Category
🗞
NewsTranscription
00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Stéphanie Demureux.
00:06J'accueille nos deux débatteurs de la première heure.
00:13Bonsoir Raphaël Stainville, directeur adjoint de la rédaction du JDD.
00:17Bonsoir Nathan Devers, écrivain et philosophe.
00:20On va aborder dans quelques instants ce tout premier conseil des ministres François Bayrou.
00:24Je suis sûre que vous étiez très impatients de savoir tout ce qu'il avait à nous dire.
00:28J'espère que vous n'avez pas été trop déçus parce qu'il y a finalement eu très très peu d'annonces vraiment concrètes.
00:34On en parle tout de suite avant de vous donner la parole à Raphaël et Nathan.
00:38On en parle avec Benjamin Morel, constitutionnaliste, maître de conférences en droit public à l'université Paris Panthéon-Assas.
00:44Bonsoir Benjamin Morel.
00:46Alors on a envie de se poser la question de savoir quelles sont les marges de manœuvre de ce gouvernement.
00:51On le disait, premier conseil des ministres, peu d'annonces.
00:56François Bayrou nous disait qu'il existe un chemin pour sortir de l'instabilité politique.
01:01Est-ce que c'est la méthode Coué ou François Bayrou n'a pas la même lecture que nous des événements ?
01:07Alors s'il y a peut-être de la méthode Coué, il y a aussi une façon de ne pas avouer qu'il est dans une situation évidemment extrêmement compliquée.
01:14Il faut voir qu'on peut éventuellement vaporer sur tout un tas de textes qui pourraient éventuellement être soumis au Parlement.
01:18Il y a deux priorités, le PLF et le PLFSS, le projet de loi budgétaire et le projet de loi de budget de la sécurité sociale.
01:24Ces budgets doivent arriver le plus vite possible.
01:27Le problème c'est que pour l'instant le chemin n'existe pas.
01:30A priori la gauche est assez cohésive pour voter une motion de censure.
01:33La question c'est est-ce que le RN la vote ?
01:35Et donc il va falloir voir si assez de gages sont donnés, etc.
01:39Si Marine Le Pen a ou n'a pas intérêt à censurer le gouvernement au mois de février, au mois de mars,
01:44eu égard à la pression électorale.
01:46Dans ce cadre-là, vous avez un François Bayrou qui a tout intérêt aujourd'hui à être le plus timoré possible
01:52parce que tout ce qu'il peut mettre dans la balance, tout ce qu'il peut exprimer,
01:56risque d'être un certain nombre d'irritants qui accroîtront les possibilités d'une censure.
02:00Vous venez peut-être de me donner une explication parce que c'est vrai que timoré c'est un petit peu le mot,
02:04même je ne voudrais pas dire lent parce que ça ne serait pas très gentil,
02:07mais c'est vrai qu'il n'y a pas un grand dynamisme.
02:10Alors peut-être qu'on a été trop habitué à la communication,
02:13mais là clairement on prend son temps chez le Premier ministre.
02:17Il y a deux sujets, il y a prendre son temps et il n'y a pas beaucoup communiqué.
02:20Le fait de ne pas beaucoup communiquer, de ne pas faire des grandes annonces,
02:23de ne pas lancer des projets de loi, etc. c'est plutôt intelligent
02:26parce que vous risquez plutôt de créer des irritants et donc de hâter votre censure.
02:30En revanche, le fait de se hâter pourrait quand même être intéressant
02:35parce que le fait de ne pas avoir eu un budget avant le 31 décembre, c'est un vrai problème.
02:39On aurait pu avoir un budget au 31 décembre.
02:41Quand Michel Barnier a été censuré, il y avait encore un mois,
02:43les budgets n'étaient pas morts, on aurait pu reprendre les budgets,
02:45on aurait eu plus de marge de manœuvre budgétaire si on avait fait ça.
02:48Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?
02:50Pourquoi pas François Bayrou ?
02:53Parce qu'il n'était pas nommé à ce moment-là,
02:55parce qu'Emmanuel Macron a pris beaucoup trop de temps pour renommer quelqu'un,
02:58alors que là il y avait la possibilité d'aller relativement vite
03:02en amendant à la marge le budget Barnier pour arriver à conquérir une majorité,
03:06ce que finalement on va faire parce qu'on va repartir à peu près du même texte.
03:09Et ensuite, là on a un Parlement qui rentre le 14 janvier,
03:14ce n'est pas non plus nécessaire.
03:16Je rappelle que dans ce pays on a voté des budgets un 31 décembre à minuit,
03:21en fait il était déjà le 1er janvier mais on a arrêté les pendules sur les Troisième République
03:24pour les voter à temps.
03:25Donc on pouvait travailler entre Noël et le Nouvel An,
03:27on pouvait travailler dans les premiers jours de janvier pour aller relativement rapidement.
03:31Si ce temps est toutefois utile, en d'autres termes,
03:34si jamais on a des vraies consultations à Bercy qui permettent d'arriver à construire des coalitions
03:38et de construire des majorités, on aura perdu un peu de temps,
03:41mais ça aura au moins permis de faire passer le budget.
03:43Si en revanche c'est un temps qui est un temps de pure communication,
03:46on consulte les groupes politiques, etc., mais on sait très bien qu'ils ne voteront pas,
03:50et bien ce sera non seulement du temps perdu,
03:52mais également du temps qui pourra être mangé sur un prochain gouvernement
03:56qui aura peut-être à faire passer à notre budget,
03:58or avoir un budget devient aujourd'hui une réurgence.
04:00Raphaël Stabile, vous vouliez interroger Benjamin Morel.
04:03Oui, j'en reviens à la question initiale de Stéphanie Demureux
04:05qui vous questionnait sur le sens donné à ce chemin mieux défini
04:10qui nous permettrait de sortir de l'instabilité.
04:12Dans la mesure où le paysage politique est insangé,
04:15on a du mal à voir ce que signifie ce chemin qui est mieux défini,
04:18à moins que ce soit justement dans cet indéfinissable
04:22que même la porte-parole du gouvernement s'est bien gardée de préciser.
04:26Alors on verra bien ce que François Bayrou nous dit le 14 janvier
04:29avec le discours de politique générale.
04:31Objectivement, aujourd'hui, il n'y a aucune marge de manœuvre,
04:33c'est-à-dire qu'on peut imaginer quelques textes transpartisans,
04:37notamment sur la fin de vie, etc.,
04:39mais une fois qu'on a fait passer les budgets,
04:41il n'y a pas vraiment de place.
04:42C'est-à-dire que vous faites une loi sur l'immigration,
04:44vous allez très rapidement être embêté par la gauche de la Macronie.
04:46Donc, entre guillemets, c'est mort.
04:48Vous allez sur le terrain économique, vous allez être embêté
04:51par les différentes tendances très contradictoires
04:53qui parcourent et les macronistes et les LR sur ce sujet-là.
04:56Donc, pour François Bayrou,
04:57son projet ambitieux est fondamentalement grévé.
05:00On ne voit pas réellement, après les budgets,
05:02quels textes pourront être possibles.
05:04Si ce gouvernement fait passer de budget,
05:06on pourra déjà lui tirer de chapeau.
05:08Benjamin Morel, ça veut dire, en gros, loi spéciale,
05:11notamment pour Mayotte.
05:13Je sais que les agriculteurs s'impatientent aussi.
05:15Vous avez entendu, la coordination rurale a manifesté son intention
05:20de venir marcher sur Paris dimanche.
05:23C'est quoi la marge de manœuvre ?
05:25Ce sont des circulaires, des lois spéciales.
05:27Qu'est-ce qui reste au gouvernement qui n'a pas de majorité ?
05:30Alors, il y a trois grands types de textes
05:33qui peuvent éventuellement passer.
05:34Le premier texte, c'est en effet les budgets.
05:36Ils doivent passer.
05:37Ensuite, ce sont des textes qui sont assez transpartisans.
05:40On évoquait la fin de vie, on peut évoquer l'agriculture.
05:43Là-dessus, il n'y a pas forcément d'accord,
05:45mais ce n'est pas clivant au sein même des groupes politiques,
05:47et donc vous ne risquez pas de tomber dessus.
05:49Mais on gouverne avec des circulaires, avec des décrets,
05:51c'est ça le sens ?
05:52Non, c'est le projet de loi aussi.
05:53Oui, on arrive à faire passer des lois,
05:55et le reste, quand on n'est pas d'accord, c'est quoi ?
05:57On peut faire passer des lois,
05:58et le dernier type de loi, c'est avec des lois d'urgence.
06:00Mayotte, etc.
06:01Là, il faudra aller vite.
06:02Ensuite, on peut évidemment gouverner par décret
06:05sur tout un tas de sujets,
06:06notamment concernant les services publics, etc.
06:08Mais vous n'aurez pas de grandes réformes avec ce gouvernement,
06:11il ne faut pas se leurrer.
06:12Et par ailleurs, les vrais problèmes en matière de services publics,
06:14on peut beaucoup les diriger par décret,
06:17mais ce sont des problèmes budgétaires.
06:19Et donc ça renvoie, là encore,
06:20à ce que l'on peut faire en matière budgétaire,
06:22donc aux textes qui vont venir.
06:23Lorsque l'on voit Gérald Darmanin,
06:25vous vouliez poser une question là-dessus ?
06:28C'était une précision, Bruno Retailleau,
06:30à la veille d'être renommé Place Beauvau,
06:34avait fait valoir un certain nombre de lignes rouges,
06:36et notamment s'il y avait un texte d'initiative gouvernementale
06:40sur la fin de vie,
06:42ça constitue pour lui une ligne rouge.
06:44Donc on peut imaginer des textes parlementaires sur le sujet,
06:49mais certainement pas des textes provenant du gouvernement.
06:52Nathan Devers, vous vouliez aussi interroger Benjamin Morel.
06:55Oui, vous citiez tout à l'heure l'exemple de la Troisième République,
06:58on pourrait citer l'exemple aussi de régimes plus parlementaires
07:01chez nos voisins européens ou occidentaux,
07:03chez qui un tel blocage de l'Assemblée
07:07n'empêche pas de construire une coalition
07:10qui arrive quand même à avancer, à porter des lois, etc.
07:12La question que je voulais vous poser c'est,
07:14si comme vous le dites,
07:16et en effet ça paraît incontestable en vous écoutant,
07:18le gouvernement actuel n'a pas de marge de manœuvre
07:21pour porter une réforme quelconque,
07:23comment pourrait-il réussir à accomplir
07:26la volonté politique de François Bayrou,
07:28qui est celle de la réconciliation ?
07:30Comment on réconcilie une France
07:32et une France politique des représentants politiques
07:34qui sont plus divisés que jamais,
07:36si c'est par l'inertie ?
07:38C'est extrêmement compliqué,
07:40et je vois assez mal comment...
07:42Comment est-ce qu'on peut analyser aujourd'hui
07:44les premiers pas de François Bayrou ?
07:46Je crois que vous avez quelqu'un qui a rêvé de devenir président de la République
07:48ou Premier ministre pendant des décennies,
07:50qui se retrouve aujourd'hui au poste de Premier ministre
07:52et qui veut mettre en place quelque chose
07:54d'intéressant pendant des années,
07:56d'où le fait qu'il débarque en disant quelque chose de prioritaire,
07:58au vu de l'état du pays, il accumule des mandats.
08:00C'est cohérent pour le moment dans l'esprit de François Bayrou,
08:02sauf que là, ce n'est pas le moment,
08:04et qu'il n'y a pas de majorité pour.
08:06Cette grande réconciliation nationale,
08:08aujourd'hui, je la vois extrêmement difficilement.
08:10Clairement, si on a des budgets, encore une fois, on est content.
08:12Dans ce cadre-là,
08:14vous évoquiez l'inertie
08:16et la réconciliation nationale.
08:18Je cite beaucoup un sondage au Doxa
08:20qui était paru juste avant les élections législatives.
08:2247% des Français
08:24voulaient voter contre le NFP.
08:2644% contre Emmanuel Macron.
08:2841% contre le RN.
08:30Bilan de ce sondage, cette élection a été
08:32un concours d'épouvantail.
08:34Aujourd'hui, arriver à réconcilier les épouvantails,
08:36ça paraît extrêmement compliqué à court terme,
08:38surtout pour un François Bayrou
08:40qui est fondamentalement impopulaire.
08:42Peut-être qu'on arrivera à dépasser ça,
08:44mais pour l'instant, on n'a pas les moyens.
08:46Quand on a vu, depuis le 23 décembre,
08:48Gérald Darmanin occuper le terrain médiatique,
08:50faire des annonces d'intention,
08:52les Français ont l'air en diapason
08:54avec ce duo,
08:56Gérald Darmanin.
08:58Quelle est la marge de manœuvre
09:00du nouveau garde des Sceaux ?
09:02Est-ce qu'il pourra tout de même
09:04agir dans le sens qu'il annonce ?
09:06Les marges de manœuvre d'un garde des Sceaux
09:08sont extrêmement réduites.
09:10Un garde des Sceaux, c'est un poste paradoxal
09:12parce que vous êtes garant
09:14de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
09:16Autrement dit, vous êtes là pour vous assurer
09:18qu'une autorité
09:20ne vous répond pas à vous.
09:22Il y a des marges de manœuvre réduites.
09:24L'organisation de la justice,
09:26d'où le fait d'éventuellement un parquet
09:28qui pourrait être un parquet antidrogue.
09:30Les prisons, ça aussi,
09:32vous avez les moyens. Je ne dis pas que c'est nudge,
09:34je ne dis pas que ce n'est pas important, je ne dis pas que ce n'est pas essentiel,
09:36mais il est vrai que ce n'est pas fondamentalement
09:38aujourd'hui l'axe un peu le plus bloqué
09:40ou alors sur les prisons, c'est surtout qu'il faudrait qu'on soit des places.
09:42Dans ce cadre-là,
09:44on est malgré tout face à des marges de manœuvre
09:46très limitées et un ministère
09:48qui risque d'être un ministère de la parole.
09:50Merci beaucoup Benjamin Morel d'avoir été avec nous.
09:52Je rappelle que vous êtes professeur à l'université
09:54Panthéon à Sasse.
09:56À noter dans ce sondage, puisque vous citiez
09:58Odoxa pour le Figaro, 86% des Français
10:00estiment qu'Emmanuel Macron sera
10:02contraint de nommer un nouveau
10:04Premier ministre.
10:06Restez avec nous Nathan Devers et Raphaël Stainville.
10:08On continue nos débats juste après la pub.
10:10Merci Benjamin Morel.
10:16Au revoir.