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00:00Heureux Pinsoir, 19h21, Stéphanie Demuru.
00:05Et toujours dans ce studio avec mes débatteurs de la deuxième heure, Jean-Michel Salvator et Alexandre Malafaille.
00:11Messieurs, vous avez sans doute suivi les déambulations de Gérald Darmanin à Marseille,
00:17le nouveau garde des Sceaux qui dit vouloir taper au portefeuille les narco-trafiquants.
00:22On va peut-être pouvoir l'écouter avant de vous donner la parole.
00:25Le garde des Sceaux donc à Marseille, tout à l'heure en visite.
00:28Il faut taper au portefeuille. On sait que les peines de prison ne sont pas totalement dissuasives pour les plus grands délinquants.
00:35Des gens sont parfois condamnés à des dizaines d'années de prison sans pour autant arrêter leur trafic,
00:39ce qui pose la question du nettoyage des prisons et surtout de la confiscation des biens qui ont été mal acquis.
00:45L'argent, les voitures, les biens immobiliers, mais aussi cet argent, ces voitures et ces biens immobiliers qui sont à l'étranger.
00:52Alexandre Malafa, il est dynamique notre garde des Sceaux depuis sa nomination le 23 décembre.
00:58Il a été dans un tribunal, dans une prison, là il est à Marseille, il annonce un voyage à Abu Dhabi et puis à Dubaï.
01:06Quelle est votre réaction ?
01:08Méthode Sarko qui a très bien réussi, tout le monde l'a dit donc je ne fais que le répéter,
01:13mais qui était aussi sa marque de fabrique quand il est arrivé à l'intérieur, Place Beauvau.
01:16Les premiers temps étaient très marqués par des actions de communication poussées.
01:20Après voilà, maintenant il est dans un ministère qui est on va dire plus feutré et il pratique son style.
01:26Il occupe le temps court qui est peut-être d'ailleurs celui du temps du gouvernement de M. Bayrou, on verra.
01:32Toutes les annonces elles sont intéressantes, il redit beaucoup de choses que tout le monde sait, que tout le monde connaît.
01:37Il agite effectivement des problématiques qui sont bien identifiées.
01:40La seule problématique à laquelle il est confronté maintenant c'est la mise en œuvre.
01:44Il est le ministre des moyens de la justice, en réalité pas le ministre de la justice,
01:49ce n'est pas lui qui rend la justice, ce sont les magistrats.
01:51Donc là-dessus il n'a pas de levier, il a la loi mais pour la faire changer il y a un gros travail.
01:55Après il y a les moyens de la justice et ses seuls moyens d'action vraiment directs ce sont ceux qui sont sur l'administration pénitentiaire.
02:01Mais là encore l'administration pénitentiaire elle aimerait certainement faire beaucoup mieux par rapport à toutes les problématiques
02:06qui sont aujourd'hui celles de la prison.
02:08Mais il y a un problème de place, deux problèmes de moyens, trois des problèmes de sécurité.
02:12Il en demande des moyens justement.
02:13Oui d'accord mais ce n'est pas tout de les demander, il faut les avoir mais après il faut mettre en œuvre.
02:16Aujourd'hui vous avez toute une série de textes et de dispositions qui ont rendu les prisons perméables avec le monde extérieur,
02:22beaucoup plus qu'à une certaine époque.
02:23Et ça, ça s'est construit de manière législative.
02:25Donc il ne s'agit pas de sauter sur sa chaise ou de s'exciter comme dirait De Gaulle comme un cabri
02:30pour effectivement faire en sorte que ça change.
02:32C'est de l'activisme politique, c'est ce qu'il sait très bien faire.
02:35C'est mieux que de ne faire rien, ça envoie un certain nombre de messages et de signaux.
02:39Mais à un moment donné, il faut retrouver le chemin du travail de fond
02:41et de voir comment concrètement on va pouvoir faire changer les choses
02:44parce que les dispositifs qui permettent de saisir les biens des narcotrafiquants existent.
02:48D'ailleurs, il y a un énorme travail qui a été fait.
02:50En revanche, si ça peut permettre de prendre la mesure de l'ampleur du problème qu'on est confronté,
02:55c'est-à-dire en effet une guerre à une échelle qui n'est pas que nationale sur le narcotrafic
03:00et sur la finance criminelle aujourd'hui qui gangrène le monde à une échelle qui est absolument démesurée,
03:06ça ce serait très bien.
03:07Mais il va falloir effectivement un temps très long
03:09et sans doute une harmonisation de l'action à l'échelle européenne.
03:11Jean-Michel Salvatore, c'est vrai qu'il y a plusieurs obstacles auxquels se confronte le garde des Sceaux.
03:15Il y a tout d'abord les obstacles de moyens.
03:17Alexandre Malafaille vient de le dire, le travail est colossal.
03:21Et puis il y a dans un second temps, on en parlera peut-être après si vous voulez diviser les choses,
03:26mais il y a le problème du maintien du gouvernement et du budget, bien évidemment.
03:30Moi j'ai envie de dire qu'il faut faire quand même attention à la com.
03:34Parce que tout ça c'est très joli, mais combien de fois on a entendu M. Darmanin dire les mêmes choses.
03:41Il faut faire attention aux surpromesses.
03:44Parce que lutter contre les narcotrafiquants évidemment, tout le monde est d'accord.
03:50Il y avait eu une commission d'enquête au Sénat qui avait bien montré
03:55que les narcotrafiquants étaient aujourd'hui aussi puissants qu'un Etat.
04:01Et donc c'est dire la difficulté de l'exercice.
04:04Et donc moi j'ai quand même tendance à dire que sur le fond, évidemment il a raison,
04:08mais attention à ce grand barnum médiatique.
04:12Est-ce que ce n'est pas habile de sa part, est-ce que ça ne serait pas justement, pardonnez-moi de vous couper,
04:17une manière de mettre la pression sur les oppositions qui brandissent la menace d'une motion de censure
04:24et de dire, vous voyez, moi j'ai voulu agir, je l'ai dit haut et fort, mais enfin on me censure.
04:29Moi et mon gouvernement. Est-ce que ce n'est pas finalement assez habile ?
04:32Écoutez, moi je ne sais pas, je pense plutôt que non, parce que le sujet il est quand même extrêmement compliqué.
04:39Je voudrais m'arrêter juste sur un sujet. Quand il dit qu'il faut nettoyer les prisons,
04:44bien sûr qu'il faut nettoyer les prisons.
04:47Mais on sait qu'il y a un problème énorme dans les prisons, c'est l'histoire des téléphones portables.
04:52On considère que dans chacune des cellules en France, il y a entre deux et trois téléphones portables.
05:00Lorsque l'administration pénitentiaire fait des opérations de nettoyage dans certaines cellules,
05:06il n'arrive qu'à en trouver qu'une partie.
05:09Il y a quelques mois, il y avait une opération dans une trentaine de cellules au Bomet,
05:13et on n'a trouvé qu'une vingtaine de téléphones portables.
05:18Vous savez, ils se font livrer leur repas par des drones, me racontait un syndicat pénitentiaire.
05:23Ce que je veux dire, c'est que c'est extrêmement compliqué, et ce n'est pas par des mouvements de menton qu'on y arrivera.
05:29Ce qu'il faut bien voir, c'est que depuis une dizaine d'années, on a été d'un angélisme absolument absolu,
05:35notamment sur la question des téléphones portables.
05:37Lorsque Mme Taubira était ministre de la Justice en 2015,
05:41elle avait considéré que les délinquants qui étaient incarcérés avaient un droit au téléphone.
05:48Et donc, il y a eu un grand plan d'installation des téléphones dans toutes les cellules de France.
05:54Il y a 60 000 cellules, on a installé des téléphones dans toutes ces cellules.
05:58Des téléphones évidemment qui ne sont pas totalement accessibles, il faut avoir des codes, etc.
06:02Mais imaginez un petit peu l'état d'esprit de tous ces prisonniers qui voyaient arriver des techniciens installer des téléphones fixes.
06:10C'est une manière aussi d'écouter parfois les prisonniers.
06:14Alors qu'ils avaient tous dans leurs poches des téléphones portables.
06:18Et donc, tout l'argent qu'on a mis pour installer ces téléphones qui ne servent au fond pas à grand chose,
06:23on aurait mieux fait d'utiliser cet argent pour installer des brouilleurs, pour installer des systèmes sophistiqués.
06:30Il y en a des brouilleurs, le problème c'est qu'ils sont obsolètes, ça ne marche plus avec les nouvelles technologies.
06:33Peut-être qu'il faut dépenser plus d'argent.
06:36Ils demandent 500 millions pour les brouilleurs, Gérald Darmanin.
06:39Mais très honnêtement, si vous voulez, là, on voit bien qu'il y a des téléphones portables partout.
06:44On considère qu'il y en a à peu près 250 000 des téléphones portables dans les prisons.
06:49Et souvenez-vous de l'histoire de Mohamed Nabra.
06:52Vous vous souvenez de ce délinquant qui avait réussi à s'évader.
06:56Il était dans un fourgon et sur l'autoroute de Normandie, il avait des complices qui l'avaient délivré.
07:03Quand on a fait l'enquête, on s'est rendu compte que lorsqu'il était à la santé, il avait 9 téléphones portables dans sa cellule.
07:10Et qu'il organisait son trafic de sa cellule.
07:13C'était au mois de mars.
07:15On a entendu énormément de déclarations assez volontaristes de tous les ministres.
07:22Et qu'est-ce qui s'est passé depuis ?
07:24Je pense qu'il a raison de dire tout ça, mais il faut que ça suive.
07:29Avec un gouvernement qui a une durée de vie assez limitée, on se dit qu'il y aura beaucoup de discours, mais pas beaucoup de réalisations.
07:37Alexandre Malafaille, ça ne vous a pas étonné, c'est Frédéric Ploquin qui me faisait remarquer ça,
07:43qu'il avait un peu grillé la politesse à son collègue de l'intérieur.
07:47Ce sont plutôt des annonces qu'on fait à deux.
07:50On a l'impression d'avoir deux ministres de l'intérieur pour le prix d'un, si je puis dire.
07:54Il fait ce qu'il sait faire.
07:57Il est en train sans doute de découvrir les réalités de son ministère et que les leviers d'action sont très limités.
08:04Quand vous êtes ministre de la Justice, vous êtes sur un schéma d'action et d'intervention qui est beaucoup plus sur le temps long,
08:10sur le fond, sur des problématiques qui sont judiciaires, mais pas seulement.
08:13Le ministre de la Justice, de l'administration pénitentiaire ou de la mécanique judiciaire,
08:19n'est pas que celui qui s'occupe de l'aboutissement de la chaîne pénale avec notamment le volet pénitentiaire.
08:26C'est une mission qui va bien au-delà. La justice, elle couvre la justice civile, la justice familiale.
08:30Il y a énormément de sujets qui sont posés, énormément de problématiques qui sont également posées par rapport aux droits nationals, aux droits européens.
08:38C'est un métier, si je peux dire, à part entière.
08:40Justement, je vais vous faire écouter Gérald Darmanin qui parlait de ce problème de la réponse pénale
08:45et en tout cas des peines de prison qui ne sont pas toujours appliquées.
08:48Lorsqu'on dit que l'on connaît quelqu'un à la prison, il faut qu'il en fasse de la prison.
08:52Et il y a trop de peines de prison qui sont prononcées, qui ne sont pas exécutées et dont jamais la personne ne va une journée en prison.
08:58Quand on dit que les gens sont à l'isolement en prison, personne ne comprend, derrière son écran de télévision en lisant son journal,
09:05que ces personnes peuvent communiquer à l'extérieur, commander des assassinats, corrompre des fonctionnaires ou pouvoir faire continuer leur point de deal.
09:13Donc, si je devais résumer en un mot ce que je crois on attend du ministre de la Justice,
09:18c'est que les mots prononcés par les magistrats correspondent à la réalité.
09:23Mais Alexandre Manafaï, alors c'est vrai que ça n'a rien à voir, parce que là ce sont des OQTF,
09:27mais c'est vrai que la réalité est têtue, il y a les paroilles et il y a le terrain,
09:33les peines de prison pas appliquées parce que souvent il n'y a pas de place en prison,
09:36les OQTF algériens qui avaient dérobé une pharmacie, qui ont été relâchés faute de place dans les centres de rétention administrative,
09:44c'est là la réalité dans ce pays ?
09:47Non mais la réalité c'est la loi, les magistrats appliquent la loi,
09:50alors bien sûr avec une marge de manœuvre souple qui est la leur pour des raisons qui sont liées au fait que l'exercice de magistrats
09:55se fait avec évidemment une marge d'appréciation, et heureusement,
09:59parce que sinon n'importe qui serait obligé de suivre un texte en disant ça, ça vaut le temps.
10:03Ensuite on a fait des peines de prison mais qui ne peuvent pas être exécutées à moins de 6 mois,
10:07ensuite on a décidé, on revient sur les prisons, que de toute façon il n'y a plus de fouilles systématiques,
10:11les téléphones dont vous parliez sont plus petits qu'un petit doigt pour beaucoup d'entre eux,
10:15donc très difficile à détecter, donc voilà, Gérald Lamin, il enfonce des portes ouvertes,
10:19c'est ça qui est un peu agaçant dans ce discours-là, il n'y a rien de neuf sous le soleil,
10:24alors après qu'il essaye effectivement de faire changer la loi, en effet c'est une bonne idée,
10:28qu'on essaye de mettre en place des peines de prison courtes effectuées réellement,
10:32et en plus de faire en sorte qu'elles soient réalisées.
10:34C'est ce qu'il faut faire.
10:35Oui d'accord, mais là encore c'est la loi, il faudra faire changer la loi,
10:38et ensuite il va falloir trouver le moyen de les appliquer,
10:40et il faudrait surtout en plus rapprocher l'exécution de la peine de la commission du délit ou de l'infraction,
10:45parce que quand vous avez en plus avec tous les délais de recours,
10:47la possibilité entre, sauf si vous êtes pris en flagrance et que c'est suffisamment grave,
10:51où ça peut aller très vite, la plupart du temps, la justice étant ce qu'elle est,
10:55c'est-à-dire comme relativement encombrée, il faut une année ou deux années pour une première instance,
10:59vous rajoutez le même temps pour les appels.
11:02Pour ça il faut des magistrats, il faut des moyens, et il faut un budget aussi.
11:06On est sur le temps long, et pour ça cette agitation politique est intéressante,
11:11parce qu'elle permet d'occuper le terrain à un moment donné où personne ne l'occupe,
11:13à part l'actualité sur Mayotte.
11:15Et peut-être effectivement de dire aux oppositions, je me répète,
11:17de dire aux oppositions, plus tard, j'ai exprimé une certaine volonté,
11:22et on m'a empêchée, alors il n'est pas seul au gouvernement.
11:26On ne pourra pas lui reprocher en tout cas de ne pas avoir occupé le terrain,
11:29si ça dure trois semaines, ou un mois, ou deux mois,
11:31comme ça il pourra dire, moi j'ai tenté.
11:34L'urgence du moment, moi je veux bien, c'est très sympathique tout ce qu'il dit,
11:37sauf que c'est infaisable rapidement.
11:43Le gouvernement a voté un plan de construction de 15 000 places de prison,
11:47c'est incroyablement en retard.
11:49Guigui Emigo ne disait pas avant, je crois, 2029.
11:54A l'origine le plan avait été conçu pour être terminé en 2027,
11:59bon le délai ne sera pas tenu, on sait très bien qu'on n'arrive pas à les construire,
12:03on sait très bien qu'il y a des oppositions de toutes sortes.
12:06Donc moi je trouve que la surpromesse est quand même très dangereuse pour un homme politique,
12:11surtout pour Darmanin, qui a quand même beaucoup de choses à se faire pardonner.
12:14N'oubliez pas que c'était l'un des rares ministres qui était pour la dissolution.
12:18C'est vrai, belle conclusion.
12:20A tout à l'heure, Alexandre Benaffa, je vous redonne la parole.
12:23Et restez avec nous, dans quelques instants on viendra sur un cas français,
12:28vous verrez, dans le cadre de la désindustrialisation,
12:33on ira en Bretagne notamment, où une grande entreprise est menacée de fermeture.
12:37Restez avec nous.

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