Au menu ce samedi : un débat sur les grands enjeux économiques et politiques de 2025. Arnaud Quémard, directeur général de Sanef, nous éclaire sur l'évolution des réseau autoroutier en France. Enfin, un détour par les Yvelines à la découverte d'une plateforme multimodale.
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00:00Bonjour Arnaud Quémart. Bonjour. Vous êtes le patron de la SANEV qui s'occupe des autoroutes de la Normandie, du Nord-Est également, de la France.
00:07Alors on parle toujours de la SNCF pendant la période des fêtes avec des TGV remplis. Est-ce que vous aussi vous avez eu du monde sur vos autoroutes ?
00:14Oui on a eu un peu de monde après une année qui a été quand même globalement mauvaise avec un trafic en 2024 qui est décroissant par rapport à 2023.
00:22Sur le mois de décembre on a fait plus 1,7% de trafic donc c'est pas mal.
00:27Pourquoi l'année a été mauvaise ?
00:29Alors il y a plusieurs facteurs. Un premier facteur c'est qu'on a été touché par la grève des agriculteurs. On se rappelle janvier-février 2024 donc ça, ça a ralenti considérablement le trafic.
00:41Un climat qui a été mauvais, on est quand même assez sensible, surtout sur les trafics de week-end, on est quand même sensible au climat.
00:47Parce que notamment autoroutes de la Normandie, le Paris-Dauphine, ce genre de choses.
00:49Le Paris-Caen. Et puis trois week-ends d'élections. Mine de rien, trois week-ends d'élections. Les Jeux Olympiques, donc ça fait une année qui a été globalement, au moins un premier semestre qui a été assez compliqué, un deuxième semestre meilleur et un mois de décembre assez correct.
01:05Donc on le voit, la route continue toujours malgré tout de progresser, notamment sur cette période de fin d'année. Ça s'explique comment ? C'est que les prix des billets de la SNCF sont tellement élevés que c'est le meilleur argument pour que les gens continuent d'utiliser leurs voitures ?
01:19Alors, ça j'ai envie de dire, c'est un peu un argument parisien. Parce que finalement, quand on regarde les mobilités en France, la voiture est, et restera pour un bon bout de temps, le moyen de transport privilégié des Français, puisque effectivement, lorsqu'on est parisien et qu'on veut aller à Lille, on a l'option de prendre le TGV.
01:41Mais si vous habitez dans le centre de la France et que vous allez dans l'est de la France, il n'y a pas tellement d'autres solutions que prendre sa voiture.
01:49Grosse innovation que vous avez lancée du côté de la SANEF, vous avez enlevé les péages, c'est ce qu'on appelle du flux libre, on passe directement, sans s'arrêter, vous vendez ça également comme une mesure écologique, puisque par définition, on ne s'arrête plus, donc on ne redémarre pas, donc on ne consomme pas plus avec notre voiture.
02:04Vous l'avez fait à partir de juin sur la 14 et là, vous venez de le faire, il y a quelques semaines, sur la 13. Quel premier bilan vous trouvez ?
02:12Le bilan est tout à fait excellent. On a vu pendant la période de congé, qui est sur l'autoroute de Normandie, une période de pic de trafic, on a vu qu'il n'y a eu aucun bouchon pendant cette période.
02:28Alors que traditionnellement, dans les chassés-croisés des vacances de Noël, il y a des bouchons, donc ça a supprimé complètement les bouchons. On a calculé qu'on pouvait gagner jusqu'à une demi-heure entre Paris et Caen grâce à ce dispositif.
02:44Une fois que ce sera finalisé, parce qu'aujourd'hui, il y a encore beaucoup de travaux pour enlever complètement tous ces péages.
02:49Alors on contourne quand même les barrières à 70 km heure, là où on s'arrêtait. Donc aujourd'hui, ça circule de manière parfaitement fluide.
02:58Il faut donc payer ensuite ?
03:00Absolument.
03:00Et les gens payent vraiment ? Quel est le taux de non-paiement ?
03:04Alors le taux, on va parler du taux de paiement, soyons positifs, le taux de paiement spontané, alors qu'on vient de lancer le dispositif, c'est le 10 décembre qu'on a lancé, est très supérieur à 90%.
03:16Donc les clients de l'autoroute qui utilisent le péage en flux libre ont très rapidement compris comment ça fonctionne.
03:24Alors c'est vrai qu'on a mis le paquet, on a installé 200 panneaux sur les 200 km d'autoroute, donc là c'est assez visible.
03:31Et puis on paye de façon finalement très très simple, presque plus simple qu'avant.
03:36Vous êtes les seuls à être allés aussi loin sur l'absence de péage sur les autoroutes. Pourquoi les autres réseaux, d'après vous, vos concurrents, ne vous suivent pas en la matière ?
03:43Certains disent même que ce n'est pas la bonne idée.
03:46Alors je ne peux pas parler à leur place. Il y a une autoroute qui a été construite en flux libre, c'est la 79 dans l'Allier, avec un trafic qui est beaucoup plus faible.
03:56Nous on a choisi cet axe parce que c'est un axe qui a une dualité de trafic, d'abord un domicile-travail important, la banlieue parisienne, la métropole rouennaise et la métropole de Caen,
04:09mais aussi des pics de trafic, c'est les Parisiens qui vont en week-end en Normandie, c'est pour ça qu'on a fait ça là.
04:16Mais vous pensez que vous allez être suivi ou pas plus que ça ?
04:19Alors, on sera naturellement suivi puisque toutes les nouvelles concessions, puisqu'il y a encore quelques nouvelles concessions qui sont lancées par l'État, sont systématiquement en flux libre.
04:27Pour décarboner la route, il y a bien évidemment les voitures électriques, les bornes, je crois que vous en êtes exactement, si j'ai bien regardé ce matin, à 652 bornes sur le réseau de la SANEF.
04:36Alors que les ventes de voitures électriques progressent moins vite que prévu, est-ce que votre taux d'utilisation des bornes est aussi décevant ?
04:43Non, le taux est bon. Le taux est bon et continue de croître.
04:46Non, ça c'est plutôt une assez bonne surprise.
04:49Le véhicule électrique, ça devient une réalité et c'est vrai qu'avec 652 bornes, moi j'avais 662 en tête, mais 652 bornes disons, à très haute puissance,
04:59en fait le trajet en véhicule électrique, on traverse la France en véhicule électrique sans aucun problème.
05:04On l'entendait dans le reportage de Léa Guedj, le plein 30-35 euros, le problème c'est que d'une borne à l'autre, ça peut considérablement changer.
05:11Est-ce que ce n'est pas aussi un problème ? Est-ce qu'il ne faudrait pas rendre ça un tout petit peu moins opaque quand même, c'est le moins qu'on puisse dire ?
05:16Alors, les tarifs sont très clairement sur toutes nos stations de recharge, les tarifs sont très très clairement affichés.
05:24D'ailleurs, les tarifs qui sont pratiqués sur autoroutes, contrairement à ce qui se dit, sont exactement les mêmes à services équivalents, évidemment à puissance équivalente,
05:34sont exactement les mêmes que hors autoroutes.
05:37Et les tarifs, comme on le voit pour l'essence, c'est beaucoup plus cher, notamment pour le fait que les stations-services doivent être ouvertes 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
05:43Alors, beaucoup plus cher, on a mis en place des clauses tarifaires, de modération tarifaire, sur nos aires,
05:49où certaines aires, on est 3-4 centimes seulement au-dessus du tarif moyen constaté en France.
05:55Votre concurrent Vinci, on l'entendait, a mis sur une route électrique pour les poids lourds, la décarbonation de la route va passer bien évidemment par les poids lourds,
06:03vous, vous réfléchissez à d'autres pistes, par exemple un système de diligence, on va pouvoir changer juste le devant du camion, comme on faisait à l'époque avec les chevaux.
06:12C'est anecdotique ou c'est vraiment quand même une partie de l'avenir ?
06:15Je pense que c'est une partie de la solution.
06:17Je pense que c'est une partie de la solution, puisque pour le transit de marchandises de longue distance,
06:25on a, les entreprises de transport ont plusieurs problèmes.
06:28Un premier problème, c'est de trouver des chauffeurs.
06:30Et donc, si vous avez des camions et des chauffeurs, les tracteurs et les chauffeurs qui tournent sur des cycles de 400 kilomètres,
06:38finalement, on trouve des chauffeurs, puisque les chauffeurs dorment chez eux.
06:40Ça, c'est la première chose.
06:41Les marchandises vont plus vite, puisqu'en fait, la plupart du temps, les marchandises dorment.
06:46Aujourd'hui, avec un chauffeur, ils dorment sur le bord de la route.
06:49Alors que là, de proche en proche, de point de relais en point de relais, la marchandise, et on le fait aujourd'hui,
06:56c'est aujourd'hui, on a une expérimentation en cours.
06:57Sur l'île Avignon, c'est ça ?
06:58Sur l'île Avignon, exactement.
07:00Et c'est pratiquement 15% de temps de trajet économisé.
07:05Et donc, il y a des marchandises qui arrivent plus vite.
07:08Et puis, en termes d'investissement, c'est un investissement qui est finalement modéré,
07:12puisque nos calculs montrent qu'avec 60 points de relais, on couvre l'ensemble de la France.
07:17Voilà, un point de relais, ça coûte quelques millions d'euros.
07:20Et donc, on est très très loin des sommes considérables qui peuvent être mentionnées parfois.
07:27Avec le dérèglement climatique, on observe une augmentation des événements climatiques extrêmes.
07:32Comment vous préparez votre réseau pour faire face justement à ces risques ?
07:37Je pense notamment aux très très fortes chaleurs que l'on peut connaître l'été maintenant.
07:41Alors, nous, on a de la chance, on est plutôt au nord de la France, donc les très très fortes chaleurs, c'est moins pour nous.
07:45Et on en a aussi.
07:46Vous avez de la pluie, vous ?
07:48Nous, on a de la pluie.
07:50Donc, on continue à faire évoluer nos infrastructures avec des bassins de rétention d'eau de plus en plus importants.
07:58On travaille avec certaines collectivités pour voir comment l'autoroute peut protéger le territoire
08:04et non plus être complètement transparente vis-à-vis de la traversée des eaux.
08:10Et puis, on réfléchit aussi à nos infrastructures, puisque nos ponts ont été construits dans les années 60-70.
08:18Donc, on réfléchit à l'amélioration, avec l'État d'ailleurs, à l'amélioration de nos infrastructures pour être plus résilients.
08:23L'amélioration, ça veut dire quoi ? C'est-à-dire les remettre à niveau ?
08:25Les rendre plus résilients au changement climatique.
08:29Pour décarboner la route, vous décarbonez aussi la fabrication des routes et leur entretien.
08:33Je crois que vous misez notamment sur l'utilisation de produits recyclés.
08:36J'imagine que tout ça coûte potentiellement un petit peu plus cher.
08:38Est-ce que c'est encore nous qui allons payer ?
08:40Alors, absolument pas.
08:42Vous mentionnez quelque chose d'important en fait.
08:43Nous, on avait un plan il y a trois ans de diminuer nos propres émissions de CO2 de 20%.
08:49On a atteint, à fin 2024, plus de 30% de réduction de CO2.
08:54Un des éléments majeurs, c'est effectivement dans les chantiers de chaussée.
08:58Donc, on met de l'enrobé, c'est de l'asphalte.
09:00Et jusqu'à il y a très peu de temps, on mettait systématiquement de l'enrobé neuf.
09:05Là, on utilise l'enrobé de l'ancienne route, on le retraite et on le remet sur la route.
09:13Et il est reparti pour 15-20 ans.
09:16Cette année, la hausse sera d'un tout petit peu moins de 1% au 1er février des autoroutes.
09:20C'est une hausse inférieure à l'inflation.
09:21C'est vraiment la première fois depuis des années que ça se passe comme ça.
09:25Malgré tout, vous êtes très régulièrement accusé, et à peu près par tout le monde,
09:29que quelle que soit la couleur politique, j'ai envie de dire, pardon de l'expression que je vais utiliser,
09:33mais de vous en mettre plein les poches.
09:35C'est le cas ?
09:35Alors, absolument pas.
09:37Absolument pas.
09:39Ça fait partie du grand mythe des autoroutes.
09:41En même temps, si vous m'aviez dit oui, j'aurais été étonné quand même.
09:43Oui, peut-être.
09:44Mais ça fait partie du grand mythe des autoroutes.
09:46Il y a une autorité indépendante qui s'appelle l'Autorité des régulations des transports,
09:50qui a pour mission de vérifier la rentabilité des concessions.
09:54Et donc, elle a publié d'ailleurs récemment son troisième rapport sur l'économie générale des concessions.
10:00Elle a redémontré que la rentabilité des concessions autoroutières est tout à fait raisonnable.
10:06Les concessions autoroutières, dont celle de la SANEV, vous allez faire partie des tout premiers,
10:09arrivent à échéance en 2031.
10:11C'est donc dès maintenant qu'il faut se décider pour voir ce que l'on va faire.
10:15Ce n'est pas un secret, François Bayrou, aujourd'hui Premier ministre,
10:17s'est toujours dit opposé à la nationalisation des autoroutes.
10:21Pour vous, c'est terminé, du coup, ce système de concessions ?
10:24Vous allez devoir vous asseoir sur votre business ?
10:26Alors, ce n'est pas à moi de décider.
10:28C'est évidemment pas à moi de décider.
10:30Après, on peut voir la différence entre la gestion publique et la gestion privée des infrastructures.
10:35Là, c'est factuel.
10:36Tous les Français peuvent constater, en circulant sur le réseau routier national non concédé,
10:41donc les routes nationales, que la técalité ne cesse de se dégrader.
10:45Et ce n'est pas une question de la qualité des ingénieurs,
10:48puisque c'est les mêmes, ils ont fait les mêmes écoles, donc c'est les mêmes que les nôtres.
10:51C'est le problème de l'annualité budgétaire.
10:54Puisque comme la route, ce n'est pas très porteur politiquement...
10:57Vous voulez dire que l'annualité budgétaire, c'est faire des investissements, c'est ça que vous voulez dire ?
10:59C'est qu'en fait, tous les ans, le budget de l'État, on le voit bien, on le sait bien, est rejoué.
11:04Et la route fait, en général, l'objet d'arbitrages négatifs, donc point d'investissement.
11:09Est-ce que vous êtes candidat, du coup, à une poursuite des concessions du côté de la SANEF ?
11:14S'il y a des concessions qui sont lancées, ce que j'espère,
11:17parce que je pense que c'est favorable à la France globalement,
11:23parce que l'infrastructure autoroutière, c'est quand même la colonne vertébrale de la France.
11:28Évidemment, s'il y a des nouvelles concessions, on sera candidat.
11:31Merci beaucoup, Arnaud Quémart, patron de la SANEF, d'avoir été notre invité aujourd'hui dans On n'arrête pas l'écho.