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Interrogée sur de possibles aménagements concernant la réforme des retraites, la ministre chargée du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet estime qu'il y a "du grain à moudre sur la pénibilité et les carrières des femmes". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/questions-politiques/questions-politiques-du-dimanche-05-janvier-2025-2208882

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00:00Bonjour, meilleur vœu, ravi de vous retrouver pour cette nouvelle année de Questions Politiques.
00:14Bien sûr, l'émission politique du dimanche sur France Inter, diffusée également sur France Info, la télé et en partenariat toujours, bien sûr, avec le journal Le Monde.
00:23La situation politique n'a pas tellement changé malgré la nouvelle année. Les institutions restent bloquées. Le prochain budget est espéré pour la mi-février.
00:32Mais est-ce que le gouvernement va pouvoir avoir le temps de travailler ? Est-ce qu'il sera très vite censuré ? Décidément, je vous le disais, la situation n'a pas tellement changé.
00:42Le problème, c'est que cette instabilité politique menace de plus en plus le tissu économique de notre pays. Quantités d'investissements ont été gelées.
00:51Les embauches prévues souvent repoussées, sans oublier toutes ces entreprises qui ont déjà commencé à fermer. Il est donc urgent d'agir.
00:59Reste à savoir comment. On en parle justement avec la ministre en charge du travail et de l'emploi, une femme de gauche, macroniste de la première heure,
01:09confirmée à son poste, soutenue par Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur. Astrid Panossian-Bouvet est notre invitée ce midi dans Questions Politiques, en direct et jusqu'à 13h.
01:19Questions Politiques. Karine Bécard sur France Inter.
01:26Bonjour Astrid Panossian-Bouvet. Bonjour. Ravie de vous recevoir sur le plateau de Questions Politiques. A mes côtés, pour vous interviewer, Nathalie Saint-Cricq de France Télévisions.
01:35Bonne année, Nathalie. Bonne année à tous, toutes. Et meilleur vœu. Et meilleur vœu. Oui. Et bonne santé. Et tout. Enfin, et tutti quanti. Et meilleur vœu aussi à Françoise Fressoz.
01:43Merci et de même. Du journal Le Monde. À toutes et tous. Allez, on ne change pas avec nos bonnes habitudes. On va commencer avec les images de la semaine.
01:50Ce qui vous a, toutes les trois, marquées dans l'actualité, alors cette fin d'année 2024, ce début d'année 2025. Astrid Panossian-Bouvet, qu'est-ce que vous avez retenu en particulier ?
02:01Moi, j'ai souhaité avoir une photo de l'actualité internationale et notamment de ce jour de l'an à Damas, de ce disque jockey sur une place de Damas et de la jeunesse damascène.
02:17Images qu'on n'aurait jamais pu imaginer, ne serait-ce qu'un mois auparavant, et qui témoignent de cet espoir réel mais fragile d'une transition politique après le régime sanguinaire que nous avons connu.
02:32D'où la visite, qui était la première visite occidentale de haut rang depuis très longtemps, du ministre des Affaires étrangères français et allemand, vendredi à Damas,
02:44pour rappeler l'importance d'une transition politique qui inclut la société civile et en particulier les femmes, qui inclut l'ensemble des minorités,
02:52en particulier chrétiennes et kurdes, et puis qui garantissent les libertés fondamentales et les droits élémentaires.
03:00Françoise, toute autre image, retour en France, retour dans la politique française, avec les vœux du président, un grand classique.
03:07Un grand classique mais avec une innovation cette fois, c'est ça qui a retenu mon attention, c'est le petit court-métrage qui est paru au début de ces vœux,
03:15qui fêtait au fond les réussites françaises, notamment les Jeux olympiques, Notre-Dame de Paris, avec un président de la République qui avait plutôt tendance à s'effacer derrière cette réussite collective.
03:27Et j'ai trouvé que c'était intéressant sur la façon dont Emmanuel Macron aborde cette année.
03:32On sait qu'une majorité de Français souhaitent son départ, que la dissolution a été un vrai affaiblissement.
03:39Il en prend acte, je pense qu'il prend acte aussi de son impopularité, donc c'est beaucoup moins jeux-moins-jeux.
03:45Et en même temps, il ne veut pas renoncer à son rôle de président parce qu'il a aussi cette dimension de chef d'État européen,
03:52et qui voit quand même ce qui se passe dans le monde, et qui voit l'affaiblissement du pays, complètement immobilisé, et avec tous les risques que ça suppose.
04:00Donc il ne renonce pas à son cap, c'est plus d'emplois, plus de croissance, plus d'attractivité.
04:06Sa difficulté, c'est comment essayer de le faire accepter aux Français.
04:10Donc l'idée de « je vous consulterai sur les choses importantes », avec quand même ce risque que si vous passez par le référendum, ça peut être comme la dissolution,
04:18c'est-à-dire un rejet absolument massif du Président, et ça montre en fait l'étroitesse de son jeu, mais aussi l'idée que dans ce monde qui devient de plus en plus dangereux,
04:27on a quand même, nous, un vrai risque de déclassement si on continue sur la pente dans laquelle on est.
04:33— Allez, troisième et dernière image, la vôtre, Nathalie Saint-Cricq. Petit pas de côté, vous.
04:37— Cannabis thérapeutique. Oui, moi, je suis moins grandiose que... Mais... Mais...
04:42— Mais on accepte tout le monde, dans la question. — J'ai été interpellée, comme on dit, par une auditrice de France Inter l'autre jour,
04:49s'inquiétant parce qu'elle prend du cannabis thérapeutique dans le cadre d'une expérimentation, parce qu'elle a des douleurs que rien d'autre ne peut...
04:55— La soulager. — Soulager, et se demandant si c'était fini. Alors il ne faudrait pas... Je vais vous dire où on en est.
05:00Ça avait été voté. Ça devait être dans le budget de la Sécurité sociale. Il y a eu la dissolution. Il n'y a plus eu de budget. Il y a eu un nouveau budget.
05:06Bref, on en était à un risque que le 31 décembre, l'expérimentation soit terminée. Elle a été prorogée de 6 mois. Mais sur ces 6 mois,
05:14on sait pas très bien ce qui va se passer. Version Ministère de la Santé, on prolonge de 6 mois. Et à l'issue de... Au milieu de ces 6 mois,
05:22on verra si on autorise ou non. Et côté des médecins, une inquiétude. C'est en fait... Parce qu'on leur a dit plus ou moins
05:28« Vous avez encore le droit pendant 6 mois à l'hôpital », mais c'est pour sevrer les malades. « Sevrer les malades », ça veut dire
05:33les habitués à ne plus en avoir. Donc juste une chose. Dire que c'est une pratique qui est extrêmement encadrée. C'est-à-dire que c'est pas quelque chose
05:41qu'on va acheter... C'est pas du cannabis, pour dire clair. C'est un médicament. Que deuxièmement, il y a pour l'instant une expérimentation
05:48sur 3 000 personnes, mais que virtuellement, il y a 250 000 à 300 000 personnes qui pourraient le prendre dans le cadre des scléroses en plaques,
05:54des cancers, de maladies extrêmement graves. Et c'est prescrit quand on n'a pas d'autre solution thérapeutique. C'est-à-dire c'est pas pour s'amuser.
06:03Et en gros, juste une chose, c'est de se dire qu'on parle de dissolution, on parle d'instabilité politique, on parle d'un certain nombre de choses,
06:09mais il faudrait pas que la santé, et ça c'est concret, fasse les frais d'un problème de sécurité intérieure, ou pour de la symbolique, du genre
06:16« On va pas commencer à dépénaliser, on va pas commencer la lutte contre le narcotrafic, c'est important », mais il y en a. Donc en gros, il y a un enjeu là-dessus.
06:24Et il y a 6 mois pour faire la preuve et aider les malheureuses personnes qui s'inquiètent pour la suite.
06:29Ça vous a fait réagir, j'ai l'impression, à ce qu'il n'y ait pas de notion privée. Dites-nous tout.
06:32Oui, tout à fait, parce qu'il y a les problèmes politiques, économiques, mais il y a aussi les problèmes du quotidien, et notamment la question de la douleur
06:40de nos concitoyens qui sont malades, la gestion de la douleur, et des douleurs qu'on appelle « rebelles », en cancéreux, les raideurs musculaires,
06:48liées effectivement à des maladies neurologiques. Je pense que le ministre de la Santé, Yannick Neder, qui est également médecin, a été très clair sur cette question.
06:59Les résultats sont probants, tant sur cette expérimentation comme sur ce qui est fait dans d'autres pays qui sont plus en avance sur nous.
07:06Il faut bien faire une différenciation entre le cannabis thérapeutique et celui qu'on appelle « récréatif », et être d'abord là pour soulager la douleur,
07:15et les douleurs réfractaires et rebelles de nos patients.
07:17Et la majorité des pays européens, et la majorité des États-Unis, nous en sommes considérés dans les rapports parlementaires comme extrêmement retards.
07:23Mais si je vous entends bien, ça veut dire que, globalement, vous le dites à l'instant, le ministre Neder dit que c'est important, ça va être maintenu en fait ?
07:31Il s'est déclaré effectivement en faveur de la prolongation, et il faudra que justement les discussions parlementaires qui vont commencer puissent confirmer qu'on n'est pas simplement dans une éternelle prolongation,
07:43mais dans quelque chose qui se confirme, et qui puisse se diffuser dans les pratiques thérapeutiques de nos soignants, tout à fait.
07:54Nous aurons des choix à faire pour notre économie, notre démocratie, notre sécurité, nos enfants.
08:00Oui, l'espérance, la prospérité et la paix du quart de siècle qui vient dépendent de nos choix, aujourd'hui.
08:09Et c'est pour cela qu'en 2025, nous continuerons de décider, et je vous demanderai aussi de trancher certains de ces sujets déterminants.
08:18Car chacun d'entre vous aura un rôle à jouer.
08:23Alors, Françoise Fressoz en parlait un instant, les voeux du président Macron, c'est la huitième fois qu'il se plie à l'exercice, avec le souhait exprimé cette année, de faire trancher certains sujets par les Français.
08:34Cela s'appelle des référendums. Régulièrement, il a évoqué cette idée. On a envie de lui dire, cette fois-ci, chiche. Astrid Panotti-Ombouvé, est-ce qu'un référendum sur la très contestée, toujours, réforme des retraites, est quelque chose d'envisageable et quelque chose d'envisagé ?
08:50Je pense qu'avant d'avoir un référendum... Alors, je pense que d'abord, ça peut être référendum, comme ça peut être, on l'a vu sur la fin de vie, des consultations, des conventions citoyennes, dans lesquelles il y a d'abord un diagnostic partagé.
09:02Je pense que c'est absolument indispensable, y compris pour les retraites. Il y a besoin d'avoir, effectivement, un diagnostic partagé.
09:10Il y a besoin d'avoir, aussi, parce qu'on l'a vu sur l'assurance-chômage, une vraie discussion avec les partenaires sociaux. Et c'est ce qui est souhaité par le Premier ministre, par Catherine Vautrin.
09:21Et c'est aussi la démarche dans laquelle je m'inscris depuis que je suis ministre du Travail, pour ensuite envisager ce qu'on appelle des aménagements justes et raisonnables.
09:30Encore une fois, quand on parle retraite...
09:31Mais sans en reparler, référendum sur la réforme des retraites, c'est inenvisageable ?
09:35Moi, je pense que c'est d'abord... Parce que c'est d'abord, effectivement, un diagnostic partagé et une discussion à avoir avec les partenaires sociaux.
09:43Alors, discussion, justement. Est-ce que vous allez accepter de discuter de cette réforme des retraites avec les députés socialistes qui menacent d'ores et déjà de censurer le gouvernement, s'ils ne sont pas entendus sur cette question ?
09:54Il faut savoir d'abord de quoi on parle. Quand on parle des retraites, on parle d'abord du travail et de l'anxiété que crée la question des retraites.
10:02Auprès de nos travailleurs seniors, on s'est habitués dans notre pays, depuis Raymond Barre, à mettre les seniors en dehors de l'entreprise pour faire de la place aux jeunes.
10:10Et résultat, on a un des taux d'activité les plus bas, que ce soit pour les jeunes, que ce soit pour les seniors, toujours aujourd'hui.
10:16Et c'est une piste d'amélioration considérable. C'est un sujet d'anxiété pour ceux qui exercent des métiers pénibles, et il y en a.
10:23Et il faut se dire qu'il y a des métiers qui ne sont pas tenables toute une vie.
10:26On voit qu'il y a 30% de nos ouvriers non qualifiés dans la manutention, dans le BTP, qui partent en inaptitude professionnelle entre 51 et 59 ans.
10:35Même chose pour nos aides à domicile. Et puis, c'est un sujet d'anxiété pour les femmes, qui cumulent, pour beaucoup d'entre elles, travail partiel, carrière hachée.
10:43Donc c'est d'abord de ces sujets-là que je réponds à votre question, parce que nous avions souhaité, avec Michel Barnier, lancer une concertation,
10:51à laquelle les syndicats, comme le patronat, avaient dit OK, sur des aménagements qu'on appelle justes et raisonnables, sur les carrières pénibles, les femmes et les pensionnés.
11:02— Alors, question très précise. Le PS dit « Nous, on ne discutera pas tant que la réforme n'est pas suspendue au préalable ».
11:09Est-ce que cette suspension, elle peut être dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, où vous l'excluez, vous ?
11:15— Alors, le Premier ministre souhaite qu'il y ait une discussion sans tabou, mais il ne souhaite pas qu'il y ait des conditions préalables avant cette discussion sans tabou.
11:25En tout cas, c'est ce qu'il a souhaité... Voilà. Ce qu'il souhaite, c'est qu'il y ait une discussion sans tabou. Ça, c'est clair. Mais sans conditions préalables.
11:33Et autour d'un diagnostic partagé, pour qu'il n'y ait pas justement ces accusations et ces procès, comme il y a eu en 2023, sur des hypothèses qui ne marchent pas,
11:42il y a finalement un déficit, mais il n'y a pas de déficit, etc. Et ensuite, laisser la main aux partenaires sociaux, avec quand même un impératif sujet quand même de finances publiques,
11:53parce qu'abroger la réforme de 2023 comme celle de 2014, qui était demandée et par la France insoumise et par le Rassemblement national dans l'ordre de leur niche parlementaire,
12:01c'est un déficit supplémentaire de 4 milliards d'euros dès l'année prochaine et de 15 milliards d'euros en 2030.
12:07Il y a un sujet aussi de compétitivité et de coût du travail, parce que la retraite de base plus la retraite complémentaire, c'est 28% du salaire de des cotisations salariales chaque mois de nos concitoyens.
12:19Et donc, il faut aussi avoir en jeu ce jeu de contraintes, mais ayons cette discussion.
12:24– Alors, combien de temps vous vous donnez pour cette discussion, puisque ça avait commencé avec la retraite à points et ça, ça a été interrompu, ça a recommencé.
12:32Là, vous dites, non pas on va reprendre tout à zéro, mais on va discuter avec les partenaires sociaux,
12:35tout en disant que c'était effectivement sa creuse de déficit.
12:39En gros, vous pensez atterrir dans combien de temps ?
12:42– Vous commencez quand d'ailleurs et vous finissez quand ? Quand est-ce que vous commencez à discuter ?
12:45– Ça, je laisse le soin au Premier ministre de faire les annonces nécessaires dans le cadre de la déclaration de politique générale,
12:51mais il y a une méthode à laquelle il est attaché, Catherine Beautrin également, et moi également,
12:57qui est le diagnostic partagé et la part importante donnée aux partenaires sociaux et je pense qu'il faut aller vite.
13:04Après, il ne faut pas se raconter d'histoire, parce qu'une retraite à points…
13:06– Non mais vite, c'est quoi ? C'est 6 mois, c'est 1 an, c'est 2 ans ?
13:09– Je pense qu'il faut aller 3, 4 mois en tout cas, parce qu'il y a quand même, sur la base de 2023,
13:16on sait qu'il y a des améliorations qui peuvent être portées sur un certain nombre de sujets.
13:21Ce que je dis simplement, c'est qu'il ne faut pas se raconter d'histoire non plus,
13:24et même Marylise Léon l'a dit, une réforme à points, c'est entre 10 et 15 ans de mise en œuvre,
13:30avec aussi une vraie complexité dans le calcul.
13:32– Mais est-ce que ça peut être une perspective ?
13:34– Pourquoi pas une perspective, un système cible, mais encore une fois, ne pas se raconter d'histoire.
13:39La Suède, elle a mis 15 à 20 ans pour récréer ce système à points tout en ayant des aménagements intermédiaires.
13:48Pourquoi pas ? Mais ça, je ne souhaite pas préempter une discussion qui appartient d'abord aux partenaires sociaux.
13:53– Vous, vous pensez, quel est le paramètre qui peut bouger ?
13:56Est-ce que c'est sur la pénibilité que vous pensez que c'est là-dessus
13:59qu'il faut porter le maximum d'efforts ?
14:01Est-ce que c'est sur l'égalité hommes-femmes ?
14:03Est-ce que l'âge de 64 ans pour certaines catégories pourrait être remis en cause ?
14:07– Ou en tout cas présenté, oui, différemment ?
14:09– Je pense que le sujet c'est autour des carrières pénibles, voilà, je le pense.
14:15– Mais la pénibilité, on en entend parler depuis 10 ans, on n'a jamais réussi à trouver une solution.
14:20– Mais c'est le vrai problème, c'est pour ça que vous avez aujourd'hui, comme je dis,
14:23près d'un tiers de nos ouvriers non qualifiés qui partent en inaptitude professionnelle,
14:27ça veut dire qu'ils sont cassés, ils ne peuvent pas continuer entre 50 et 59 ans
14:32pour aller jusqu'au terme et arriver en retraite, c'est ça le problème.
14:36Et quand vous dites les femmes, c'est souvent lié, parce que ce sont souvent aussi les femmes qui…
14:4080% des gens qui travaillent à temps partiel subis aujourd'hui, ce sont des femmes.
14:45Elles cumulent et les carrières hachées, et les amplitudes horaires,
14:49et des métiers aussi pénibles au niveau des postures, des ports de charge,
14:54je pense notamment au métier du lien et du métier du soin.
14:57Donc ce sont ces sujets-là, je pense qu'il faut mettre sur la table,
15:00parce que, encore une fois, la réalité des métiers, la réalité de la retraite,
15:05elle est différente en fonction de la vie, au travail qu'on a pu exercer.
15:08– Donc si je vous entends bien, là, vous fermez la porte aux députés socialistes,
15:14et vous dites tant pis s'ils votent la censure.
15:16– Non, moi je ne ferme la porte à personne, je dis simplement que pour entrer
15:19dans une discussion de bonne foi, il ne faut pas avoir…
15:22surtout quand on dit que cette discussion sera sans tabou,
15:25j'en reprends les termes du Premier ministre,
15:27il ne faut pas rentrer avec des conditions préalables.
15:30Et je pense qu'il y a du grain à moudre, notamment sur les sujets des pénibilités,
15:35et des carrières des femmes, et des polypensionnés.
15:38Et des polypensionnés, parce qu'il y a un sujet aussi pour les gens qui sont…
15:41relèvent de régimes de retraite différents.
15:43– Et puisqu'on va parler du chômage et du RSA,
15:46est-ce que vous considérez globalement que philosophiquement,
15:49ou comme l'ont dit un certain nombre de personnes,
15:51la France ne travaille pas assez, les Français ne travaillent pas assez
15:54par rapport à leurs concurrents européens,
15:56ou sans aller même jusqu'à leurs concurrents chinois, ou d'autres endroits ?
15:59– Ça vous fait sourire en tout cas, Madame la Ministre.
16:01– Est-ce qu'on est… globalement, on se voit de la face en se disant,
16:06il va falloir travailler plus ?
16:08– Moi je pense qu'il y a un sujet de quantité de travail.
16:10Effectivement, la quantité de travail, c'est quand même le facteur
16:12et de création de richesse, c'est le garant de l'indépendance d'un pays.
16:15Et quand vous revenez sur des statistiques,
16:18on travaille 100 heures de moins en moyenne par an,
16:23par rapport à la moyenne de l'Union Européenne,
16:2560 heures de moins par rapport aux Allemands.
16:28Et donc le sujet, c'est effectivement…
16:30– De mieux rémunérer le travail peut-être ?
16:31– C'est deux sujets, effectivement, c'est deux sujets.
16:34Le premier, c'est celui du travail.
16:36Tout au long de la vie, on en parlait en début d'émission avec,
16:39nous avons une insertion professionnelle des jeunes
16:42qui est plus difficile et plus tardive,
16:44et puis on a une difficulté de maintenir nos seniors sur le marché du travail,
16:49ce qui fait que quand ils arrivent au chômage,
16:51c'est une vraie galère avec un vrai sujet de vigilance du coup,
16:54sur, on va en discuter, mais les plans sociaux
16:56pour que ça ne tombe pas exclusivement sur les seniors.
16:59Ça c'est un premier point.
17:00Et puis il y a le travail qui paye,
17:01et je pense que, et on en a discuté lors des débats budgétaires récents à l'automne,
17:08on a une vraie difficulté aujourd'hui en France
17:11avec un coût du travail qui est très élevé pour l'employeur
17:15et un salaire net dans la poche du salarié qui est très faible, pourquoi ?
17:19Parce qu'on appelle ce coin social au fiscal de salaires différés
17:22qui part en particulier dans les retraites,
17:24quand je parlais de 28% des cotisations des salaires.
17:27Et c'est ces sujets-là dont il faut qu'on discute.
17:29Moi, je veux aussi un choc de l'offre sur les salaires en plus.
17:32Je crois que c'est le gouvernement Attal qui avait mis ce sujet sur la table.
17:37On voit que c'est extrêmement difficile de le faire progresser
17:39et qu'au fond, la revendication la plus simple, c'est augmenter le SMIC.
17:43Oui, mais non, ça ne marche pas comme ça.
17:44Ça ne marche pas comme ça parce qu'il y a aussi
17:49des contraintes qui s'exercent sur les employeurs.
17:51Il y a des contraintes de compétitivité dans des marchés ouverts.
17:55Et il faut qu'on se pose aujourd'hui la question
17:58du financement de la protection sociale autrement que par le travail.
18:02Parce que cette quantité de travail qui est insuffisante,
18:05elle n'est pas compensée ni par la productivité, ni par la compétence.
18:08Parce que quand on regarde aussi la classification de la France
18:12par rapport au pays de l'OCDE en ce qui concerne compétence et productivité,
18:16on perd des points.
18:17Donc, il y a vraiment nécessité de reparler quantité de travail,
18:21mais avec un travail qui paye et une montée en gamme des compétences,
18:26des qualifications.
18:27Et tout ça, on peut le faire en fin de deuxième quinquennat
18:28ou c'est vraiment un chantier de début de résidence ?
18:30Alors, je pense qu'il faut le lancer dès maintenant.
18:32Mais peut-être pas dans la situation politique dans laquelle on est aujourd'hui.
18:38Je pense que ce sont des sujets qui relèvent beaucoup des partenaires sociaux.
18:42En ce qui concerne, par exemple, la question de la montée en compétence
18:44avec la formation professionnelle.
18:46Là, il y a un vrai sujet aujourd'hui,
18:49de faire que la formation professionnelle continue.
18:52Elles répondent beaucoup mieux aux besoins des compétences
18:56et des métiers des entreprises.
18:57Même chose pour le financement de la protection sociale.
19:00Et je pense que cette conférence de financement qui est appelée
19:03de la part des partenaires sociaux ou de partis politiques,
19:06elle peut, si tant est que les partis politiques ont aussi le courage
19:08d'aborder un certain nombre de questions.
19:10Par exemple, est-ce qu'il faudrait mobiliser l'atelier en panne ?
19:13L'indexation des retraites, des retraités, comme on l'a vu,
19:16qui avaient posé une vraie difficulté.
19:18Mais ça fait partie des sujets qui doivent être aujourd'hui sur la table.
19:21Mais pour l'instant, les partenaires sociaux, ils vous ont alerté.
19:23Ça, c'est une lettre qui date du 17 décembre dernier,
19:27qui vous disait, voilà,
19:29trouvez une solution à cette crise politique,
19:31parce qu'elle commence à coûter très cher à notre tissu économique.
19:34Pratiquement tous les partenaires sociaux,
19:37pratiquement tous les partenaires syndicaux et patronaux ont signé cette lettre,
19:41peut-être à l'exception de la CGT.
19:42À l'exception de la CGT, tout à fait.
19:44Est-ce que vous leur avez répondu ?
19:45Et qu'est-ce que vous leur avez répondu à cette lettre ?
19:46Alors, je n'aurai pas répondu formellement,
19:48parce que j'ai un dialogue continu et la force est aussi l'informel.
19:53Mais moi, je les comprends parfaitement.
19:56Un chef d'entreprise, il a besoin de stabilité
19:59pour faire ses budgets, ne serait-ce que de 2025.
20:03Donc ça, c'est un premier point.
20:04Et les syndicats, ils ont besoin aussi d'un minimum de stabilité
20:10pour pouvoir avancer et défendre les droits des salariés.
20:14Donc il y a une vraie difficulté aujourd'hui.
20:17Et on le voit, peut-être qu'on va discuter de la situation économique.
20:20Mais d'ailleurs, comment vous la définissez en ce moment, cette situation économique ?
20:23D'abord, depuis juin, parce que les entreprises n'aiment pas les situations électorales.
20:26Donc depuis juin, alors à la fois les européennes, ensuite la dissolution,
20:31ensuite le fait qu'on n'ait pas de budget.
20:33Qu'est-ce qu'elles font les entreprises ?
20:36Eh bien, elles lèvent le stylo sur les décisions importantes,
20:39qui sont les investissements, qui sont les recrutements.
20:41Et ça, on le voit aujourd'hui.
20:43Et les commandes. Et les commandes.
20:45Et donc ça, on le voit sur l'emploi.
20:46Parce que je veux bien que le ministère du Travail soit considéré comme un ministère social.
20:50Mais l'emploi, ça dépend aussi du carnet de commandes
20:53et de la conscience qu'a le chef d'entreprise.
20:54Mais quand vous dites « on le voit », vous avez des chiffres, là ?
20:56Bien sûr. Oui, tout à fait.
20:58Et des chiffres qui sont d'ailleurs plus nuancés qu'on le croit.
21:01Parce qu'on parle beaucoup des PSE et on voit effectivement qu'il y a une augmentation...
21:05Ah, les plans sociaux, les économistes.
21:07Excusez-moi, excusez-moi.
21:08Les plans sociaux, on voit qu'il y a une augmentation de plus de 30% effectivement
21:12des personnes, au troisième trimestre, des personnes à France Travail
21:16qui s'inscrivent suite à un PSE ou à un licenciement économique.
21:19Ça, c'est un chiffre qui maintenant est équivalent à celui de la crise sanitaire.
21:24Donc, c'est un vrai sujet.
21:25On voit une augmentation de deux points du taux de chômage des jeunes.
21:29Donc, ça, c'est un vrai sujet aussi.
21:30Qui monte à combien alors, à 27 ?
21:31Qui monte... Je n'ai pas le chiffre exact.
21:33Mais en tout cas, il monte.
21:34C'est pour ça que l'accord d'assurance-chômage qui a été signé en novembre,
21:36qui va mieux protéger les jeunes, il arrive à point nommé.
21:39Et puis, on voit, et c'est ça qui fait que c'est nuancé,
21:43un rythme quand même qui reste soutenu, qui se ralentit, d'embauche,
21:46au moins le mois qu'on suit avec les URSAF.
21:48Vous dites qu'il y a un retournement sur le marché de l'emploi
21:50ou vous dites que c'est juste des accidents ?
21:53Ah non, non, non.
21:53Moi, je ne dis pas qu'il y a un accident.
21:55Je pense qu'il y a une vigilance très forte à avoir
21:58parce qu'on est à la fois sur des restructurations au long cours,
22:02on le voit sur l'automobile, sur la grande distribution,
22:04avec des modèles économiques qui sont totalement en révision et en refonte,
22:09idem pour la chimie.
22:11Et puis, il y a cette espèce de triangle des contraintes,
22:17que ce soit les finances publiques dégradées,
22:19que ce soit la situation économique qui se durcit,
22:22que ce soit l'instabilité ou l'incertitude politique,
22:27qui fait qu'on lève le stylo, comme je l'ai dit,
22:30sur les investissements, les commandes et les recrutements.
22:32On va payer combien de temps la dissolution, si j'ose dire ?
22:35Il y a un certain nombre de facteurs.
22:37C'est très sensible.
22:38Mais quand vous insistez sur l'instabilité,
22:41que ce soit l'instabilité fiscale, l'instabilité de perspective
22:44pour les entreprises, et c'est normal,
22:45parce que même les citoyens, et pas une puce,
22:49en se demandant ce qui va se passer,
22:50vous pensez que ça va nous prendre combien de temps ?
22:53Alors, je ne vous demande pas de lire dans le mar de café.
22:54C'est un peu ça quand même.
22:56Non, mais je vous demande quel est le facteur.
22:58Vous imputez à 7, est-ce que de toute façon, ça nous serait arrivé ?
23:01Ou est-ce que là, c'est quand même plus grave ?
23:03Je sais que c'est une question à laquelle il est impossible de répondre.
23:05Non, moi, j'avais, dès le deuxième jour de l'annonce de la dissolution,
23:09j'avais dit que cette demande de clarification allait aboutir à plus de confusion,
23:14quitte à même abîmer notre démocratie et notre capacité de décision collective.
23:18J'avais été très sévère sur cette décision.
23:23Et je me réjouis qu'il y ait au moins la reconnaissance
23:25que les effets n'ont pas été attendus.
23:28Je pense qu'il y a une responsabilité immense des partis politiques aujourd'hui.
23:32Et je veux les contraster avec les partenaires sociaux.
23:35On l'a vu sur l'assurance chômage, qui est un sujet potentiellement clivant,
23:38sur lequel ils sont arrivés à serrer les boulons là où il faut.
23:42Je pense notamment à l'assurance chômage de nos 77 000 concitoyens transfrontaliers,
23:49avec un déficit de 800 millions d'euros par an,
23:51tout en à la fois baissant légèrement la contribution des employeurs
23:57et en améliorant la protection des jeunes.
23:59Donc c'est possible, mais ça demande, dans un pays qui n'est pas habitué
24:03ni à la culture du compromis, ni à la culture de la coalition parlementaire...
24:06Mais c'est quoi les partis ?
24:08On a l'impression que c'est la gauche, en tout cas le Parti socialiste.
24:11Pourquoi ? Parce que c'est eux qui peuvent la diviser.
24:14Moi je n'attends rien, ni de la France insoumise, ni du rassemblement national.
24:18Ils ont leur légitimité naturellement, puisqu'ils ont été élus par le vote
24:22par un certain nombre de nos concitoyens.
24:24Et il faut les respecter en tant que tels.
24:27Mais je n'attends pas de leur part une quelconque capacité
24:32à être dans une culture de la coalition.
24:36Ce qu'on voudrait savoir là maintenant, c'est ce que peut faire l'État.
24:38Je pense que c'est effectivement au Parti socialiste, à un moment donné, de pouvoir...
24:41Vous dites qu'il ne prend pas ses responsabilités aujourd'hui ?
24:44Oui, je pense qu'il ne prend pas ses responsabilités aujourd'hui.
24:47Je pense que là, il y a nécessité pour des partis qui ont exercé des responsabilités
24:54dans des moments difficiles, voire très difficiles.
24:56On va peut-être parler de Charlie à la fin de l'émission.
25:00Et donc moi, j'ai aussi en mémoire la présidence Hollande
25:03et le ministre Bernard Cazeneuve, qui était ministre de l'Intérieur à l'époque.
25:09Donc je trouve qu'aujourd'hui, ils ne sont pas nécessairement à la hauteur,
25:16en tout cas dans leur réclamation politique publique, de l'esprit de responsabilité.
25:22Je voudrais qu'on revienne sur des choses beaucoup plus concrètes, pardonnez-moi,
25:25et sur la situation économique qui inquiète forcément une grande partie des Français,
25:29une grande partie de nos auditeurs.
25:30Déjà, un, par rapport à ce qu'on se disait juste avant,
25:32est-ce que vous, vous parlez de chômage de masse, par exemple ?
25:35Il y a beaucoup d'économistes qui disent que c'est le retour du chômage de masse.
25:38Est-ce que c'est une expression excessive, selon vous ?
25:41Non, c'est une expression qui est excessive.
25:43Moi, je ne suis pas du tout dans la langue de bois, donc je vous dirai les choses.
25:46On est toujours autour du 7,2, peut-être on sera à 7,5 de taux de chômage.
25:52On dit 8 à la fin de l'année 2025.
25:54Après, on va dire entre 7,5 et 8, c'est par rapport à 12% qui était un véritable taux de chômage de masse.
26:01Ça, c'est du chômage de masse.
26:03Par ailleurs, on a, et c'est pour ça que la vision est plus contrastée,
26:06c'est qu'on a un taux d'emploi et un taux d'activité,
26:08c'est-à-dire des gens qui sont en capacité à travailler et qui travaillent,
26:12qui n'a jamais été aussi élevé en France depuis qu'il est mesuré.
26:15Donc, je pense que, moi, je dis simplement aujourd'hui qu'il y a une situation dégradée des finances publiques.
26:22Il faut faire attention que le budget n'ait pas un effet qu'on appelle récessif
26:26sur une situation qui est plus difficile encore, qui est déjà difficile.
26:29Et il y a nécessité aujourd'hui, je pense, aux partis politiques de gouvernement
26:34de se ressaisir pour donner un minimum de stabilité.
26:38Alors, sur les mesures concrètes, vous dites, bon, il y a quand même un risque de retournement de marché d'emploi
26:44et on voit que les crédits pour l'apprentissage diminuent, notamment pour les grandes entreprises.
26:50En tant que ministre du Travail, est-ce que vous dites que c'est une erreur ?
26:54Alors, j'assume totalement cette...
26:55Comme j'ai assumé dans ce premier budget qui n'a pas été...
26:59La réduction des allègements de charges.
27:00Les allègements de charges, comme avec un point de compromis qui avait finalement été trouvé,
27:05comme j'assume une baisse des crédits du ministère de l'Emploi.
27:08Je pense qu'un bon ministre, c'était autour de 4 milliards d'euros sur...
27:13Parce que j'estime tout simplement qu'un bon ministre, ce n'est pas juste un ministre qui a sa loi et qui a des crédits en haut.
27:17Sinon, on serait les champions du monde et de la norme et des finances publiques dégradées.
27:23Sur l'apprentissage, je pense que ce que nous avons trouvé, c'est un bon équilibre.
27:27Parce qu'effectivement, avant, c'était 6 000 euros d'aide à l'embauche pour les apprentis, pour tout le monde.
27:32Là, on a décidé de focaliser sur les entreprises de moins de 250 salariés, en baissant de 6 000 à 5 000,
27:38parce que 80 % des apprentis sont dans des entreprises de moins de 250 salariés.
27:44Et de continuer néanmoins une aide de 2 000 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés.
27:51Il y avait une autre approche qui aurait pu être recommandée, que je ne suivais pas,
27:57qui était de vouloir différencier les aides en fonction du niveau de qualification des apprentis.
28:02Ça, je ne le souhaite pas, parce qu'un tiers aujourd'hui de nos étudiants qui sont en master le font grâce à l'apprentissage.
28:08Parce que ça permet à nos PME aussi d'aller recruter ce type de profils pour continuer à monter en compétence dans notre tissu économique.
28:16Et puis, chose à laquelle moi je suis très très sensible, c'est même la CAPEB, la Fédération Professionnelle du Bâtiment, qui disait
28:23surtout ne touchez pas aux licences et au master, parce qu'on ne veut pas que l'apprentissage soit vu comme la voie de garage
28:29dans un pays qui reste totalement obsédé par la question des diplômes.
28:33Justement sur le... Alors, continuons les dossiers. L'apprentissage, on a compris que vous étiez...
28:37Donc l'apprentissage, cette réforme, elle permet 1 milliard d'euros d'économie tout en préservant, je pense, le système d'alternance de la France.
28:43Sur le RSA, manifestement, il y a aussi un certain nombre d'économies qui sont faites.
28:47Il y avait 500 fonctionnaires qui devaient être...
28:50500 agents.
28:51500 agents, pardon, excusez-moi.
28:53De France Travail.
28:55Est-ce que vous avez dit, j'ai cru vous lire, disant, finalement, c'est pas un problème, alors même qu'il y a un afflux de personnes
29:01qui vont avoir besoin d'être suivies et d'être aidées, qu'on pourrait bien s'en sortir ?
29:05Alors, attendez, attendez, on va mettre à plat tous les trucs, parce que là, on change vraiment de gros dossier.
29:10Donc, en fait, on a effectivement les bénéficiaires du RSA qui arrivent à France Travail.
29:15Ça fait quand même une petite surchauffe pour France Travail, anciennement Pôle emploi, avec 1,2 million, dites-moi si je me trompe,
29:21de bénéficiaires supplémentaires.
29:23Et effectivement, on n'a pas beaucoup d'agents supplémentaires à France Travail qui vont être mis en face,
29:291 millier, je crois seulement, et encore progressivement en 2025, pour cette surcharge de travail.
29:35Donc, comment on fait ? Est-ce qu'il y a plus d'un millier seulement de personnes qui vont arriver ?
29:39Alors, avant de répondre à votre question sur les moyens, je voudrais revenir sur la question du taux de chômage en France et du taux d'activité.
29:46Parce que je pense qu'une des raisons pour lesquelles on est en retard par rapport, mieux disant, du taux d'activité en Europe,
29:51c'est la question des seniors, c'est la question des jeunes, et c'est la question des personnes qui sont durablement éloignées du marché de l'emploi.
29:57Il faut savoir que 42% des personnes qui sont inscrites au RSA le sont 7 ans plus tard.
30:02Donc, il y a un vrai sujet aujourd'hui de meilleure insertion, d'accompagnement professionnel, socioprofessionnel ou social
30:11des personnes qui sont inscrites et qui sont bénéficiaires du RSA.
30:16En ce qui concerne la réforme de France Travail aujourd'hui, c'est justement d'organiser tous les acteurs qui s'occupent de l'emploi en France.
30:24Parce que vous parlez de France Travail, mais il y a aussi les missions locales auprès desquelles sont inscrites les 200 000 jeunes qui font partie des 1,2 millions qui vont être inscrits.
30:33Il y a les départements qui ont en charge le RSA, il y a les régions qui ont en charge la formation professionnelle des personnes en activité.
30:41Donc, vous avez créé de nouvelles catégories.
30:43C'est d'organiser d'abord cette gouvernance au niveau national, au niveau régional, mais au niveau local aussi.
30:49Parce que l'on voit, on a fait des expérimentations dans 49 départements.
30:52Très intéressant de voir que sur les 70 000 personnes, 60% ont d'abord un niveau infrabac.
30:59Plus de 40% des gens disent qu'ils ont des problèmes de mobilité ou des problèmes de garde d'enfants.
31:04Ou des problèmes de santé.
31:0530% des problèmes de santé, vous avez tout à fait raison de le dire.
31:08Et donc ça, c'est des sujets qui peuvent être traités au niveau local garde d'enfants et transport.
31:13Et donc voilà, il s'agit vraiment de réorganiser et de mieux coordonner.
31:17Mais ça fait un agent pour combien de personnes ? C'est ça qu'on a du mal à comprendre.
31:20En fait, ce n'est pas que France Travail qui va s'occuper.
31:22Puisque aujourd'hui, toutes les personnes seront inscrites d'abord à France Travail.
31:27Alors qu'aujourd'hui, les bénéficiaires du RSA, seuls 40% ont été inscrits.
31:33Donc l'ensemble des bénéficiaires du RSA et ceux qui sont en mission locale seront inscrits.
31:37Pour qu'on ait enfin une vision exhaustive à la fois des personnes qui sont activement en recherche.
31:44Et ça va faire augmenter le taux de chômage. On est d'accord sur ça.
31:47Il y aura une étude de l'INSEE qui sera publiée en mai prochain.
31:51Pour voir justement les effets de bord à la fois en termes de taux d'activité et en effet d'augmentation du chômage.
31:56Plus d'un million de personnes de chômage, c'est énorme.
31:59D'abord on aura deux ans pour accompagner, sachant qu'on aura trois mois pour accompagner les fluentrants.
32:05Ça c'est un premier point.
32:06Parce que l'expérimentation que je mentionnais dans les 49 départements, qu'est-ce qu'elle a montré ?
32:10Elle a montré qu'au bout de 12 mois, 42% des personnes sortaient du RSA.
32:16Moi j'ai 32% pardonnez-moi.
32:18Je vous redonnerai les chiffres et ça j'en suis.
32:21C'est 42% qui sortaient. 32% c'est ceux qui sont en emploi durable.
32:25Mais après on sort du RSA 42%.
32:27Et donc ça c'est quelque chose qui montre que plutôt que de se donner bonne conscience à bon compte,
32:33en donnant une allocation de 650 euros à des personnes qu'on met plusieurs mois à voir avant de pouvoir trouver une orientation,
32:42là on essaie vraiment de les accompagner.
32:44Mais pour reprendre la question de Nathalie, vous avez le sentiment quand même qu'avec un millier d'agents supplémentaires ça va suffire ?
32:50Mais c'est pas que simplement France Travail.
32:54Les syndicats sont très inquiets à France Travail.
32:55On va parler de France Travail après.
32:56Mais c'est aussi comment est-ce qu'on coordonne avec les agents des conseils départementaux,
33:03comment on se coordonne avec les agents des missions locales.
33:06Il n'y a pas que France Travail.
33:08France Travail est effectivement en première ligne, mais il y a un certain nombre d'acteurs.
33:12Et comment est-ce qu'aujourd'hui, et c'est ça la force, on les fait travailler en réseau ?
33:16Ensuite France Travail.
33:17Moi j'entends bien ce qui était envisagé, cette réduction de moins 500 personnes travaillant.
33:24Dans le budget Barnier qui a été censuré.
33:27Ça représente 1% d'abord du nombre d'agents, on est à 55 000 agents,
33:32après une augmentation du nombre d'agents de ces dix dernières années.
33:36Et enfin la contribution de l'État que verse chaque année l'État à France Travail,
33:44elle restait à plus de 1 milliard 250.
33:47Donc les efforts étaient là.
33:48J'entends la crispation autour des moins 500 ETP.
33:52ETP équivalent en temps plein, excusez-moi.
33:57Je pense qu'il faut l'entendre et il faut travailler avec France Travail.
34:00Mais en tout cas, moi ce que je veux dire ici...
34:02Enfin vous les acceptez les 500 en moins, vous considérez qu'on peut faire...
34:06Vous ne vous battez pas pour les récupérer.
34:08Moi je me suis battue pour que la contribution de l'État,
34:12conformément à ses engagements justement aux partenaires sociaux l'UNEDIC,
34:16soit la même, c'est-à-dire 1 milliard 250 comme l'année dernière.
34:20Ensuite, est-ce que cette baisse de moins 500 est absorbable
34:25puisqu'on a augmenté significativement ces dix dernières années les effectifs ?
34:29Ça c'est quelque chose qu'il faut regarder.
34:31Et enfin il ne faut pas transiger sur la qualité de l'accompagnement,
34:35quitte à ce que le rythme de progression...
34:39Il faut transiger ou pas sur la question des activités qu'on leur demande de manière obligatoire ?
34:44Alors il y a eu aussi beaucoup de polémiques sur les 15 heures.
34:47J'ai vu qu'on avait reçu l'article de la convention.
34:50Les 15 heures ce n'est pas du travail forcé, ce n'est pas du travail gratuit,
34:53c'est de l'aide à la rédaction des CV.
34:55Ils le prennent mal en fait ?
34:57Non justement, l'expérimentation montre qu'au contraire,
35:02il y a une forme de considération.
35:04On se sent considérant et on se sent...
35:07On gagne en estime de soi, on gagne en confiance de soi,
35:09parce qu'on est enfin reçu dans une démarche 360 justement,
35:14où on regarde et les freins à l'emploi,
35:16et les freins socio-professionnels type garde d'enfants, type transport,
35:22ou des freins sociaux.
35:24Et vous avez eu tout à fait raison de dire qu'il y a aussi des problèmes de santé
35:27parmi nos bénéficiaires du RSA.
35:29Je voudrais vous poser la question,
35:31aujourd'hui dans la situation économique qu'on est en train de décrire de manière globale,
35:34quel est le rôle que doit jouer l'État face à ces entreprises
35:38qui bloquent leurs commandes en ce moment ?
35:41C'est ce qui se passe notamment avec les fonderies de Bretagne.
35:44Renault qui a bloqué KCC, qui ne s'est pas réengagée,
35:48ça fait tomber cette fonderie qui va devoir probablement fermer.
35:52Que répond l'État ?
35:54L'État est actionnaire à hauteur de 15% dans vos noms.
35:57Vous avez tout à fait raison de faire la distinction entre l'État
35:59quand il est actionnaire et quand il n'est pas actionnaire.
36:01Quand il n'est pas actionnaire, moi je ne suis pas non plus une colbertiste,
36:04pour le retour à l'économie soviétique,
36:06c'est d'abord d'offrir de la stabilité,
36:10et de rester sur les fondamentaux autour de l'attractivité
36:13qui fait qu'on a envie d'investir et de recruter dans ce pays.
36:16Quant aux entreprises où l'État est actionnaire, vous parlez de Renault,
36:1915% au capital, 4 milliards de prêts pendant le Covid,
36:23près de 300 millions d'euros d'aides publiques.
36:26Là je pense que l'État, et c'est tout le travail que nous faisons
36:30avec le ministère de l'Industrie, nous avons été saisis,
36:34tout à fait, et par les syndicats.
36:36Nous travaillons avec le ministère de l'Industrie sur la question.
36:40Le ministre de l'Industrie a quand même dit qu'on était dans une situation de blocage,
36:43qui ne donne pas le sentiment de pouvoir faire quelque chose.
36:45Oui, mais je pense que nous sommes,
36:47en tout cas c'est pour ça que la lettre a été envoyée au Président de la République,
36:50mais l'État actionnaire est en droit de pouvoir demander quelques garanties.
36:55Concrètement, qu'est-ce qu'il peut faire ?
36:57Il ne s'agit pas de demander à Renault de continuer à assurer 95%
37:01de la production des fonderies de Bretagne.
37:04Le repreneur offre aussi de la diversification.
37:08Il s'agit simplement de donner un peu de lisibilité aux fonds de Bretagne.
37:11Parce que Renault dit, nous on s'est engagés,
37:13c'est plutôt l'Allemand qui ne respecte pas ses engagements.
37:16Il faut trouver une solution.
37:18On ne va pas parler du dossier très précisément,
37:22mais il faut trouver une solution.
37:23Et moi je fais effectivement une distinction
37:25entre les entreprises où l'État est actionnaire
37:28et les entreprises où l'État ne l'est pas,
37:30et où il y a plus de compromis à trouver.
37:33Une petite question que je n'ai pas eu le temps de vous poser tout à l'heure
37:35sur les retraites et qui me taraude.
37:38Alors j'y reviens quand même.
37:40Est-ce qu'il faut les désindexer, ces retraites ?
37:44Je précise juste pour que l'on comprenne bien la question.
37:47Parce que derrière, j'ai compris que si on les désindexait,
37:50chaque année, ça permettrait de gagner aux finances publiques 6 milliards d'euros.
37:54Sur 5 ans, ça fait 30 milliards d'euros.
37:56C'est énorme.
37:58Écoutez, moi j'ai eu pendant le débat budgétaire précédent
38:03avec mon collègue Laurence Amartin,
38:06une position très claire qui était de dire
38:08qu'il ne faut pas regarder les retraités comme un monde homogène.
38:12Les retraités, comme je l'ai dit, c'est à l'image du monde du travail.
38:15Les salariés, ce n'est pas un monde homogène.
38:17Et donc moi je pense qu'on est en droit de pouvoir demander un effort
38:21aux retraités qui peuvent se le permettre.
38:2475% ?
38:26En tout cas, c'est quelque chose qu'il faut qu'on discute.
38:29J'étais favorable il y a quelques semaines.
38:32Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas défavorable.
38:34Mais je vois que ça a été aussi un point d'achoppement très fort.
38:37Tout parti politique confondu, malgré les chiffres fondamentaux que vous donnez.
38:41Parce que ça veut dire qu'on fait peser sur les jeunes et sur les actifs.
38:45Alors que les retraités sont à 75% propriétaires.
38:49Le sujet c'est les petites retraites,
38:51des personnes qui ne sont pas propriétaires
38:53et qui vont, avec une partie de leur pension, payer leur loyer.
38:56C'est ça le sujet aujourd'hui.
38:58Et pour eux, il faut continuer à indexer les pensions.
39:01Est-ce que ça veut dire que globalement, vous pensez que dans l'avenir,
39:03il faut faire plus attention ?
39:04Je m'explique.
39:05Plus attention quand on aide les entreprises,
39:07entre celles qui embauchent vraiment et celles qui n'embauchent pas.
39:09Ce qu'on a appelé à la politique de l'offre,
39:10plus attention entre les riches et les pauvres.
39:12Et qu'en gros, le côté, on pense que c'est bon pour la société,
39:15pour l'économie, de donner un peu à tout le monde
39:18et que ça va marcher, que ça va ruisseler.
39:19Il va falloir faire du sur-mesure.
39:20Finalement, à quelque chose qui, dans une période de crise,
39:23et quand on vient de la gauche, doit être mis en question.
39:25Moi, je pense, de toute façon, qu'il faut toujours faire attention
39:28avec l'argent public, de toute façon.
39:30Non, mais faire attention, c'est de la voix.
39:32Moi, j'étais pour l'introduction d'une conditionnalité,
39:37notamment sur la question des branches qui ne respectent pas les minimas.
39:41Ça, c'est quelque chose qui a été voté par le PLFSS.
39:44Je suis très heureuse même que le groupe Renaissance ait voté,
39:47finalement, cette proposition.
39:49Donc, ça, c'est quelque chose.
39:50Moi, je continue à voir les branches qui ont des sujets
39:53sur lesquels la négociation salariale n'avance pas,
39:55les minimas sociaux longs comme le bras, etc.
39:58Ça, je continue.
39:59Et ça, ça peut être un moyen de faire avancer les choses.
40:02Et je pense, effectivement, que sur la question des aides publiques,
40:05je suis d'accord avec ce que disait Michel Barnier,
40:08qui est qu'il faut donner à voir les aides publiques
40:13dont bénéficient aujourd'hui les entreprises
40:15pour qu'elles puissent se rendre des comptes.
40:18En tout cas, rendre des comptes sur l'aide publique qui est faite,
40:21notamment sur tout ce qui est innovation sur certains sites.
40:23Astrid Panossian-Bouvet, on a appris dans la presse cette semaine
40:27que vous aviez été maintenue au gouvernement,
40:29donc au poste de ministre du Travail,
40:31grâce au soutien de Bruno Retailleau,
40:33ce qui m'a un peu surpris.
40:34Je me dévoile.
40:35Vous le connaissez depuis longtemps, Bruno Retailleau ?
40:37Quels liens avez-vous en commun ?
40:39Je ne pense pas que c'est que grâce à Bruno Retailleau
40:43que j'ai été maintenue au gouvernement.
40:45C'est grâce à votre talent.
40:46Je pense que c'est à mon talent.
40:47Je pense que c'est d'abord à la confiance
40:51que j'ai su créer avec les partenaires sociaux,
40:53syndicats comme entreprises,
40:55parce que je suis d'abord une femme d'entreprise
40:57et je sais d'où je viens.
40:59Ensuite, effectivement, Bruno Retailleau,
41:01on ne se connaissait pas.
41:02On s'est rencontrés à l'occasion d'un voyage,
41:04d'un déplacement officiel de M. Lecornu en Arménie.
41:07On a passé un petit peu de temps ensemble
41:09et on a appris à s'apprécier.
41:13Moi, ce que j'aime avec M. Retailleau,
41:19c'est aussi son…
41:21Voilà, c'est une colonne vertébrale.
41:23On est d'accord ou on n'est pas d'accord,
41:24mais c'est une forme de colonne vertébrale.
41:26C'est un usage du verbe.
41:27C'est la recherche du compromis, en fait.
41:29C'est une forme de…
41:30Et puis, ça participe de la recherche du compromis.
41:33On peut avoir des histoires politiques différentes
41:35et elles sont très différentes, effectivement,
41:37avec M. Retailleau,
41:39mais on peut s'entendre aussi sur le besoin d'ordre,
41:42de sécurité et de justice régalienne
41:44de la part de M. Retailleau.
41:46Il y a quand même une interrogation sur le gouvernement
41:47qui est très plurielle.
41:48Il y a des questions qui vont être désurtiquants.
41:51Notamment, par exemple,
41:53est-ce qu'il faut remettre en cause
41:54le droit du sol à Mayotte pour vous ou pas ?
41:56Est-ce que vous…
41:57Je pense que…
41:58Alors, juste pour revenir avec M. Retailleau,
42:01on travaille sur la question
42:02de la régularisation des sans-papiers,
42:04puisque nous devons signer ensemble une circulaire.
42:06On avait commencé à travailler…
42:08En mettant en question la circulaire valse ?
42:10Oui, mais qui surtout…
42:12Le problème de la circulaire valse,
42:14il faut quand même regarder les choses précisément,
42:16c'est que ça obligeait la personne en situation irrégulière
42:19et qui travaillait,
42:20de demander l'autorisation à son patron,
42:21d'être toujours en la main du patron.
42:23Ce qui serait une véritable nouveauté aujourd'hui,
42:26grâce à la loi,
42:27de pouvoir spontanément demander une régularisation
42:30sans être dans la main du patron.
42:31Mais quand Bruno Retailleau disait
42:32qu'on n'avait pas besoin d'immigration économique,
42:34là-dessus, vous ressentez que ça…
42:36Non, mais là, on discute.
42:37Vous proposez quoi, du coup, alors ?
42:38Moi, ce que je vois,
42:39c'est qu'on a fait, avec lui d'ailleurs,
42:42une cartographie, région par région,
42:44des métiers en tension.
42:45Et il y en a.
42:46Et il y en a.
42:47Et il a réalisé qu'il y en avait.
42:48Et il y en a.
42:49Bien sûr qu'il l'a réalisé,
42:51mais je pense qu'il n'avait pas besoin de cette cartographie.
42:53Mais il a bien vu qu'il y avait des métiers en tension.
42:55Tout niveau de qualification confondu,
42:57parce qu'un tiers de l'immigration économique,
42:59c'est quand même des ingénieurs
43:00et des élèves en master aussi,
43:02des personnes de niveau master.
43:04Et la circulaire, elle sort sur la question ?
43:06Elle est publiée quand, la circulaire ?
43:07Alors, on doit y travailler.
43:09Pour la fin février,
43:10je me suis engagée auprès des partenaires sociaux.
43:12En ce qui concerne Mayotte,
43:13parce que je ne veux pas me déchaîner.
43:15C'est un sujet important.
43:17Oui, je pense que la question doit se poser
43:19vu, effectivement, la proximité avec les Comores
43:23et le fait qu'il y ait 60% de naissances
43:26dans la maternité de la capitale de Mayotte
43:29de personnes qui viennent précisément
43:31pour pouvoir accoucher sur le sol français.
43:33Merci, Astrid Panot.
43:35Si on pouvait, bien sûr, vous restez avec nous.
43:37Il est temps d'accueillir notre second invité
43:39pour le livre de la semaine.
43:50Bonjour Jean-Noël Janenet.
43:52Bonjour.
43:53Soyez le bienvenu sur le plateau de questions politiques.
43:55Vous êtes historien.
43:56Je rappelle que vous avez présidé
43:58Radio France et Radio France Internationale.
44:00Et je rappelle aussi que vous avez été ministre,
44:02secrétaire d'État plus précisément,
44:04sous François Mitterrand,
44:06au tout début des années 90.
44:08On vous a invité parce que vous venez de signer
44:10la préface du dernier livre de la collection
44:13« Tracte » des éditions Gallimard.
44:15Son titre, « Tenir la ligne, 40 dessins pour Charlie »
44:192015-2025.
44:21Parce que cela fera 10 ans,
44:23mardi, dans deux jours, le 7 janvier,
44:25que le journal satirique Charlie Hebdo,
44:27que ses journalistes, que ses dessinateurs
44:29ont été massacrés par des terroristes islamistes.
44:3210 ans déjà.
44:33Et donc une question, 10 ans après,
44:35sommes-nous toujours Charlie ?
44:37Serions-nous encore prêts à descendre dans la rue
44:40comme on l'a fait ce 11 janvier 2015
44:42pour défendre la satire,
44:44pour défendre la liberté d'expression ?
44:46C'est tout l'objet donc de ce livre.
44:48Vous y découvrirez 40 dessins signés
44:51de 40 dessinateurs du monde entier.
44:53Ça vient de Cuba, ça vient du Mexique,
44:55ça vient d'Algérie, de la France aussi bien sûr.
44:58Tous appartiennent au réseau international
45:00Cartooning for Peace.
45:02Dessinons pour la paix.
45:04Jean-Daniel Janonais,
45:0510 ans après l'attaque de Charlie Hebdo,
45:07elle se porte comment,
45:09notre liberté d'expression aujourd'hui en France ?
45:11Je pense que le chagrin et la détermination
45:14ne doivent pas être différents
45:17par rapport à il y a 10 ans,
45:19car les menaces sont effectivement les mêmes.
45:21Et si j'ai accepté de préfacer cette œuvre,
45:23je n'y suis pour rien,
45:24mais c'est pour apporter une contribution
45:26même menue à cette douleur
45:28qui demeure intacte,
45:30et à cette conviction,
45:31c'est-à-dire qu'on est là au centre
45:33d'un défi de toute démocratie,
45:35c'est-à-dire la liberté d'expression
45:37et aussi le blasphème.
45:39Et aussi le blasphème,
45:41donc je devais effectivement répondre
45:43à cette demande.
45:45Mais elle est abîmée cette liberté d'expression aujourd'hui ?
45:47Elle est abîmée ou il faut la protéger ?
45:49C'est pire qu'avant.
45:51Je ne pense pas que ce soit pire,
45:53on ne peut pas imaginer pire,
45:55et je pense qu'effectivement,
45:57le péril n'a pas diminué.
45:59Et c'est pour ça d'ailleurs que je suis tellement heureux
46:01de saluer Cartooning for Peace.
46:03Vous savez que c'est une association
46:05qui a été fondée il y a une vingtaine d'années
46:07aux auspices de Kofi Annan,
46:09et qui a beaucoup développé son action.
46:11C'est une action de solidarité
46:13pour tous les dessinateurs,
46:15et c'est un effort pour combattre constamment
46:17cette capacité
46:19de parler juste
46:21et de blasphémer.
46:23Je précise beaucoup, c'est central.
46:25On va en parler du droit au blasphème,
46:27on va parler de cette loi de 1881,
46:29parce que finalement dans cette préface,
46:31ce que vous faites, c'est lui rendre hommage,
46:33c'est dire tout le bien que vous pensez
46:35de cette loi du 29 juillet 1881
46:37qui défend notre liberté d'expression.
46:39On passe son temps finalement
46:41à être protégé par elle, et on ne s'en rend même pas compte.
46:43Oui, vous savez que j'ai quelques inclinations
46:45pour la Troisième République.
46:47Vous avez écrit un livre magique dessus.
46:49Et ce XIXe siècle
46:51peut encore beaucoup nous inspirer.
46:53Car la lutte pour la liberté
46:55de la presse, la liberté d'expression
46:57a vu au centre la défense
46:59et l'illustration de la capacité des caricaturistes
47:01à parler haut et fort
47:03et à bousculer les pouvoirs en place
47:05et à affirmer des valeurs durables.
47:07Déjà sous Louis-Philippe,
47:09on avait publié un journal qui s'appelait
47:11La Caricature, avec Philippon et le magnifique
47:13Domier. On avait représenté
47:15Louis-Philippe en poire.
47:17Ça a été insupportable.
47:19Mais la gauche est arrivée au pouvoir
47:21à la fin des années 1870
47:23en bousculant un gouvernement
47:25qui avait donné instruction aux procureurs
47:27de poursuivre tous ceux qui se permettraient
47:29de critiquer la religion. Lorsqu'ils sont arrivés,
47:31ils ont en effet fait cette loi magnifique.
47:33Elle est magnifique à cause des finalités
47:35qu'elle a visées, des buts qu'elle a atteints,
47:37mais aussi à cause de la forme
47:39de cette éloquence magnifique.
47:41Et c'est très important qu'une cause majeure
47:43soit portée par une belle éloquence.
47:45Et on trouve effectivement exactement là
47:47un débat sur la nécessité,
47:49sur le blasphème, le droit
47:51de combattre toute religion
47:53et le devoir absolu de défendre
47:55tous les individus qui seraient attaqués
47:57à cause de la protection de cette diffusion,
47:59de cette religion. On a
48:01un débat entre Clémenceau en particulier
48:03et l'évêque d'Angers
48:05représentant le Finistère
48:07qui est splendide. Et quoi,
48:09dit Clémenceau, vous voulez
48:11nous empêcher de parler ?
48:13Vous voulez nous obliger à défendre Dieu ?
48:15Dieu est assez grand pour se défendre
48:17tout seul. Il n'a pas besoin de la Chambre des députés.
48:19Et l'évêque répliquait, mais si,
48:21Dieu n'a pas besoin effectivement de nous
48:23pour le défendre, mais l'homme doit défendre la religion.
48:25On est là au cœur de quelque chose de central.
48:27C'est absolument vital
48:29et nous devons nous le rappeler constamment.
48:31Donc merci à la loi de 1981 et merci à tous
48:33ceux qui en ont perpétué ensuite
48:35la finalité et la philosophie.
48:37Je vais donner la liberté de s'exprimer à Nathalie
48:39qui bondit sur son fauteuil.
48:41Vous êtes un homme de gauche et
48:43on a vu, entre la période de Charlie, il y a 10 ans
48:45et aujourd'hui, un certain nombre de
48:47coupures entre
48:49une certaine gauche qui est celle de Bernard Cazeneuve,
48:51de François Hollande peut-être,
48:53de Laurent Bouvet, et
48:55une autre gauche, qui est la gauche un peu
48:57héléphique, qui a pris des distances en
48:59considérant qu'effectivement on ne devait
49:01pas rire du tout, qu'il fallait faire attention.
49:03Est-ce que ça vous désole ou est-ce que vous trouvez ça normal
49:05qu'il y ait cette espèce de fracture ? Ou alors peut-être
49:07ne la constatez-vous pas ?
49:09Ce n'est pas normal. Cela ne me
49:11désole pas, cela ne m'étonne pas,
49:13mais cela me chagrine beaucoup. J'appartiens en effet
49:15à une gauche universaliste,
49:17une gauche républicaine, et je crois que c'est
49:19une dérive grave que celle qui conduit
49:21à certains de nos compatriotes, situés
49:23à gauche ou à l'extrême gauche,
49:25à affirmer qu'on n'a pas le droit de s'en prendre à une religion
49:27si on a le droit, si on a
49:29le droit de le faire, et c'est central par
49:31rapport à la démocratie, tout en protégeant
49:33toutes les formes de
49:35l'expression de la religion, bien sûr, qui nous a
49:37enrichis depuis toujours. C'est ça, la laïcité,
49:39elle est précieuse comme la prunelle de
49:41nos yeux. – Vous avez envie de réagir
49:43Astrid Panossian-Bouvet, je le vois également.
49:45J'ai dit que vous étiez une femme de gauche,
49:47je vous ai présenté comme ça tout à l'heure,
49:49a été lancé le nom de Laurent Bouvet,
49:51qui a été votre
49:53mari, qui a été
49:55le fondateur du printemps
49:57républicain. Vous ne la
49:59comprenez pas, effectivement, cette gauche
50:01mélenchoniste,
50:03insoumise, citons-la en fait ?
50:05– Non, parce que ça fait partie
50:07des combats historiques de la
50:09gauche, la laïcité,
50:11la vocation universaliste,
50:13voilà.
50:15D'abord, moi, je suis très émue de partager
50:17le plateau avec Jean-Noël Jeanneney, parce que, comme je lui ai
50:19dit, j'écoute religieusement son émission
50:21sur France Culture, le samedi
50:23matin. – Parodieusement.
50:25– Justement, je voulais s'inquiéter.
50:27L'ironie, et attentivement,
50:29mais aussi
50:31de ce que nous a rappelé
50:33Charlie, c'est que ce qu'on croit immuable
50:35est fragile, quoi, et que
50:37le bonheur ne fait de bruit que quand il tombe.
50:39– Donc vous êtes en train de dire qu'on n'est plus complètement Charlie,
50:41c'est ça ? – Et qu'il faut faire
50:43effectivement attention, et notamment
50:45à la jeune génération. Il y a un
50:47sondage de la Fondation Jean Jaurès qui va sortir
50:49après-demain,
50:51et il y a
50:53une progression de la population
50:55qui dit, oui, Charlie a
50:57bien fait de publier
50:59ses caricatures, alors que ce n'était
51:01pas le cas il y a
51:0315 ans. Mais ce qui
51:05m'étonne, c'est qu'il y a quand même un tiers,
51:07près d'un tiers, ou 30% des jeunes,
51:09entre 18 et 24 ans, qui disent que
51:11Charlie n'aurait pas dû publier ses caricatures.
51:13Donc il y a la nécessité, aujourd'hui,
51:15de vraiment travailler auprès
51:17de la jeunesse de notre pays. – Non, mais il y a une partie
51:19de cette jeunesse, en fait, qui, depuis longtemps,
51:21est assise dans les cours
51:23aux côtés de jeunes
51:25musulmans, ou en tout cas d'origine musulmane,
51:27et en fait, ils ont envie aussi
51:29de les respecter, de les protéger. Qu'est-ce qu'on leur
51:31répond aux jeunes qui pensent ça ?
51:33– Ce qu'il faut dire, c'est que la laïcité
51:35protège tout le monde, ceux qui croient comme ceux
51:37qui ne croient pas, et que la liberté
51:39de blasphémer,
51:41c'est vraiment quelque chose qui
51:43fait partie de la tradition française
51:45et de nos modes de vie, et qu'à partir du
51:47moment où on commence à mettre des limites,
51:49ce sont des choses qui sont dangereuses
51:51pour les droits fondamentaux. D'où,
51:53je pense, absolument essentiel,
51:55au-delà des commémorations, de faire, par exemple,
51:57ce qu'a fait Valérie Pécresse
51:59en Ile-de-France. Elle lance,
52:01à partir de début janvier,
52:03une initiative dans tous les
52:05lycées franciliens
52:07d'initiation
52:09et de pédagogie de ces
52:11lycéens qui avaient entre 8 et 12 ans
52:13à l'époque,
52:15des caricatures, en commençant
52:17celle de Daumier du XIXe siècle
52:19jusqu'à Charlie,
52:21pour montrer que ça fait partie de la culture
52:23politique française, de l'irrévérence
52:25et de l'humour français,
52:27et que c'est aussi une manière de parler
52:29politique en France. – Est-ce qu'on touche une limite
52:31quand même de la loi de 1880 ?
52:33Là, Jean-Noël Janonnet,
52:35avec effectivement cette jeunesse
52:37qui ne comprend pas ce droit
52:39au blasphème. – Mais bien sûr, c'est un combat
52:41constant qui le demeurera toujours,
52:43mais c'est un devoir central pour l'ensemble
52:45de ceux qui enseignent les jeunes que de leur expliquer
52:47cela. Ce n'est pas évident, de fait,
52:49le respect pour la religion. C'est pas évident
52:51le blasphème, il faut l'expliquer. Je suis allé
52:53souvent dans des collèges pour le dire,
52:55j'ai été très frappé du fait que
52:57j'arrivais à toucher les esprits et les cœurs,
52:59à expliquer, mais ce n'est pas simple.
53:01C'est désormais un devoir primordial pour tous ceux
53:03qui ont accès à un micro, une chaire,
53:05ou simplement qui sont présents dans une salle de classe.
53:07C'est fondamental et on y arrivera.
53:09On peut se reporter, vous parlez
53:11des deux gauches, je ne crois pas qu'elles soient
53:13irréconciliables, mais c'est une autre affaire.
53:15Mais pour parler de l'auteur de cette formule,
53:17je crois que les propos
53:19de Manuel Valls
53:21et de Bernard Cazeneuve
53:23à ce moment-là, peuvent être repris
53:25tels quels et gardent toute leur force.
53:27Revenez à ses discours,
53:29vous le verrez, c'est rudement dur,
53:31il faut le faire, il faut l'expliquer.
53:33C'est un très beau combat.
53:35Une question très courte,
53:37Françoise.
53:39Ce qui m'inquiète un peu,
53:41c'est que la laïcité dite à la française
53:43est de moins en moins
53:45comprise
53:47à l'étranger.
53:49Est-ce que ça aussi c'est un combat
53:51à la France, mais c'est un combat international.
53:53Tout à fait, à Bruxelles
53:55comme à l'ONU.
53:57Elle ne l'a jamais été dans le monde anglo-saxon, c'est une autre philosophie,
53:59ça n'est pas la nôtre, nous préférons la nôtre
54:01et nous la croyons essentielle.
54:03Alors battons-nous, battons-nous sans cesse.
54:05Ce petit livre que vous célébrez
54:07aujourd'hui est une étape importante
54:09et je crois qu'il faut par conséquent
54:11le diffuser.
54:13Je vous remercie d'être venu en parler,
54:15Jean-Noël Janonnet.
54:17Je recommande vivement la lecture
54:19de ce petit livre de la collection Tract
54:21des éditions Gallimard. Je rappelle son titre
54:23« Tenir la ligne, 40 dessins pour Charlie ».
54:25Merci à vous, Astrid Panossian-Bouvet.
54:27Merci pour l'invitation.
54:29Et merci à toute l'équipe de Questions Politiques, Fabienne Lemoyle à la rédaction en chef,
54:31à Maury Bochet pour la programmation.
54:33On reprend les bonnes habitudes
54:35en ce début d'année 2025. Je vous dis donc
54:37bonne fin de week-end et à la semaine prochaine.

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