination
07:42et une coordination efficace par l'intermédiaire des agences fédérales.
07:47Puisque vous parlez d'État, André Caspi, vous avez vu évidemment les mots durs de Donald Trump.
07:52Il est coutumier, mais enfin quand même, il dit ce qui se passe quand vous avez des frontières ouvertes
07:58avec un leadership faible, inefficace et pratiquement inexistant.
08:03Bon, ça c'est un caillou dans le jardin des démocrates et de Joe Biden.
08:07Est-ce que Joe Biden a été d'une certaine façon laxiste ?
08:12Alors vous savez, j'ai regardé les statistiques, c'est-à-dire au fond,
08:16ceux qui ont commis des attentats, quelles étaient leurs origines, quels étaient leurs statuts.
08:23Eh bien, 80% des auteurs d'attentats sont des citoyens ou des résidents permanents aux États-Unis.
08:3080%. Par conséquent, on peut dire que Donald Trump a avancé une hypothèse
08:37qui n'est pas confirmée par les statistiques, c'est le moins qu'on puisse dire.
08:42Et d'autre part, je vous rappelle que lorsque Donald Trump a pris le pouvoir en 2017,
08:49il avait décidé d'interdire l'entrée aux États-Unis d'un certain nombre de citoyens venant de l'État musulman.
08:58Et ce ne sont pas eux qui ont commis les attentats, mais ce sont des Américains.
09:04Et si vous prenez le cas de la Nouvelle-Orléans, voilà un Américain
09:08qui a appartenu à l'armée américaine pendant des années,
09:12qui a joué un rôle important sur le plan militaire.
09:16Donc, je crois que ce que nous dit Donald Trump ne correspond pas à la réalité.
09:22Alexandre Malafaille, vous vouliez m'interroger ?
09:24Oui, bonsoir. Est-ce que vous pensez qu'il faut établir quand même un lien entre cet attentat et l'arrivée aux affaires de Donald Trump ?
09:30Parce qu'il y a, de votre point de vue, un lien, l'arrivée de Donald Trump, évidemment pas anodin.
09:37Et il a quand même cependant dit, parce qu'Al-Qaïda, c'est la Syrie à la base, le cœur,
09:43il n'avait pas l'intention de s'en occuper, je crois qu'il a même dit qu'il se débrouille.
09:46Mais pour autant, il arrive aux affaires. Est-ce que vous pensez qu'il y a une possibilité d'établir un lien, une volonté de marquer quelque chose ?
09:52Il y a un lien sur le plan du calendrier, c'est tout évident.
09:56C'est-à-dire que Donald Trump deviendra le président des États-Unis à partir du 20 janvier.
10:02Mais je ne peux pas vous dire exactement ce que pensait le terroriste.
10:07Peut-être en effet a-t-il voulu marquer ainsi son hostilité à Donald Trump
10:13ou a-t-il profité en somme de l'actualité politique aux États-Unis pour commettre l'attentat.
10:20Mais de toute évidence, je pense que ce qui est beaucoup plus évident,
10:25c'est qu'il a commis son attentat à la veille du 1er de l'an, dans une ville qui était en fête.
10:34Et par conséquent, il a voulu donner à son attentat tous les clans nécessaires,
10:39sans même attendre l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
10:42André Caspi, il y a eu récemment tout de même des frappes américaines sur des cibles.
10:46C'était assez ciblé sur des armes en Syrie.
10:49Mais d'une manière générale, je parle sous votre contrôle justement,
10:53les États-Unis se sont plutôt désengagés de l'extérieur.
10:56Ça a été impulsé par Barack Obama, poursuivi par Joe Biden.
11:02Désengager de l'extérieur, c'est beaucoup dire.
11:05Ils sont partis d'Afghanistan.
11:07Ils sont peut-être un peu moins présents au Moyen-Orient.
11:10Rien ne se fait au Moyen-Orient sans la participation officielle ou officieuse des États-Unis.
11:18Je crois que l'attentat ne me semble pas nécessairement lié à la situation en Syrie.
11:27On peut en effet imaginer cette hypothèse.
11:30Encore faudrait-il qu'elle soit confirmée par les faits.
11:33Jean-Michel Salvatore.
11:34Sur le profil de l'auteur de cet attentat, est-ce que la thèse du loup solitaire vous semble crédible ?
11:42Ou est-ce qu'à votre avis, il a forcément bénéficié de complicités d'organisations bien établies aux États-Unis ?
11:49Le FBI pense qu'il a agi seul a priori.
11:51C'est ce qu'ils disent. Mais est-ce que ça vous semble crédible ?
11:53Si je vous répondais d'une manière définitive,
11:57ça voudrait dire que j'ai des informations encore plus précises que celles dont dispose le FBI.
12:03Et vous devinez que ce n'est pas le cas.
12:05Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il semble bien qu'il ait agi de manière solitaire,
12:11encore qu'on évoque sur place des complicités.
12:15Mais jusqu'à maintenant, on n'en a pas trouvé.
12:18Peut-être qu'il faudrait encore attendre un peu que l'enquête se poursuive
12:23pour savoir exactement comment le terroriste a pu agir.
12:30Mais ce qu'il a fait, c'est qu'il a loué un camion,
12:33il a foncé dans une rue qui est particulièrement fréquentée à la Nouvelle-Orléans,
12:38qui était mal protégée d'ailleurs, entre parenthèses.
12:41Et d'autre part, tout ce qu'on peut dire, c'est que pour l'instant,
12:46on ne voit pas très bien qui seraient les complices de l'auteur d'un attentat.
12:52André Caspi, on parle toujours de la France, du séparatisme,
12:56notamment des frères musulmans, je crois qu'ils sont interdits aux Etats-Unis.
13:00Est-ce que justement, les Etats-Unis luttent de manière efficace contre ce séparatisme ?
13:07Est-ce qu'il y a un terreau favorable justement à l'islamisme ?
13:11C'est-à-dire qu'il y a aux Etats-Unis une communauté musulmane.
13:16Cette communauté musulmane rassemble aux environs de 3,5 millions de personnes.
13:23Elle est surtout localisée dans l'Etat du Michigan,
13:26mais elle n'est pas forcément incestée par le terrorisme, ne croyez pas cela.
13:32Non, non, c'était une question justement que je vous posais.
13:35Et qui s'exprime par le vote, on l'a bien vu d'ailleurs au cours des élections présidentielles.
13:40Et comment vote-t-il d'ailleurs ?
13:44Comment vote-t-il d'ailleurs cette communauté musulmane ?
13:48Cette communauté musulmane a montré sa sympathie pour les démocrates.
13:55Et puis au dernier moment, elle a hésité un peu,
13:59ce qui fait que finalement, Donald Trump n'a pas été si maltraité que cela par la communauté musulmane.
14:06Mais en principe, cette communauté est plutôt du côté démocrate que du côté républicain.
14:12Et comment qualifieriez-vous les relations de Donald Trump avec la communauté musulmane américaine ?
14:16Je dirais que Donald Trump, quand il a besoin d'électeurs, ne regarde pas trop quelle est la religion de ses électeurs.
14:26D'un autre côté, il s'est battu avec beaucoup de dynamisme pour obtenir la victoire.
14:36Y compris malgré le vote musulman, qui a été en majorité démocrate, mais qui n'a pas été totalement démocrate.
14:46Vous parliez tout à l'heure, André Caspi, d'une société qui n'est pas forcément en paix aux Etats-Unis.
14:54Elle a tendance à se fracturer de plus en plus au fil des années, ces dernières années.
15:00Oui, c'est une société qui est fracturée de toute évidence.
15:05Cela se voit dans les relations sociales, dans le monde politique.
15:11On voit bien que les Américains ne sont pas unis.
15:15Mais d'un autre côté, aujourd'hui, beaucoup de nations présentent des divisions profondes.
15:21Cela n'est pas limité aux Etats-Unis.
15:23Mais aux Etats-Unis, c'est encore plus grave parce que c'est l'État le plus puissant du monde.
15:28C'est un État qui rassemble 340 millions d'habitants.
15:32Cela se voit, cela se sent.
15:34Il y a quelque chose qu'il faut noter, c'est qu'aux Etats-Unis, aujourd'hui encore,
15:41la liberté de détenir une arme fait partie des libertés fondamentales.
15:47C'est garanti par le deuxième amendement à la Constitution qui remonte à 1791,
15:53c'est-à-dire à la fin du XVIIIe siècle.
15:57L'attentat de la Nouvelle-Orléans, ce n'est pas un attentat qui a été commis avec des armes à feu,
16:03même si le conducteur du camion disposait d'un fusil d'assaut.
16:08C'est en somme la possibilité, avec les armes, de commettre d'autres attentats
16:15et par conséquent de créer une situation d'instabilité.
16:22Merci André Caspi d'avoir été avec nous.
16:25Je rappelle que vous êtes professeur émérite à l'Université Paris 1 en Panthéon-Sorbonne,
16:29historien spécialiste de l'histoire des Etats-Unis.